Chapitre 3 Introduction Cette présentation résume le contenu des section 2.4 à 3.5 des notes de cours. On se concentre sur la notion d’application linéaire, sa représentation, sa géométrie ainsi que ces applications à des problèmes concrets. 1 Applications linéaires Définitions Définition 1.1. Soit une fonction T d’un espace vectoriel V à un autre W , écrit T : V −→ W ~v 7→ T (~v ). On dit que T est une application linéaire si, pour tout ~v1 , ~v2 ∈ V et c1 , c2 ∈ R, on a l’identité T (c1~v1 + c2~v2 ) = c1 T (~v1 ) + c2 T (~v2 ). Définitions Une application linéaire est entièrement déterminée par son effet sur une base de V . Soit une base ordonnée B = (~b1 , ~b2 , . . . , ~bn ) de V . Si l’on connaı̂t les n vecteurs T (~b1 ), T (~b2 ), . . . , T (~bn ), alors on peut calculer T (~v ) pour tout ~v ∈ V. On procède comme suit. Si ~v = c1~b1 + c2~b2 + . . . + cn~bn , alors T (~v ) =T c1~b1 + c2~b2 + . . . + cn~bn =c1 T (~b1 ) + c2 T (~b2 ) + · · · + cn T (~bn ). 1 2 CHAPITRE 3. INTRODUCTION Matrice représentative de T ~ ~ ~ Définition 1.2. Soient une base ordonnée B = b1 , b2 , . . . , bn de V et une base ordonnée C = ~c1 , ~c2 , . . . , ~cm de W . Alors il existe n · m nombres aij tels que T (~b1 ) =a11~c1 + a21~c2 + . . . + am1~cm T (~b2 ) =a12~c1 + a22~c2 + . . . + am2~cm .. . . = .. T (~bn ) =a1n~c1 + a2n~c2 + . . . + amn~cm . Matrice représentative de T (suite) La matrice représentative dans la base B de V et C de W s’écrit a11 a12 · · · a1n a21 a22 h i a2n = [T (~b1 )]C [T (~b2 )]C · · · [T (~bn )]C . .. . . C [T ]B = .. .. . am1 am2 · · · amn Matrice représentative de T Théorème 1.3. Soit T : V −→ W une application linéaire et B et C des bases ordonnées de respectivement V et W . Alors pour tout ~u ∈ V on a l’identité [T (~u)]C = C [T ]B [~u]B . L’effet d’une application linéaire, une fois representé dans une base, est identique à la multiplication d’un vecteur par une matrice. Matrice représentative de T Théorème 1.4. Soit T : V −→ V une application linéaire et B et C deux bases ordonnées de V , alors −1 · C [T ]C · C PB . B [T ]B = B PC · C [T ]C · C PB = C PB Preuve Pour tout ~v ∈ V , on a [T (~v )]B =B PC · [T (~v )]C = B PC · C [T ]C · [~v ]C =B PC · C [T ]C · C PB · B PC · [~v ]C = C PB−1 · C [T ]C · C PB · [~v ]B . Donc C PB−1 · C [T ]C · C PB = B [T ]B . 1. APPLICATIONS LINÉAIRES 3 Exemples Exemple 1.1. Soit T : Rn −→ Rm ~v 7→ ~0. Cette application est linéaire. Exemple 1.2. Soit T : Rn −→ Rm ~v 7→ (1, 1, . . . , 1). Cette application n’est pas linéaire. Exemples Exemple 1.3. Soit D : P n −→ P n−1 p(x) 7→ p0 (x). Cette application est linéaire. Exemple 1.4. Soit I : P n −→ P n+1 Z x p(x) 7→ q(x) = p(z) dz. −1 Cette application est linéaire. Exemples Exemple 1.5. Soit un vecteur ~v quelconque de V . Alors la projection sur ~v P~v : V −→ V ~u 7→ proj~v ~u = ~u − ~u · ~v ~v , k~v k2 est linéaire. Dans ce cas, il suffit de remarquer que ~u · ~v est linéaire par rapport à ~u. Somme de deux applications linéaires Théorème 1.5. Soient T1 : V −→ W et T2 : V −→ W deux applications linéaires. Alors on peut définir une application T1 + T2 : V −→ V ~u 7→ T1 (~u) + T2 (~u), et cette application sera linéaire. 4 CHAPITRE 3. INTRODUCTION Exemples Exemple 1.6. Soit un sous-espace vectoriel W de V . Alors la projection sur W PW : V −→ V ~v 7→ projW ~v , est linéaire. Si on a une base orthonormale et ordonnée de W , disons B = ~v1 , ~v2 , . . . , ~vk , alors pour tout ~u ∈ V projW (~u) = proj~v1 (~u) + . . . + proj~vk (~u), est une somme de projections. La projection sur W est donc linéaire. Exemples Exemple 1.7. Soit T : R2 −→ R2 (x, y) 7→ (2x − y, 2y − x). Cette application est linéaire. Exemples Exemple 1.8. Soit un vecteur quelconque ~v de V et la fonction T : V −→ V ~u 7→ T (~u) = ~u + ~v . Cette application n’est pas linéaire. Exemple 1.9. Soit un nombre réel λ et la fonction H : Rn −→ Rn (x1 , x2 , . . . , xn ) 7→ H (x1 , x2 , . . . , xn ) = (λx1 , λx2 , . . . , λxn ). Cette application est linéaire. C’est une homothétie. Exemples Exemple 1.10. Cisaillement Exemples Exemple 1.11. Rotation par un angle θ. 2. OPÉRATIONS SUR LES APPLICATIONS LINÉAIRES 5 Exemples Exemple 1.12. Projection sur [~a, ~b]. Exemples Exemple 1.13. Projection sur un vecteur ~a dans R2 . 2 Opérations sur les applications linéaires Les combinaisons linéaires Théorème 2.1. Soient T1 : V −→ W et T2 : V −→ W deux applications linéaires. Alors pour tout c1 , c2 ∈ R, on peut définir une application c1 T1 + c2 T2 : V −→ V ~u 7→ c1 T1 (~u) + c2 T2 (~u), et cette application sera linéaire. En fait, l’ensemble de toutes les applications linéaires de V dans W forme un espace vectoriel. On le dénote habituellement L(V, W ). La composition Théorème 2.2. Soient T1 : V −→ W et T2 : W −→ X deux applications linéaires. Alors la composition T2 ◦ T1 : V −→ X ~u 7→ T2 T1 (~u) , sera une application linéaire. Questions Si V et W sont des espaces de dimension finies, alors quelle est la relation entre les représentations [T1 ] et [T2 ] et les représentations [c1 T1 + c2 T2 ] [T2 ◦ T1 ]? Afin de simplifier la présentation, à partir de maintenant, nous ne regarderons que des applications T : V −→ V, c-à-d des espaces de V dans lui-même. 6 CHAPITRE 3. INTRODUCTION Matrices de représentation Théorème 2.3. Soient T1 : V −→ V et T2 : V −→ V deux applications linéaires et des nombres c1 , c2 ∈ R. Si B est une base de V , alors [c1 T1 + c2 T2 ]B = c1 [T1 ]B + c2 [T2 ]B . Théorème 2.4. Soient T1 : V −→ V et T2 : V −→ V deux applications linéaires. Si B est une base de V , alors [T2 ◦ T1 ]B = [T2 ]B [T1 ]B . Exemples Exemple 2.1. Montrer que dans n’importe quelle base B de Rn , une homothétie H(~u) = λ~u par un facteur λ ∈ R est représenté par [H]B = λI. Exemples Exemple 2.2. Soient C = (~i,~j, ~k) et B = (~i,~i + ~j,~i + ~j + ~k), deux bases de R3 . Si la représentation d’une application linéaire T est −3 4 [T ]C = 1 0 0 1 7 −2 0 alors calculer [T ]B . Exemples Exemple 2.3. Soit une boule de billard se déplaçant à vitesse ~u qui frappe la bande qui elle est parallèle à ~v . Trouvez la vitesse de la boule après la collision et appellez cette vitesse C(~u). Trouvez la matrice de représentation [C] dans la base usuelle de R2 . Exemples Exemple 2.4. Soit l’application linéaire R qui effectue une rotation de 90◦ (dans le sens anti-horaire) autour de l’axe 0 ~a = 3/5 . 4/5 Trouver la matrice de représentation de R dans la base habituelle B = (~i,~j, ~k). 3. NOYAUX ET IMAGES 3 7 Noyaux et images Définitions Définition 3.1. Le noyau d’une application linéaire T : V −→ V , noté Ker(T ), est l’ensemble de tous les vecteurs ~u ∈ V tels que T (~u) = ~0, c-à-d o n Ker(T ) = ~u ∈ V T (~u) = ~0 . Théorème 3.2. L’ensemble Ker(T ) forme un sous-espace vectoriel de V . Preuve du Théorème 3.2 Preuve Soient ~u1 , ~u2 ∈ Ker(T ) et c1 , c2 ∈ R. Par définition T (~u1 ) = ~0 et T (~u2 ) = ~0. On a donc que T (c1 ~u1 + c2 ~u2 ) = c1 T (~u1 ) + c2 T (~u2 ) = ~0. En conclusion, c1 ~u1 + c2 ~u2 ∈ Ker(T ). Définitions Définition 3.3. L’image d’une application linéaire T : V −→ V , noté Im(T ), est l’ensemble de tous les vecteurs T (~u) pour tous les ~u ∈ V , n o Im(T ) = ~u ∈ V il existe ~v ∈ V tel que T (~v ) = ~u . Théorème 3.4. L’ensemble Im(T ) forme un sous-espace vectoriel de V . Preuve du Théorème 3.4 Preuve Soient ~u1 , ~u2 ∈ Im(T ) et c1 , c2 ∈ R. Par définition, il existe ~v1 et ~v2 tels que T (~v1 ) = ~u1 et T (~v2 ) = ~u2 . On a donc que c1 ~u1 + c2 ~u2 = c1 T (~v1 ) + c2 T (~v2 ) = T (c1~v1 + c2~v2 ). En conclusion, c1 ~u1 + c2 ~u2 est l’image de c1~v1 + c2~v2 et il appartient donc à Im(T ). 8 CHAPITRE 3. INTRODUCTION Définitions Définition 3.5. Le rang d’une application linéaire T : V −→ V , noté rg(T ), c’est la dimension de Im(T ), c-à-d rg(T ) = dim Im(T ). Théorème 3.6. Si V est un espace vectoriel de dimension fini et T : V → V est une application linéaire, alors dim V = dim Ker(T ) + dim Im(T ). Remarques Soit B = (~b1 , . . . , ~bn ) une base de V et T , une application linéaire. Calcul de Ker(T ) L’espace Ker(T ) est décrit par les paramètres c1 , c2 , . . . , cn tels que ~0 =T c1~b1 + c2~b2 + · · · + cn~bn =c1 T (~b1 ) + c2 T (~b2 ) + · · · + cn T (~bn ). On peut donc obtenir les c1 , . . . , cn en traduisant ce problème à un système de n équations et on appliquant l’échellonnage. La dim Ker(T ) est égal au rang du système. Remarques Soit B = (~b1 , . . . , ~bn ) une base de V et T , une application linéaire. Calcul de Im(T ) L’espace Im(T ) est engendré par les vecteurs T (~b1 ), T (~b2 ), . . . , T (~bn ). Il suffit d’appliquer le principe d’exclusion et d’en extraire une base. Exemples Exemple 3.1. Soient deux vecteurs ~a et ~b linéairement indépendants dans R3 et le sousespace vectoriel W = [~a, ~b]. Pour la projection projW , calculer la dimension de son noyau et de son image. 4. APPLICATIONS RÉGULIÈRES 9 Exemples Exemple 3.2. Soient un vecteur ~a non-nul de R3 et l’application linéaire T (~u) = ~u × ~a. Décrivez Ker(T ) et Im(T ) et calculer leurs dimensions. Exemples Exemple 3.3. Dans la base usuelle B = (~i,~j, ~k), l’application linéaire est donnée par 1 −2 3 8 −12 . [T ]B = −4 2 −4 6 Trouver des bases pour Ker(T ) pour Im(T ). 4 Applications régulières Définitions Définition 4.1. Une application linéaire T : V −→ V est dite de rang maximal si dim Im(T ) = dim(V ). On remarque immédiatement qu’étant donnée que dim(V ) = dim Ker(T ) + dim Im(T ), alors, pour les applications de rang maximal – dim Ker(T ) = 0. Définitions Définition 4.2. On dit qu’une application linéaire T : V −→ V est régulière si Ker(T ) = ~0 . Donc les applications de rang maximal sont des applications régulières ! Wow ! Je me sens mieux. Propriétés Théorème 4.3. Si une application linéaire T : V −→ V est de rang maximal et B est une base de V , alors les colonnes de [T ]B seront des vecteurs linéairement indépendants, c-à-d det[T ]B 6= 0. 10 CHAPITRE 3. INTRODUCTION Preuve Si ~e1 = 1 0 .. . , ~e2 = 0 1 .. . , ··· ~en = , 1 0 0 0 0 .. . alors Im(T ) sera engendré par les colonnes de [T ]B : [T ]B ~e1 , [T ]B ~e2 , ··· [T ]B ~en . Définitions Définition 4.4. On dit qu’une application linéaire T : V −→ V est singulière si dim Ker(T ) > 0. Donc les applications qui ne sont pas régulières sont singulières ! Définition 4.5. On dit qu’une application linéaire T : V −→ V est bijective si l’application inverse T −1 : V −→ V existe. Rappel On dit que T −1 (~u) = ~v si et seulement si il n’existe qu’un seul ~v tel que T (~v ) = ~u. Propriétés Théorème 4.6. Si une application linéaire T : V −→ V possède un inverse T −1 : V −→ V , alors l’inverse T −1 sera aussi linéaire. De plus [T −1 ]B = [T ]−1 B . Preuve Si l’inverse existe, alors pour tout ~u1 , ~u2 ∈ V il existe ~v1 , ~v2 ∈ V tels que T (~v1 ) = ~u1 T (~v2 ) = ~u2 . Alors pour tout c1 , c2 ∈ R on a T (c1~v + c2~v2 ) = c1 ~u1 + c2 ~u2 , donc T −1 (c1 ~u + c2 ~u2 ) = c1~v1 + c2~v2 = c1 T −1 (~u1 ) + c2 T −1 (~u2 ). 5. LES APPLICATIONS ET LES SYSTÈMES D’ÉQUATIONS 11 Propriétés Preuve (suite) Si l’inverse existe, alors T −1 ◦ T = id . Donc I = [id]B = [T −1 ◦ T ]B = [T −1 ]B [T ]B . La matrice [T ]B est donc l’inverse de [T −1 ]B . Propriétés Théorème 4.7. Si une application linéaire T : V −→ V possède un inverse T −1 : V −→ V , alors det[T ]B 6= 0. L’application est donc régulière. Preuve On a vu que la matrice [T ]B est inversible, donc det[T ]B 6= 0. Les colonnes de [T ]B sont alors linéairement indépendantes et T est de rang maximal. Propriétés Théorème 4.8. Soit une application linéaire T : V −→ V . Alors les conditions suivantes sont équivalentes : (i) T est de rang maximal ; (ii) Im(T ) = V ; (iii) les colonnes de [T ]B sont linéairement indépendantes ; (iv) det[T ]B 6= 0 ; (v) T est régulière ; (vi) Ker(T ) = {~0} ; (vii) T est bijective ; (viii) la matrice [T ]B est inversible. 5 Les applications et les systèmes d’équations Formulation Formulation # 1 On cherche x1 , x2 , . . . , xn ∈ R qui satisfont ··· ··· +a1n xn +a2n xn = b1 = b2 . = .. an1 x1 + an2 x2 + · · · +ann xn = bn . a11 x1 + a21 x1 + .. . a12 x2 + a22 x2 + 12 CHAPITRE 3. INTRODUCTION Sous forme matricielle, ces contraintes s’écrivent a11 a12 · · · a1n x1 a21 a22 a2n x2 .. .. · .. .. . . . . Formulation Posons A= an1 an2 ··· a11 a21 .. . a12 a22 ··· a1n a2n .. . an1 an2 .. . ··· ann = xn , ~x = b1 b2 .. . . bn x1 x2 .. . , ~b = xn ann b1 b2 .. . . bn Formulation #2 Étant donné un opérateur linéaire représenté par la matrice A et un point ~b ∈ Rn , on cherche ~x ∈ Rn tel que A~x = ~b. Formulation #3 Étant donné un opérateur linéaire T : V −→ V et ~b ∈ V , on cherche ~x ∈ V satisfaisant T (~x) = ~b. Interprétation Formulation #3 Étant donné un opérateur linéaire T : V −→ V et ~b ∈ V , on cherche ~x ∈ V satisfaisant T (~x) = ~b. Cette formulation nous permet de conclure (i) si T est régulier alors il existe une et une seule solution ; (ii) si T est singulier, alors (ii.A) soit ~b ∈ / Im(T ) et il n’y a pas de solution ! (ii.B) soit ~b = T (~u) ∈ Im(T ) et, pour tout ~v ∈ Ker(T ), T (~u + ~v ) = T (~u) + T (~v ) = ~b + ~0 = ~b. Il y a une infinité de solutions ~u + ~v car dim Ker(T ) > 0. Cas particulier Problème homogène Étant donné un opérateur linéaire T : V −→ V , on cherche ~x ∈ V satisfaisant T (~x) = ~0. Ce problème a au moins une solution ~x = ~0, mais 5. LES APPLICATIONS ET LES SYSTÈMES D’ÉQUATIONS (i) si T est régulier alors cette solution ~x = ~0 est unique ; (ii) si T est singulier, alors seul le sous-cas (ii.B) est possible (ii.B) pour tout ~v ∈ Ker(T ), T (~v ) = ~0. Il y a une infinité de solutions ~v ∈ Ker(T ) car dim Ker(T ) > 0. Exemples Exemple 5.1. Trouvez la ou les solutions de 5x x x −y −y +y +4z +2z −z =0 =0 = 0. Exemples Exemple 5.2. Trouvez la ou les solutions de 5x x x −y −y +y +4z +2z −z =8 =2 = 1. 13