CURRICULUM Forum Med Suisse No22 28 mai 2003 517
Introduction
Par bronchoscopie interventionnelle, on entend
l’exécution d’interventions thérapeutiques dans
la trachée et les bronches en utilisant des
techniques bronchoscopiques mini-invasives. Il
s’agit d’un domaine spécialisé de la pneumolo-
gie qui a bénéficié d’un grand développement
au cours de ces dernières années. Les interven-
tions ne sont pratiquées ambulatoirement que
dans les cas favorables et en général elles
nécessitent une hospitalisation de courte durée.
Nous exposons ci-après les techniques à dispo-
sition, les indications et les aspects cliniques
pratiques de la bronchoscopie intervention-
nelle.
Modalités de traitement
En bronchoscopie interventionnelle, on utilise
diverses techniques brièvement décrites ci-des-
sous (tableau 1). Le procédé utilisé dans un cas
précis dépend de la lésion et dans le cas d’une
sténose maligne de la forme anatomique de
l’obstruction (figure 1).
Bronchoscopie flexible ou rigide
Les interventions thérapeutiques de courte
durée peuvent être exécutées avec un broncho-
scope flexible en anesthésie locale, mais la
bronchoscopie rigide sous anesthésie générale
(narcose) présente de nets avantages tels que
la sécurisation des voies respiratoires et le
meilleur contrôle d’éventuelles hémorragies
importantes. Le canal de travail plus large
permet de plus l’utilisation d’instruments sup-
plémentaires spéciaux. La vision du champ
opératoire est assurée par une optique rigide
avec éclairage intégré, reliée à un système
vidéo.
Dilatation
Pour élargir une sténose, on peut utiliser aussi
bien le bronchoscope rigide qu’un cathéter à
ballonnet. Les indications comprennent les
compressions tumorales externes et les sté-
noses inflammatoires ou cicatricielles. La dila-
tation au cathéter à ballonnet peut être sur-
veillée par radioscopie et remplissage du bal-
lonnet par un produit de contraste, ou directe-
ment endoscopiquement. Dans la trachée, on
utilise le bronchoscope rigide dans la plupart
des cas, distalement en cas de contour bron-
chique incurvé ou pour des passages étroits, on
préfère la dilatation au cathéter qui permet au
mieux d’éviter les traumatismes.
Bronchoscopie interventionnelle
Albrecht Breitenbücher, Martin Brutsche
Zentrum für Interventionelle
Bronchoskopie
Medizinische Universitätskliniken
Bâle et Bruderholz
Correspondance:
Dr Albrecht Breitenbücher
Pneumologie
Medizinische Universitätsklinik
CH-4101 Bruderholz
Tableau 1. Techniques de la bronchoscopie interventionnelle.
Bronchoscopie rigide
Dilatation par ballonnet
Laser
Electrocoagulation et plasmacoagulation à l’argon
Implantation de stent
Brachythérapie endobronchique
Cryothérapie
Thérapie photodynamique
Figure 1.
Formes d’obstructions
anatomiques possibles et
techniques à choisir.
Tumeur
endoluminale
Laser, électro-
coagulation
Laser,
dilatation, stent
Dilatation,
stent
Infiltration
sous-muqueuse
Compression
de l’extérieur
CURRICULUM Forum Med Suisse No22 28 mai 2003 518
Traitement au laser
Les rayons laser sont principalement utilisés
pour la coagulation de tissu tumoral endobron-
chique. L’énergie lumineuse du faisceau très
concentré se transforme en énergie thermique
dans le tissu. Le tissu nécrosé et ratatiné peut
être évacué ensuite sans danger avec le bron-
choscope rigide ou à la pince. Les avantages
pratiques du traitement au laser sont l’effet
immédiat, la relative grande profondeur de
l’action (environ 5 mm) et l’application sans
contact instrumental, ce qui est important pour
les lésions tumorales qui souvent saignent
facilement. Les complications de l’ablation
tumorale assistée par laser sont relativement
rares entre les mains d’un personnel expéri-
menté. En effet, sur 5049 bronchoscopies
thérapeutiques pour sténose maligne, on n’a
enregistré que 2% de complications peropéra-
toires, dont 0,3% furent létales [1].
Electrocoagulation et plasmacoagulation
à l’argon
La coagulation de tissu tumoral peut aussi se
faire par électrocoagulation ou plasmacoagula-
tion à l’argon. Pour cette dernière, on applique
le courant à haute fréquence non par contact
instrumental direct, mais à travers un support
constitué par un faisceau de gaz argon ionisé.
En comparaison au laser, la profondeur d’ac-
tion est cependant plus faible (2–3 mm), de
sorte que cette technique se prête essentielle-
ment à l’hémostase et n’est utilisée que pour les
petites bronches; elle est moins bonne pour
l’ablation de masses tumorales plus impor-
tantes.
Stent
Les indications à la pose d’un stent sont la sta-
bilisation d’une compression des voies respira-
toires par une tumeur, éventuellement aussi
la stabilisation des sténoses cicatricielles ou
chondromalaciques, ainsi que la couverture
de fistules. L’usage de stent tubulaire de silicone
selon Dumon est le plus répandu, car il est peu
coûteux et peut être retiré quand on veut [2].
Entre-temps, divers stent métalliques [3, 4]
avec ou sans strate plastifiée et de nouveau
stents de plastique [5] sont apparus sur le
marché; grâce à leur architecture en forme de
grillage ou construction en mailles de filet, ils
s’adaptent mieux aux contraintes anatomiques.
En général, la tolérance est étonnamment
bonne, bien qu’une légère rétention de sécré-
tions ne soit pas toujours évitable. Les compli-
cations sont l’encombrement du stent par des
sécrétions, la formation de tissu de granulation
ou la croissance de tissu tumoral aux extré-
mités, et rarement aussi la migration ou la rup-
ture de la structure grillagée du stent [6]. Pour
éviter l’obstruction par des sécrétions, les in-
halations par nébuliseur électrique à intervalles
réguliers sont indispensables.
Brachythérapie endobronchique
Par brachythérapie endobronchique, on en-
tend une irradiation endoluminale sur de très
courtes distances de quelques millimètres. On
fait passer une petite source de rayonnement –
aujourd’hui le plus souvent de l’iridium 192
extrait à distance d’un conteneur de protection
– à travers un fin cathéter mis en place et amené
sur la lésion par bronchoscopie. Les sources de
rayonnement utilisées aujourd’hui permettent
un traitement de courte durée et donc ambula-
toire. Les désavantages de cette méthode sont:
la nécessaire fragmentation du traitement en
3 séances avec des intervalles d’une semaine
entre chaque séance pour des raisons de radio-
biologie (3 5 Gy sur une distance de 1 cm),
le délai d’action tardif (au plus tôt après 1–2
semaines) et les complications tardives telles
qu’hémorragies ou formation de fistules.
Indications de la bronchoscopie
interventionnelle
L’indication la plus fréquente est une sténose
maligne des voies respiratoires centrales, le
plus souvent consécutive à un carcinome bron-
chique. Dans les pays industrialisés, ce cancer
est, par ordre de fréquence, la deuxième
tumeur maligne dans les deux sexes et seuls
une minorité des malades peuvent être guéris
par un traitement chirurgical ou multimodal.
Chez environ 30% des patients, on trouve déjà
lors de l’établissement du diagnostic une sté-
nose des voies respiratoires centrales et envi-
Tableau 2. Indications et contre-indications de la bronchoscopie
interventionnelle.
Indications
Affections malignes
sténoses malignes
fistules œso-trachéo-bronchiques
hémostase locale
précancéroses
carcinomes invasifs a minima
Lésions bénignes
sténoses cicatricielles
trachéo-bronchomalacie
tumeurs endoluminales bénignes
ablation de corps étranger
Contre-indications
Pronostic de mauvaise qualité de vie même après suppression de la sténose,
espérance de vie <1 mois.
CURRICULUM Forum Med Suisse No22 28 mai 2003 519
ron autant de patients décèdent ultérieurement
des suites de telles sténoses. Les patients souf-
frent fréquemment de troubles lancinants
consécutifs à l’asphyxie, à une pneumonie post-
sténotique et d’hémoptysie, de sorte que la sup-
pression des sténoses des voies respiratoires
constitue une contribution essentielle à l’amé-
lioration de la qualité de vie. Les sténoses bron-
chiques consécutives à des métastases d’autres
tumeurs primaires à croissance lente, telles
que par exemple le carcinome du côlon, l’hyper-
néphrome ou le cancer mammaire, constituent
également une bonne indication. Les sténoses
inflammatoires ou cicatricielles ainsi que les
tumeurs endobronchiques bénignes peuvent
aussi être traitées par des techniques broncho-
scopiques. Chez les patients présentant un
risque opératoire limité, il faudrait néanmoins
considérer un traitement chirurgical classique,
lequel peut constituer un traitement définitif. Le
recouvrement de fistules œso-trachéobron-
chiques et la stabilisation de segments de voies
respiratoires chondromalaciques, par exemple
après traitement au laser ou en cas de (rare)
polychondrite, constituent d’autres indications.
Finalement, on utilise de plus en plus les tech-
niques interventionnelles pour le traitement
d’altérations non encore malignes ou malignes
mais invasives a minima (tableau 2).
Quand faut-il penser à
une sténose des voies
respiratoires centrales?
Quels examens sont utiles?
Fréquemment, les sténoses des voies respira-
toires centrales ne causent au début que de dis-
crets troubles, raison pour laquelle elles ne sont
souvent diagnostiquées qu’à un stade avancé.
L’anamnèse révèle une dyspnée d’effort nouvel-
lement apparue ou aggravée, une toux irritative
agaçante et persistante, ou des infections bron-
cho-pulmonaires à répétition. A l’examen phy-
sique, les signes suspects sont un stridor, des
ronchis localisés constatés de manière répétée
ou un murmure vésiculaire diminué unilatéra-
lement. La radiographie du thorax peut être
utile pour mettre en évidence les conséquences
d’une sténose des voies respiratoires, par
exemple une atélectasie ou une pneumonie
post-sténotique, mais elle peut aussi occasion-
nellement se révéler sans particularité. La
spirométrie peut montrer des courbes de flux
inspiratoire et/ou expiratoire typiquement
aplaties, telles qu’on les rencontre régulière-
ment dans les sténoses trachéales serrées
(figure 2). En cas de sténose trachéale modérée
ou de sténose unilatérale d’une bronche
souche, la sensibilité de la spirométrie est ce-
pendant nettement inférieure, de sorte qu’en
cas de suspicion de sténose, une bronchoscopie
diagnostique est pratiquement incontournable.
Figure 2.
1er cas: diagnostic d’une sténose
trachéale proximale par courbe
débit-volume. Cet ex-fumeur de
55 ans souffrait d’une dyspnée
progressive d’étiologie indéter-
minée. La courbe débit-volume
a donné un aplatissement des
courbes inspiratoires et expira-
toires (A), compatible avec
une sténose trachéale proximale
marquée. A la bronchoscopie,
3 cm en dessous des cordes
vocales, il y avait une tumeur
endoluminale d’une longueur de
4 cm. L’histologie a révélé un car-
cinome adénoïde kystique (B),
inopérable en raison de l’infiltra-
tion du cricoïde et de l’œsophage.
C et D montrent la courbe
débit-volume (normalisation
incomplète en raison de la BPCO
sous-jacente) et le résultat de
la bronchoscopie après résection
assistée au laser. Il y a eu une
radiothérapie post-intervention-
nelle par 72 Gy. Aucune récidive
à 2 ans.
A
CD
B
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Sténoses trachéales/bilat.
des grosses bronches 80%
Bronchoscopie
interventionelle
Sténoses centrales malignes des voies respiratoires
Oui
Radio-/
chimiothérapie
Opération
à ciel ouvert
Sténose 50%
ou symptômes
Opérable?
Oui
Oui
Non
Non
Non
En urgence
Elective
Figure 3.
Algorithme du management
des sténoses centrales malignes
des voies respiratoires (modifié
d’après Bolliger CT, 1999).
Figure 4.
2ecas: bronchoscopie interventionnelle avec implan-
tation d’un stent en guise de «pontage» jusqu’au
traitement définitif d’une mal. de Hodgkin. Ce patient
de 45 ans nous a été adressé en raison d’une dyspnée
progressive et d’une augmentation massive du
volume des ganglions médiastinaux. La médiastino-
scopie a révélé une mal. de Hodgkin de stade II.
Pendant les préparatifs du traitement encore, il a
présenté une atélectasie totale à gauche (A). Ce
patient a dû être intubé et ventilé. La bronchoscopie
a montré une obstruction de la bronche souche
gauche et une sténose serrée de la bronche souche
droite sur compression et envahissement par un
tissu lymphomateux des ganglions sous-carinaires
(B). Après résection endoscopique du tissu tumoral
endoluminal, dilatation et pose d’un stent en Y, ce
patient a pu être sevré de sa ventilation mécanique
(C, D). Sous chimiothérapie, il a bénéficié d’une
rémission complète et le stent en Y a pu finalement
être retiré après 3 mois. Aucun argument en faveur
d’une récidive à 2 ans.
Management des sténoses
malignes
Etant donné que les sténoses malignes sont
l’indication la plus fréquente pour une broncho-
scopie interventionnelle, on présente briève-
ment ci-après la procédure selon la localisation
et la sévérité (figure 3). En cas de sténose tra-
chéale très serrée (degré de sténose >80%) ou
d’infiltration de la carène avec sténose serrée
des bronches souches, une bronchoscopie in-
terventionnelle d’urgence est indiquée. En cas
de sténose serrée de la trachée, des bronches
souches et de la bronche intermédiaire (degré
de sténose de >50 à <80%), l’indication est
également clairement donnée en raison de la
dyspnée et de la menace de pneumonie, mais
l’intervention peut être programmée de ma-
nière élective. Par contre, pour un degré de sté-
nose <50%, on peut se permettre d’attendre les
résultats d’une radiothérapie ou d’une chimio-
thérapie, sous réserve de contrôles cliniques et
éventuellement bronchoscopiques très serrés.
On n’intervient que rarement sur les bronches
A
CD
B
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lobaires, car les résultats sont ici moins favo-
rables. Dans des cas isolés, l’intervention peut
se justifier en cas de pneumonie post-sténo-
tique récidivante ou de dyspnée avec restriction
préexistante des réserves respiratoires.
Traitement «multimodal»
des sténoses malignes des voies
respiratoires
Le traitement des sténoses malignes ou bé-
nignes requiert une collaboration étroite entre
le pneumologue, le chirurgien thoracique, le
radiothérapeute et l’oncologue. Après la ré-
Figure 5.
3ecas: collaboration interdisciplinaire étroite pour
une sténose trachéale maligne étendue. Ce fumeur
de 69 ans nous a été adressé en raison d’une toux
irritative et d’une dyspnée progressive. Les examens
ont révélé un carcinome épidermoïde sténosant de
stade élevé de la trachée moyenne, avec une exten-
sion de plus de 7 cm. Une résection primaire n’est
pas entrée en ligne de compte en raison de cette
extension, pas plus qu’une radiothérapie à cause
d’un éventuel œdème encore plus sténosant. Après
une résection tumorale assistée au laser et une radio-/
chimiothérapie néoadjuvante sans complications, ce
patient a subi une résection hémitrachéale sur 8 cm
avec plastie par lambeaux musculaires et copeaux
costaux (Pr H. B. Ris, Lausanne). 18 mois après le
diagnostic initial, une récidive locale comprimant
de l’extérieur a été mise en évidence (A). Après dila-
tation progressive par cathéter à ballonnet et bron-
choscope rigide (B), mise en place d’un stent enduit
de nitinol (C, D) après quoi les problèmes du patient
se sont nettement améliorés. Ce patient a survécu
8 mois encore avec une qualité de vie globalement
bonne.
Figure 6.
Cas 4 et 5: bronchoscopie interventionnelle comme
traitement curatif de néoplasies bénignes. Ce patient
de 66 ans avait déjà subi il y a dix ans la résection
d’un hamartome de la trachée distale par laser. Après
une longue période sans problèmes, il présente de
nouveau une toux irritative et une dyspnée d’effort.
La bronchoscopie a montré une récidive à prédo-
minance endoluminale avec une sténose trachéale
de 50% (A). Après une nouvelle résection au laser,
la lumière a été intégralement reperméabilisée (B)
et le patient était toujours sans récidive au contrôle
à 2 ans.
Ce patient de 35 ans a été hospitalisé en raison d’une
pleuro-pneumonie avec empyème pleural à droite.
Une bronchoscopie a révélé une sténose serrée de
la bronche du lobe inférieur droit sur un chondrome
endobronchique (C). Le patient s’est rapidement
rétabli après nettoyage pleural par thoracoscopie et
résection bronchoscopique du chondrome par élec-
trocoagulation (D). Aucune récidive lors du contrôle
bronchoscopique à 2 ans.
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