MALADIE DE BYLER. A PROPOS DE DEUX NOUVEAUX CASLa

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MALADIE DE BYLER
A PROPOS DE DEUX NOUVEAUX CAS
H. AITOUAMAR, F. JABOURIC, B. CHKIRATE, A. ROUICHI, A. BENTAHILA, A.M.BELHADJ*
RESUME
La maladie de Byler est une cholestase intra-hépatique
familiale rare et qui touche indifféremment les deux
sexes. Ses premières manifestations apparaissent dans
la première année de vie.
On rapporte deux observations de malades dont l’une
est décédée lors d’une poussée ictérique dans un tableau
de septicémie suite à une infection à point de départ
O.R.L., et l’autre a connu une évolution caractéristique
de l’affection faite de poussées ictériques successives
entrecoupées de rémissions.
Mots clés : Maladie de Byler, cholestase fa m i l i a l e,
enfant.
ABSTRACT
B y l e r ’s disease is a familial intra h ep atic ch o l e s t a s i s
rare. It’s an uncommon affection that occurs in both
male and female subjects. Its manifestations appear at
the first year of life.
We report here à study of two patients with Byler’s
disease - one of them died after an icteric rise, in a
p i c t u re of septicaemia resulting from an infe c t i o n
having an O.R.L. origin, the second have a course distinctive of the affection with successive icteric rises and
remissions.
Key words : Byler’s disease, familial cholestasis , infant.
INTRODUCTION
La maladie de Byler est une cholestase intra-hépatique
familiale évoluant par poussée. C’est une affection très rare
décrite pour la première fois par CLAYTON et coll. en
1965.
La consanguinité est un facteur quasi constant, sa transmission est autosomique et plusieurs membres de la même
Service de Pédiatrie IV Hôpital d’Enfants CHU Ibn Sina Rabat
Médecine du Maghreb 1999 n°78
famille peuvent être touchés.
Son diagnostic se base sur l’élimination des autres causes
de cholestase et sur une dissociation des éléments biologiques de celle-ci.
L’évolution se fait inéluctablement vers la cirrhose avec
hypertension portale (H.T.P) et l’insuffisance hépato-cellulaire. L’espoir thérapeutique se base sur la transplantation
hépatique.
OBSERVATIONS
Cas n° 1
T. Mohammed, garçon âgÉ de 6 ans est issu d’un couple
consanguin de premier degré (cousins germains). On ne
retrouve pas de cas similaire dans la famille.
Sa maladie remonte à l’âge de 2 ans par un ictère cutanéomuqueux avec urines foncées et selles décolorées. Cet
ictère est précédé 20 jours auparavant par un prurit intense.
Cette symptomat o l ogie est surve nue au décours d’une
infection O.R.L. Le patient a présenté également une hépatomégalie ferme, homogène et sans signe d’H.T.P.
Le bilan biologique a écarté une hépatite virale et il a affirmé l cholestase avec P. alcalines = 267 u/l, 5 nucléotidase =
8 u/l, bilirubine conjuguée = 17,1 mg/l mais sans rétention
cholestéro-lipidique (cholestérol = 1,5 g/l). Les transaminases (SGOT= 80 u/l et SGPT = 61 u/l) sont faiblement
augmentées (2 x la normale). Le taux de prothrombine est
normal.
L’ é ch ographie hépato-biliaire a objectivé une hépatomégalie homogène sans signes de paucité dictulaire, d’atrésie
de la voie biliaire principale ou de signes d’H.T.P.
Le patient a été mis sous traitement symptomatique à base
de cholestyramine (Questran*) et phénobarbital (Gardénal*) avec une surveillance clinique, biologique et échographique.
Au cours de 4 ans d’évolution, le patient a fait des poussées
cholestatiques toujours sans rétention cholestéro-lipidique
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et elles sont généralement survenues au décours d’infection
des voies aériennes supérieures. Ces poussées ont justifié
une biopsie hépatique, qui a montré une fibrose centrolobulaire sans caractère extensif, une hyperplasie Kuppferienne.
Devant les poussées cholestatiques succédant a des infections O.R.L. sans rétention cholostéro-lipidique ni de grande cytolyse et les données histologiques à la biopsie du
foie, le diagnostic de maladie de Byler est retenu.
Le malade est toujours sous traitement symptomatique
avec surveillance de la cholestase, surtout de la fonction
hépatique et la survenue d’ H.T.P.
Cas n°2
K. Meryem, fillette de 4 mois, 6ème de sa fratrie.
Elle a présenté à 20 jours de vie un ictère cutanéomuqueux, d’allure cholestatique avec urines foncées et
selles décolorées. On ne retrouve pas de cas similaire dans
la famille et il n’y a pas de consanguinité.
L’examen clinique a retrouvé une hépatomégalie fe rm e
sans splénomégalie.
La cholestase clinique est confirmée biologiquement avec :
bilirubine conjuguée = 91 mg/l, P-alcalines = 3200 u/l,
mais sans rétention ch o l e s t é ro-lipidique (ch o l e s t é rol =
1,36g/l). La cytolyse est très importante avec des transaminases dépassant 500 u/l.
L’échographie hépatobiliaire a éliminé une atrésie de la
voie biliaire principale.
La patiente est décédée au cours de l’hospitalisation dans
un tableau de septicémie à point de départ O.R.L avec
aggravation de la cholestase.
Le diagnostic de maladie de Byler est retenu sur l’association d’une cholestase clinique et biologique sans rétention
cholestéro-lipidique, une aggravation de la cholestase à
l’occasion d’une infection et sans anomalie de la vo i e
biliaire principale à l’échographie
DISCUSSION
1 - Epidémiologie
La maladie de Byler est une hépat o p athie très ra re.
L’évaluation de sa fréquence est impossible à cause du
manque d’étude épidémiologique assez large et les publications ne font mention que de cas isolés. Sa transmission
génétique est de type autosomique récessive, la consan-
guinité est quasi constante et l’on peut retrouver des cas
familiaux, toutefois les données génétiques actuelles ne
nous permettent pas de déterminer les hétérozygotes.
L’affection intéresse indifféremment les deux sexes et la
l i t t é rat u re rap p o rte 33 filles et 31 garçons, cep e n d a n t
RAZEMON rapporte dans une série de 7 cas une fo rt e
proportion de garçons (5/7).
2 - Étude clinique
La cholestase se révèle généralement au cours de la première année de vie. Elle est précédée d’un prurit intense tel
le cas de notre premier patient. L’ictère est d’intensité
variable, mais les selles sont décolorées et les urines sont
foncées. Nos deux patients avaient un tableau complet de
cholestase. L’hépatomégalie est retrouvée dans nos deux
observations, elle est constante dans cette affection, et
quand la splénomégalie apparaît, elle traduit le retentissement portal de la maladie.
La maladie évolue par poussées, et ces dernières peuvent
être précédées d’une infection intercurrente en particulier
O.R.L, comme c’était le cas chez nos patients.
D’autres signes cliniques peuvent être retrouvés tel que le
ra ch i t i s m e, un syndrome hémorragi q u e, des tro u bl e s
visuels, enfin des signes neurologiques. Ces anomalies sont
secondaires à un trouble d’absorption des vitamines liposolubles (vitamines A, D, E, K).
La surve nue de l’HTP ou de l’hépat o - c a rcinome n’est
qu’une complication commune à toutes les cirrhoses quelle
que soit leur étiologie.
3 - Étude paraclinique
Elle manque de spécificité si ce n’est que la dissociation
des éléments biologiques de la cholestase est pathognomonique de la maladie.
Cette cholestase se caractérise par :
* Une augmentation de P. alcalines, de la bilirubine surtout conjuguée, de la 5 nucléotidase et ceci a été noté
chez nos 2 patients, en plus d’une diminution de la clairance de la bromosulfophtaleïne,
* Les sels biliaires sont très augmentés et ils peuvent
atteindre 60 fois la normale,
* Les taux de cholestérol et des lipides totaux restent
normaux. C’était la situation de nos malades. D’autres
examens ne sont pas spécifiques à la maladie de Byler
tels que :
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* L’activité de gamma-glutamyl-transférase dans le sérum
en cas de cholestase est classiquement normale dans la
maladie de Byler, des publications récentes font mention de cette activité normale dans les cholestases
récurrentes bénignes,
* L’ é l é vation des électro lytes dans la sueur n’est pas
spécifique de cette affection, et le lien entre les deux
n’est pas encore élucidé.
que et la supplémentation en vitamines liposolubles est
indispensable dans la prise en charge thérapeutique. Il est
indiqué en particulier dans les poussées sévères et surtout il
permet de préparer ces malades à une transplantation hépatique. Celle-ci reste la solution thérapeutique radicale pour
cette maladie.
L’échographie permet d’écarter les cholestases d’origine
extra-hépatiques.
L’étude histologique n’est pas également spécifique et
surtout elle est pauvre au début. Elle peut montrer une
désorganisation des travées hépatocytaires, une cytolyse
très modérée, des thrombi-biliaires intracapillaires et à
l’évolution apparaît une cirrhose micronodulaire.
Notre premier cas avait des lésions histologiques telles
qu’elles étaient décrites par PINCON J.A.
La maladie de Byler est une cholestase familiale très rare,
survenant généralement au cours de la première année de
vie et la consanguinité est quasi constante.
4 - Traitement et évolution
La maladie de Byler est une cholestase cirrhogène avec
risque de carcinome hépatique. Le traitement symptomatique n’évitera pas cette évolution. Ce dernier fait appel à
une recette à base de phénobarbital, cholestyramine et
photothérapie.
En outre l’équilibre nutritionnel avec un bon apport calori-
CONCLUSION
Son diagnostic se base sur l’association d’une cholestase
clinique évoluant par poussées, une perméabilité de voie
biliaire à l’échographie, et enfin une dissociation de ses
éléments biologiques. L’histologie n’a également qu’une
valeur d’orientation.
Son évolution est grave, car la cirrhose avec HTP et l’insuffisance hépato-cellulaire surviennent au cours de la
deuxième décennie. La possibilité de dégénérescence a été
rapportée.
Le traitement symptomatique et l’équilibre nutritionnel ne
permettent qu’une préparation de ces patients à la transplantation hépatique qui reste d’ailleurs le seul espoir de
toutes les affections cirrhogènes.
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