La belle au bois dormant

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La belle au bois dormant
Sa beauté était légendaire. Elle vécut à la cour du plus grand roi et y fut courtisée. Un
jour, on ne l'entendit plus et on la crut morte. Mais ce n'était qu'une léthargie.
D'ailleurs les docteurs se refusèrent à diagnostiquer un coma et la traitèrent avec
déférence. Nombre d'entre eux, bien longtemps, se sont pressés à son chevet et l'ont
choyée. Mais entendait-elle seulement tout ce que l'on chuchotait en son nom ? Sans
doute a-t-elle souri dans son sommeil, sachant qu'elle en sortirait grandie. Et un jour
arriva un prince et son amour et sa détermination ont eu raison de tous les obstacles.
On ne sait pas grand-chose de la langue ancienne que parlaient les Hébreux entrés au
pays de Canaan (au 13ème siècle avant l'ère chrétienne). Nous connaissons beaucoup
mieux la langue des prêtres, des prophètes et des fonctionnaires royaux du roi David.
C'est l'hébreu dans lequel est écrit la presque totalité de la Bible.
A la destruction du premier Temple (en 586 avant l'ère chrétienne), les élites furent
exilées en Babylonie. Les villageois, restés dans le pays, continuèrent de parler des
dialectes à partir desquels se développa la langue de nos Sages (‫ (לשון חכמים‬que l'on
parlait à l'époque du Second Temple et jusque vers l'an 200 de notre ère. Les
meguilot trouvées dans le désert de Judée sont de cette époque, mais elles sont écrites
dans un hébreu qui se voulait châtié (donc biblique) qu'on ne parlait plus. La Michna,
par contre, basée sur les notes prises par les étudiants à leur cours, est écrite dans la
langue parlée de l'époque. Cette langue fut influencée par l'araméen – langue officielle
des royaumes de Babylonie et de Perse. L'hébreu acquit par ce biais les mots darga (
‫ דרגה‬grade), ouvda (‫ עובדה‬fait), zaban (‫ זבן‬vendeur), machkanta (‫ משכנתא‬hypothèque),
harpatka (‫ הרפתקה‬aventure) que nous employons couramment aujourd'hui et même le
verbe qui définit mon métier : letarguem (‫ לתרגם‬traduire). A l'époque hellénistique,
toujours par la langue de Sages, l'hébreu s'enrichit aussi de mots grecs comme
ambatia (baignoire ‫(אמבטיה‬, basis (base ‫(בסיס‬, zoug (couple ou paire ‫(זוג‬, partsouf
(figure ‫ (פרצוף‬ou tik (sac ‫ (תיק‬qui apparaissent dans nos conversations les plus banales.
Après la révolte de Bar Kohba, la majorité des Juifs ne vivaient plus en Terre d'Israël
et l'hébreu fut de moins en moins parlé. Jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle, il cessa
d'être une langue nationale parlée. Il resta cependant la langue écrite des Juifs et outre
la littérature rabbinique, il produisit des œuvres poétiques comme le piyout - chants
liturgiques ajoutées aux prières - qui se développa notamment en Terre d'Israël au
troisième siècle.
Au Moyen-âge, Rabbi Yehouda Halevi ou Shlomo Ibn-Gbirol recommencèrent à
écrire de la poésie en hébreu. Par ailleurs, suite au désir du monde chrétien de profiter
des fruits de la science ou de la philosophie développés dans le monde musulman, se
développa une gigantesque œuvre de traduction qui passa souvent par l'hébreu. Les
traducteurs avaient besoin de mots nouveaux et l'hébreu s'enrichit ainsi de termes
"scientifiques" comme mercaz (centre ‫) מרכז‬, chétah (surface ‫(שטח‬, camout (quantité
‫)כמות‬, eyhout (qualité ‫(איכות‬, éfèss (zéro ‫(אפס‬, higayon (logique ‫(הגיון‬, metsiout (réalité
‫ (מציאות‬etc.
Mais notre belle continuait à dormir…
Fabienne Bergmann
Traductrice
français-hébreu-anglais
www.traduc71.com
052-46 66 210
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