ACTIVITÉ - Editions Didier

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ACTIVITÉ
1 Des innovations génétiques favorables
ou défavorables
Les mutations sont des innovations génétiques qui apparaissent de manière
aléatoire dans le génome des organismes. Elles peuvent avoir des conséquences
variées au niveau du phénotype moléculaire, mais aussi au niveau du
phénotype des organismes. Ces mutations sont à l’origine de l’apparition de
nouveaux allèles pouvant conférer un avantage sélectif à l’espèce.
Comment des mutations peuvent-elles être favorables ou défavorables à
la survie d’une espèce ?
Doc.1 Les différents phénotypes de la phalène du bouleau
La phalène du bouleau est un papillon nocturne qui
passe la journée immobile sur les troncs d’arbres et les
murs où elle peut être la proie d’oiseaux. En GrandeBretagne, les populations de cette espèce étaient,
jusqu’au milieu du XIXe siècle, constituées d’individus
de forme claire (typique). C’est à cette époque que fut
capturé dans la région fortement industrialisée de
Manchester un papillon totalement sombre (carbonaria) (a).
Une étude génétique a montré l’existence de plusieurs
allèles contrôlant ces phénotypes dont 2 principaux :
l’allèle sombre « c+ » dominant et l’allèle clair « c »
récessif. La fréquence de ces deux phénotypes au début
du XXe siècle est présentée dans le document b.
% de formes
claires
(typiques)
% de formes
sombres
(carbonaria)
régions
industrielles
5
95
régions
rurales
80
20
b. Répartition des phénotypes au début
du XXe siècle.
a. Mimétisme des formes claire (en haut)
et sombre (en bas) de phalènes dans deux
régions de Grande-Bretagne.
124
7. Relations entre innovations génétiques et évolution des espèces
VOCABULAIRE
Avantage sélectif : probabilité plus grande de répandre
un caractère dans la population quand celui-ci est à l’origine d’un phénotype mieux
adapté aux conditions du
milieu.
Doc.1 (suite) Les différents phénotypes de la phalène du bouleau
c. Deux phalènes dans un même milieu.
Pour expliquer cette évolution, l’expérience suivante de « lâcher-recapture » fut réalisée.
Des papillons des 2 phénotypes (c) sont marqués d’une tache de peinture, puis lâchés :
– soit dans la région de Birmingham (région industrielle et polluée dont les arbres sont recouverts de suie) ;
– soit dans le Dorset (région rurale dont les arbres sont surtout clairs).
Les nuits qui suivent le lâcher, les papillons survivants sont « recapturés » puis dénombrés. Le taux de « recapture » (d) est indicatif du nombre d’individus survivants et assimilé à un taux de survie.
milieu
phénotypes
forêt polluée
forêt non polluée
typique
carbonaria
typique
carbonaria
nombre d’individus libérés
201
601
496
473
nombre d’individus « recapturés »
34
205
62
30
16,9
34,1
12,5
6,3
% de « recapture »
d. Taux de « recapture » des 2 types de phalènes.
EXPLOITATION DES DOCUMENTS
1. Identifier les facteurs du milieu qui modifient la répartition des différents phénotypes de la phalène (Doc. 1).
2. Proposer une hypothèse qui explique comment l’action de ces facteurs sélectionne les innovations génétiques les
plus favorables (Doc. 1).
7. Relations entre innovations génétiques et évolution des espèces
125
ACTIVITÉ
1 (suite) Des innovations génétiques
favorables ou défavorables
La plupart des organismes diploïdes sont hétérozygotes pour de nombreux gènes.
Certains allèles défavorables conférant un désavantage sélectif peuvent se
maintenir dans la population avec une fréquence faible.
Comment des mutations peuvent-elles être favorables ou défavorables à la
survie d’une espèce ?
VOCABULAIRE
Lignée germinale :
ensemble des cellules à
l’origine des gamètes.
Doc.2 La fréquence de l’allèle HbS
La drépanocytose ou anémie à hématies falciformes est une
maladie génétique récessive liée à une anomalie de l’hémoglobine.
L’hémoglobine anormale HbS diffère de l’hémoglobine normale
HbA par le remplacement d’un seul acide aminé dans la chaîne bêta.
Cette anomalie est due à une mutation ponctuelle du gène codant
cette protéine. Les personnes homozygotes HbS/HbS souffrent
d’une anémie sévère, celles qui sont hétérozygotes HbA/HbS
fabriquent les deux types d’hémoglobine et ne souffrent que d’une
légère anémie surtout invalidante en altitude ou lors d’efforts
intenses.
Le paludisme ou malaria est une maladie due à un parasite uni-
cellulaire : le plasmodium qui réalise une partie de son cycle
dans le sang de l’Homme. Il se multiplie dans les globules rouges
et entraîne leur destruction. Bien que les mécanismes ne soient
pas clairement identifiés, le
plasmodium se développe
moins bien dans les globules
rouges possédant de l’hémoglobine HbS que dans ceux possédant de l’hémoglobine HbA.
D’autres maladies génétiques engendrent des anomalies du fonctionnement des
globules rouges.
Les thalassémies sont dues à
des mutations variées affectant les gènes de l’hémoglobine. Celle-ci, rendue instable,
précipite sur la membrane cellulaire des globules rouges,
entraînant leur destruction, ce
qui induit une anémie chronique plus ou moins sévère.
Le favisme est une maladie due
à la déficience d’un gène
codant pour une enzyme : la
glucose-6-phosphate déshydrogénase qui intervient
notamment dans le métabolisme des globules rouges.
a. Infection des hématies par le plasmodium.
%
15-20
10-15
5-10
5
1
Fréquences de l’allèle HbS.
Paludisme (distribution du plasmodium).
Thalassémie.
Déficience en glucose-6-phosphate déshydrogénase.
b. Différentes répartitions géographiques.
126
7. Relations entre innovations génétiques et évolution des espèces
Doc.3 La transmission des innovations génétiques
Chez les organismes à repro-
duction sexuée, les gamètes
sont les seules cellules qui
participent à la construction
de l’embryon, donc à la
génération suivante : elles
appartiennent à la lignée
germinale. Toutes les autres
cellules sont dites somatiques.
Si une mutation somatique
apparaît dans une seule cellule d’un organe en cours de
développement, elle donnera
naissance à une population de
cellules mutantes identiques
ou clone mais ne sera pas
transmise à la génération suivante et ne rentrera pas dans
un processus d’évolution.
En revanche, quand une mutation apparaît dans la lignée
germinale et que le gamète
mutant participe à la fécondation, alors la mutation sera
transmise à la génération suivante.
a. Une pomme à l’aspect modifié.
b. Un chat aux oreilles mutées.
cellules
somatiques
descendance
non modifiée
cellules
mutantes
Une mutation somatique est
apparue dans une cellule d’une
fleur d'un pommier Red delicious (a).
Une mutation d'un allèle
déterminant la forme des
oreilles est apparue dans la
lignée germinale d'un chat.
Son descendant présente un
phénotype modifié (b).
cellules
mutantes
cellules de
la lignée
germinale
la cellule
participe à
la fécondation
la cellule ne
participe pas à
la fécondation
descendance
modifiée
descendance
non modifiée
c. Mutations somatiques et germinales.
EXPLOITATION DES DOCUMENTS
3. Montrer comment l’allèle HbS, a priori défavorable à la survie de l’individu, peut cependant se maintenir dans
certaines populations en leur conférant un avantage sélectif (Doc. 2). Montrer que le même raisonnement s’applique
aux allèles à l’origine de la thalassémie et du favisme.
4. Montrer que seules certaines mutations peuvent avoir des conséquences évolutives (Doc. 3).
5. Répondre au problème posé : « Comment des mutations peuvent-elles êtres favorables ou défavorables à la survie
d’une espèce ? »
7. Relations entre innovations génétiques et évolution des espèces
127
ACTIVITÉ
2 D’autres innovations génétiques
VOCABULAIRE
Taux d'évolution d'une
molécule : nombre de substitutions d'acide aminé,
par site d'acide aminé
et par an.
sélectivement neutres
Vitesse d’évolution d’une
L’étude des familles de gènes a montré que de nombreux gènes homologues molécule : temps moyen
que se reproduise une
codent pour des protéines qui conservent, malgré quelques différences dans leur pour
modification d’un acide
séquence, une fonction identique. De telles molécules existent chez des êtres aminé pour une séquence
de 100 acides
vivants très différents, et ne semblent pas leur conférer d’avantage évolutif protéique
aminés.
particulier.
Pourquoi certaines mutations n’ont-elles pas d’impact sur l’évolution des espèces ?
Doc.1 Temps et évolution de l’hémoglobine
Un arbre phylogénétique montrant les parentés de sept
vertébrés a été construit à partir de la comparaison de la
séquence d’acides aminés d’une molécule homologue, la
chaîne alpha de l’hémoglobine.
PALÉOZOÏQUE
CAMBRIEN ORDOVICIEN
Les valeurs indiquent le nombre d’acides aminés différents entre deux
espèces : par exemple, 16 entre l’Homme et la souris ; 40 entre le cheval et le coq. Le gène codant pour cette protéine serait apparu, il y a
450 millions d’années.
MÉSOZOÏQUE
SILURIEN DÉVONIEN CARBONIFÈRE PERMIEN TRIAS JURASSIQUE
570
510
439 408
temps en millions d'années
362
290
245 208
CÉNOZOÏQUE homme
CRÉTACÉ
145
65
cheval
18
16
22
35
souris
62
40
coq
64
39
79
72
83
74
84
ancêtre commun
hypothétique
Comparaison de la chaîne alpha de l’hémoglobine chez 7 vertébrés.
128
7. Relations entre innovations génétiques et évolution des espèces
requin
85
77
68
salamandre
carpe
79
67
63
63
68
Doc.2 Des horloges moléculaires
Doc.3 Des mutations sélectivement neutres
Les graphes ont été obtenus en reportant le nombre de
«
200
160
120
mm
fibrin
opept
ides
modification d'un acide animé
pour 100 acides aminés
ma
date de
divergence
des couples
d'organismes
étudiés
ifèr
es
rep
ent
tile
re
rep s /
eux
tile ois
e
s
poi
a
/
u
ma x
ss
lam ons / mmi
pro rep fère
lins ies / tiles s
c
ect
es arpes
/v
er t
ébr
és
différences d’acides aminés dans une protéine donnée pour
plusieurs couples d’organismes en fonction du temps à partir duquel ces organismes ont divergé à partir d’un ancêtre
commun. La pente des droites correspond à une vitesse
d’évolution des molécules.
80
e
bin
o
l
g
mo
hé
c
rome
cytoch
40
200
400
600
800 1000
millions d'années depuis
la divergence des espèces
Vitesse d’évolution de quelques molécules.
ar contre, la théorie neutraliste est construite sur un fait bien connu
en génétique des populations selon lequel il n’est pas nécessaire
que les mutants possèdent un avantage sélectif pour que certains d’entre
eux diffusent dans cette population. Si les mutants sont sélectivement
identiques aux formes pré-existantes desquelles ils dérivent, leur devenir est le fruit du hasard et leur fréquence augmente ou décroît de façon
aléatoire au fil du temps.[...]
La théorie neutraliste ne prétend en aucune façon que les gènes impliqués ne possèdent pas de fonction,[...] mais ce que postule la théorie
neutraliste c’est que les formes mutantes de chaque gène prenant part
à l’évolution moléculaire sont presque sélectivement équivalentes, c’està-dire que chacune peut fonctionner aussi bien en termes de survie et
de reproduction de l’individu.[...] Si les variations neutres correspondent à des changements d’acides aminés dans la protéine, cela signifie
que ces modifications sont également acceptables pour le fonctionnement de la protéine dans l’organisme.[...].
Plusieurs propriétés distinguent l’évolution moléculaire de l’évolution
phénotypique.[...] Pour chaque protéine, le taux d’évolution, en termes
de substitutions d’acides aminés est approximativement constant par
année, par site et pour diverses lignées, tant que la fonction et la structure tertiaire de la protéine restent pour l’essentiel inaltérées.[...]
Les molécules ou les régions des molécules qui sont fonctionnellement
moins importantes évoluent (en termes de remplacement d’allèles) plus
vite que celles qui sont plus importantes. [...] La fonction des fibrinopeptides, qui sont les molécules qui évoluent le plus rapidement, est peu
connue une fois qu’ils sont séparés du fibrinogène dans le caillot du
sang. [...] Le segment intermédiaire (C) de la molécule de pro-insuline
constitue un autre exemple intéressant montrant que la région d’une molécule qui est fonctionnellement moins importante évolue plus rapidement qu’une zone qui l’est davantage.[...] »
P
Motoo Kimura, Théorie neutraliste de l’évolution
Nouvelle bibliothèque scientifique, Flammarion.
taux
d'évolution
Doc.4 Taux d’évolution au sein
d’une protéine
chaîne C 2,4 10- 9 · aa- 1 · an- 1
chaîne A
insuline
s
s 0,4 10- 9 · aa- 1 · an- 1
s chaîne B s
pro-insuline
Lors de la maturation de l’insuline (hormone hypoglycémiante), la chaîne C de la pro-insuline qui assure uniquement le repliement correct de la molécule est
éliminée. La molécule active d’insuline est alors constituée de deux chaînes A et B reliées par des liaisons chimiques. Les taux d’évolution des chaînes A, B, C ont
été évalués.
Taux d’évolution des chaînes de l’insuline.
EXPLOITATION DES DOCUMENTS
1. Montrer que l’on peut établir une relation entre le nombre de différences dans la séquence d’acides aminés et l’époque
à laquelle ces espèces ont divergé. En déduire une constatation sur l’évolution de cette protéine (Doc. 1).
2. Montrer que la vitesse d’évolution d’une molécule est globalement constante au cours des temps géologiques, mais
que cette vitesse est variable d’une molécule à une autre (s’appuyer sur des valeurs précises) (Doc. 2).
3. Relever les faits qui, selon Kimura, prouvent que la plupart des mutations sont sélectivement neutres (Doc. 3 et 4).
4. Répondre au problème posé : « Pourquoi certaines mutations n’ont-elles pas d’impact sur l’évolution des espèces ? »
7. Relations entre innovations génétiques et évolution des espèces
129
SYNTHÈSE
Relations entre innovations
génétiques et évolution
des espèces
LES MOTS À CONNAÎTRE
Les innovations génétiques (mutations, duplications…) sont des accidents rares et aléatoires.
Les mutations sont à l’origine du polymorphisme
génique, c’est-à-dire qu’elles sont à l’origine de
l’apparition de nouveaux allèles dans une population. Les mutations ont des conséquences
variables pour la survie des individus et donc des
espèces : elles peuvent être favorables, défavorables ou neutres.
I Des innovations génétiques
favorables ou défavorables
L’apparition d’un nouveau phénotype dans une population est un phénomène rare. On peut l’expliquer
comme étant la conséquence d’une mutation modifiant l’expression d’un gène et créant un nouvel
allèle, ou par une modification de la fréquence
d’un allèle rare qui existait déjà dans la population.
C’est, par exemple, le cas de l’apparition, au milieu
du XIXe siècle, de phalènes sombres parmi des populations uniquement claires. L’allèle « C » sombre
devait probablement exister dans la population, mais
avec une fréquence tellement faible que des papillons
sombres n’avaient été que rarement observés.
La fréquence de cet allèle va alors rapidement se
modifier dans les régions fortement industrialisées.
Les papillons de phénotype sombre sont plus mimétiques sur des troncs sombres que ceux de phénotype clair. Ils sont moins facilement repérés par les
prédateurs, leur taux de survie est plus élevé, ils ont
plus de chance de se reproduire et de transmettre
cette innovation génétique à leur descendance. Dans
ce cas, c’est le milieu, par l’intermédiaire des oiseaux
prédateurs, qui sélectionne le phénotype des
papillons les mieux adaptés et modifie la fréquence
134
7. Relations entre innovations génétiques et évolution des espèces
Avantage sélectif : probabilité plus grande de répandre un caractère
dans la population quand celui-ci est à l’origine d’un phénotype
mieux adapté aux conditions du milieu.
Lignée germinale : ensemble des cellules à l’origine des gamètes.
Gène de développement : gène qui contrôle la position, la chronologie et la durée de la mise en place des organes au cours du développement d’un individu.
Hétérochronie : modification de la durée ou de la vitesse d’un ou
plusieurs stades du développement d’une espèce.
Vitesse d’évolution d’une molécule : temps moyen pour que se
reproduise une modification d’un acide aminé pour une séquence
protéique de 100 acides aminés.
des allèles. On parle de sélection naturelle par prédation.
Les mutations qui affectent les gènes exprimés dans
les globules rouges (hémoglobine, enzyme glucose6-phosphate déshydrogénase…) sont à l’origine de
maladies génétiques invalidantes (drépanocytose,
thalassémies, favisme…). Elles sont donc défavorables pour la survie de l’espèce. Cependant, la fréquence de ces allèles est plus élevée dans les régions
où sévit le paludisme. Les anomalies des protéines
exprimées dans les globules rouges conférent aux
individus qui en sont porteurs une meilleure résistance au plasmodium (parasite des globules rouges).
Ainsi, un allèle défavorable dans certaines conditions peut devenir favorable si les conditions du
milieu changent. D’ailleurs, cette fréquence décroît
rapidement si ces populations sont déplacées dans
un pays où le paludisme est inconnu : c’est le cas des
américains d’origine africaine.
Le milieu exerce donc un « tri » des innovations
génétiques favorables à la survie de l’espèce.
Les mutations peuvent affecter toutes les cellules
de l’organisme, elles n’ont cependant pas les mêmes
conséquences évolutives. Celles qui affectent les
cellules somatiques auront des conséquences limi-
tées au seul individu atteint. C’est par exemple le cas
des cellules somatiques conservant un pouvoir de
division (cellules-souches de la peau, cellulessouches du sang) et dont les mutations peuvent
déclencher l’apparition de cancers (mélanomes, leucémies). Celles qui affectent les cellules germinales
ont par contre des conséquences évolutives. Elles
peuvent être transmises aux descendants si le gamète
porteur de la mutation participe à la fécondation.
C’est, par exemple, le cas des maladies génétiques
apparues chez un ou plusieurs individus et transmises de génération en génération.
II D’autres innovations
génétiques sélectivement
neutres
Les familles de gènes (encore appelées familles
multigéniques) sont constituées de gènes homologues issus de duplications successivement d’un
gène ancestral (c’est le cas des gènes codant pour les
différentes chaînes de l’hémoglobine). Les différentes copies de ce gène ont ensuite évolué séparément par l’accumulation de mutations. Ces différents
gènes ont été conservés au cours de l’évolution bien
qu’ils n’apportent aucun avantage sélectif aux individus qui en sont porteurs. En effet, ils codent pour
des protéines qui conservent, malgré quelques différences dans leur séquence, une fonction identique, et le phénotype des organismes n’est pas
modifié.
Pour certains scientifiques neutralistes, un grand
nombre de mutations qui affectent le génome
seraient sélectivement neutres, c’est-à-dire quelles
ne seraient ni favorables, ni défavorables pour la
survie de l’espèce.
Cette hypothèse est étayée par le fait que la vitesse
d’évolution de plusieurs molécules étudiées dans
différents groupes d’êtres vivants est à peu près
constante au cours du temps. On peut donc penser
que les facteurs du milieu n’exercent pas d’action
sélective sur les gènes codant pour ces protéines.
Ainsi, les scientifiques se servent de ces molécules
comme des « horloges biologiques » permettant
de dater, avec une certaine imprécision cependant,
les époques de divergence de différentes lignées.
Certaines mutations peuvent même être neutres
pour une partie seulement d’une molécule (cas de
l’insuline, des hémoglobines, des fibrinopeptides).
En effet, dans certains cas une molécule peut présenter des parties ayant des vitesses d’évolution différentes. Les parties fonctionnelles évoluent
beaucoup plus lentement que celles n’ayant pas de
rôle fondamental pour le fonctionnement de la molécule. Par exemple, les régions externes des chaînes
alpha et bêta de l’hémoglobine évoluent 10 fois plus
vite que les régions internes impliquées dans le
transport du dioxygène. La pression sélective semble
s’exercer essentiellement sur les domaines internes,
les innovations défavorables n’étant pas conservées.
III Des altérations du programme
de développement
L’absence de certaines phalanges chez une souris
mutante est interprétée comme un retard d’ossification de certains os, traduisant une altération de leur
programme de développement. Les axolotls sont
des larves géantes présentant un retard dans l’apparition de leur métamorphose. De même, on pense
que les caractères propres à l’espèce humaine (caractères à l’état dérivé) seraient en partie des caractères juvéniles hérités de l’espèce ancestrale. Ces
caractères résulteraient des modifications de la durée
relative de certaines phases du développement (en
général les phases les plus précoces : phases
embryonnaire et fœtale), modifications appelées
hétérochronies. La durée de certaines phases serait
allongée et le développement prolongé (c’est le cas
pour le développement cérébral très important dans
l’espèce humaine) d’autres seraient au contraire
réduites entraînant le maintien de caractères juvéniles (absence de caractères simiesques de la face,
pas de migration du trou occipital après la naissance
entraînant une bipédie permanente).
Ces observations commencent à être interprétées
grâce à la découverte récente des mécanismes d’action des gènes de développement, notamment des
gènes homéotiques. Ces gènes correspondent à des
séquences d’ADN très semblables à travers le monde
animal, ayant une organisation proche, et ont été
identifiés chez la drosophile, la souris et l’Homme
par exemple. Ces gènes contrôlent la mise en place
des différentes régions du corps le long de l’axe
7. Relations entre innovations génétiques et évolution des espèces
135
SYNTHÈSE
antéro-postérieur, ainsi que la chronologie et la
durée de la mise en place des caractères morphologiques.
Des mutations affectant ces gènes de développement peuvent donc modifier l’ordre et la chronologie de mise en place des organes d’un animal et
modifier son phénotype. C’est par exemple le cas du
gène Hoxd13 dont la mutation chez la souris est
Espèce : ensemble de populations naturelles
interfécondes, qui peuvent échanger
des allèles de gènes.
P1
P2
responsable de l’absence de certaines phalanges, due
à un retard d’ossification des phalanges.
Même si des modifications de ces gènes n’ont pas été
identifiées avec certitude chez l’Homme, l’apparition des caractères propres à la lignée humaine doit
correspondre à de telles modifications. Ces innovations génétiques pourraient être responsables de
l’apparition de la lignée humaine.
P3
P4
Des innovations génétiques (mutations)
affectant les cellules germinales entraînent
l'apparition de nouveaux allèles au sein
de la population.
Une population :
ensemble d'individus qui partagent
«un ensemble» d'allèles de gènes.
gène C
f B1
f C1
f C2
gène B
ion
mutat
f G2
f B2
f G1
f D1
gène G
gène D
ion
mutat
f G3
gène A
_ allèle A1
_ allèle A2
fréquence de
l'allèle A1 : f A1
fréquence de
l'allèle A2 : f A2
population au temps t1
136
7. Relations entre innovations génétiques et évolution des espèces
f D2
f E1
gène E
ion
mutat
f E2
L’essentiel
Les mutations, les duplications sont des innovations génétiques qui se produisent au hasard.
Certaines sont à l’origine de l’apparition de nouveaux phénotypes. Le milieu exerce un tri de ces
innovations en sélectionnant les phénotypes les mieux adaptés. Les mutations favorables, qui
confèrent un avantage sélectif aux individus qui en sont porteurs, ont une probabilité plus grande
de se répandre dans la population. D’autres mutations, dites neutres, n’entraînent pas de modification
du phénotype et peuvent se répandre dans la population sans conférer d’avantage sélectif particulier.
L’apparition de nouveaux plans d’organisation ou de caractères à l’état dérivé pourraient résulter
de mutations affectant les gènes de développement. Ces innovations génétiques pourraient être à
l’origine de l’apparition de la lignée humaine.
Un tri de l'innovation
génétique est exercé
par les caractéristiques
du milieu.
gène C
L'allèle B2 apparu confère
un avantage sélectif aux
individus, il se répand dans
la population par reproduction sexuée :
INNOVATION FAVORABLE
f B1
f C1
f C2
f B1
f B2
f D1
f G2
L'allèle D2 apparu confère
un désavantage sélectif aux
individus, sa fréquence reste
faible dans la population :
INNOVATION DÉFAVORABLE
f G1
gène B
f B2
f D1
gène G
f D2
f G3
f E1
f E2
gène D
L'allèle E2 apparu est
sélectivement neutre, il se
répand de façon aléatoire
dans la population :
INNOVATION NEUTRE
f A1
f D2
f E1
gène A
gène E
f A2
f E2
De nouveaux allèles apparaissent.
Les caractéristiques du milieu peuvent se modifier entraînant un nouveau tri de ces allèles.
population au temps t2
7. Relations entre innovations génétiques et évolution des espèces
137
EXERCICES
RESTITUER DES CONNAISSANCES
EXERCICE 1
Définir en une phrase claire les mots ou expressions suivants.
innovation
génétique favorable
mutation
neutre
hétérochronie
gènes
de développement
EXERCICE 2 Restituer ses connaissances en quelques phrases sur un sujet précis, en utilisant obligatoirement un
ensemble de mots-clés.
sujets
mots-clés
a. Le tri de l’innovation génétique
individu, mutation, avantage sélectif, répandre dans la population
b. Les modifications du programme
gènes de développement, nouveau plan d’organisation, mutations, chronologie et durée
du développement
de développement
c. La transmission des innovations génétiques impact évolutif, cellules de la lignée germinale, mutation, descendants
d. Une mutation neutre
phénotype, avantage sélectif, mutations, population, neutres
e. Des innovations génétiques
nouveaux phénotypes, mutations, au hasard, duplications, gènes
exercice guidé
Le tri de l’innovation génétique
Énoncé Montrer, à l’aide de quelques exemples, comment des allèles nouveaux peuvent se
répandre dans une population.
Plan proposé
Introduction
Rappeler que les innovations génétiques (duplications,
mutations) sont à l’origine de nouveaux gènes et nouveaux allèles de gènes existants. Insister sur le caractère aléatoire de ces innovations à l’origine du
polymorphisme des gènes et de l’apparition de nouveaux phénotypes.
Poser le problème : pourquoi certains allèles apparus
chez quelques individus peuvent-ils se répandre dans
une population contrairement à d’autres dont la fréquence reste très faible ?
Première partie
Toutes les mutations n’ont pas d’impact évolutif.
● Rappeler que pour se transmettre, une mutation doit
affecter une cellule de la lignée germinale.
● Rappeler que toutes les mutations ne sont pas à l’origine de nouveaux allèles (mutations silencieuses) et
n’entraînent pas forcément l’apparition de nouveaux
phénotypes.
138
Deuxième partie
Le milieu exerce une sélection des allèles favorables.
● Développer l’exemple de la phalène du bouleau ou celui des drépanocytaires en zone où sévit le paludisme.
● Montrer qu’un allèle défavorable dans une situation donnée, peut devenir favorable à la survie d’une population si les conditions du milieu sont
modifiées.
Troisième partie
Des allèles sélectivement neutres peuvent se répandre dans la population.
● Développer le cas d’une famille multigénique (par exemple les hémoglobines envisagées dans le chapitre 4)
● Montrer que si la fonction de la protéine codée par un nouvel allèle
n’est pas modifiée, ce dernier peut se répandre dans la population sans
conférer d’avantage sélectif aux individus qui en sont porteurs.
Conclusion
Des allèles nouveaux peuvent donc se répandre dans la population s’ils
sont transmis, favorables à la survie de la population dans des conditions du milieu précises, ou s’ils sont sélectivement neutres.
7. Relations entre innovations génétiques et évolution des espèces
EXPLOITER DES DOCUMENTS
EXERCICE 3
1. Identifier les deux pressions de sélection opposées (c’est-à-dire les facteurs
du milieu) auxquels sont soumis les guppies mâles dans leur milieu naturel.
2. Justifier les trois situations imaginées par Endler pour tester son hypothèse.
3. Montrer que cette expérience confirme son hypothèse et illustre le fait que
le milieu exerce une sélection des innovations génétiques.
« Tu as de belles taches tu sais ! »
nombre de taches par poisson
Les guppies sont de petits poissons de rivière, appréciés des aquariophiles pour leur reproduction rapide
et leur coloration. Les mâles plus vivement colorés
que les femelles présentent des points et des taches
variables en couleur, taille et position. Des études ont
montré que les femelles étaient plus attirées par les
mâles aux taches brillantes et de couleur orange. Dans
leur milieu naturel, les guppies ont des couleurs
variables et peuvent être la proie de poissons prédateurs.
Un scientifique, Endler, a émis l’hypothèse que deux
« pressions de sélection » opposées sont à l’origine
de la coloration des guppies mâles en milieu naturel.
Pour valider cette hypothèse, il a reconstitué 3 situations existant en milieu naturel : un milieu sans prédateur, un autre avec un véritable prédateur (Crenicichla
alta) et un troisième avec un faux prédateur (Rivulus
hartii) en fait inoffensif pour le guppie. Le nombre
de taches par guppie est mesuré sur plusieurs mois ce
qui correspond à une dizaine de générations de ce
poisson.
14
début de
l'expérience
avec Crenicichla alta
avec Rivulus hartii
sans prédateur
introduction
des
prédateurs
13
12
11
10
9
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18 20
temps (mois)
Variation du nombre de taches par poisson en fonction du temps.
exercice guidé
Des souris jaunes dans le grenier
Énoncé En avril 1962 dans un grenier du Missouri, des souris mutantes au pelage jaune pâle
furent découvertes parmi une population de souris communes au pelage brun. Un scientifique
s’intéressa à ce cas, et après avoir fermé hermétiquement le grenier, pour en interdire l’accès
aux chats de la ferme, il étudia l’évolution des deux types de phénotypes parmi les souris. En
décembre 1962, il réalisa une estimation des proportions des 2 types de souris en les capturant
à l’aide de pièges placés dans le grenier (le nombre de souris capturées constitue un échantillon
représentatif de la population totale). Début janvier 1963, il pratiqua une ouverture dans l’un
des murs du grenier afin que les chats puissent entrer. En avril 1963, il réalisa de nouveau une
capture des souris survivantes. L’ensemble des données figure dans le tableau ci-dessous.
date de capture
nombre total de souris capturées
nombre de souris de phénotype jaune
décembre 1962
58
27
avril 1963
22
0
Montrer comment le milieu exerce une sélection des phénotypes et donc des allèles les plus
favorables pour la survie d’une espèce.
Aide à la résolution
Comparer les valeurs du tableau pour montrer comment évolue la population de souris au pelage jaune, en absence et en présence des chats.
En déduire quels sont les phénotypes favorables dans ces deux conditions. Penser que le nombre de souris capturées correspond à un taux
de survie.
●
Déterminer quel « facteur du milieu » effectue une
sélection du phénotype des souris.
● Montrer comment ce facteur « sélectionne » le phénotype des souris (parasitisme, prédation, compétition…).
●
7. Relations entre innovations génétiques et évolution des espèces
139
EXERCICES
EXPLOITER DES DOCUMENTS
Résistance au DDT
taux de mortalité en 1heure, sur DDT à 4% (%)
EXERCICE 4
Le DDT est un insecticide qui agit sur le système nerveux des insectes. Très efficace au
début de son utilisation dans la lutte contre
l’anophèle (vecteur du paludisme), le pou (vecteur du typhus), les mouches (dont certaines
sont des vecteurs de la dysenterie), une recrudescence de ces maladies a été constatée moins
de 10 ans après.
Pour comprendre cette inefficacité, des études
en laboratoire ont été réalisées sur des moustiques capturés dans le milieu naturel.
Le taux de mortalité des moustiques Anopheles
culicifacies, soumis à une dose standard de DDT,
a été évalué. Chaque point correspond au pourcentage de mortalité dans un échantillon de
moustiques prélevé au moment indiqué.
100
points expérimentaux
moyenne de chaque
campagne de prélèvements
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
22
intervalle entre les pulvérisations de DDT (mois)
La même étude est réalisée chez des moustiques Culex quinquefasciatus exposés à
des doses croissantes d’un autre insecticide : le NRDC 167 ou perméthrine. Chez
ce moustique, un gène de résistance à cet
insecticide a été mis en évidence. Il présente deux formes alléliques : allèle de
résistance (R )et allèle de sensibilité à l’insecticide (S). Le taux de mortalité de moustiques de 3 types de génotypes est évalué.
En vous aidant de l’analyse des documents
fournis, proposer une hypothèse qui rend
compte de l’inefficacité de certains insecticides.
taux de mortalité (%)
a. Variation du taux de mortalité en fonction du temps.
98
génotype RS
génotype SS
95
90
80
70
60
50
40
30
20
génotype RR
10
5
2
0,0001
0,001
0,01
0,1
1,0
concentration du NRDC 167 (ppm)
b. Variation du taux de mortalité en fonction de la concentration du NRDC 167.
140
7. Relations entre innovations génétiques et évolution des espèces
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