Homotopie des Alg`ebres Simpliciales sur une Opérade - IMJ-PRG

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Homotopie des Algèbres Simpliciales sur
une Opérade
Sacha Ikonico↵
Introduction
Le but initial de mon travail de mémoire de master est l’étude de l’article de Benoı̂t Fresse, On the Homotopy of Simplicial Algebras over an Operad [1]. Au début
de ce travail, si je connaissais la notion d’homotopie dans le contexte topologique,
et la notion d’algèbre, je ne voyais pas le lien entre ces deux sujets (comment une
structure algèbrique pourrait elle être ”déformée continûment”?). La compréhension
du titre de l’article de B. Fresse m’a donc amené à étudier de nouveaux concepts,
et parfois à comprendre comment des concepts que je connaissais s’inscrivaient dans
un contexte di↵érent de celui dans lequel j’avais l’habitude de les rencontrer. C’est
pourquoi une partie de mon mémoire est écrite à la manière d’un cours de niveau
master, afin d’introduire les outils nécessaires à l’étude de l’article de B. Fresse. La
fin de ce mémoire sera dédiée à l’explication de cet article. Je décrirai sa structure
et détaillerai la preuve des principaux résultats. Je suppose que mon lecteur dispose
d’une connaissance de base de la théorie des catégorie, d’algèbre et de représentation des groupes finis, et idéalement, qu’il a des notions de topologie algébrique,
(homotopie, homologie,) pour comprendre les liens avec ce sujet.
Ce mémoire est le reflet de mon ”stage de master 2”. En tant que tel, il contient
exclusivement l’aboutissement des recherches que j’ai e↵ectuées pour comprendre
l’article de Benoı̂t Fresse. Cela comprend quelques résultats préliminaires importants, les calculs et les démonstrations que j’ai réalisés pour me convaincre de certains
de ces résultats, ainsi que quelques points dont j’ai pu discuter avec Mme Livernet
qui dirigeait mes recherches. Cela signifie aussi que certains sujets que j’évoque, et
certaines parties de l’article de B. Fresse, mériteraient un traitement plus complet.
Table des matières
Chapitre 1. Modules Simpliciaux
1. Catégorie Simpliciale
2. Objet Simplicial
3. Groupe Abélien Simplicial
4. Correspondance de Dold-Kan
5. Produits de Groupes Abéliens Simpliciaux
6. Compléments sur les Produits
1
1
2
3
4
8
10
Chapitre 2. Monade
1. Catégorie Monoı̈dale
2. Tressage
3. Monoı̈de dans une Catégorie Monoı̈dale
4. Monade
5. Monades et Adjonctions
6. Algèbre sur une Monade
13
13
14
15
16
18
18
Chapitre 3. Opérades
1. Suite Symétrique
2. Opérade
3. Algèbre sur une Opérade
4. Opérade des Endomorphismes
5. Version invariante
6. Compositions partielles
23
23
25
25
26
27
31
Chapitre 4. Étude de l’Article de Benoı̂t Fresse [1]
1. Structure de l’article
2.
(As)-algèbres
3.
(Com)-algèbres
4.
(Lie)-algèbres
5.
(P oiss)-algèbres
6. Dérivation des fonteurs non-additifs
7. Opérations homotopiques
8. Le Théorème 2.2.10
33
33
34
34
37
42
42
44
46
Bibliographie
53
iii
Chapitre 1
Modules Simpliciaux
L’objet de ce chapitre est de définir la notion d’homotopie dans un cadre purement algébrique. Pour cela, nous définirons les objets simpliciaux d’une catégorie.
Il est utile de garder en tête la notion topologique que nous essayons de généraliser.
Nous nous intéresserons plus particulièrement à la catégorie des groupes abéliens,
ou des modules sur un anneau commutatif, qui sont le bon cadre pour approcher
l’article de B. Fresse. Enfin, nous énoncerons deux résultats fondamentaux sur les
groupes abéliens simpliciaux, qui sont la correspondance de Dold-Kan et le Théorème d’Eilenberg-Zilber. Les références principales pour ce chapitre sont [2], [3], [4]
et [5]
1. Catégorie Simpliciale
Définition 1.1. La catégorie simpliciale, que l’on note , est celle dont les objets, indexés par les entiers naturels, sont notés [n], et telle que, pour toute paire d’entiers (m, n), Hom ([m], [n]) est l’ensemble des fonctions croissantes de {0, . . . , m}
dans {0, . . . , n}
Définition 1.2. Pour tout entier n et tout i 2 {0, . . . , n}, on définit deux
morsphismes dni : [n 1] ! [n] et sni : [n + 1] ! [n], appelés respectivement i-ème
coface et i-ème codégénérescence, par :
⇢
k
si k < i
n
di (k) =
(dni ”saute” la i-ème place)
k + 1 si k i
⇢
k
si k  i
n
si (k) =
(sni ”répète” le i-ème entier)
k 1 si k > i
On oubliera souvent de noter le ”n” en exposant, qui se déduit du contexte.
Un morphisme de , vu comme fonction croissante de {0, . . . , m} dans {0, . . . , n}
ne peut que ”sauter” des entiers, ou bien en ”répéter”. On a donc :
Proposition 1.3. Les morphismes de
sont engendrés par les cofaces et les
codégénérescences, lesquelles sont liées par les seules relations suivantes :
(1.3.1)
(1.3.2)
(1.3.3)
dj di = di dj 1
sj si = si sj+1
8
< di sj 1 si i < j
Id
si i = j ou i = j + 1
sj d i =
:
di 1 sj si i > j + 1
si i < j
si i  j
On va même donner une décomposition des morphismes de qu’on utilisera par
la suite. C’est l’objet de la proposition suivante ([2], §2, page 4)
Proposition 1.4. Tout morphisme de
admet une décomposition du type :
(1.4.1) di1 . . . dik sj1 . . . sjl (Un produit de codégénérescences puis de cofaces)
1
2
1. MODULES SIMPLICIAUX
De plus, cette décomposition est unique si l’on demande que k et l soient les plus
petits possible, que i1 i2 · · · ik et que j1  j2  · · ·  jl .
Nous appellerons une telle décomposition une décomposition épi-monique.
En e↵et, soit ⌘ : [m] ! [n]. Notons j1 . . . jl les éléments de {0, . . . , m} où ⌘ se
”répète”, c’est-à-dire pour lesquels ⌘(j) = ⌘(j + 1), numérotés dans l’ordre croissant.
Notons i1 . . . ik les éléments de {0, . . . , n} que ⌘ ”saute”, c’est-à-dire qui ne sont pas
dans l’image de ⌘, notés dans l’ordre décroissant. Alors :
⌘ = d i 1 . . . d i k sj 1 . . . sj l
Cette décomposition est uniquement déterminée et k et l sont minimaux par construction.
Remarque 1.5. Dans la suite, il sera parfois utile de visualiser géométriquement
la catégorie . Pour se faire, on se représente chaque objet [n] par le simplexe
standard de dimension n, dont on numérote les sommets de 0 à n. Pour un morphisme
⌘ : [m] ! [n], on considère une application affine qui envoie le sommet numéroté k
sur ⌘(k). Ainsi la coface dni identifie le (n 1)-simplexe à la i-ème face (face opposée
au sommet i) du n-simplexe, et la codégénérescence sni projette le (n + 1)-simplexe
sur le n-simplexe en écrasant l’arête reliant les sommets i et i + 1.
2. Objet Simplicial
Définition 2.1. Soit C une catégorie. Un objet simplicial dans la catégorie C
est un foncteur contravariant de la catégorie dans la catégorie C .
Remarque 2.2. D’après ce qui précède, un objet simplicial A dans la catégorie
C est donc la donnée d’une suite (An )n2N d’objets de C , et, pour tout entier n et
tout i 2 {0, . . . , n}, de deux morphismes d⇤ ni : An ! An 1 et s⇤ ni : An ! An+1 tels
que :
(2.2.1)
(2.2.2)
(2.2.3)
d⇤i d⇤j = d⇤j 1 d⇤i
s⇤i s⇤j = s⇤j+1 s⇤i
8 ⇤ ⇤
< sj 1 di si i < j
⇤ ⇤
Id
si i = j ou i = j + 1
d i sj =
: s⇤ d ⇤
j i 1 si i > j + 1
si i < j
si i  j
(On oubliera souvent de noter le ”n” en exposant.) Les d⇤i sont appelés les ”faces”,
et les s⇤i sont appelés les ”dégénérescences” de l’objet simplicial A. En règle général,
si ⌘ : [m] ! [n] est un morphisme de , on notera ⌘ ⇤ : An ! Am le morphisme
correspondant dans la catégorie C , lorsqu’il n’y a pas d’ambigüité.
Exemple 2.3. À chaque espace topologique X, on associe un groupe abélien
simplicial (objet simplicial dans la catégorie Ab des groupes abéliens), noté S(X).
Pour chaque entier n, (S(X))n est le groupe des n-chaı̂nes singulières de X, c’està-dire le groupe abélien libre engendré par les applications continues du n-simplexe
dans X. En s’inspirant de la remarque 1.5, on peut construire les faces et les dégénérescences : Si f est une application continue du n-simplexe dans X et i 2 {0, . . . , n},
on pose d⇤i (f ) = f di et s⇤i (f ) = f si (où l’on voit di et si comme des application
affines entre les simplexes).
3. GROUPE ABéLIEN SIMPLICIAL
3
Remarque 2.4. On définit une notion de morphisme entre objets simpliciaux
sur une catégorie C . En partant de la définition 2.1, on peut définir ces morphismes
comme des transformations naturelles. On préférera souvent la description donnée
en 2.2. Dans ce cadre, si A et B sont deux objets simpliciaux de C , un morphisme f
entre A et B sera la donnée pour tout entier n d’un morphisme fn 2 HomC (An , Bn )
qui commute avec les faces et les dégénérescences.
Définition 2.5. Soit C une catégorie. La remarque précédente permet de définir
la catégorie des objets simpliciaux sur C , que l’on notera sC .
Remarque 2.6. Soient C , D deux catégories, F : C ! D un foncteur (covariant). Si A est un foncteur contravariant de dans C , alors F A est un foncteur
contravariant de dans D. On définit ainsi un foncteur, que l’on notera aussi F , de
sC dans sD.
Dans ce qui suit, on se concentre sur les objets simpliciaux dans la catégorie Ab
des groupes abéliens.
3. Groupe Abélien Simplicial
On commence par rappeler la définition d’un complexe de chaı̂nes.
Définition 3.1. Si C est une catégorie abélienne, on appellera complexe de
chaı̂nes de la catégorie C une suite (Cn )n2N d’objets de C munie, pour tout n 2 N,
d’un morphisme n : Cn ! Cn 1 (avec éventuellement la convention C 1 = 0, l’objet
nul de C), appelé ”di↵érentielle”, ou ”bord ”, tel que n n+1 = 0. Un morphisme f
entre deux complexes de chaı̂nes B et C sera une suite de morphismes de C : (fn :
Bn ! Cn )n2N qui commutent avec la di↵érentielle. On notera chC la catégorie des
complexes de chaı̂nes de C . Si (Vn )n2N est une suite d’objets de C sans di↵érentielle
(ce que l’on appelle un objet gradué de C), on pourra considérer que (Vn )n2N est
un complexe de chaı̂nes en lui adjoignant la di↵érentielle nulle n = 0. Si V est un
objet de C , on pourra considérer que V est un complexe de chaı̂nes en l’identifiant
au complexe concentré en 0 : V0 = V , Vn = 0 si n > 0, n = 0.
Définition 3.2. Pour tout objet A de sAb, on définit le complexe associé à A,
noté C(A), par :
n
Cn (A) := An et
n
X
:=
( 1)i d⇤i
i=0
On définit ainsi un foncteur C : sAb ! chAb, en posant, pour tout f 2 HomsAb (A, B),
C(f ) = f 2 HomchAb (C(A), C(B)).
Il faut vérifier que C(A) est bien un complexe de chaı̂nes, c’est-à-dire que
On a :
X
( 1)i+j d⇤i d⇤j
n
n+1 =
i2{0,...,n},j2{0,...,n+1}
=
X
( 1)i+j d⇤i d⇤j +
i<jn+1
(2.2.1)
=
X
i<jn+1
X
jin
( 1)i+j d⇤j 1 d⇤i +
= 0.
( 1)i+j d⇤i d⇤j
X
jin
( 1)i+j d⇤i d⇤j
et, en renumérotant,
4
1. MODULES SIMPLICIAUX
=
X
0
0
( 1)i +j +1 d⇤i0 d⇤j 0 +
j 0 i0 n
=0
X
( 1)i+j d⇤i d⇤j
jin
Définition 3.3. Pour tout objet A de sAb, on définit le complexe normalisé de
A, noté N (A), par :
Nn (A) :=
n\1
Ker(d⇤i ) et
i=0
n
:= ( 1)n d⇤n
Nn (A)
On définit ainsi un foncteur N : sAb ! chAb, en posant, pour tout f 2 HomsAb (A, B),
N (f ) = f N (A) 2 HomchAb (N (A), N (B)).
On doit vérifier que
n+1 (Nn+1 (A))
⇢ Nn (A), et que
= 0. Or, si x 2 Nn+1 (A),
(2.2.1)
alors, pour tout i 2 {0, . . . , n}, d⇤i (x) = 0, et donc d⇤i d⇤n+1 (x) = d⇤n d⇤i (x) = 0, ce
qui implique que n+1 (x) 2 Nn (A) et que n n+1 = 0. On doit aussi vérifier, pour
f 2 HomsAb (A, B), que f (N (A)) ⇢ N (B). Mais cela est clair car f commute avec
les faces.
Même si, à première vue, le complexe normalisé de A semble ”plus petit” que le
complexe associé à A, et apporter moins d’informations que ce dernier, on va voir que
ce n’est pas le cas, au sens où ces deux complexes sont homotopiquement équivalents.
On verra aussi que le complexe normalisé est la bonne notion pour comparer les deux
catégories sAb et chAb.
Définition 3.4. Soit A un groupe abélien simplicial. On définit le n-ième groupe
d’homotopie de A par : ⇡n (A) := Hn (N (A)).
Remarque 3.5. La notion de ”groupe d’homotopie” se généralise à tout objet
simplicial ”pointé” (K, ) ( est un sous objet simplicial de K formé d’un élément de
K0 et de son image par tout produit de dégénérescences) d’une catégorie concrète satisfaisant une condition dite ”d’extension de Kan”. On définit alors, pour tout entier
n > 0, l’ensemble ⇡n (K, ), comme étant un sous-ensemble de Kn quotienté par une
certaine relation d’équivalence, dite ”d’homotopie relative à ”. On prouve ensuite
que ces ensembles possèdent une structure de groupe et on les appelle les groupes
d’homotopie de K relativement à . Tout cela peut être lu dans [2]. En reprenant
notre exemple 2.3, les groupes d’homotopie de l’objet simplicial S(X) relativement
à une chaı̂ne constante x 2 X correspondent à la notion topologique usuelle d’homotopie relativement à un point. Avec notre définition, en revanche, les groupes
d’homotopie de S(X) correspondent à la notion topologique usuelle d’homologie. Le
lien entre la définition générale et notre définition dans le cas des groupes abéliens
est expliquée à la fin de la prochaine section.
4. Correspondance de Dold-Kan
Pour préparer la preuve de ladite correspondance, on aura besoin d’un résultat
important, parfois appelé ”théorème de normalisation” dans la littérature.
Définition 4.1. Soit A un groupe abélien simplicial. Pour tout n 2 N, notons
Dn (A) l’ensemble des éléments dégénérés de An (la réunion des images de An 1
4. CORRESPONDANCE DE DOLD-KAN
5
par les dégénérescences s⇤i ). Alors la di↵érentielle de C(A) induit une suite de morphismes n : An /Dn (A) ! An 1 /Dn 1 (A) qui munit C(A)/D(A) d’une structure de
complexe de chaı̂nes. D(A) est aussi un sous-complexe de C(A), en e↵et soit n 2 N,
i 2 {0, . . . , n 1}, on a :
n
X
⇤
si =
( 1)j d⇤j s⇤i
j=0
=
i 1
X
(
1)j s⇤i 1 d⇤j
i
+ ( 1) (IdAn ) + ( 1)
i+1
j=0
=
i 1
X
j=0
(IdAn ) +
n
X
( 1)j s⇤i d⇤i
1
j=i+2
(
1)j s⇤i 1 d⇤j
+
n
X
( 1)j s⇤i d⇤i
1
j=i+2
et donc (Dn (A)) ⇢ (Dn 1 A). On a un foncteur D : sAb ! chAb, en posant, pour
f 2 HomsAb (A, B), D(f ) = f D(f ) 2 HomchAb (D(A), D(B)), car f s⇤i = s⇤i f .
Théorème 4.2 (Théorème de normalisation). La composition des deux morphismes canoniques : N (A) ,! C(A) ⇣ C(A)/D(A) est un isomorphisme de complexes de chaı̂nes, et donc pour tout n 2 N, An = Nn (A) Dn (A)
Je renvoie à la preuve de [3], chapitre III, Théorème 2.1, à laquelle je n’ai rien à
ajouter.
Nous pouvons maintenant énoncer le résultat principal de cette section. N’ayant
pas trouvé de preuve complète dans mes principales références, je vais essayer d’en
rédiger une.
Théorème 4.3 (Correspondance de Dold-Kan). Il existe un foncteur :
K : chAb ! sAb
qui forme, avec le foncteur N : sAb ! chAb, une équivalence de catégorie.
Démonstration. On va construire le foncteur K : Soit V un complexe de
groupes abéliens dont on note la di↵érentielle. Pour tout n 2 N, on pose :
M M
(4.3.1)
Kn (V ) =
Vp [⌘]
pn ⌘:[n]⇣[p]
Cette notation signifie que pour chaque entier p  n, et pour chaque épimorphisme
de , ⌘ : [n] ⇣ [p], on met une copie de Vp , que l’on indexe par ⌘, en somme directe.
On définit ensuite les morphismes s⇤i et d⇤i :
Soit n 2 N, p  n, ⌘ : [n] ⇣ [p]. Pour tout i 2 {0, . . . , n}, ⌘si est un épimorphisme
de [n + 1] vers [p]. On définit s⇤i Vp [⌘] comme valant l’identité de Vp , à valeur dans le
facteur Vp [⌘si ] de Kn+1 (V ).
La valeur de d⇤i Vp [⌘] va dépendre de la décomposition épi-monique (voir la proposition 1.4) de ⌘di . Toujours d’après 1.4, puisque ⌘ est un épimorphisme, il se décompose en un produit de codégénérescences. On peut donc obtenir la décomposition
épi-monique de ⌘di en décalant di vers la gauche à l’aide de (1.3.3).
Deux cas peuvent se produire. Dans un premier cas, lors de ce processus, on
rencontre une configuration du type sj dj = Id ou sj dj+1 = Id, auquel cas ⌘di = ⌘ 0
est un épimorphisme de [n 1] vers [p], et on définit d⇤i Vp [⌘] comme étant l’identité
de Vp , à valeur dans le facteur Vp [⌘ 0 ] de Kn 1 (V ). Dans un second cas, le processus
6
1. MODULES SIMPLICIAUX
se termine avec une décomposition épi-monique du type ⌘di = dj ⌘ 00 où ⌘ 00 est un
épimorphisme de [n 1] dans [p 1]. Dans ce cas, si j = p, on définit d⇤i Vp [⌘] comme
étant égale à ( 1)p (où est la di↵érentielle de V ), à valeur dans le facteur Vp 1 [⌘ 00 ]
de Kn 1 (V ). Si j 6= p, alors on pose d⇤j V [⌘] = 0.
p
Il faut vérifier que ces morphismes vérifient les identités décrites en
2.2.
(2.2.2) se vérifie facilement : soit p  n, ⌘ : [n] ⇣ [p], alors pour tout i  j  n,
s⇤i s⇤j V ⌘ et s⇤j+1 s⇤i V [⌘] sont toutes deux définies comme l’identité de Vp , à valeur
p
p
respectivement dans Vp [⌘sj si ] et Vp [⌘si sj+1 ]. Or sj si = si sj+1 d’après (1.3.2).
Vérifions l’égalité (2.2.3) :
Soit n 2 N, i, j 2 {0, . . . , n}. Pour tout p  n, ⌘ : [n] ⇣ [p], s⇤j V [⌘] est l’identité de
p
Vp à valeur dans Vp [⌘sj ]. Si i = j ou i = j + 1, alors ⌘sj di = ⌘ est une surjection
donc d⇤i Vp [⌘sj ] est l’identité de Vp à valeur dans Vp [⌘], et donc, d⇤i s⇤j = Id.
Supposons maintenant que i < j. Alors d’après l’identité (1.3.3), sj di = di sj 1 .
Si ⌘sj di est une surjection, alors d⇤i s⇤j V [⌘] est l’identité à valeur dans Vp [⌘sj di ] =
p
Vp [⌘di sj 1 ]. Mais alors, puisque (⌘di )sj 1 est une surjection, ⌘di est une surjection,
donc di Vp [⌘] est l’identité à valeur dans Vp [⌘di ], et donc s⇤j 1 d⇤i V [⌘] est l’identité de
p
Vp à valeur dans Vp [⌘di sj 1 ], et donc d⇤i s⇤j V [⌘] = s⇤j 1 d⇤i V [⌘] .
p
p
Si ⌘sj di n’est pas une surjection, elle possède une décomposition épi-monique de
la forme ⌘sj di = di0 ⌘ 0 avec ⌘ 0 : [n] ⇣ [p 1]. Puisque ⌘sj di = ⌘di sj 1 , et puique
sj 1 est une surjection, cela implique que ⌘di n’est pas non plus une surjection : elle
possède une décomposition épi-monique de la forme : ⌘di = di00 ⌘ 00 . De plus, si l’on a
chaque fois la décomposition obtenue en faisant glisser di vers la gauche à l’aide de
(1.3.1) comme décrit précédemment, on aura i0 = i00 et ⌘ 0 = ⌘ 00 sj 1 . Ainsi, si i0 6= p,
d⇤i s⇤j V [⌘] = s⇤j 1 d⇤i V [⌘] = 0, et si i0 = p, d⇤i s⇤j V [⌘] = s⇤j 1 d⇤i V [⌘] = ( 1)p à valeur
p
p
p
p
dans Vp [⌘ 0 ].
Si i > j + 1, on peut procéder de la même façon.
Reste à vérifier (2.2.1) :
Soient n 2 N, p  n, ⌘ : [n] ⇣ [p], et i < j  n. Supposons que ⌘dj est une surjection.
Alors, si ⌘dj di = ⌘di dj 1 est une surjection, ⌘di est une surjection, et on en déduit
que d⇤i d⇤j V [⌘] = d⇤j 1 d⇤i V [⌘] est l’identité de Vp à valeur dans Vp [⌘dj di ] = Vp [⌘di dj 1 ].
p
p
Si ⌘dj di = ⌘di dj 1 n’est pas une surjection, on obtient sa décomposition épi-monique
du type dk ⌘ 0 dj 1 , (⌘ 0 dj 1 : [n 2] ⇣ [p 1]) en faisant glisser di vers la gauche. Si
k 6= p, d⇤i d⇤j V [⌘] = d⇤j 1 d⇤i V [⌘] = 0, et si k = p, d⇤i d⇤j V [⌘] = d⇤j 1 d⇤i V [⌘] = ( 1)p , à
p
p
p
p
valeur dans Vp 1 [⌘ 0 dj 1 ].
Supposons finalement que ⌘dj n’est pas une surjection. On écrit sa décomposition
épi-monique ⌘dj = dj 0 ⌘ 0 . En fonction de la valeur de j 0 , d⇤j V [⌘] peut valoir 0 ou
p
( 1)p . Si ⌘ 0 di n’est pas non plus une surjection, on note sa décomposition épimonique ⌘ 0 di = di0 ⌘ 00 . Quelles que soient les valeurs de i0 et j 0 , d⇤i d⇤j V [⌘] = 0, car
p
= 0. D’autre part, ⌘di dj 1 est aussi égale à dj 0 di0 ⌘ 00 , donc ⌘di dj 1 ”saute” deux
entiers (son image est {0, . . . , p} privé de deux entiers). Or ⌘di ”saute” au plus un
entier, auquel cas il n’est pas surjectif et peut s’écrire dk µ (avec µ : [n 1] ⇣ [p 1]),
et ⌘di dj 1 ”saute” au plus deux entiers, auquel cas µdj 1 n’est pas une surjection,
et d’après ce qui précède, d⇤j 1 d⇤i V [⌘] = 0. Si ⌘ 0 di est une surjection, alors d⇤i d⇤j V [⌘]
p
p
est égale à 0 sauf si j 0 = p, auquel cas elle vaut (1)p à valeur dans Vp 1 [⌘ 0 di ].
4. CORRESPONDANCE DE DOLD-KAN
7
Étudions d⇤j 1 d⇤i : puisque ⌘di dj 1 admet comme décomposition épi-monique dj 0 ⌘ 0 di ,
elle ne ”saute” qu’un entier. En suivant le même raisonnement que précédemment,
cela signifie que si ⌘di est une surjection, alors ⌘di dj+1 n’est pas une surjection, et
que d⇤j+1 V [⌘d ] vaut 0 ou ( 1)p en fonction de la valeur de j 0 . Et, si ⌘di = dk0 µ0
p
i
n’est pas une surjection, alors µ0 dj+1 doit être une surjection, de plus la valeur de
d⇤i Vp [⌘] dépend de la valeur de k 0 . Or dk0 µ0 dj+1 = dj 0 µdi sont deux décomposition
épi-monique du même morphisme [n 2] ! [p], donc k 0 = j 0 est l’unique entier de
{0, . . . , p} qui n’est pas dans l’image de cette fonction.
On a prouvé que si V est un complexe de groupes abéliens, K(V ) est bien un
groupe abélien simplicial.
La fonctorialité de K est facile à montrer, car si f : V ! V 0 est un morphisme
de complexes de chaı̂nes, on pose :
M M
Kn (f ) =
fp [⌘]
pn ⌘:[n]⇣[p]
où, pour tout n 2 N, p  n, ⌘ : [n] ⇣ [p], fp [⌘] : Vp [⌘] ! Vp0 [⌘] est égal à fp .
K(f ) est un morphisme entre groupes abéliens simpliciaux car les faces et dégénérescences ont été construites avec des sommes directes de 0, Id et , et que les fn
commutent avec ces derniers. On vérifie facilement que K est compatible avec la
composition des morphismes.
Il nous reste à montrer que l’on a a↵aire à une équivalence de catégorie,
c’est-à-dire à exhiber des isomorphismes naturels
: N K ! IdchAb et
: KN ! IdsAb .
Décrivons
: Si V est un complexe
L de
L groupes abéliens, rappelons que pour
tout n 2 N, Kn (V ) = Vn [Id[n] ] ( p<n ⌘:[n]⇣[p] Vp [⌘]). D’autre part, d’après le
théorème de normalisation 4.2,
Dn (K(V )). Il suffit donc de
n (V ) = Nn (K(V ))
L KL
montrer que Dn (K(V )) =
2 {0, . . . , n 1},
p<n
⌘:[n]⇣[p] Vp [⌘]. Or pour tout i L
0
⇤
0
0
tout p  n 1 et tout ⌘ : [n 1] ⇣ [p], si (Vp [⌘ ]) = Vp [⌘ si ] ⇢ ⌘:[n]⇣[p] Vp [⌘], et
pour tout p < n, ⌘ : [n] ⇣ [p], Vp [⌘] = ⌘ ⇤ (Vp [Id[p] ]) ⇢ Dn (K(V )). La di↵érentielle est
la même pour les deux complexes, car celle de N (K(V )) est ( 1)n d⇤n et car d⇤n Vn [Id[n]]
vaut ( 1)n à valeur dans Vn 1 [Id[n 1] ] = Nn 1 (K(V )).
Construisons
: Soit A un groupe abélien simplicial. Pour tout n 2 N, on a :
L
L
Kn (N (A)) = pn ⌘:[n]⇣[p] Np (A)[⌘]. Posons alors, pour tout p  n, ⌘ : [n] ⇣ [p],
et x 2 Np (A), (x[⌘]) = ⌘ ⇤ (x) (où x[⌘] est la copie de x dans Vp [⌘]). Il est clair que
commute avec les dégénérescences. Montrons qu’il commute avec les faces : soit
i 2 {0, . . . , n}. Alors d⇤i (x[⌘]) = d⇤i ⌘ ⇤ (x). Si ⌘di n’est pas une surjection, on écrit
sa décomposition épi-monique ⌘di = dj ⌘ 0 . dans ce cas, d⇤i (x[⌘]) = 0, sauf si j = p,
au quel cas d⇤i (x[⌘]) = (( 1)2p d⇤p (x))[⌘ 0 ] et donc (d⇤i (x[⌘])) = ⌘ 0⇤ d⇤p x. Mais alors,
d⇤i (x[⌘]) = d⇤i ⌘ ⇤ (x) = ⌘ 0⇤ d⇤j (x). Puisque x 2 Np (A), d⇤i ⌘ ⇤ (x) = 0, sauf si j = p,
auquel cas d⇤i ⌘ ⇤ (x) = ⌘ 0⇤ d⇤p (x).
D’après ce qui précède, et d’après le théorème de normalisation 4.2, Kn (N (A)) =
Nn (K(N (A))) Dn (K(N (A))) = Nn (A)[Id[n] ] Dn (K(N (A))). Il suffit donc de
montrer que
(Dn (K(N (A)))) = Dn (A)
s⇤i
Soit p  n 1, ⌘ 0 : [n 1] ⇣ [p], i 2 {0, . . . , n 1}. Alors (s⇤i (Np (A)[⌘ 0 ])) =
⌘ 0⇤ (Np (A)) ⇢ Dn (A). D’autre part montrons par récurrence sur n que pour tout
8
1. MODULES SIMPLICIAUX
i 2 {0, . . . , n 1}, s⇤i (An 1 ) ⇢ (Dn (K(N (A)))). Pour n = 0, il n’y a rien à démontrer. Supposons que pour tout i 2 {0, . . . , n 2}, s⇤i (An 2 ) ⇢ (Dn 1 (K(N (A)))).
Alors pour tout i 2 {0, . . . , n 1}, s⇤i (An 1 ) = s⇤i (Nn 1 (A)) s⇤i (Dn 1 (A)). De
⇤
plus,
= (s⇤i (Nn 1 (A)[Id[n 1] ])) ⇢ (Dn (K(N (A)))), et s⇤i (Dn 1 (A)) =
L si (Nn 1 (A))
⇤ ⇤
j2{0,...,n 2} si sj (An 2 ) qui par hypothèse de récurrence est inclus dans
s⇤i ( (Dn 1 (K(N (A))))) = (s⇤i (Dn 1 (K(N (A))))) ⇢ (Dn (K(N (A)))).
⇤
Remarque 4.4. Soit A un groupe abélien simplicial. On prouve ([3], Chapitre
III, Théorème 2.4) que l’inclusion des complexes i : N (A) ,! C(A) est une équivalence d’homotopie. Pour compléter la remarque 3.5, indiquons que l’on prouve
aussi ([3], Chapitre III, Corollaire 2.7), que les groupes d’homologie de N (A) sont
isomorphes aux groupes d’homotopie de A relativement à 0, ce qui explique a posteriori notre convention.
5. Produits de Groupes Abéliens Simpliciaux
Dans cette section, on étudie la manière de définir des produits de groupes abéliens simpliciaux, ainsi que de complexes de chaı̂nes. On comparera ces deux structures de produit à travers la correspondance de Dold-Kan, ce qui est l’objet du
Théorème d’Eilenberg-Zilber.
Définition 5.1. Soient A et B deux groupes abéliens simpliciaux. On définit le
groupe abélien simplicial produit de A et B, noté A ⇥ B, en posant pour tout n 2 N,
(5.1.1)
(A ⇥ B)n := An ⌦ Bn
où ⌦ désigne le produit tensoriel de groupes abéliens, et en posant, pour tout n 2 N,
i 2 {0, . . . , n}, a 2 An , b 2 Bn ,
(5.1.2)
(5.1.3)
d⇤i (a ⌦ b) := (d⇤i (a) ⌦ d⇤i (b)) 2 An 1 ⌦ Bn 1 = (A ⇥ B)n 1
s⇤i (a ⌦ b) := (s⇤i (a) ⌦ s⇤i (b)) 2 An+1 ⌦ Bn+1 = (A ⇥ B)n+1
Définition 5.2. Soient V et W deux complexes de groupes abéliens. On définit
le complexe produit gradué de V et W , noté V ⌦g W , en posant pour tout n 2 N,
M
(5.2.1)
(V ⌦g W )n :=
V i ⌦ Wj
i+j=n
et pour tous n 2 N, i 2 N j 2 N tels que i + j = n, v 2 Vi , w 2 Wj ,
(5.2.2)
(v ⌦ w) := (v) ⌦ w + ( 1)i v ⌦ (w)
On omettra parfois le ”g”, en notant seulement ⌦ ce produit. Il ne peut y avoir
d’ambigüité car le produit gradué de deux groupes abéliens V et W vu comme des
complexes de chaı̂nes concentré en zéro correspond au groupe abélien V ⌦ W vu
comme un complexe de chaı̂nes concentré en zéro.
Remarque 5.3. Étant donnés deux groupes abéliens simpliciaux A et B, on peut
donc former deux complexes de chaı̂nes produits : C(A⇥B) et C(A)⌦g C(B). L’objet
du théorème d’Eilenberg-Zilber est de donner un lien entre ces deux complexes.
Théorème 5.4 (Théorème d’Eilenberg-Zilber). Soient A et B deux groupes abéliens simpliciaux. Il existe deux morphismes de complexes de chaı̂nes :
(5.4.1)
(5.4.2)
AW : C(A ⇥ B) ! C(A) ⌦g C(B)
r : C(A) ⌦g C(B) ! C(A ⇥ B)
5. PRODUITS DE GROUPES ABéLIENS SIMPLICIAUX
9
Qui induisent des isomophismes réciproques en homotopie :
(5.4.3)
(5.4.4)
AW : Hn (C(A ⇥ B)) ! Hn (C(A) ⌦g C(B))
r : Hn (C(A) ⌦g C(B)) ! Hn (C(A ⇥ B))
Les références sur ce théorème abondent. On citera par exemple [2], §29, ou
encore [5], section VIII.8. On ne donnera pas ici de preuve de ce théorème, qui
utilise la méthode dite des modèles acycliques, qui dépasse le cadre de ce mémoire.
On va en revanche donner une expression pour les morphismes AW et r :
Définition 5.5. Pour tous objets simpliciaux A et B, on définit l’application
d’Alexander-Whitney, de 5.4.1 par, pour tout n 2 N :
X
M
(5.5.1)
AWn =
(d¯⇤ )j ⌦ (d⇤0 )i : An ⌦ Bn !
Ai ⌦ B j
i+j=n
i+j=n
Où d¯⇤ désigne la dernière face, ici (d¯⇤ )j = d⇤i+1 d⇤i+2 . . . d⇤n 1 d⇤n , et en appliquant 2.2.1,
(d¯⇤ )j = (d⇤i+1 )j
Pour définir r, je vais avoir besoin de la notion de shu✏e :
Définition 5.6. Soit n un entier naturel, i et j deux entiers strictement positifs tels que i + j = n. On appelle (i, j)-shu✏e toute permutation de l’ensemble
{0, . . . , n 1} vérifiant :
(0) < (1) < · · · < (i
1) et (i) < (i + 1) < · · · < (n
1).
On note Sh(i, j) l’ensemble des (i, j)-shu✏es. Si 2 Sh(i, j), on notera souvent =
(µ, ⌫), ce qui signifiera que µ est la liste d’entiers µ = (µ1 = (0), . . . , µi = (i 1)),
et que ⌫ est la liste ⌫ = (⌫1 = (i) . . . ⌫j = (n 1)). On note sgn( ) = sgn(µ, ⌫) la
signature de la permutation .
Remarque 5.7. L’identification = (µ, ⌫) permet d’établir une correspondance
entre les (i, j)-shu✏es et les partitions ordonnées de {0, . . . , n 1} ayant une composante à i éléments et une composante à j éléments. Plus généralement, on peut
définir, pour tout n-uplet (i1 , . . . , in ) d’entiers strictement positifs, les (i1 , . . . , in )shu✏es, qui sont des permutations de l’ensemble {0, . . . , i1 + i2 + · · · + in 1}. On
notera Sh(i1 , . . . , in ) l’ensemble de ces permutations, et elles correspondront aux
partitions ordonnées de {0, . . . , i1 + i2 + · · · + in 1} en n composantes, la k-ième
composante ayant ik éléments.
Pour tous objets simpliciaux A et B, on pose, pour tout n 2 N, et tous i 2 N,
j 2 N tels que i + j = n :
X
(5.7.1)
shi,j =
sgn(µ, ⌫)s⇤⌫j . . . s⇤⌫1 ⌦ s⇤µi . . . s⇤µ1 : Ai ⌦ Bj ! An ⌦ Bn
(µ,⌫)2Sh(i,j)
Définition 5.8. Pour tous objets simpliciaux A et B, on définit l’application
d’Eilenberg-Zilber, aussi appelée application de shu✏e, de 5.4.2 par, pour tout n 2 N :
M
(5.8.1)
rn =
shi,j : (C(A) ⌦g C(B))n ! (A ⇥ B)n
i+j=n
10
1. MODULES SIMPLICIAUX
Remarque 5.9. On peut donner l’expression de l’application de shu✏e avec un
nombre quelconque de facteurs. Soient A1 , . . . , Ar une famille de r groupes abéliens
simpliciaux. Il existe alors un morphisme de complexes de chaı̂nes :
r
r
O
Y
(5.9.1)
r:
(C(At )) ! C( At )
Nr
t=1
L
t=1
( t=1 (C(At )))n = i1 +···+ir =n (Ai1 ⌦ · · · ⌦ Air ). Pour tout r-uplet (i1 , . . . , ir ) dont
la somme vaut n, on rappelle qu’un élément I 2 Sh(i1 , . . . , ir ) peut être vu comme
une partition de {0, . . . , n 1} en r composantes, la k-ième ayant ik éléments. On
le notera donc I = (I(1), . . . , I(r)), I(k) étant un ensemble à ik éléments que l’on
ordonne dans l’ordre croissant : I(k) = (I(k)1 , . . . , I(k)ik ). Soit t 2 {1, . . . , r}, on
note I 0 (t) le complémentaire de I(t) dans {0, . . . , n 1}, que l’on ordonne aussi dans
l’ordre croissant : I 0 (t) = (I 0 (t)1 , . . . , I 0 (t)n it ). On pose :
X
shi1 ,...,ir =
sgn(I)s⇤I 0 (1)n i1 . . . s⇤I 0 (1)1 ⌦ · · · ⌦ s⇤I 0 (r)n ir . . . s⇤I 0 (r)1
I=(I(1),...,I(r))2Sh(i1 ,...,ir )
Et l’application de shu✏e se définit alors, pour tout n 2 N, par :
r
r
M
O
Y
(5.9.2)
rn =
shi1 ,...,ir : (
(C(At )))n ! C( At )n
t=1
i1 ,...,ir =n
t=1
Ce type de construction est récurrente. Une construction similaire apparaı̂t dans
la section suivante.
6. Compléments sur les Produits
Remarque 6.1. On peut se demander si les foncteurs K et N sont compatibles
avec les structures de produit. On vérifie ([2], Corollaire 29.4), que N (A ⇥ B) =
N (A) ⌦g N (B) pour tous groupes abéliens simpliciaux A et B. K en revanche, ne
respecte pas cette structure. Par exemple, notons V le complexe de chaı̂nes qui
vaut Z en tout degré, et dont la di↵érentielle alterne L
entre IdZ et 0. On va montrer
n+1
que K(V ) ⇥ K(V ) 6= K(V ⌦g V ). (V ⌦g V )n '
. Donc
i+j=n Z ⌦ Z = Z
L L
K(V ⌦g V )1 = p1 ⌘:[1]⇣[p] Zp+1 [⌘] = Z1 [✏] Z2 [Id[1] ] où ✏ est l’unique surjection
[1] ⇣ [0]. D’autre part, K(V )1 = Z[✏] Z[Id[1] ], donc (K(V ) ⇥ K(V ))1 ' Z4 .
Remarquons tout de même l’existence, pour tous complexes de chaı̂nes V et W ,
d’une application (naturelle en V et W ) :
(6.1.1)
r : K(V ⌦g W ) ! K(V ) ⇥ K(W )
(on la note r, par analogie avec l’application d’Eilenberg-Zilber de 5.4.2, et parce
qu’elle fait aussi intervenir les shu✏es), qui pour n 2 N, p  n, i+j = p, ⌘ : [n] ⇣ [p],
x 2 Vi , y 2 Wj , associe au tenseur (x ⌦ y)[⌘] 2 (Vi ⌦ Wj )[⌘], l’élément :
X
M
M
sgn(µ, ⌫)x[s⌫1 . . . s⌫j ⌘] ⌦ y[sµ1 . . . sµj ⌘] 2 (
Vi [⌘ 0 ]) ⌦ (
Wj [⌘ 00 ])
⌘ 0 :[n]⇣[i]
(µ,⌫)2Sh(i,j)
⌘ 00 :[n]⇣[j]
(Remarquer que s⌫1 . . . s⌫j ⌘ : [n] ⇣ [i] et sµ1 . . . sµj ⌘ : [n] ⇣ [j]). De même, si
V1 , . . . , Vr est une famille de complexes de groupes abéliens, on construit une application :
r
r
O
Y
(6.1.2)
r : K(
Vt ) !
K(Vt )
t=1
t=1
6. COMPLéMENTS SUR LES PRODUITS
11
qui, pour n 2 N, p  n, ⌘ : [n] ⇣ [p], tout r-uplet (i1 , . . . , ir ) d’entiers tels que
i1 + · · · + ir = p, et toute famille (xt )1tr telle que xt 2 Vtit , associe au tenseur
(x1 ⌦ · · · ⌦ xr )[⌘] 2 (V1i1 ⌦ · · · ⌦ Vrir )[⌘] l’élément :
X
sgn(I)x1 [sI 0 (1)1 . . . sI 0 (1)n i1 ⌘] ⌦ · · · ⌦ xr [sI 0 (r)1 . . . sI 0 (r)n ir ⌘] 2
I2Sh(i1 ,...,ir )
(
M
⌘1 :[n]⇣[i1 ]
V1i1 [⌘1 ]) ⌦ · · · ⌦ (
Cette application nous servira à la fin de ce mémoire.
M
Vrir [⌘r ])
⌘r :[n]⇣[ir ]
Remarque 6.2. Hn (C(A ⇥ B)) = ⇡n (A ⇥ B). Dans 5.4.3 et 5.4.4, on aimerait
pouvoir remplacer Hn (C(A)⌦g C(B)) par quelque chose du genre (⇡⇤ (A)⌦g ⇡⇤ (B))n .
Cela n’est pas toujours faisable, mais dans de nombreux cas, on peut utiliser le
résultat suivant, appelé formule de Künneth. Pour la preuve de ce résultat, je renvoie
à [5] section V.10, ou encore à [4], section 3.6.
Théorème 6.3 (Formule de Künneth). Soient V et W deux complexes de groupes
abéliens. Si, pour tout n 2 N, Vn est sans torsion, alors on a, pour tout entier n,
une suite exacte courte :
(6.3.1) M
M
0!
(Hi (V ) ⌦ Hj (W )) ,! Hn (V ⌦g W ) ⇣
T or1Z (Hi (V ), Hj 1 (W )) ! 0
i+j=n
i+j=n
En particulier, si V et W sont des complexes d’espaces vectoriels sur un corps k,
on a un isomorphisme :
M
(6.3.2)
Hi (V ) ⌦k Hj (W ) ' Hn (V ⌦k W )
i+j=n
(où ⌦k est le produit dans la catégorie chM odk donné par la même expression que
5.2.1. On notera vite ⌦, en oubliant la référence à k) et on en déduit :
Corollaire 6.4. Soient A et B deux espaces vectoriels simpliciaux sur un corps
k. On a un isomorphisme :
⇡n (A ⇥ B) ' (⇡⇤ (A) ⌦k ⇡⇤ (B))n
(6.4.1)
En e↵et :
⇡n (A ⇥ B) = Hn (N (A ⇥ B))
' Hn (C(A ⇥ B))
' Hn (C(A) ⌦ C(B))
M
'
Hi (C(A)) ⌦k Hj (C(B))
(par définition)
(d’après 4.4)
(en appliquant 5.4.4)
(d’après 6.3.2)
i+j=n
'
M
i+j=n
Hi (N (A)) ⌦k Hj (N (B))
= (⇡⇤ (A) ⌦k ⇡⇤ (B))n
(d’après 4.4)
(par définition)
Chapitre 2
Monade
Ce chapitre et le suivant ont pour but l’introduction du concept d’opérade algébrique, et d’algèbre sur une opérade. Mon objectif avoué est d’instiller tout au long de
ces chapitres une intuition au lecteur, en faisant souvent référence aux connaissances
qu’il possède déjà, afin de lui faire comprendre le slogan suivant : ”Une opérade encode des opérations et des relations, et définit un type d’algèbre”. Je remercie Mme.
Muriel Livernet, qui m’a transmis cette intuition en me montrant les bons exemples.
En ce qui concerne le sujet des monades (parfois appelées ”triples” dans la littérature), [6] (chapitre VI), et [7] (chapitre 3), sont de bonnes références.
1. Catégorie Monoı̈dale
Dans la dernière section du chapitre précédent, on a décrit des produits entre
objets d’une catégorie. On connaı̂t de nombreux exemples de tels produits. On va
ici donner une définition plus générale des structures de produit entre objets d’une
catégorie.
Définition 1.1. Une catégorie monoı̈dale est une catégorie C munie d’un bifoncteur :
·⌦·:C ⇥C !C
(A, B) 7! A ⌦ B
appelé produit tensoriel, admettant un objet unité I, c’est-à-dire que pour tout objet
A, il existe deux isomorphismes naturels en A :
:I ⌦A!A
⇢A : A ⌦ I ! A
A
et associatif, c’est-à-dire qu’il existe, pour tous objets A, B, et C, un isomorphisme
naturel en A, B, et C :
↵A,B,C : (A ⌦ B) ⌦ C ! A ⌦ (B ⌦ C)
le tout vérifiant des axiomes de cohérence correspondant au fait que les deux diagrammes suivants commutent pour tous objets A, B, C et D :
↵A,I,B
(A ⌦ I) ⌦ B
⇢A ⌦IdB
'
A⌦B
13
w
/
A ⌦ (I ⌦ B)
IdA ⌦
B
14
2. MONADE
((A ⌦ B) ⌦ C) ⌦ D
↵A,B,C ⌦IdD
/
(A ⌦ (B ⌦ C)) ⌦ D
↵A⌦B,C,D
↵A,B⌦C,D

(A ⌦ B) ⌦ (C ⌦ D)
A ⌦ ((B ⌦ C) ⌦ D)
IdA ⌦↵B,C,D
↵A,B,C⌦D
'
w
A ⌦ (B ⌦ (C ⌦ D))
Exemple 1.2. Les trois premiers exemples seront réutilisés par la suite.
• Si k est un anneau commutatif, et si ⌦k désigne le produit tensoriel sur k,
alors la catégorie M odk des k-modules munie de ⌦k ayant k comme objet
unité est une catégorie monoı̈dale.
• (Ens, ⇥, {⇤}), où Ens est la catégorie des ensembles, ⇥ est le produit cartésien, et {⇤} désigne un singleton, est une catégorie monoı̈dale.
• Si C est une catégorie, notons F(C, C) la classe des endofoncteurs de C
dans C. Alors (F(C, C), , IdC ) est une catégorie monoı̈dale.
On a deux exemples supplémentaires provenant du chapitre précédent :
• Si k est un anneau commutatif, rappelons que k désigne aussi dans notre
convention le complexe de k-modules concentré en 0. (chM odk , ⌦g , k) est
une catégorie monoı̈dale.
• Si k est un anneau commutatif, notons I l’objet simplicial qui vaut k en tout
degré, et tel que toutes les faces et toutes les dégénérescences sont l’identité
de k. Alors (sM odk , ⇥, I) est une catégorie monoı̈dale.
2. Tressage
On peut s’intéresser à la façon dont le produit tensoriel réagit à la permutation
de ses facteurs.
Définition 2.1. Une catégorie monoı̈dale (C, ⌦, I) est dite tressée, si on la
munit, pour tous objets A et B, d’un isomorphisme (naturel en A et B) :
(2.1.1)
A,B
:A⌦B !B⌦A
compatible avec l’associativité et l’unité, c’est-à-dire tel que deux diagrammes que
je ne dessinerai pas 1 commutent.
Remarque 2.2. A priori, le diagramme suivant n’est pas commutatif :
IdA⌦B
A⌦B
A,B
%
/
A9 ⌦ B
B,A
B⌦A
1. ces deux diagrammes sont appelés les identités hexagonales . Voir [8], XIII.1, (1.3) et (1.4).
3. MONOı̈DE DANS UNE CATéGORIE MONOı̈DALE
15
Définition 2.3. On dit qu’une catégorie monoı̈dale est symétrique si elle est
1
munie d’une tresse tel que, pour tous objets A et B, A,B = B,A
.
Exemple 2.4. Dans les exemples précédents, toutes les catégories monoı̈dales
sont tressées, et même symétriques, sauf F(C, C).
On va préciser la tresse de chM
L odk : si V et W sont deux k-modules, on rappelle
que pour n 2 N, V ⌦g W (n) = i+j=n Vi ⌦ Wj . Si A,B est le morphisme de tresse
A⌦B ! B⌦A dans la catégorie
le morphisme de tresse V ⌦g W ! W ⌦g
L M odk , alors
ij
V est donné en degré n par
(
1)
Vi ,Wj . On vérifie que cet isomorphisme
i+j=n
linéaire est bien un morphisme de complexes de modules, ce qui n’aurait pas été le
cas sans le signe.
Remarque 2.5. Soit (C, ⌦, I) une catégorie monoı̈dale munie d’une tresse symétrique , et (A1 , . . . , An ) des objets de C. On note 2 Sn le groupe des permutations
d’un ensemble à n éléments. Alors pour tout 2 Sn , on a un isomorphisme induit
par la tresse :
⇤
: A1 ⌦ · · · ⌦ An ! A (1) ⌦ · · · ⌦ A (n)
(La notation utilisée est celle de l’article de B. Fresse [1], 0.5).
Pour construire ⇤ , il suffit de décomposer en produit de transpositions d’entiers
consécutifs, puis d’appliquer la tresse : si = ⌧1 . . . ⌧p , en notant (ji , ji +1) le support
de ⌧i , posons
⌧i ⇤ = IdA1 ⌦ · · · ⌦ IdAji
⌦
1
Aji ,Aji +1
⌦ IdAji +2 ⌦ · · · ⌦ IdAn
On pose finalement ⇤ = ⌧p ⇤ · · · ⌧1 ⇤ .
Ainsi, pour tout objet A de C et tout entier n 2 N, on dispose d’une action à
gauche par permutation des facteurs de Sn sur A⌦n (produit de n copies de A) par
⇤
7! ⇤ . On notera aussi ⇤ = 1 , nous donnant l’action à droite 7! ⇤ . Dans le
cas des complexes de chaı̂nes, on remarque que ces actions font intervenir un signe.
3. Monoı̈de dans une Catégorie Monoı̈dale
Donnons une définition catégorique de la notion usuelle de monoı̈de.
Un monoı̈de M est un ensemble muni d’une application de produit :
µ : M ⇥ M ! M qui est associative, c’est-à-dire qui fait commuter le diagramme
suivant :
(3.0.1)
(M ⇥ M ) ⇥ M
↵M,M,M
/
M ⇥ (M ⇥ M )
IdM ⇥µ
/
M ⇥M
µ
µ⇥IdM
✏
µ
M ⇥M
/
✏
M
et qui possède un élément neutre, notons-le e, ce qui revient à demander l’existence
d’une application ⌘ : {e} ! M faisant commuter le diagramme :
(3.0.2)
{e} ⇥ M
⌘⇥IdM
/
IdM ⇥⌘
M ⇥M o
M ⇥ {e}
µ
M
& ✏ x
⇢M
M
Définition 3.1. Soit (C, ⌦, I) une catégorie monoı̈dale. Un monoı̈de dans cette
catégorie monoı̈dale est un objet M muni d’un morphisme de multiplication µ : M ⌦
16
2. MONADE
M ! M et d’un morphisme d’unité ⌘ : I ! M faisant commuter les diagrammes
3.0.1 et 3.0.2, en remplaçant ⇥ par ⌦ et {e} par I.
Comme pour la notion usuelle de monoı̈de, on définit un morphisme de monoı̈de,
qui doit respecter l’unité et la multiplication :
Définition 3.2. Soient (M, µ, ⌘) et (N, µ0 , ⌘ 0 ) deux monoı̈des dans la catégorie
monoı̈dale (C, ⌦, I). Un morphisme de monoı̈de f : M ! N est un morphisme
f 2 HomC (M, N ) tel que : f ⌘ = ⌘ 0 et f µ = µ0 (f ⌦ f )
On en déduit la définition de catégorie des monoı̈des sur une catégorie monoı̈dale.
Exemple 3.3.
• Un monoı̈de dans (M odk , ⌦k , k) est une algèbre associative et unifère, l’élément neutre étant l’image par ⌘ de 1 2 k.
• Sur (Ens, ⇥, {⇤}) on retrouve la définition classique de monoı̈de, l’élément
neutre étant l’image par ⌘ du seul élément de {⇤}.
• Qu’est-ce qu’un monoı̈de dans (F(C, C), , IdC ) ?
4. Monade
Définition 4.1. Étant donné une catégorie C, on appelle monade sur la catégorie C un monoı̈de dans la catégorie monoı̈dale (F(C, C), , IdC ). C’est donc un
endofoncteur T : C ! C muni d’une transformation naturelle ”de multiplication”
µ : T T ! T et d’une transformation naturelle ”d’unité” ⌘ : IdC ! T tels que pour
tout objet X de C, les diagrammes suivants commutent :
(4.1.1)
T
T (µX )
T
T (X)
/
T
T (X)
µT (X)
T
(4.1.2)
T (X)
µX
✏
µX
T (X)
⌘T (X)
T (X) o
µX
IdT (X)
T (X)
/
T (⌘X )
T
/
✏
%
✏
T (X)
y
T (X)
IdT (X)
Définition 4.2. Soient (S, µ, ⌘), (T, µ0 , ⌘ 0 ), deux monades sur C. Un morphisme
de monades de S vers T est une transformation naturelle f : S ! T qui est compatible avec les multiplications et les unités, c’est-à-dire telle que pour tout objet X,
les diagrammes suivants commutent :
(4.2.1)
X
0
⌘X
⌘X
|
fX
S(X)
(4.2.2)
S(S(X))
fS(X)
/
T (S(X))
/
"
T (X)
T (fX )
/
T (T (X))
µ0X
µX
✏
S(X)
fX
/
✏
T (X)
4. MONADE
17
Par définition, il peut exister des monades sur n’importe quelle catégorie. On
trouve une quantité d’exemples intéressants dans [7], chapitre 3, 1.1. Pour ma part,
je traiterai principalement des exemples algébriques qui seront réutilisés par la suite
(on verra en particulier que ces monades sont munies d’une structure d’opérade).
Exemple 4.3. Soit k un anneau commutatif. La catégorie des k-modules est
munie d’un endofoncteurLT qui à tout module M associe l’algèbre tensorielle de
M , c’est-à-dire T (M ) = i>0 M ⌦i . (Ici M ⌦i désigne le produit tensoriel sur k de i
copie de M , et i parcoure l’ensemble des entiers strictement positifs). On a aussi un
endofoncteur S qui à M associe l’algèbre
symétrique de M , ou algèbre commutative
L
libre engendrée par M : S(M ) = i>0 (M ⌦i )Si , où Si agit sur M ⌦i par permutation
des facteurs, et (M ⌦i )Si désigne les éléments coinvariants, c’est-à-dire le quotient de
M ⌦i par l’action de Si .
Ces foncteurs sont des monades. Pour le prouver je dois exhiber l’unité et la
multiplication de chacun. Je vais présenter celles de T , qui passeront au quotient
pour S.
L
⌦i
L’unité de T est l’identification (naturelle en M ) M = M ⌦1 ⇢
i>0 M . S1
est trivial, donc cette unité convient aussi pour S.
L’algèbre tensorielle de M est munie d’une multiplication par concaténation qui
va nous fournir la multiplication de T :
MM
T T (M ) =
(
M ⌦i )⌦j
j>0
i>0
À j > 0 fixé, il faut décrire, pour tout j-uplet (i1 , . . . , ij ), une application :
M
0
µ : M ⌦i1 ⌦ · · · ⌦ M ⌦ij !
M ⌦i
i0 >0
Soit x1 = x1,1 ⌦ · · · ⌦ x1,i1 2 M ⌦i1 , . . ., xj = xj,1 ⌦ · · · ⌦ xj,ij 2 M ⌦ij des tenseurs
purs, on pose :
µ(x1 ⌦ · · · ⌦ xj ) = x1,1 ⌦ · · · ⌦ x1,i1 ⌦ x2,1 ⌦ · · · ⌦ xj,ij 2 M ⌦(i1 +···+ij ) ⇢ T (M )
Pour comprendre pourquoi µ est coinvariante, il faut comprendre le fait suivant
portant sur les groupes de permutations :
Remarque 4.4. On a une inclusion Si1 ⇥ · · · ⇥ Sij ,! Si1 +···+ij . Si 1 2
Si1 ,. . ., j 2 Sij , on identifie le j-uplet ( 1 , . . . , j ) à la permutation d’un ensemble à
{i1 + · · · + ij } éléments qui agit sur les i1 premiers éléments comme 1 , sur les i2 suivants comme 2 , et cetera. (Le sous-groupe ainsi défini est appelé un ”sous-groupe de
Young”). On a aussi une action de Sj sur Si1 +···+ij telle que, si 2 Sj , ⌧ 2 Si1 +···+ij ,
alors ·⌧ = ⌧ ⇤ , où ⇤ est la permutation par blocs de l’ensemble {1, . . . , i1 +· · ·+ij }
qui envoie i (1) + · · · + i (l 1) + k sur i1 + · · · + i (l) 1 + k, pour tous l 2 {1, . . . , j},
k 2 {1, . . . , i (l) } ([1], 0.4). L’image d’un élément de Si1 ⇥ · · · ⇥ Sij sous l’action
d’un élément de Sj est un élément de Si (1) ⇥ · · · ⇥ Si (j) .
Pour finir l’exemple précédent, remarquons que, pour
2 Sj , ( 1 , . . . , j ) 2
⌦i1
Si1 ⇥ · · · ⇥ Sij , x1 = x1,1 ⌦ · · · ⌦ x1,i1 2 M , . . ., xj = xj,1 ⌦ · · · ⌦ xj,ij 2 M ⌦ij des
tenseurs purs, on a :
µ( · ((
1
· x1 ) ⌦ · · · ⌦ (
j
· xj ))) = ( ( 1 , . . . ,
Et donc, µ induit une multiplication sur S.
j ))
· µ(x1 ⌦ · · · ⌦ xj )
18
2. MONADE
5. Monades et Adjonctions
Proposition 5.1. Si F ` G est une paire de foncteurs adjoints, alors GF est
une monade.
En e↵et, soient C, D deux catégories, F : C ! D, G : D ! C deux foncteurs.
On rappelle que F est dit adjoint à gauche de G si pour tout objet A de C, et tout
objet B de D, il existe une bijection (naturelle en A et B) :
A,B
: HomD (F (A), B) ! HomC (A, G(B))
On appelle alors ”( unité de l’adjonction)” le morphisme (naturel en A) : ⌘A =
A,F (A) (IdF (A) ) : A ! GF (A), et on appelle ”( co-unité de l’adjonction)” le mor1
phisme (naturel en B) : ✏B = G(B),B
(IdG(B) ) : F G(B) ! B.
On a défini une transformation naturelle ⌘ qui jouera le rôle de l’unité de la
monade GF . Quant à la multiplication, on pose : µA = G(✏(F (IdA ))) : GF GF (A) !
GF (A).
On verra dans la prochaine section (6.10) que toute monade donne naissance à
une paire de foncteurs adjoints.
Exemple 5.2 (exemple topologique). Le foncteur d’oubli O : Top ! Ens, qui à
un espace topologique associe son ensemble sous-jacent, admet un adjoint à droite,
le foncteur G, qui munit les ensembles de leur topologie grossière. On a donc une
monade, que je noterai aussi G, sur la catégorie Top, qui remplace la topologie d’un
espace par la topologie grossière. Étant donné un espace topologique X muni d’une
topologie T, l’unité de G est la fonction continue : IdX : (X, T) ! (X, {;, X}).
GG = G, et la multiplication est l’identité entre les espaces munis de leur topologie
grossière.
6. Algèbre sur une Monade
Dans la catégorie des k-modules, il existe des sous-catégories d’objets munis
d’une structure supplémentaire d’algèbre, par exemple les algèbres associatives, les
algèbres commutatives, les algèbres de Lie... On a remarqué que l’image d’un module
par les foncteurs notés T et S étaient munis d’une multiplication provenant de celle
de la monade leur donnant respectivement une structure d’algèbre associative, ou
d’algèbre commutative. On cherche ici à identifier les k-modules qui sont déjà munis
d’une telle structure.
Définition 6.1. Soit C une catégorie, (T, µ, ⌘) une monade sur C. Une T algèbre est un objet A de C, muni d’un morphisme f : T (A) ! A compatible
avec la multiplication et l’unité de T , c’est-à-dire tel que les diagrammes suivants
commutent :
(6.1.1)
T (A)
=
⌘A
!
IdA
A
(6.1.2)
f
T T (A)
T (f )
/
T (A)
µA
✏
T (A)
A
/
f
f
/
✏
A
6. ALGèBRE SUR UNE MONADE
19
Remarque 6.2. Pour tout objet M de C, (T (M ), µM : T T (M ) ! T (M ))
est une T -algèbre. En e↵et les diagrammes qui précèdent correspondent alors aux
diagrammes 4.1.1 et 4.1.2
Proposition 6.3. Dans M odk , avec nos notations, une T -algèbre est une algèbre
associative et une S-algèbre est une algèbre commutative.
Soit (A, f ) une T -algèbre. Notons, pour tout i > 0, fi = f A⌦i . fi est déterminée
par l’image des tenseurs purs x1 ⌦ · · · ⌦ xi , avec (x1 , . . . , xi ) 2 Ai . Je prétends que
f2 détermine une multiplication associative sur A.
En e↵et, f2 étant une application bilinéaire, il suffit de montrer qu’elle est associative. 6.1.1 implique que f1 = IdA , et 6.1.2 va nous donner l’associativité. En
degré 3, par exemple, on trouve :
(A⌦1 ⌦ A⌦2 )
(A⌦2 ⌦ A⌦1 )
(f1 ⌦f2 ) (f2 ⌦f1 )
/
A⌦2
f2
µA
✏
A⌦3
f3
/
✏
A
Si a, b, et c sont trois éléments de A, le fait que ce diagramme commute implique
que :
f2 (a ⌦ f2 (b ⌦ c)) = f3 (µA (a ⌦ (b ⌦ c)))
= f3 (µA ((a ⌦ b) ⌦ c))
car µA est associative
= f2 (f2 (a ⌦ b) ⌦ c)
Et de même, fi permet de déduire l’associativité en degré i. Le fait que f passe au
quotient en une application S(A) ! A équivaut au fait que la multiplication soit
commutative.
Inversement, si A est une k-algèbre associative dont la multiplication est notée
m, on définit un morphisme f : T (A) ! A en posant f1 = IdA ,
fi (x1 ⌦ · · · ⌦ xi ) = m(x1 , m(x2 , m(. . . m(xi 1 , xi ))) . . . ) pour tout i > 1, et
f = i>0 fi . m est commutative si et seulement si f passe au quotient en une
application S(A) ! A, et (A, f ) est bien une T -algèbre, ou une S-algèbre.
Bien sûr, les définitions permettent de créer des algèbres sur une monade dans
une catégorie qui n’a rien ”d’algébrique”.
Exemple 6.4 (exemple topologique). Reprenons les notation de l’exemple 5.2.
Soit (A, f ) une algèbre sur G, où A est munie d’une topologie T. Alors f ⌘A = IdA ,
et donc f = IdA : (A, {;, A}) ! (A, T) est une application continue. On en déduit
que T est la topologie grossière de A. L’autre identité que doit vérifier f n’apporte
aucune information. Donc les G-algèbres sont précisément les espaces topologiques
grossiers.
Nous allons maintenant étudier les propriétés catégoriques des algèbres sur une
monade :
Définition 6.5. Soit T une monade sur une catégorie C, (A, fA ), (B, fB ) deux
T -algèbres. Un morphisme de T -algèbre entre A et B est un morphisme g 2 HomC (A, B)
tel que g fA = fB T (g). On définit ainsi la catégorie des T -algèbres, que l’on notera
Talg .
20
2. MONADE
Remarque 6.6. Avec ces définitions, on remarque que si (A, f ) est une T algèbre, alors f : T (A) ! A est un morphisme de T -algèbres.
Définition 6.7. Soit : S ! T un morphisme de monades. On définit alors un
foncteur ⇤ : Talg ! Salg , qui à une T -algèbre (A, f ) associe la S-algèbre (A, f
A)
Remarque 6.8. En reprenant les notation de l’exemple 4.3, la catégorie des T algèbres est exactement la catégorie des k-algèbres associatives, et la catégorie des
S-algèbres est exactement la catégorie des k-algèbres commutatives. Si (A, fA ) et
(B, fB ) sont deux T -algèbres par exemple, une application linéaire g : A ! B est
un morphisme de T -algèbre si, par définition, g fA = fB T (g). Ainsi, si a1 , . . . , an
sont des éléments de A, on a :
g(fA n (a1 ⌦ · · · ⌦ an )) = fB n (g(a1 ) ⌦ · · · ⌦ g(an ))
Or fA n et fB n sont les multiplications de n éléments (ordonnés) dans les algèbres A
et B. Donc g est bien un morphisme d’algèbres associatives.
On remarque dans les deux cas que les objets du type T (M ), ou S(M ), sont les
objets libres engendrés par M dans la catégorie en question. La prochaine proposition
explicitera le rapport entre monades et constructions libres.
Remarque 6.9. Soit (T, µ, ⌘) une monade dans la catégorie C. On a un foncteur
F : C ! Talg qui à un objet M de C associe la T -algèbre (T (M ), µA ), et qui à un
morphisme f 2 HomC (M, N ) associe le morphisme de T -algèbres T (f ). On a aussi
un foncteur d’oubli O : Talg ! C qui à la T -algèbre (A, f ) associe l’objet A de C.
De plus T = OF .
Proposition 6.10. Dans les notations de la remarque qui précède, F est adjoint
à gauche de O.
On peut reformuler la proposition de cette manière :
Si M est un objet de C, F (M ) vérifie la propriété universelle de la T -algèbre
libre engendrée par M , c’est-à-dire que pour toute T -algèbre (A, f ), et tout g 2
HomC (M, A), il existe un unique h 2 HomTalg (T (M ), A) tel que O(h) ⌘M = g
(6.10.1)
M
g
/
<
A
⌘M
✏
h
T (M )
(le ”h” est un abus de notation pour O(h) peu important : h est un morphisme de
C vérifiant certaines relations, O(h) est le même morphisme.)
Existence :
Soit g 2 HomC (M, A). Posons h := f F (g). On a alors :
O(h) ⌘M = O(f ) T (g) ⌘M
= O(f ) ⌘A g
=g
Unicité :
(par naturalité de ⌘)
(d’après 6.1.1)
6. ALGèBRE SUR UNE MONADE
Supposons que h0 2 HomTalg (T (M ), A) vérifie O(h0 ) ⌘M = g. Alors :
h=f
=f
F (g)
F (O(h0 ) ⌘M )
= h 0 µM
= h0
F (⌘M )
(car h0 est un morphisme de T -algèbres)
(car F (⌘M ) = T (⌘M ) et d’après 4.1.2)
21
Chapitre 3
Opérades
Dans ce mémoire, on étudiera uniquement les ”opérades algébriques symétriques”,
que l’on appellera simplement ”opérades”. Il existe plusieurs définitions équivalentes
de cet objet. Ma référence principale est [9], et, comme dans ce livre (Chapitre 5),
je vais d’abord introduire la notion de ”suite symétrique”. À la fin de ce chapitre,
le slogan ”Une opérade encode des opérations et des relations, et définit un type
d’algèbre” sera expliqué en termes mathématiques. Pour renforcer cette intuition,
la meilleure définition d’opérade est peut-être la définition dite ”partielle” à propos
de laquelle je dirai quelques mots. Des notions de théories des représentations des
groupes finis sont nécessaires pour comprendre ce chapitre.
À partir de ce chapitre, on travaille exclusivement sur un corps commutatif k.
1. Suite Symétrique
Définition 1.1. Une suite symétrique M (aussi appelée S-module, ou collection) est la donnée, pour tout entier n 2 N, d’un Sn -module M (n), c’est-à-dire d’une
représentation M (n) de Sn .
Définition 1.2. Soient M et N deux suites symétriques. Un morphisme entre
suites symétriques f est la donnée, pour tout n 2 N, d’une application linéaire
Sn -équivariante : fn : M (n) ! N (n). On note Smod la catégorie obtenue.
Définition 1.3. On appelle foncteur de Schur associé à la suite symétrique M
l’endofoncteur :
T (M ) : M odk ! M odk
M
M
V 7!
M (n) ⌦Sn V ⌦n =
(M (n) ⌦ V ⌦n )Sn
n 0
n 0
Si f : M ! N est un morphisme de suites symétriques, on définit aussi la transformation naturelle :
M
T (f ) =
fn ⌦Sn Id⌦n
M odk
n 0
On définit ainsi un foncteur T : Smod ! F(M odk , M odk )
Si M est une suite symétrique et si V est un k-module, on notera parfois T (M, V )
au lieu de T (M )(V ).
Remarque 1.4. On peut prolonger le foncteur de Schur d’une suite symétrique
M à la catégorie des complexes de k-modules :
T (M ) : chM odk ! chM odk
M
M
V 7!
M (n) ⌦Sn V ⌦n =
(M (n) ⌦ V ⌦n )Sn
n 0
n 0
23
24
3. OPéRADES
En notant nM odk la catégorie des k-modules gradués (que l’on peut considérer
comme la sous catégorie pleine de chM odk des objets dont la di↵érentielle est nulle),
on a le même foncteur T (M ) : nM odk ! nM odk .
Attention, ici V ⌦n désigne le produit gradué de n copies de V (voir chapitre 1,
5.2.1), et l’action de Sn sur V ⌦n fait intervenir un signe (voir chapitre 2, 2.5). On
rappelle qu’un k-module V peut être considéré comme un module gradué concentré
en degré zéro. Dans ce cas nos deux définitions de T (M )(V ) coı̈ncident. En terme
général, un résultat donné ”pour tout module gradué” est en particulier vrai pour
un k-module, et les résultats donnés ”pour tout module” pourront souvent être généralisés aux modules gradués.
Remarque 1.5. Soient S et T deux endofoncteurs de M odk . On peut définir la
somme, le produit tensoriel, et la composition de S et T par :
S
T : V 7! S(V )
T (V )
S ⌦ T : V 7! S(V ) ⌦ T (V )
S
T : V 7! ST (V )
Il existe un analogue à ces opérations sur les foncteurs pour les suites symétriques.
Définition 1.6. Étant données deux suites symétriques M et N , on définit :
• Leur somme : (M N )(n) := M
L(n) N (n)
n
• Leur produit : (M ⌦ N )(n) := i+j=n IndS
Si ⇥Sj M (i) ⌦ N (j)
n
(Où IndS
Si ⇥Sj est la représentation induite)
L
• Leur composition : (M N )(n) := r
0
M (r) ⌦Sr (N ⌦r )(n).
Remarque 1.7. Attention, dans la définition de la composition des suites symétriques, le produit tensoriel de N avec lui-même est bien celui des suites symétriques,
et on a donc :
M
M
n
M N (n) =
M (r) ⌦Sr (
IndS
Si ⇥···⇥Sir (N (i1 ) ⌦ · · · ⌦ N (ir )))
1
i1 +···+ir =n
r 0
De plus, Sh(i1 , . . . , ir ) forme un système de représentants de Sn /Si1 ⇥ · · · ⇥ Sir . En
conséquence, M N (n) est engendré par les éléments du type :
[µ ⌦ (⌫1 ⌦ · · · ⌦ ⌫r ⌦ )] 2 M (r) ⌦Sr ((N (i1 ) ⌦ · · · ⌦ N (ir )) ⌦Si1 ⇥···⇥Sir k[Sr ]).
On note ces éléments (µ; ⌫1 , . . . , ⌫r ; ). On notera aussi (µ; ⌫1 , . . . , ⌫r ) = (µ; ⌫1 , . . . , ⌫r ; IdSn )
Proposition 1.8. Si M et N sont deux suites symétriques, alors :
T (M
N ) = T (M )
T (N )
T (M ⌦ N ) = T (M ) ⌦ T (N )
T (M
N ) = T (M ) T (N )
Pour la preuve, je renvoie à [9], Propositions 5.1.5 et 5.1.7.
Remarque 1.9. La proposition précédente reste vraie si l’on prolonge tous ces
fonteurs à la catégorie chM odk ou à nM odk .
3. ALGèBRE SUR UNE OPéRADE
25
Remarque 1.10. Le produit et la composition des suites symétriques munissent
tous deux la catégorie des suites symétriques d’une structure de catégorie monoı̈dale.
L’objet neutre pour le produit est la suite J = (k, 0, 0, . . . ), et celui pour la composition est I = (0, k, 0, 0, . . . ). Ici, on s’intéressera uniquement à la structure fournie
par la composition, et on appellera catégorie monoı̈dale des suites symétriques le
triplet (Smod , , I).
2. Opérade
Définition 2.1. Une opérade est un monoı̈de dans la catégorie monoı̈dales des
suites symétriques.
Une opérade est donc une suite symétrique P = (P (n))n2N , munie d’un morphisme ⌘ : k ! P (1) (ce qui est équivalent à un morphisme I ! P ), ainsi que, pour
tout r-uplet d’entiers positifs (i1 , . . . , ir ) tels que i1 + · · · + ir = n, d’un morphisme
dit ”de composition” :
i1 ,...,ir
n
: P (r) ⌦ IndS
Si ⇥···⇥Sir (P (i1 ) ⌦ · · · ⌦ P (ir )) ! P (n)
1
n
tels que pour tout (µ; ⌫1 , . . . , ⌫r ; ) 2 P (r) ⌦ IndS
Si1 ⇥···⇥Sir (P (i1 ) ⌦ · · · ⌦ P (ir )), si
⌧ 2 Sn ,
(2.1.1)
i1 ,...,ir (µ; ⌫1 , . . . , ⌫r ; ⌧
et si ⌧ 0 2 Sr ,
(2.1.2)
i⌧ 0 (1) ,...,i⌧ 0 (r) (⌧
0
)=⌧
i1 ,...,ir (µ; ⌫1 , . . . , ⌫r ;
· µ; ⌫⌧ 0 (1) , . . . , ⌫⌧ 0 (r) ; ⌧ 0⇤ ) =
)
i1 ,...,ir (µ; ⌫1 , . . . , ⌫r ;
)
où ⌧ 0⇤ est la permutation par blocs associée à ⌧ 0 (voir 4.4 du chapitre précédent).
Les application ⌘ et doivent de plus vérifier les identités d’associativité et d’unité.
On définit les morphismes d’opérades comme ceux qui commutent à ⌘ et .
Remarque 2.2. D’après l’identité 2.1.1, i1 ,...,ir est entièrement déterminée par
ses valeurs sur les éléments du type (µ; ⌫1 , . . . , ⌫r ).
Remarque 2.3. Si (M, ⌘, ) est une opérade, on vérifie que (T (M ), T (⌘), T ( ))
est une monade. De même, si f : M ! N est un morphisme d’opérades, on vérifie
que T (f ) est un morphisme de monades. Cela reste vrai si l’on prolonge à chM odk
ou à nM odk .
3. Algèbre sur une Opérade
Définition 3.1. Soit P une opérade. Une algèbre sur P, ou P -algèbre, est une
algèbre sur la monade T (P ). On note Palg la catégorie des P -algèbres.
Donnons à présent des exemples classiques d’opérades et leurs algèbres.
⇢• Soit Com l’opérade définie par :
k si n > 0 (représentation triviale)
Com(n) =
. Alors le foncteur
0 si n = 0
de Schur T (Com) est le foncteur S de l’exemple 4.3 du chapitre sur les
monades. On pose ⌘ = Idk , et, si r, i1 , . . . , ir sont des entiers strictement
positifs, alors i1 ,...,ir est induit par l’isomorphisme canonique : k ⌦ k ⌦ · · · ⌦
k ! k.
Exemple 3.2.
26
3. OPéRADES
• Soit As la suite
⇢ symétrique définie par :
k[Sn ] si n > 0 (représentation régulière)
As(n) =
. Alors le fonc0
si n = 0
teur de Schur T (As) est le foncteur T de l’exemple 4.3 du chapitre sur
les monades. En e↵et, si V est une représentation d’un groupe fini G,
on a k[G] ⌦G V = V . On pose ⌘ = Idk , et, si r, i1 , . . . , ir sont des entiers strictement positifs, et si 2 Sr , (⌧1 , . . . , ⌧r ) 2 Si1 ⇥ . . . Sir , alors
· (⌧1 , . . . , ⌧r ) 2 Si1 +···+ir (voir 4.4 du chapitre sur
i1 ,...,ir ( ; ⌧1 , . . . , ⌧r ) =
les monades pour cette notation).
D’après ce qui précède, une Com-algèbre est une algèbre commutative, une Asalgèbre est une algèbre associative.
Remarque 3.3. On définit aussi les opérades uCom et uAs :
uCom(n) = k (représentation triviale)
uAs(n) = k[Sn ] (représentation régulière)
On vérifie que les uCom-algèbres et les uAs-algèbres sont respectivement les algèbres
commutatives unifères et les algèbres associatives unifères. Si (A, f ) est une telle
f0
algèbre, son unité est l’image de 1 2 k par l’application k !k
˜ ⌦ k = k ⌦ A⌦0 ! A.
Remarque 3.4. On a un morphisme d’opérades : : As ! Com défini, pour
tout n > 0, par le morphisme ”d’augmentation” n : k[Sn ] ! k, qui envoie 2 Sn
sur 1. Le morphisme ⇤ : Comalg ! Asalg correspondant (voir 6.7 du chapitre sur les
monades) est le foncteur d’oubli, qui à une algèbre commutative associe elle-même,
en oubliant que le produit est commutatif.
Définition 3.5. Soit P une opérade. On considère le foncteur T (P ) prolongé
à nM odk , qui est une monade. Les algèbres sur cette monade sont appelées des
P -algèbres graduées. Les algèbres sur T (P ) prolongé à chM odk sont appelées les
P -algèbres di↵érentielles graduées.
Remarque 3.6. Soit A un k-module. Usuellement, on dit que A est une k-algèbre
graduée si A est munie d’une multiplication
m qui en fait une k-algèbre, et si elle
L
admet une décomposition du type A = n 0 An telle que pour tous x 2 Ai , y 2 Aj ,
m(x, y) 2 Ai+j . On vérifie que dans nos exemples, notre définition d’une As-algèbre
graduée (resp. d’une Com-algèbre graduée) correspond à la définition usuelle de kalgèbre graduée associative (resp. commutative), au sens où,Lsi A = (An )n2N est une
As-algèbre graduée (resp. une Com-algèbre graduée), alors n 0 An est une algèbre
graduée associative (resp. commutative) au sens usuel. Cette analogie reste vraie si
l’on considère la définition usuelle des k-algèbres di↵érentielles graduées.
4. Opérade des Endomorphismes
Définition 4.1. À tout k-module V , on associe une opérade EndV , appelée
opérade des endomorphismes de V et définie, pour tout entier n 0, par :
EndV (n) = Homk (V ⌦n , V )
Où Sn agit (à droite) sur EndV (n) par permutation (à gauche) sur V ⌦n : si f 2
Homk (V ⌦n , V ), 2 Sn , et si v1 ⌦ · · · ⌦ vn 2 V ⌦n , alors :
( · f )(v1 ⌦ · · · ⌦ vn ) = f ( ⇤ (v1 ⌦ · · · ⌦ vn ))
5. VERSION INVARIANTE
27
(voir chapitre 2, 2.5, pour la notation ⇤ )
L’unité de l’opérade est donnée par ⌘ : k ! Homk (V, V ), 7! IdV . On définit
les morphismes de composition de la manière suivante : si f 2 EndV (r), si i1 , . . . , ir
sont des entiers tels que i1 + · · · + ir = n, et si f1 2 EndV (i1 ), . . . , fr 2 EndV (ir ),
on pose i1 ,...,ir (f ; f1 , . . . , fr ) = f (f1 ⌦ · · · ⌦ fr ) (voir la figure ci-dessous) :
V ⌦i1
?
?
?f1
y
V
⌦
...
...
⌦
...
⌦V ⌦ir
?
?
?fr
y
⌦V
=V ⌦n
?
?
?
y
f1 ⌦ · · · ⌦ fr
=V ⌦r
?
?
?f
y
V
La proposition suivante explique pourquoi, avec notre définition, ”les opérades
encodent des opérations”.
Proposition 4.2. Soient P une opérade, et V un k-module. Il y a une bijection (naturelle en P et en V ), entre les morphismes d’opérades P ! EndV et les
application k-linéaires T (P )(V ) ! V qui munissent V d’une structure de P -algèbre.
Cela découle d’une variante de l’adjonction classique ⌦ ` Homk . Plus précisément, on a, pour tout n 0, une bijection :
Homk (P (n) ⌦Sn V ⌦n , V ) ' HomSn (P (n), Homk (V ⌦n , V ))
On en déduit une bijection :
Homk (T (P )(V ), V ) ' HomS (P, EndV )
Et cette bijection envoie les morphismes munissant V d’une structure de P -algèbre
sur les morphismes d’opérades P ! EndV .
Ainsi, si (A, f ) est une P -algèbre, f correspond à un morphisme d’opérades
ˆ
f : P ! EndV , et pour tout entier n
0, l’image d’un élément de P (n) par fˆn
est une application n-linéaire de V . De plus, quelles que soient les relations linéaires
vérifiées par les éléments de P (n), et induites par l’action de Sn , leur image par fˆn
vérifieront les mêmes relations.
5. Version invariante
Définition 5.1. Pour toute suite symétrique M , on définit un endofoncteur de
M odk :
(M ) : M odk ! M odk
M
V 7!
(M (n) ⌦ V ⌦n )Sn
n 0
où, si W est une représentation d’un groupe G, on note W G le sous-module de W
formé des vecteurs invariants sous l’action de G.
On vérifie immédiatement que (M, V
W ) = (M, V )
(M, W ).
28
3. OPéRADES
Remarque 5.2. Soit V un k-module. Une conséquence de l’axiome du choix
est que V admet une base B. Une autre conséquence de l’axiome du choix est le
théorème de Zermelo, qui nous permet de supposer que B est muni d’un ordre total.
Je prétends que (V ⌦n )Sn admet pour base la famille F de vecteurs :
X
⌦↵1
r
⌦ · · · ⌦ e⌦↵
⇤ (ei1
ir )
2Sn /S↵
tels que ↵1 , . . . , ↵r sont des entiers non-nuls vérifiant ↵1 + · · · + ↵r = n, où S↵
désigne le sous-groupe S↵1 ⇥ · · · ⇥ S↵r ⇢ Sn , et tels que ei1 < · · · < eir sont des
vecteurs de B. En e↵et, remarquons d’abord que V ⌦n admet pour base la famille
{ej1 ⌦ · · · ⌦ ejn | ej1 , . . . , ejn 2 B}. Si l’on veut ordonner les vecteurs de cette base
selon l’ordre de B, on trouve la nouvelle base :
⌦↵r
1
E = { ⇤ (e⌦↵
i1 ⌦· · ·⌦eir ) | ↵1 , . . . , ↵r 2 N\{0}, ↵1 +· · ·+↵r = n,
2 Sn /S↵ , ei1 < · · · < eir 2 B}
Puisque E est libre, F est libre. Montrons qu’elle est génératrice. Soit x 2 (V ⌦n )Sn .
Décomposons x dans la base E :
X
⌦↵j,r
⌦↵j,1
x=
⌦ · · · ⌦ ej,rj j )
j j ⇤ (ej,1
j
Puisque x est invariant sous l’action de Sn , et que l’écriture dans la base E est unique,
⌦↵j,r
⌦↵
la décomposition précédente admet un terme du type j ⌧⇤ j ⇤ (ej,1 j,1 ⌦ · · · ⌦ ej,rj j )
pour tout j, et tout ⌧ 2 Sn . Or, l’orbite de
de Sn est
x.
j{
⌦↵j,1
⇤ (ej,1
⌦↵j,r
⌦ · · · ⌦ ej,rj j )
|
⌦↵j,1
j j ⇤ (ej,1
⌦↵j,rj
⌦ · · · ⌦ ej,rj
) sous l’action
2 Sn /S↵ }. On en déduit que F engendre
On va aussi donner une famille génératrice pour (M, V ) :
Proposition 5.3. Soit M une suite symétrique, V un k-module muni d’une
base B, supposée totalement ordonnée. (M, V ) est engendré par les sommes :
X
· x ⌦ ⇤ (v1⌦↵1 ⌦ · · · ⌦ vr⌦↵r )
2Sn /S↵
Où ↵1 , . . . , ↵r sont des entiers strictement positifs tels que ↵1 + · · · + ↵r = n, où
v1 , . . . , vr 2 V , et où x 2 M (n)S↵ .
Pour démontrer ce fait, on va avoir besoin de la remarque suivante :
Remarque 5.4. Un ensemble fini ordonné d’entiers positifs ↵1 , . . . ↵r tel que
↵1 + · · · + ↵r = n est appelé une partition ordonnée de l’entier n. L’ensemble des
partitions ordonnées de n est muni d’un ordre partiel : soient ↵ = (↵1 , . . . , ↵r ) et
= ( 1 . . . p ) deux partitions ordonnées de n, on dit que ↵ est plus fine que , ou
que est plus grossière que ↵ s’il existe des entiers i1 , . . . , ip 1 avec 1  i1  i2 
· · ·  iq  r tels que 1 = ↵1 + · · · + ↵i1 ,. . ., p = ↵ip 1 +1 + · · · + ↵r . De plus on vérifie
immédiatement que cet ordre est filtrant.
Démontrons la proposition. Considérons un élément x0 ⌦ v0 2 M (n) ⌦ V ⌦n
L’orbite de cet élément sous l’action de Sn est l’ensemble des éléments du type
⌧ · x0 ⌦ ⌧⇤ v0 , où ⌧ parcourt Sn /(Stab(x0 ) \ Stab(v0 )). Dans l’ensemble des partitions
5. VERSION INVARIANTE
29
de l’entier n telles que Stab(x0 ) \ Stab(v0 ) ⇢ S , notons ↵ la plus fine (elle existe
d’après le lemme de Zorn). Notons :
X
X
x=
⌧ · x0
, et v =
⌧⇤ (v0 )
⌧ 2S↵ /(Stab(x0 )\Stab(v0 ))
⌧ 2S↵ /(Stab(x0 )\Stab(v0 ))
Où l’on a choisi un ensemble de représentants de S↵ /(Stab(x0 ) \ Stab(v0 )). Maintenant, x 2 M (n)S↵ , et v est aussi invariant sous l’action de S↵ , ce qui signifie que
v peut s’écrire (v1⌦↵1 ⌦ · · · ⌦ vr⌦↵r ). De plus, l’orbite de x0 ⌦ v0 2 M (n) ⌦ V ⌦n sous
P
⌦↵1
l’action de Sn est précisément
⌦ · · · ⌦ vr⌦↵r ). Cela démontre
2Sn /S↵ · x ⌦ ⇤ (v1
la proposition.
On a aussi le résultat suivant :
Proposition 5.5. Soient M et N deux suites symétriques, alors (M ⌦ N ) '
(M ) ⌦ (N ).
Soit V un k-module, on va expliciter un isomorphisme (M, V ) ⌦ (N, V ) !
(M ⌦ N, V ). Plus particulièrement, si i et j sont deux entiers, on construit un
morphisme :
S
(5.5.1) (M (i) ⌦ V ⌦i )Si ⌦ (N (j) ⌦ V ⌦j )Sj ! (IndSi+j
(M (i) ⌦ N (j)) ⌦ V ⌦i+j )Si+j
i ⇥Sj
Qui envoie un élément du type :
X
X
· x ⌦ ⇤ (v1⌦↵1 ⌦ · · · ⌦ vr⌦↵r )) ⌦ (
⌧ · y ⌦ ⌧⇤ (w1⌦
(
2Si /S↵
sur :
⌧ 2Sj /S
X
2Si+j /Si ⇥Sj
[ ⌦ x ⌦ y] ⌦
⌦↵1
⇤ (v1
⌦ · · · ⌦ vr⌦↵r ⌦ w1⌦
1
1
⌦ · · · ⌦ wp⌦ p ))
⌦ · · · ⌦ wp⌦ p )
S
([ ⌦x⌦y] 2 k[Si+j ]⌦Si ⇥Sj (M (i)⌦N (j)) = IndSi+j
). On vérifie que cette formule
i ⇥Sj
réalise une bijection linéaire entre deux familles génératrices.
En ce qui concerne la composition des suites symétriques, on doit changer la
définition afin d’obtenir une compatibilité avec la composition des foncteurs :
Définition 5.6. Si M et N sont deux suites symétriques, on pose :
M
(5.6.1)
M ˆN (n) =
(M (r) ⌦ (N ⌦r )(n))Sr
r 0
Proposition 5.7. Pour toutes suites symétriques M et N ,
(M ˆN ) = (M )
(N )
Remarque 5.8. La composition ˆ munit la catégorie des suites symétriques
d’une structure de catégorie monoı̈dale dont l’unité est aussi I = (0, k, 0, . . . ).
Définition 5.9. Soit W une représentation d’un groupe fini G. On dispose alors
d’un morphisme appelé trace :
T r : WG ! W G
X
[x] 7!
g·x
g2G
30
3. OPéRADES
Remarque 5.10. Si la caractéristique du corps k ne divise pas le cardinal de G,
alors le morphisme :
T r : WG ! W G
1
est un isomorphisme. En e↵et on vérifie que x 7! [ |G|
x] en est un morphisme réciproque.
La trace induit un morphime, pour toutes suites symétriques M et N ,
Tr : M
N ! M ˆN
ainsi qu’une transformation naturelle :
T r : T (M ) ! (M ).
Remarque 5.11. On déduit de la remarque précédente que si k est de caractéristique nulle, alors la transformation naturelle :
T r : T (M ) ! (M )
est un isomorphisme.
Le reste de cette section suit les rubriques 1.1.14 à 1.1.19 de l’article [1].
Définition 5.12. On dit qu’une suite symétrique M est connexe, ou réduite, si
M (0) = 0.
Proposition 5.13. Soient M et N deux suites symétriques. Si N est connexe,
alors le morphisme :
T r : M N ! M ˆN
est un isomorphisme.
Voir [1], proposition 1.1.15.
Proposition 5.14. soit (P, ⌘, ) une opérade connexe. On rappelle que (T (P ), T (⌘), T ( ))
est une monade. On munit aussi (P ) d’une structure de monade dont l’unité est
(⌘) et dont la composition est donnée par ( )
((T r) 1 ).
D’après ce qui précède, il suffit de prouver que (P, ⌘,
(T r) 1 ) est un monoı̈de
dans la catégorie monoı̈dale des suites symétriques munie du produit de composition
ˆ. Il faut donc vérifier que les diagrammes 3.0.1 et 3.0.2 du chapitre précédent (en
remplaçant M par P , {e} par I, ⇥ par ˆ, et µ par
(T r) 1 ) commutent. Pour
l’associativité, cela revient à prouver que la trace est associative, c’est-à-dire que le
diagramme suivant commute :
P
P
P
IdP T r
/
P
(P ˆP )
T r IdP
Tr
✏
(P ˆP ) P
Tr
/
✏
P ˆP ˆP
Or, soit x 2 P (r), [y1 ] 2 (P P )(i1 ), . . . , [yr ] 2 P P (ir ). On peut supposer que [yj ]
s’écrit (xj ; yj,1 , . . . , yj,j ) avec xj 2 P (lj ). On vérifie que l’image de (x; [y1 ], . . . , [yr ])
dans P ˆP ˆP , vaut :
X
X
X
( · x;
⌧1 · y (1) , . . . ,
⌧r · y (r) )
2Sr
⌧1 2Sl
(1)
⌧r 2Sl
(r)
et ce quel que soit le chemin emprunté. Le deuxième diagramme commute car
unitaire.
est
6. COMPOSITIONS PARTIELLES
31
Définition 5.15. Soit P une opérade connexe. On appelle P -algèbre aux puissances divisées, ou plus simplement (P )-algèbre, une algèbre sur la monade (P ).
On notera (P )alg la catégorie des (P )-algèbres.
Proposition 5.16. Soit P une opérade connexe. La transformation naturelle
T r : T (P ) ! (P ) est un morphisme de monade. En conséquence, on a un foncteur
d’oubli : T r⇤ : (P )alg ! Palg .
Cette proposition est une conséquence directe du lemme 1.1.19 de [1].
6. Compositions partielles
Je vais présenter ici brièvement une autre définition pour les opérades, appelée
définition partielle. Les détails peuvent être lus dans [9], section 5.3.7.
Cette définition s’appuie sur le fait qu’une opérade quelconque ”ressemble” à
l’opérade des endomorphismes d’un module. On va d’ailleurs emprunter une bonne
partie du vocabulaire des applications multilinéaires d’un module.
Remarque 6.1. Si V est un k-module, EndV (1) contient un élément particulier,
à savoir IdV .
Remarque 6.2. Le produit de composition de EndV défini dans la section 4 de
ce chapitre correspond à une composition globale de morphismes. Ainsi prenait
en argument une application k-multilinéaire d’arité r, et remplaçait chacune de ses
entrées en précomposant par r autres applications multilinéaires. Cette opération
peut se décomposer en plusieurs étapes, chacune correspondant à remplacer une
seule des entrées, disons la i-ème entrée, par précomposition. On définit ainsi une
application, dite de composition partielle :
EndV (r) ⌦ EndV (m) ! EndV (r + m
f ⌦ g 7! f
i
1)
g := 1, 1, . . . , m , 1, . . . , 1 (f ; IdV , . . . , g , IdV , . . . , IdV )
|{z}
|{z}
i
{z
|
r
}
|
i
{z
r
On se représente une application f d’arité r par un arbre à r branches se rencontrant sur un sommet que l’on indice par f , et les compositions comme étant des
gre↵es d’arbres.
Remarque 6.3. Les applications de compositions partielles vérifient :
IdV 1 f = f pour toute application multilinéaire f ,
f i IdV = f pour tout i positif et inférieur à l’arité m de f ,
f i · g = 0 · (f i g)
où 2 Sn , n étant l’arité de g, et 0 2 Sn+m 1 est la permutation qui agit comme
sur {i, . . . , i 1 + n},
· f i g = 00 · (f i g)
où 00 agit sur {1, . . . , m 1 + n} \ {i, . . . , i 1 + n} comme , à valeur dans
{1, . . . , m 1 + n} \ { (i) . . . , (i) 1 + n}
(f
(f
i
i
g)
g)
i 1+j
k 1+m
h=f
h = (f
i
(g
k
h)
j
h) pour tout 1  i  m, 1  j  n
i
g pour tout 1  i  k  m
}
32
3. OPéRADES
Remarque 6.4. Avec les notations précédentes, on peut remarquer que 0 =
Idm i et que 00 =
i Idn , où l’application de composition partielle est celle de
l’opérade As, qui agit de la même manière que celle décrite plus haut pour EndV .
Définition 6.5 (Définition partielle des opérades). Une opérade est une suite
symétrique P contenant un élément Id 2 P (1), munie de morphismes de composition
partielle :
1)
i : P (m) ⌦ P (n) ! P (m + n
pour tout 1  i  m, le tout vérifiant les identités décrite en 6.3 (en remplaçant IdV
par Id). Si f 2 P (m), on dira que f est d’arité m.
Proposition 6.6. La définition partielle des opérades est équivalente à la précédente définition.
Chapitre 4
Étude de l’Article de Benoı̂t Fresse [1]
Nous disposons à présent du bagage théorique nécessaire à une première approche de l’article de Benoı̂t Fresse [1]. Le but de cet article est de prouver que les
groupes d’homotopie d’un objet simplicial dans la catégorie des algèbres sur une
opérade P (une P -algèbre simpliciale), sont munis de certaines opérations. Dans ce
commentaire, je commencerai par décrire la structure de l’article, en explicitant les
principaux résultats qui y sont démontrés. Avant de présenter en détail lesdites démonstrations, j’exposerai les résultats antérieurs à cet article, sur lesquels B. Fresse
s’appuie, en développant parfois des éléments de preuve. Certaines définitions seront
rappelées en cours de route. Je m’e↵orcerai d’adopter les notations de l’article, sauf
lorsque j’estimerai qu’un nouveau point de vue peut rendre plus claire une démonstration.
Sauf mention du contraire, nous travaillons sur un corps commutatif
que nous noterons F comme dans l’article, et les opérades étudiées sont
connexes.
1. Structure de l’article
L’article est construit autour de deux grandes parties. On trouvera au début du
texte un résumé, un sommaire, ainsi que quelques conventions et notations utilisées
dans l’article.
La première partie contient de nombreux rappels sur les opérades qui pour la
plupart sont repris dans le chapitre précédent de ce mémoire. Son objectif est la description des (P )-algèbres dans le cas où P est l’une des opérades classiques : Com,
As, Lie et P ois, dont les algèbres sont respectivement les algèbres commutatives,
les algèbres associatives, les algèbres de Lie et les algèbres de Poisson. Le principal
résultat qui y est démontré est le théorème suivant :
Théorème. La catégorie des (Lie)-algèbres est égale à la catégorie des algèbres
de Lie restreintes.
Tous ces résultats sont donnés dans le cadre gradué qui est plus général.
La seconde partie contient des rappels sur la dérivation de foncteurs non-additifs,
dont la théorie a été développée par Dold et Puppe dans [11]. On définira, à partir
d’un endofoncteur F de la catégorie des k-modules, son foncteur dérivé F⇤ , qui
est un endofoncteur de la catégorie des k-modules gradués. On décrira ensuite des
opérations homotopiques qui feront de l’homotopie d’une P -algèbre simpliciale une
T (P )⇤ -algèbre graduée, et la construction d’applications de shu✏e permettant la
démonstration de quelques résultats, dont le plus important est le suivant :
Théorème. Soit P une opérade connexe, et V une P -algèbre simpliciale 2réduite (c’est-à-dire telle que V0 = V1 = 0). Alors l’homotopie de V est une (P )⇤ algèbre graduée.
33
34
4. ÉTUDE DE L’ARTICLE DE BENOı̂T FRESSE [1]
2.
(As)-algèbres
Proposition 2.1. Si M est un objet projectif dans la catégorie des suites symétriques, alors T r : T (M ) ! (M ) est un isomorphisme.
Pour la preuve de ce résultat, que nous n’étudierons pas, B. Fresse renvoie à
l’article The Categories of Unstable Modules and Unstable Algebras Over the Steenrod
Algebra Modulo Nilpotent Objects de Hans-Werner Henn, Jean Lannes & Lionel
Schwartz 1. Il indique que l’ingrédient principal de la démonstration est l’étude des
filtrations polynomiales des foncteurs T (M ) et (M ), qui sortent du cadre de ce
mémoire.
Un objet projectif dans la catégorie des suite symétrique est une suite M (n) telle
que pour tout n 2 N, M (n) est projectif dans la catégorie des représentations de
Sn , autrement dit, telle que pour tout n, M (n) est un F[Sn ]-module projectif. Or
As(0) = 0 et As(n) = F[Sn ] si n > 0. Donc As est projective dans la catégorie des
suites symétrique. D’après la proposition, T r : T (As) ! (As) est un isomorphisme.
Donc T r⇤ : Asalg ! (As)alg est un isomorphisme de catégories. Autrement dit une
(As)-algèbre est juste une algèbre associative.
3.
(Com)-algèbres
Nous allons présenter le résultat suivant, du à Henri Cartan ([12]) et à Norbert
Roby ([13], [14]), et en résumer la preuve.
Proposition 3.1. Soit V un module gradué. Alors (Com, V ) est l’algèbre graduée aux puissances divisées libre engendrée par V .
On en déduira immédiatement que la catégorie des (Com)-algèbres (graduées)
est égale à la catégorie des algèbres (graduées) aux puissances divisées.
Commençons par introduire la notion de puissances divisées.
Définition 3.2. Soit A une algèbre graduée telle que A0 = F, notre corps de
base. Un système de puissances divisées sur A est la donnée, pour tous entiers n et
i tels que n 0 et i > 0, d’applications n : Ai ! Ani vérifiant :
(1) 0 (a) = 1 et 1 (a) = a pour tout a 2 Ai
(2) si la caractéristique de F est di↵érente de deux, n (a) = 0 pour tout a 2 Ai
tel que i est impair et n > 1
(3) n ( a) = n n (a) pour tout a 2 Ai et 2 F
m+n
(4) m (a) n (a) =
P m m+n (a) pour tout a 2 Ai
(5) n (a + b) = k+l=n k (a) l (b) pour tous a, b 2 Ai
(6) n (ab) = n! n (a) n (b) = an n (b) = n (a)bn pour tous a 2 Ai , b 2 Aj .
(mn)!
(7) m ( n (a)) = m!(n!)
m mn (a) pour tout a 2 Ai
n
Remarque 3.3. L’application n ”mime” le comportement de a 7! an! , qui n’est
souvent pas définie en caractéristique positive. Néanmoins, en caractéristique nulle,
il y a toujours un et un seul sytème de puissances divisées sur une algèbre graduée A
n
telle que A0 = F, et ce système est précisément constitué des applications : a 7! an! .
On prouve d’abord que (Com, V ) est muni d’un produit qui en fait une Comalgèbre (on retrouve ainsi la proposition 5.16 du chapitre précédent). Ensuite on la
1. American Journal of Mathematics, Volume 115, Numéro 5 (Octobre 1993), pages 1053-1106.
3. (Com)-ALGèBRES
35
munit d’un unique système de puissances divisées. On définit ensuite l’algèbre des
puissances divisées d’un module V , qui s’avère être l’algèbre libre aux puissances
divisées engendrée par V et être isomorphe à (Com, V ).
Remarque 3.4. Le produit T (Com, (Com, V )) ! (Com, V ) provient de la
composée :
(Com, (Com, V ))
/
O
(ComˆCom, V )
Tr
1
/
(Com Com, V )
Tr
✏
T (Com, (Com, V ))
(Com, V )
P Soient, v1 , . . . , vi 2 (Com, V ). L’image de [v1 ⌦ · · · ⌦ vi ] par la trace est :
2Si ⇤ (v1 ⌦· · ·⌦vi ). D’après le chapitre précédent, remarque 5.2, on peut supposer
P
⌦↵j,r
⌦↵
que vj = µj 2Sn /S↵ µj ⇤ (ej,1 j,1 ⌦ · · · ⌦ ej,rj j ), où ↵j,1 + · · · + ↵j,rj = nj , où les
j
j
ej appartiennent à une base de V , et l’on note n = n1 + · · · + ni . En appliquant
l’isomorphisme donné au chapitre précédent en 5.5.1, on trouve que l’image de notre
élément dans (ComˆCom, V ) est :
X
X
⌦↵i,r
⌦↵
⌦↵
·
⌧⇤ (ej,1 1,1 ⌦ · · · ⌦ e1,r11,r1 ⌦ · · · ⌦ ei,ri i )
2Si
⌧ 2Sn /Sn1 ⇥···⇥Sni
P
On applique ensuite l’inverse de la trace, ce qui enlèvera ” 2Si ·”. On crée donc
un produit ⇤, associatif et commutatif, sur (Com, V ) en posant :
X
⌦↵i,r
⌦↵
⌦↵
v1 ⇤ · · · ⇤ vi =
⌧⇤ (ej,1 1,1 ⌦ · · · ⌦ e1,r11,r1 ⌦ · · · ⌦ ei,ri i )
⌧ 2Sn /Sn1 ⇥···⇥Sni
et en prolongeant par (multi-)linéarité à tout (Com, V ).
Remarque 3.5. Ce calcul se généralise facilement à toute opérade connexe P ,
c’est l’objet de la rubrique (1.1.20) de l’article de B. Fresse. Notons µ : P P ! P
P
P
S
la composition. Soient 1 = i1 qi1 ⌦ vi1 2 (P (↵k1 ) ⌦ V ⌦↵k1 ) ↵k1 ,. . ., r = ir qir ⌦
vir 2 (P (↵kr ) ⌦ V ⌦↵kr )S↵kr , et p 2 P (r). Pour paraphraser B. Fresse, l’image de
p, 1 , . . . , r par le produit f : T (P, (P, V )) ! (V ) est :
X X
f ([p ⌦ 1 ⌦ · · · ⌦ r ]) =
µ(p; qi1 , . . . , qir ; s) ⌦ s⇤ (vi1 ⌦ · · · ⌦ vir )
i1 ,...,ir s2Sn /S↵
(Voir chapitre précédent, 1.7, pour la notation des éléments de P
P)
Nous allons maintenant définir les puissances divisées : n : V ⌦i ! V ⌦ni . On
rappelle que Sh(n1 , . . . , ni ) est un ensemble de représentants de Sn /Sn1 ⇥ · · · ⇥ Sni .
De plus, on a la remarque suivante :
Remarque 3.6. Si n1 = · · · = ni , Si agit librement sur Sh(n1 , . . . , ni ) par
·⌧ = ⌧
(n1 , . . . , ni ) ( (n1 , . . . , ni ) est la notation utilisée par B. Fresse pour
désigner la permutation par blocs associée à ). En e↵et, étant donné un tel shu✏e
⌧ , que l’on note ⌧ = (I1 , . . . , Ii ) (voir chapitre 1, remarque 5.9). L’action est donnée
par ⇤ (I1 , . . . , Ii ) = (I 1 (1) , . . . , I 1 (i) ). On voit par exemple que l’ensemble ordonné
(I1 (1), . . . , Ii (1)) a un stabilisateur trivial sous l’action de Si .
36
4. ÉTUDE DE L’ARTICLE DE BENOı̂T FRESSE [1]
P
1
r
Or, si v = µ2Si /S↵ µ⇤ (e⌦↵
⌦ · · · ⌦ e⌦↵
) avec ↵1 + · · · + ↵r = i, Puisque, pour
1
r
⌦↵1
⌦↵r ⌦n
1
r ⌦n
tout 2 Sn , (i, i, . . . , i)⇤ ((e1 ⌦ · · · ⌦ er ) ) = ((e⌦↵
⌦ · · · ⌦ e⌦↵
) ), on en
1
r
| {z }
déduit que
n
X
v ⇤n =
⌧ 2Sni /S⇥n
i
= n!
1
r ⌦n
⌧⇤ ((e⌦↵
⌦ · · · ⌦ e⌦↵
) )
1
r
X
⌧ 2Sh(i, i, . . . , i)/Sn
1
r ⌦n
⌧⇤ ((e⌦↵
⌦ · · · ⌦ e⌦↵
) )
1
r
| {z }
n
On pose alors :
n (v)
X
=
⌧ 2Sh(i, i, . . . , i)/Sn
1
r ⌦n
⌧⇤ ((e⌦↵
⌦ · · · ⌦ e⌦↵
) )
1
r
| {z }
n
⌦i Si
et l’on prolonge à tout (V ) à l’aide des propriétés (3), (5) et (6) de la définition
3.2.
Identifions maintenant l’algèbre libre aux puissances divisées de V . La définition
suivante est due à Norbert Roby ([14], chapitre 3, sections 1 & 2) :
Définition 3.7. Soit V un F-module. La F-algèbre des puissances divisées du
module V , que l’on notera P d(V ), est le quotient de l’algèbre F[X(x,n) , x 2 V, n 2 N]
(algèbre polynomiale dont les indéterminées sont indexées par les vecteur de V et
par les entiers) par l’idéal engendré par les éléments :
X(x,0) 1,
n
X( x,n)
X(x,n) ,
✓
◆
m+n
X(x,m) X(x,n)
X(x,m+n) ,
m
n
X
X(x+y,n)
X(x,i) X(y,n i) ,
i=0
x 2 V,
2 F, x 2 V, n  0,
x 2 V, m  0, n  0,
x 2 V, y 2 V, n  0.
La classe de l’élément X(x,n) est notée x[n] . On lui attribue le degré n.
Proposition 3.8. P d(V ) est l’algèbre libre aux puissances divisées engendrée
par V .
Tout d’abord, on a une identification x 7! x[1] pour tout x 2 V . Construisons un
système de puissances divisées sur P d(V ) : On doit donner, pour tout i > 0, n 0,
des applications :
n : P di (V ) ! P dni (V )
qui satisfont aux propriétés (1) à (7) de 3.2.
On peut procéder de deux manières : soit créer d’abord l’isomorphisme
:
(Com, V ) ! P d(V ), et transporter le système de puissances divisées (voir la prochaine remarque), soit donner directement l’expression de ce système de puissances
divisées. Je vais essayer de donner l’expression de ce système.
4. (Lie)-ALGèBRES
37
[i ]
[i ]
P di (V ) est engendré par les sommes de monômes du type x1 1 . . . xk k avec i1 +
· · ·+ik = i. Pour que la propriété (5) soit respectée, il suffit de définir ces applications
sur ces monômes. Pour que la propriété (6) soit respectée, il suffit de les définir sur
les x[j] avec j  i. Enfin, pour que les propriétés (7) et (2) soient valables, on pose :
[j]
n (x ) = 0 si F est de caractéristique di↵érente de 2, j est impair et n > 1, et
(nj)! [nj]
[j]
sinon. Le quotient qu’on a réalisé assure que les relations (1),
n (x ) = n!(j!)n x
(3), (4) et (5) sont vérifiées.
Maintenant, si A est une algèbre aux puissances divisées, et si f : V ! A est
une application linéaire, il existe un unique morphisme d’algèbre f˜ : P d(V ) ! A
compatible avec la structure de puissances divisées : pour tout x 2 V , n 2 N, on
a f˜(x[n] ) = n (f (x)), et puisque f˜ est un morphisme d’algèbre, il est entièrement
déterminé.
P
⌦↵1
r
Enfin, pour tout élément du type v =
⌦· · ·⌦e⌦↵
) 2 (Com, V ),
r
2Sn /S↵ ⇤ (e1
[↵ ]
[↵ ]
on pose (v) = e1 1 . . . er r et l’on prolonge par linéarité. Je prétends que
(Com, V ) ! P d(V ) est un isomorphisme.
P
On va créer un inverse. Pour x0 = ri=1 i ei 2 V , et tout n > 0, on a
X
[n]
↵1
↵r [↵1 ]
r]
x0 =
. . . e[↵
1 . . . r (e1
r )
:
↵1 +···+↵r =n
Définissons un morphisme d’algèbres : F[X(x,n) , x 2 V, n 2 N] ! (Com, V ) pour
lequel
X
X
↵1
⌦↵1
↵r
r
(X(x0 ,n) ) =
⌦ · · · ⌦ e⌦↵
))
⇤ (e1
1 ... r (
r
↵1 +···+↵r =n
2Sn /S↵
et (X(x0 ,0) ) = 1. Pour tout n > 0, ↵1 , . . . , ↵r tels que ↵1 + · · · + ↵r = n et tous
e1 , . . . , er dans la base choisie de V ,
1
r
(X(e1 ,↵1 ) . . . X(er ,↵r ) ) = e⌦↵
⇤ · · · ⇤ e⌦↵
1
r
X
⌦↵1
r
=
⌦ · · · ⌦ e⌦↵
)
⇤ (e1
r
2Sn /S↵
Donc est surjective. Un calcul combinatoire fastidieux nous permet de vérifier que
passe au quotient en une application P d(V ) ! (Com, V ) qui est l’inverse de .
Remarque 3.9. Supposons qu’on ait défini les puissances divisées sur l’une
des deux algèbre (Com, V ) ou P d(V ) seulement. Alors l’isomorphisme permet
de transporter le système de puissances divisées sur l’autre (en posant n (x) =
' 1 ( n ('(x))) où ' est l’un des deux isomorphisme ou selon le contexte).
4.
(Lie)-algèbres
Rappelons rapidement la définition d’une algèbre de Lie :
Définition 4.1. Une algèbre de Lie sur le corps F est un F-module g muni
d’une application bilinéaire appelée crochet :
[·, ·] : g ⌦ g ! g
vérifiant les propriétés suivantes :
(1) [x, x] = 0
(2) [x, [y, z]] + [z, [x, y]] + [y, [z, x]] = 0 (identité de Jacobi)
38
4. ÉTUDE DE L’ARTICLE DE BENOı̂T FRESSE [1]
Si la caractéristique de F est di↵érente de 2, (1) peut être remplacée par la propriété
suivante :
(3) [x, y] = [y, x] pour tous x, y 2 g (antisymétrie).
Un morphisme d’algèbres de Lie f : g ! h est une application F-linéaire vérifiant :
f ([·, ·]) = [f (·), f (·)]
Pour tout X 2 g, on note ad(X) le morphisme :
ad(X) : g ! g
Y 7! [X, Y ].
Exemple 4.2. Si (A, ⇥) est une algèbre associative, alors en posant :
[·, ·] : A ⌦ A ! A
(x, y) 7! [x, y] = x ⇥ y
y⇥x
on obtient une F-algèbre de Lie (A, [·, ·]), que l’on note ALie .
Il existe plusieurs descriptions de l’algèbre de Lie libre engendrée par un Fmodule V . Nous emprunterons la suivante. La preuve se trouve dans [15], chapitre
V, section 4, théorème 7, attribué à Witt :
Théorème 4.3. L’algèbre de Lie libre engendré par le F-module V est la sousalgèbre de Lie de T (uAs, V )Lie engendrée par V (sous l’action du crochet).
Nous noterons cette algèbre de Lie Lie(V ). On montre que cette définition détermine un foncteur L : M odF ! M odF .
Proposition 4.4. Il existe une opérade Lie, dont le foncteur de Schur est précisément L.
Pour la construction de la suite symétrique Lie, on peut se rapporter à [9],
rubrique 1.3.8. Pour tout n, le Sn -module Lie(n) est une sous-Sn -représentation de
uAs(n) (de degré (n 1)! si n > 0).
Remarque 4.5. Par exemple, Lie(2) est la sous-représentation de F[S2 ] =
F[Id] F[⌧ ] engendrée par Id ⌧ , où ⌧ est la transposition de S2 . Ainsi, si V est un
F-module, V ⌦2 s’identifie (en tant que F-module, et non en tant que représentation
de S2 ,) à (Lie(2) ⌦ V ⌦2 )S2 par x ⌦ y 7! (Id ⌧ ) ⌦ (x ⌦ y), et, si f : T (uAs, V ) ! V
munit V d’une structure d’algèbre associative, la structure d’algèbre de Lie de V est
donnée par la restriction de f à T (Lie, V ). En particulier, en reprenant les notations
de la preuve de la proposition 6.3 du chapitre 2, le crochet est donné par :
[x, y] = f2 ((Id
On retrouve le crochet de VLie .
⌧ ) ⌦ (x ⌦ y))
= f2 (x ⌦ y)
f2 (y ⌦ x)
On a Lie(0) = 0, donc Lie est une opérade connexe. On en déduit qu’une Liealgèbre est une algèbre de Lie, et qu’une (Lie)-algèbre est munie d’un crochet qui
en fait aussi une algèbre de Lie. De plus, bien que uAs ne soit pas connexe, on a
(uAs) = T (uAs), donc (uAs) est munie d’une structure de monade, et pour tout
module V , (Lie, V ) est une algèbre de Lie incluse dans (uAs, V ) = T (uAs, V ).
Nous allons étudier le théorème suivant, qui est démontré pour la première fois
par B. Fresse dans l’article [1], théorème 1.2.5 :
4. (Lie)-ALGèBRES
39
Théorème 4.6. Si V est un F-module, alors (Lie, V ) est l’algèbre de Lie restreinte libre engendrée par V . On en déduit que la catégorie des (Lie)-algèbres
(graduées) est égale à la catégorie des algèbres de Lie (graduées) restreintes.
Commençons par définir les algèbres de Lie restreintes :
Définition 4.7. Soit p la caractéristique du corps F. Une F-algèbre de Lie
restreinte est une algèbre de Lie g munie si p > 0, d’un morphisme appelée ”popération”, ou ”opération de Frobenius” :
g!g
X 7! X [p]
vérifiant :
(i) ad(X [p] ) = ad(X)p pour tout X 2 g,
(ii) ( X)[p] = p X [p] pour tout X 2 g, 2 F,
P
)
(iii) (X + Y )[p] = X [p] + Y [p] + pi=11 si (X,Y
, pour tous X, Y 2 g où si (X, Y ) est
i
le coefficient de i 1 dans le polynôme formel ad( X + Y )p 1 (X).
La définition n’a d’intérêt que si la caractéristique du corps F est positive. On
suppose donc que p > 0.
Exemple 4.8. Soit (A, ⇥) une algèbre associative. Alors ALie est muni de la
p-opération x 7! x⇥p .
On a le résultat suivant ([15], chapitre V section 7) :
Proposition 4.9. Soit V un F-module. L’algèbre de Lie restreinte engendrée
par V est une sous-algèbre de Lie de T (uAs, V )Lie .
La preuve du théorème consiste à montrer qu’en réalité, (Lie, V ) = Lp (V ), où
Lp (V ) est l’algèbre de Lie restreinte libre engendrée par V , par double inclusion :
on prouve d’abord que (Lie, V ) est stable par le crochet, et par la p-opération de
T (uAs, V )Lie . C’est donc une sous-algèbre de Lie restreinte de T (uAs, V )Lie contenant V , et donc Lp (V ) ⇢ (Lie, V ). L’inclusion réciproque demandera une technologie plus sophistiquée : on définira les ”bigèbres”, et leur ”partie primitive”. On
prouvera que T (uAs, V ) est munie d’une structure de bigèbre dont Lp est la partie
primitive, et on prouvera enfin que (Lie, V ) est primitive dans T (uAs, V ).
Lemme 4.10.
(Lie, V ) est stable sous l’action du crochet de (uAs, V )Lie .
Il suffit de prouver que pour tous x, y 2 V , [x, y] 2 (Lie, V ), où [·, ·] est le
crochet de (Lie, V ). [x, y] = x ⇤ y y ⇤ x, où ⇤ est le produit de (uAs, V ), et où
l’on a identifié x et y avec leur valeur Id ⌦ x et Id ⌦ y dans F[S1 ] ⌦ V ⇢ (uAs, V ).
Or le produit ⇤ donne :
X
x⇤y =
(Id2 ; Id1 , Id1 ; ) ⌦ ⇤ (x ⌦ y)
2S2 /S1 ⇥S1
où est le même que le produit de composition donné pour As dans le précédent
chapitre, exemple 3.2 (voir [1], 1.1.20, et ma remarque 3.5 – uAs n’est pas connexe,
mais le produit reste le même). On a donc :
x ⇤ y = Id ⌦ (x ⌦ y) + ⌧ ⌦ (y ⌦ x)
40
4. ÉTUDE DE L’ARTICLE DE BENOı̂T FRESSE [1]
(où ⌧ est la transposition de S2 ). On a de même :
y ⇤ x = Id ⌦ (y ⌦ x) + ⌧ ⌦ (x ⌦ y)
et donc :
[x, y] = Id ⌦ (x ⌦ y) + ⌧ ⌦ (y ⌦ x)
⌧ ) ⌦ (x ⌦ y
= (Id
⌧ ) ⌦ [x, y]
= (Id
Id ⌦ (y ⌦ x)
y ⌦ x)
Or, ⌧ · ((Id ⌧ ) ⌦ ⌧⇤ [x, y]) = (⌧ Id) ⌦ [y, x] = (Id
est dans (Lie(2) ⌦ V ⌦2 )S2 ⇢ (Lie, V ).
Lemme 4.11.
⌧ ⌦ (x ⌦ y)
⌧ ) ⌦ [x, y], donc cet élément
(Lie, V ) est stable sous la p-opération de (uAs, V )Lie .
Il suffit de prouver que pour tout x 2 V x⇤p 2 (Lie, V ) où l’on identifie encore
x à Id ⌦ x 2 (Lie, V ). On a :
X
(Idp ; Id1 , . . . , Id1 ; s) ⌦ s⇤ (x⌦p )
x⇤p =
|
{z
}
⇥p
s2Sp /S1
=
X
s2Sp
p
s ⌦ x⌦p
Cet P
élément est clairement invariant sous l’action de Sp , il faut par contre montrer
que s2Sp s est un élément de Lie(p). B. Fresse propose deux pistes pour ce faire,
je vais en présenter une.
Une autre façon de présenter le module uAs(n) est de le définir comme la partie nlinéaire de l’algèbre associative et unifère libre engendrée par n éléments X1 , . . . , Xn .
Cela justifie la notation adoptée par B. Fresse. Lie(n) est alors présentée comme la
partie n-multilinéaire de l’algèbre de Lie libre engendrée par n éléments, en tant
que sous-algèbre de l’algèbre associative précédente. Ses éléments sont donc des
combinaisons linéaires de monômes du type Xs(1) , . . . , Xs(n) qui sont la partie nlinéaires de polynômes de Lie. On prouve ensuite que le polynome (X +Y )p X p Y p
est une somme de polynômes de Lie (cela est fait en détail par exemple dans le court
p
article [16]), et par induction, on en déduit que (X1 + · · · + XP
X1p · · · Xpp
p)
est un polynôme de Lie. Or, sa partie n-linéaire est justement s2Sp Xs(1) . . . Xs(p) ,
P
ce qui correspond dans notre notation à s2Sp s.
On a donc prouvé que Lp (V ) ⇢ (Lie, V ).
Avant de terminer la preuve du théorème, nous devons introduire la notion de
bigèbre :
Définition 4.12. Une F-bigèbre est une F-algèbre associative et unifère (A, µ, ⌘)
(un monoı̈de dans la catégorie M odF ), munie de deux morphismes d’algèbres unifères :
✏:A!F
:A!A⌦A
(co-unité), et
(comultiplication)
(où la multiplication de A⌦A est donnée par : (a⌦b)⌦(c⌦d) 7! µ(a⌦c)⌦µ(b⌦d)) qui
munissent A d’une structure de coalgèbre coassociative et co-unifère, ce qui signifie
4. (Lie)-ALGèBRES
41
que les deux diagrammes suivant commutent :
A
/
✏
⌦IdA
A⌦A
A⌦A o
/
A⌦A
✏
A⌦A⌦A
A
✏⌦IdA
idA ⌦
/
A⌦A
IdA
✏
F⌦A
/
✏
⇢
Ao
✏
IdA ⌦✏
A⌦F
Exemple 4.13. Soit V un F-module. Alors T (uAs,
est muni d’une structure
L V ) ⌦n
de bigèbre. En e↵et, rappelons que T (uAs, V ) =
= F T (As, V ). On
n 0V
définit une co-unité ✏ : T (uAs, V ) ! F en posant ✏ = IdF 0 (on identifie V ⌦0 à F
et on prolonge par 0), et un coproduit, appelé coproduit shu✏e :
M
M
:
V ⌦n !
V ⌦k ⌦ V ⌦l
n 0
k 0,l 0
v1 ⌦ · · · ⌦ vn 7!
X
X
k+l=n s2Sh(i,j)
(vs(1) ⌦ · · · ⌦ vs(k) ) ⌦ (vs(k+1) ⌦ · · · ⌦ vs(k+l) )
Remarque 4.14. B. Fresse va plus loin dans l’article en définissant les bimonoı̈des d’une catégorie monoı̈dale, les biopérades, et les bialgèbres sur une biopérade
(il appelle ces objets des opérades de Hopf et algèbre de Hopf sur une opérade de
Hopf, tel qu’on les trouve parfois dans la littérature, mais en l’absence d’une antipode, il me paraı̂t judicieux de les appeler autrement). Il montre ensuite que l’opérade
uAs est muni d’un coproduit et d’une co-unité qui en font une biopérade, et que les
uAs-algèbres libre sont munies d’une structure de bialgèbre sur la biopérade uAs.
Définition 4.15. Soit (B, µ, ⌘, , ✏) une bigèbre. Un élément x de B est dit
primitif si (x) = x ⌦ 1 + 1 ⌦ x, où 1 est l’unité de la bigèbre. On note P rim(B)
la partie primitive de B, c’est-à-dire l’ensemble des éléments primitifs de B.
Proposition 4.16. Soit V un F-module. Alors P rim(T (uAs, V )) contient V et
est stable par crochet. On en déduit que (V ) ⇢ P rim(T (uAs, V )).
Soit x 2 V . On a :
(x) =
X
s2Sh(0,1)
1⌦x+
X
s2Sh(1,0)
x⌦1=1⌦x+x⌦1
Donc x 2 P rim(T (uAs, V )). Soient x, y 2 P rim(T (uAs, V )). On a alors :
([x, y]) =
=
(xy
yx)
(x) (y)
(y) (x)
= (1 ⌦ x + x ⌦ 1)(1 ⌦ y + y ⌦ 1)
(1 ⌦ y + y ⌦ 1)(1 ⌦ x + x ⌦ 1)
= (1 ⌦ xy) + (y ⌦ x) + (x ⌦ y) + (xy ⌦ 1)
= 1 ⌦ (xy
yx) + (xy
= 1 ⌦ [x, y] + [x, y] ⌦ 1.
yx) ⌦ 1
[(1 ⌦ yx) + (x ⌦ y) + (y ⌦ x) + (yx ⌦ 1)]
Pour terminer cette preuve, B. Fresse affirme que Lp (V ) = P rim(T (uAs, V )), et
cite [15] chapitre V section 7 pour la preuve. Je n’ai malheureusement pas trouvé ce
42
4. ÉTUDE DE L’ARTICLE DE BENOı̂T FRESSE [1]
résultat dans la référence donnée. La seule référence que j’ai trouvée à ce sujet est
l’exercice §3,4 question d du chapitre II de [17]
5.
(P oiss)-algèbres
Pour terminer l’identification des algèbres aux puissances divisées sur les opérades
classiques, je vais présenter brièvement les résultats obtenus par B. Fresse pour
l’opérade P ois.
Définition 5.1. Une F-algèbre de Poisson est un F-module A muni de deux
opérations bilinéaires (x, y) 7! xy et (x, y) 7! [x, y] qui munissent A respectivement
d’une structure d’algèbre commutative et d’algèbre de Lie, et vérifiant la relation :
[xy, z] = x[y, z] + [x, z]y (règle de Leibniz)
Pour tout F-module V , on peut décrire l’algèbre de Poisson libre engendrée par
V (voir [9], 13.3.2). On définit aussi une opérade P ois dont les algèbres sont les
algèbres de Poisson :
Proposition 5.2. L’opérade P oiss est égale à la composition des opérades
Com Lie.
B. Fresse démontre alors le théorème suivant :
Théorème 5.3. Si F est de caractéristique 2, une (P ois)-algèbre (graduée)
un F-module A muni d’une structure d’algèbre (graduée) aux puissances divisées
et d’une structure d’algèbre de Lie restreinte (graduée) vérifiant les propriétés suivantes :
(1) [xy, z] = x[y, z] + [x, z]y (A est donc une algèbre de Poisson),
(2) [ n (x), y] = n 1 (x)[x, y],
(3) (xy)[2] = xy[x, y], et
(4) ( 2 (x))[2] = 0.
L’identification des (P oiss)-algèbre n’est pas complète en caractéristique impaire. B. Fresse affirme cependant que sa preuve pour les relation (1), (2), et (4) en
remplaçant 2 par la caractéristique de F, restent alors valables.
6. Dérivation des fonteurs non-additifs
Nous étudions à présent la deuxième partie de l’article de B. Fresse. Nous allons
d’abord donner quelques résultats sur les foncteurs dérivés, puis nous les appliquerons à l’étude de l’homotopie des algèbres simpliciales sur une opérade, et nous
terminerons en présentant la démonstration du théorème fondamental de cet article.
Les prochaines définitions et les prochains résultats proviennent de [18], §4 & 5.
Rappelons que tout foncteur F : M odF ! M odF se prolonge en un foncteur
F : sM odF ! sM odF (voir chapitre 1, 2.6).
Définition 6.1 ([11]). Étant donné un endofoncteur de la catégorie des Fmodules F : M odF ! M odF , on appelle foncteur dérivé de F le foncteur :
F⇤ : nM odF ! nM odF
V 7! ⇡⇤ (F (K(V )))
où K est le foncteur intervenant dans la correspondance de Dold-Kan (voir chapitre
1, 4.3), où F est prolongé à sM odF comme rappelé ci-dessus, et où ⇡⇤ = H⇤ N :
6. DéRIVATION DES FONTEURS NON-ADDITIFS
43
sM odF ! nM odF , N étant l’autre foncteur intervenant dans la correspondance de
Dold Kan.
Théorème 6.2 ([18], 5.11). Soit T : M odF ! M odF , A et B deux F-modules
simpliciaux. Si ⇡⇤ (A) est isomorphe à ⇡⇤ (B), alors il existe un morphisme simplicial
f : A ! B tel que T (f ) induit un isomorphisme ⇡⇤ (T (A)) ! ⇡⇤ (T (B)).
On va en déduire le théorème suivant :
Théorème 6.3. Soit T : M odF ! M odF un foncteur, X un module simplicial.
il existe un isomorphisme (naturel en T et en X) :
T,X
: T⇤ (⇡⇤ (X)) ! ⇡⇤ (T (X))
Soit donc X un module simplicial. On vérifie par construction qu’on a l’égalité :
⇡⇤ (K(⇡⇤ (X))) = ⇡⇤ (X). On en déduit, d’après le théorème précédent, qu’il existe un
morphisme c : K(⇡⇤ (X)) ! X, tel que le morphisme T (c) : T (K(⇡⇤ (X))) ! T (X),
induit un isomorphisme en homotopie.
Remarque 6.4. Si C est un module gradué, alors :
T⇤ (⇡⇤ (K(C))) = T⇤ (C) = ⇡⇤ (T (K(C))),
et
T,K(C)
= IdT⇤ (C) .
Proposition 6.5. Soient S, T , deux endofoncteurs M odF ! M odF . Il existe un
isomorphisme naturel aS,T : S⇤ T⇤ ! (ST )⇤ tel que le diagramme suivant commute :
S⇤ (
S⇤ T⇤ (⇡⇤ (X))
aS,T (⇡⇤ (X))
T,X )
/
S⇤ (⇡⇤ (T (X)))
S,T (X)
✏
ST,X
(ST )⇤ ⇡⇤ (X)
/
✏
⇡⇤ (ST (X))
Puisque T,X est naturelle en T et en X, on a, pour tout module gradué V , un
diagramme commutatif :
S⇤ T⇤ (V )
S⇤ (
T,K(V ) )
/
S⇤ (⇡⇤ (T (K(V ))))
S,T (K(V ))
S,T (K(V ))
✏
(ST )⇤ (V )
ST,K(V )
/
✏
⇡⇤ (ST (K(V )))
Il suffit donc de définir aS,T (V ) := S,T (K(V )) . On peut vérifier que aIdM odF ,T =
aT,IdM odF et que (attention, il y a ici une coquille dans l’article :) aS,T U S⇤ aT,U =
aST,U aS,T U⇤
Remarque 6.6. Soient C et V deux modules gradués, S, T deux endofoncteurs de nM od, c : C ! N (T (K(V ))) un morphisme. On note c00 la composée :
K(C) ! K(N (T (K(V )))) ! T (K(V )) (la première flèche est K(c), la deuxième
est l’isomorphisme (T (K(V ))) issu de la correspondance de Dold-Kan 4.3). Alors
le diagramme suivant commute :
S⇤ (C)
S⇤ (H⇤ (c))
✏
S⇤ (T⇤ (V ))
IdS⇤ (C)
aS,T (V )
/
/
S⇤ (C)
✏
⇡⇤ (S(c00 ))
(ST )⇤ (V )
44
4. ÉTUDE DE L’ARTICLE DE BENOı̂T FRESSE [1]
En e↵et IdS⇤ =
T,KV
, donc cela découle de la naturalité de .
7. Opérations homotopiques
Remarque 7.1. Soit T une monade dans la catégorie M odF . Alors le foncteur T , prolongé à sM odF , est aussi une monade. En e↵et notons ⌘, µ l’unité et
la multiplication de T . On peut prolonger ⌘ et µ aux objets simpliciaux en posant
⌘n (X) := ⌘(Xn ) : Xn ! T (Xn ) et µn (X) = µ(Xn ) : T T (Xn ) ! T (Xn ). On vérifie
que (T, ⌘, µ) est aussi une monade dans la catégorie sM odF .
Remarque 7.2. Si T est une monade dans la catégorie M odF , alors T⇤ est aussi
une monade, dans la catégorie nM odF . En e↵et, pour tout module gradué V , on
dispose d’un morphisme ⌘(K(V )) : K(V ) ! T (K(V )). On définit l’unité ⌘ 0 de T⇤
pour tout module gradué V comme étant :
⌘ 0 (V ) = ⇡⇤ (⌘(K(V ))) : ⇡⇤ (K(V )) = V ! ⇡⇤ (T (K(V ))) = T⇤ (V ),
et la multiplication µ0 de T⇤ comme étant la composée
T⇤ T⇤ (V )
aT,T (V )
! (T T )⇤ (V )
⇡⇤ (µ0 (K(V )))
!
T⇤ (V ).
Grâce notamment à la proposition précédente, on vérifie que ⌘ 0 et µ0 munissent bien
T⇤ d’une structure de monade dans la catégorie des modules gradués.
Remarque 7.3. Soit T une monade dans la catégorie M odF , (A, f ) une T algèbre simpliciale (de manière équivalente : un objet simplicial dans la catégorie
des T -algèbres ou une algèbre sur T prolongé à sM odF ). Alors (⇡⇤ (A), ⇡⇤ (f ) T,A )
est une T⇤ -algèbre graduée.
Remarque 7.4. Soit M une suite symétrique, V un module gradué. On vérifie
facilement que, pour tout i
0, K(M (i) ⌦ V ⌦i ) = M (i) ⌦ K(V ⌦i ). On rappelle
l’existence d’un morphisme :
r : K(V ⌦i ) ! K(V )⇥i
(Il faut aller voir 6.1.2 du chapitre 1, cette construction est importante pour la
suite.) De plus, cette application est Si -équivariante. On en déduit deux morphismes
naturels en V (que l’on note aussi r) :
r : K(T (M, V )) ! T (M, K(V ))
r : K( (M, V )) ! (M, K(V ))
Ces morphismes induisent, en homotopie :
r⇤ : T (M, V ) ! T (M )⇤ (V )
r⇤ : (M, V ) ! (M )⇤ (V )
On a aussi une transformation naturelle T r⇤ = ⇡⇤ (K(T r)) : T (M )⇤ ! (M )⇤ .
On vérifie que le diagramme suivant commute :
(7.4.1)
T (M )⇤
T r⇤
O
(M )⇤
/
r⇤
O
T (M )
r⇤
Tr
/
(M )
Nous n’allons pas prouver la proposition suivante, car nous démontrerons bientôt un
résultat similaire :
7. OPéRATIONS HOMOTOPIQUES
45
Proposition 7.5. Les transformation naturelles r⇤ : T (M ) ! T (M )⇤ et r⇤ :
(M ) ! (M )⇤ sont compatibles avec le produit de composition des suites symétriques, autrement dit, pour toutes suites symétriques M et N , et pour tout module
gradué V , le diagramme suivant commute :
F (M
r⇤
F (M
N, V )
✏
N )⇤ (V )
+3
+3
F (M, F (N, V ))
(F (M )F (N ))⇤ (V ) o
F (M,r⇤ )
aF (M ),F (N ) (V )
/
F (M, F (N )⇤ (V ))
✏
r⇤
F (M )⇤ F (N )⇤
(où F désigne au choix T ou )
On en déduit donc la proposition suivante :
Proposition 7.6. Soit P une opérade. Alors r⇤ = T (P, V ) ! T (P )⇤ (V ) est
un morphisme de monades. En conséquence, si A est une P -algèbre simpliciale,
⇡⇤ (A) est une T (P )⇤ -algèbre graduée. De même, si P est connexe, r⇤ = (P, V ) !
(P )⇤ (V ) est un morphisme de monades, et si A est une (P )-algèbre simpliciale,
⇡⇤ (A) est une (P )⇤ -algèbre graduée.
Exemple 7.7. Si (A, ⇥) est une algèbre associative (ou commutative, ou de
Lie) simpliciale, alors ⇡⇤ (A) est muni d’un produit associatif (ou commutatif, ou
d’un crochet de Lie). Si [a] 2 ⇡i (A), [b] 2 ⇡j (A), alors le produit associatif (ou
commutatif, ou le crochet de Lie) de ces deux éléments est :
X
[a] ⇤ [b] =
sgn(µ, ⌫)[s⇤⌫1 . . . s⇤⌫j (a) ⇥ s⇤µ1 . . . s⇤µi (b)] 2 ⇡i+j (A).
(µ,⌫)2Sh(i,j)
Remarque 7.8. Soit V un module gradué. Alors :
T (As)⇤ (V ) = ⇡⇤ (T (As, K(V )))
M
= ⇡⇤ (
K(V )⇥k )
k 0
=
M
k 0
=
M
k 0
=
M
⇡⇤ (K(V )⇥k )
(⇡⇤ (K(V ))⌦k ) d’après la formule de Künneth, voir chapitre 1, 6.4
V ⌦k
k 0
= T (As, V )
Autrement dit, une T (As)⇤ -algèbre est juste une algèbre associative, aussi, si A est
une T (As)-algèbre simpliciale, la structure de T (As)⇤ -algèbre de ⇡⇤ (A) n’apporte
rien d’autre que le produit ci-dessus. En revanche, pour une opérade P quelconque,
l’homotopie d’une P -algèbre simpliciale est muni d’autres opérations que celles fournies par sa structure de P -algèbre. On va notamment prouver qu’elle est munie d’une
structure de (P )-algèbre.
46
4. ÉTUDE DE L’ARTICLE DE BENOı̂T FRESSE [1]
Exemple 7.9. Soit (A, ⇥) une algèbre commutative simpliciale. Définissons,
pour tout n 2 N, i tel que 2  i  n, j tel que 1 < j  n, une opération :
i,j
: ⇡n (A) ! ⇡n+(j
[x] 7!
1)i (A)
X
sgn(I)[s⇤I 0 (1)1 . . . s⇤I 0 (1)n
i (x)
I2Sh(i, i, . . . , i)/Sj
⇥ · · · ⇥ s⇤I 0 (j)1 . . . s⇤I 0 (j)n
i (x)
| {z }
j
(Voir chapitre 1, 5.9, pour la notation des shu✏es.) Ces opérations sont appelées les
opérations de Cartan, ou les puissances divisées supérieures (higher divided powers),
on remarque en e↵et que n,j est la j-ème puissance divisée de [x]. Donc ⇡⇤ (A) est
une algèbre aux puissances divisées. Cette structure de (Com)-algèbre est donnée
par le théorème que nous étudions ci-dessous.
Exemple 7.10. De même, si (A, [·, ·]) est une algèbre de Lie, et si la caractéristique de F est 2, on peut définir des opérations, pour tout n 2 N, i tel que
2in:
i,j
: ⇡n (A) ! ⇡n+(j
cl(x) 7!
1)i (A)
X
I2Sh(i, i, . . . , i)/Sj
| {z }
j
cl([. . . [s⇤I 0 (1)1 . . . s⇤I 0 (1)n i (x), s⇤I 0 (2)1 . . . s⇤I 0 (2)n i (x)], . . .
|{z}
j
. . . , s⇤I 0 (j)1 . . . s⇤I 0 (j)n i (x)])
Où j’ai noté cl(x) la classe de x 2 N (A) dans ⇡⇤ (A) afin de ne pas confondre avec
le crochet de Lie. On a besoin d’être en caractéristique 2 car sinon l’action de Sj ne
serait pas triviale, puisque le crochet ne serait pas symétrique. On remarque que n,2
nous fournit une 2-opération sur ⇡⇤ (A). Dans ces deux exemples, on avait besoin que
i soit supérieur à 2. La raison est expliquée dans la preuve du prochain théorème.
8. Le Théorème 2.2.10
Théorème 8.1. Soit P une opérade connexe, V un F-module gradué 2-réduit
(c’est-à-dire tel que V0 = V1 = 0). Il existe alors un morphisme de monades :
r0⇤ : (P, V ) ! T (P )⇤ (V )
qui fait commuter le diagramme :
(8.1.1)
T (P )⇤ (V )
O
i
r⇤
T (P, V )
T r⇤
(P )⇤ (V )
/
O
r0⇤
Tr
/
r⇤
(P, V )
On obtient le corollaire immédiat :
Corollaire 8.2. Si A est une P -algèbre simpliciale, alors la structure de P algèbre de ⇡⇤ 2 (A) se prolonge en une structure de (P )-algèbre graduée.
La preuve de ce théorème est en deux parties. Nous fixons un F-module V 2réduit, et une suite symétrique M . Nous allons d’abord construire l’application r0 :
(M, V ) ! N (T (M, K(V ))) qui induira r0⇤ en homologie, et qui fera commuter le
]
8. LE THéORèME 2.2.10
47
diagramme. Nous prouverons dans un deuxième temps que r0⇤ est compatible avec
la composition des suites symétriques.
(1) Construisons un morphisme r0 : (M, V ) ! N (T (M, K(V ))) qui fait
commuter le diagramme :
N (T (M, K(V )))
Tr
/
j
N ( (M, K(V )))
O
r
r0
(M, V )
Nous allons encore une fois nous inspirer de l’application 6.1.2 du chapitre 1 : soit
= x ⌦ (v1 ⌦ · · · ⌦ vr ) 2 M (r) ⌦ V ⌦r . On note ↵i := |vi |. Soit I = (I(1), . . . , I(r))
une partition à r composantes d’un ensemble {0, . . . , n}. On peut poser :
⇢
sgn(I)x ⌦ (v1 [sI 0 (1) ] ⌦ · · · ⌦ vr [sI 0 (r) ]) si card(I(i)) = ↵i pour tout i
RI ( ) =
0
sinon
(où l’on a noté s(I 0 (i)) pour la compositions des dégénérescences d’indices les éléments de I 0 (i) dans l’ordre croissant de gauche à droite). Ainsi, RI ( ) 2 M (r) ⌦
K↵1 +···+↵r (V )⇥r . Plus bas, on utilisera la notation :
rI (v1 ⌦ · · · ⌦ vr ) = v1 [sI 0 (1) ] ⌦ · · · ⌦ vr [sI 0 (r) ]
Remarque 8.3. On rappelle que l’action par permutation des modules gradués
fait intervenir un signe, celle des modules simpliciaux n’en fait pas intervenir. Pour
tout 2 Sr , I = (I(1) . . . , I(r)) tel que card(I(i)) = ↵i pour tout i, on a :
R
⇤I
( · )=R
⇤I
( · x ⌦ sgn( ⇤ )(v
1 (1)
= sgn( ⇤ I) · x ⌦ sgn( ⇤ )(v
=
· RI ( )
⌦ ··· ⌦ v
1 (1)
[sI 0 (
1 (r)
1 (1))
))
] ⌦ ··· ⌦ v
1 (r)
[sI 0 (
1 (r))
])
(voir 3.6 pour la notation ⇤ I. On vérifie que ⇤ agissant sur V ⌦r ou sur les partitions
à r éléments, désigne la même permutation par blocs, et donc sgn( ⇤ ), qui désigne
la signature de cette même permutation par blocs, a bien un sens ici)
P
Supposons maintenant que = i xi ⌦ (vi,1 ⌦ · · · ⌦ vi,r ) 2 (M (r) ⌦ V ⌦r )Sr . Alors
pour toute partition I à r composantes, et tout 2 Sr , · RI ( ) = R ⇤ I ( ). De plus
on rappelle (voir 3.6) que l’action de Sr sur les partitions I est libre. On en déduit
que Sr agit librement sur RI ( ). On peut ainsi définir :
X
r0 ( ) =
[RI ( )] 2 (M (r) ⌦ K(V )⇥r )Sr
I2⇧(r)/Sr
où ⇧(r) désigne la réunion sur n 2 N des ensembles des partitions à r composantes
de {0, . . . , n}.
On doit maintenant vérifier que r0 ( ) est annulé par tous les morphismes de
faces d⇤k : T (M, K(V ))n ! T (M, K(V ))n 1 pour 0  k  n afin de pouvoir en
déduire le morphisme r0⇤ en homotopie. C’est ici que la condition ”V 2-réduit” va
servir.
Rappelons la façon dont les faces agissent (voir 4.3 du chapitre 1) : la valeur
de d⇤k (vj [sI 0 (j) ]) dépend de sI 0 (j) dk . On déplace la face vers la gauche en utilisant
les identités 1.3.3 du chapitre 1. Si l’on rencontre le cas de figure sj dj = Id ou
sj dj 1 = Id, on obtient vj [sI 0 (j) dk ]. Dans l’autre cas de figure, on arrive à déplacer
48
4. ÉTUDE DE L’ARTICLE DE BENOı̂T FRESSE [1]
dk tout à gauche, et l’on obtient 0 ou bien (vj )[⌘] pour une certaine surjection ⌘
dans la catégorie simpliciale, où désigne la di↵érentielle de V . Ici, = 0.
Si k = 0, notons j0 l’entier tel que 0 2 I(j0 ). Il est clair que dans sI 0 (j0 ) d0 ,
on peut déplacer le d0 tout à gauche sans rencontrer la situation s0 d0 = Id, donc
d0 (vj0 [sI 0 (j0 ) ]) = 0.
Si k > 0, on rencontre deux cas de figure : Soit k et k 1 appartiennent à la même
composante I(jk ) de I, et dans ce cas je prétends que l’on peut ramener dk tout à
gauche dans sI 0 (jk ) dk . En e↵et puisque sI 0 (jk ) est la composition des dégénérescences
indicées par les éléments de I 0 (jk ) dans l’ordre croissant de gauche à droite, lors du
processus pendant lequel on déplace dk vers la gauche, on rencontrera d’abord les
indices les plus grands. Tant que ces indices sont supérieurs à k, dk restera inchangée.
On ne rencontre pas sk ni sk 1 . Ensuite, les indices sont inférieurs à k, notons les
l1 , . . . , lm . On aura sl1 . . . slm dk = sl1 . . . slm 1 dk 1 slm . Mais lm 1  lm 1 < k 1,
donc on peut continuer le processus jusqu’à ce que dk arrive tout à gauche, et donc
dk (vjk [sI 0 (jk ) ]) = 0.
L’autre cas de figure est celui où k et k 1 ne sont pas dans la même composante
de I, disons par exemple k 2 I(p) et k 1 2 I(q). Dans ce cas posons I0 la partition
presque égale à I, en ayant juste interverti les places de k et k 1 (on a donc
k 1 2 I0 (q) et k 2 I0 (p)). Alors sgn(I0 ) = sgn(I), et l’on vérifie que :
d⇤k (RI + RI0 )(x ⌦ (v1 ⌦ · · · ⌦ vr )) = 0
Pour que les deux termes de cette somme apparaissent dans l’expression de r0 , il faut
que I et I0 ne soient pas dans la même orbite sous l’action de Sr . Mais si I et I0 sont
dans la même orbite, alors I(p) = {k} et I(q) = {k 1}. Or RI (x ⌦ (v1 ⌦ · · · ⌦ vr ))
est nul s’il existe j tel que card(I(j)) 6= |vj |, et, si |vp | = 1, alors, puisque V est
2-réduit, vp = 0. Dans tous les cas, on a donc prouvé que dk (r0 ( )) = 0.
On a prouvé la première partie du théorème.
(2) Le morphisme r0⇤ : (M, V ) ! T (M )⇤ (V ) naturel en M et en V 2réduit est compatible avec la composition des suites symétriques,
c’est à dire que pour toutes suites symétriques M et N , et pour
tout module V 2-réduit, le diagramme suivant commute :
(M
r0⇤
T (M
N, V )
+3
✏
N )⇤ (V )
+3
(M,r0⇤ )
(M, (N, V ))
(T (M )T (N ))⇤ (V ) o
/
aT (M ),T (N ) (V )
(M, T (N )⇤ (V ))
✏
r0⇤
T (M )⇤ T (N )⇤
Soit 2 (M, (N, V )). Notons 0 l’image de dans T (M )⇤ T (N )⇤ (V ) obtenue en
parcourant le diagramme dans le sens des aiguilles d’une montre, et 00 son image
dans (T (M )T (N ))⇤ obtenue en parcourant le diagramme dans le sens direct. D’après
la proposition 5.3 du chapitre précédent, on peut supposer que :
=
X
2Sn /S↵
·x⌦
⌦↵1
⇤( 1
⌦ ··· ⌦
⌦↵r
)
r
8. LE THéORèME 2.2.10
49
où ↵1 , . . . , ↵r sont des entiers strictement positifs tels que, ↵1 + · · · + ↵r = n, x 2
M (n)S↵ , et 1 , . . . , r 2 (N, V ). On a alors :
X
X
0
=
[RI (
· x ⌦ ⇤ ((r0 ( 1 ))⌦↵1 ⌦ · · · ⌦ (r0 ( r ))⌦↵r ))]
2Sn /S↵
I2⇧(n)/Sn
=
X
X
· [R
I2⇧(n)/Sn 2Sn /S↵
=
X
X
[R
I2⇧(n)/Sn 2Sn /S↵
⇤
1
⇤
1
I (x
I (x
⌦ ((r0 ( 1 ))⌦↵1 ⌦ · · · ⌦ (r0 ( r ))⌦↵r ))]
⌦ ((r0 ( 1 ))⌦↵1 ⌦ · · · ⌦ (r0 ( r ))⌦↵r ))]
Or, lorsque I parcourt ⇧(n)/Sn et parcourt Sn /S↵ , ⇤ 1 I parcourt ⇧(n)/S↵ .
Donc :
X
0
=
[RI (x ⌦ ((r0 ( 1 ))⌦↵1 ⌦ · · · ⌦ (r0 ( r ))⌦↵r ))]
I2⇧(n)/S↵
=
X
I2⇧(n)/S↵
sgn(I)[x ⌦ rI ((r0 ( 1 ))⌦↵1 ⌦ · · · ⌦ (r0 ( r ))⌦↵r )]
(Je pense que B. Fresse a oublié le signe ici.)
Calculons 00 2 ⇡⇤ (T (M N, K(V ))). Pour tout k, 1  k  r, on peut supposer
que k est de la forme :
X
k =
k · yk ⌦ k⇤ vk
k 2Ssk /S k
où k est une partition ordonnée de sk , avec yk 2 N (sk )S k et vk 2 (V ⌦sk )S k . Pour
calculer la valeur de l’image de dans (M N, V ) on va avoir besoin de la remarque
suivante :
Remarque 8.4. Soient a, b deux entiers positifs, on rappelle que Sa oSb s’injecte
dans Sab par (⌧ 2 Sa , 1 2 Sb , . . . , a 2 Sb ) 7! ⌧ · ( 1 ⇥ · · · ⇥ a ). Ainsi, en notant
t := ↵1 s1 + · · · + ↵r sr , on a une injection :
(S↵1 o Ss1 ) ⇥ · · · ⇥ (S↵r o Ssr ) ,! St
⇥↵r
1
De plus, (S↵1 o Ss1 ) ⇥ · · · ⇥ (S↵r o Ssr ) est égal à l’orbite de S⇥↵
sous
s1 ⇥ · · · ⇥ Ssr
l’action de S↵ , action qui est libre.
On va décrire l’image de
(M (n) ⌦ (N, V )
⌦n Sn
)
dans chacun des modules de la suite :
! (M (n) ⌦ (N ⌦n , V ))Sn ! (M ˆN, V ) ! (M
Dans ce qui suit, k signifient que l’on reste dans le même module.
X
X
X
⌦↵1
· x ⌦ ⇤ ((
⌦···⌦(
1 · y1 ⌦ 1⇤ v1 )
r · yr ⌦
2Sn /S↵
1 2Ss1 /S 1
N, V )
r⇤ vr )
⌦↵r
)
r 2Ss1 /S r
7 !
(Voir chapitre 3, proposition 5.5.1)
X
X
·x⌦(
· (⌧ ⌦ y1⌦↵1 ⌦ · · · ⌦ yr⌦↵r ) ⌦ ( · ⌧ )⇤ (v1 ⌦↵1 . . . vr ⌦↵r ))
2Sn /S↵
⇥↵1
⌧ 2St /Ss1
r
⇥···⇥S⇥↵
sr
7 !
50
4. ÉTUDE DE L’ARTICLE DE BENOı̂T FRESSE [1]
X
⇥↵1
2Sn /S↵ ,⌧ 2St /Ss1
· (x ⌦ (⌧ ⌦ y1⌦↵1 ⌦ · · · ⌦ yr⌦↵r )) ⌦ ( · ⌧ )⇤ (v1 ⌦↵1 . . . vr ⌦↵r )
r
⇥···⇥S⇥↵
sr
k
X
·x⌦ ·((⌧2 ·⌧1 )⌦y1⌦↵1 ⌦· · ·⌦yr⌦↵r )⌦( ·(⌧2 ·⌧1 ))⇤ (v1 ⌦↵1 . . . vr ⌦↵r )
2Sn /S↵ ,⌧1 2St /S↵1 oSs1 ⇥···⇥S↵r oSsr ,⌧2 2S↵
k
X
2Sn /S↵ ,⌧1 2St /S↵1 oSs1 ⇥···⇥S↵r oSsr ,⌧2 2S↵
( ⌧2 )·x⌦ ⌧2 ·(⌧1 ⌦y1⌦↵1 ⌦· · ·⌦yr⌦↵r )⌦( ⌧2 ·⌧1 )⇤ (v1 ⌦↵1 . . . vr ⌦↵r )
k
X
· x ⌦ · (⌧ ⌦ y1⌦↵1 ⌦ · · · ⌦ yr⌦↵r ) ⌦ ( · ⌧ )⇤ (v1 ⌦↵1 . . . vr ⌦↵r )
2Sn ,⌧ 2St /S↵1 oSs1 ⇥···⇥S↵r oSsr
X
⌧ 2St /S↵1 oSs1 ⇥···⇥S↵r oSsr
7 !
Tr
1
x ⌦ (⌧ ⌦ y1⌦↵1 ⌦ · · · ⌦ yr⌦↵r ) ⌦ ⌧⇤ (v1 ⌦↵1 . . . vr ⌦↵r )
Ensuite, on applique r0 à ce dernier élément. On obtient :
X
X
[RI (
x ⌦ (⌧ ⌦ y1⌦↵1 ⌦ · · · ⌦ yr⌦↵r ) ⌦ ⌧⇤ (v1 ⌦↵1 . . . vr ⌦↵r ))]
I2⇧(t)/St
⌧ 2St /S↵1 oSs1 ⇥···⇥S↵r oSsr
Comme précédemment, cela est égal à :
X
X
[R⌧⇤ 1 I (x ⌦ (y1⌦↵1 ⌦ · · · ⌦ yr⌦↵r ) ⌦ (v1 ⌦↵1 . . . vr ⌦↵r ))]
I2⇧(t)/St ⌧ 2St /S↵1 oSs1 ⇥···⇥S↵r oSsr
Et donc finalement,
X
00
=
I2⇧(t)/S↵1 oSs1 ⇥···⇥S↵r oSsr
=
X
I2⇧(t)/S↵1 oSs1 ⇥···⇥S↵r oSsr
[RI (x ⌦ (y1⌦↵1 ⌦ · · · ⌦ yr⌦↵r ) ⌦ (v1 ⌦↵1 . . . vr ⌦↵r ))]
sgn(I)[x ⌦ (y1⌦↵1 ⌦ · · · ⌦ yr⌦↵r ) ⌦ rI ((v1 ⌦↵1 . . . vr ⌦↵r ))]
(Il y a là aussi un signe)
Pour terminer cette preuve, il faut prouver que aT (M ),T (N ) (V )( 0 ) = 00 . On va
se servir d’un module auxiliaire : soit C le module gradué librement engendré par
les éléments e1 , . . . , er où le degré de ei est égal à celui de i . On définit alors un
morphisme c : C ! N (T (N, KV )) (ne pas confondre le foncteur N et la suite
symétrique N ), qui envoie ei sur r0 ( i ) pour tout i. Comme dans la remarque 6.6,
on a un diagramme commutatif :
T (M )⇤ (C)
T (M )⇤ (H⇤ (c))
✏
T (M )⇤ (T (N )⇤ (V ))
IdT (M )⇤ (C)
aT (M ),T (N ) (V )
/
/
T (M )⇤ (C)
✏
⇡⇤ (T (M,c00 ))
(T (M )T (N ))⇤ (V )
où c00 est la composée : K(C) ! K(N (T (N, (K(V ))))) ! T (N, (K(V ))) (la première flèche est K(c), la deuxième est l’isomorphisme (T (N, (K(V )))) issu de la
correspondance de Dold-Kan 4.3)
8. LE THéORèME 2.2.10
51
Notons e la classe de l’élément :
X
1
r
sgn(I)x ⌦ rI (e⌦↵
⌦ · · · ⌦ e⌦↵
)
1
r
I2⇧(n)/S↵
dans T (M )⇤ (C). On vérifie que :
0
T (M )⇤ H⇤ (c)(e) =
D’autre part,
⇡⇤ (T (M, K(c)))(e) = [
X
I2⇧(n)/S↵
=[
X
I2⇧(n)/S↵
=[
X
sgn(I)x ⌦ rI (r0 ( 1 )⌦↵1 ⌦ · · · ⌦ r0 ( r )⌦↵r )]
sgn(I)x ⌦ rI ((
r
O
(
X
i=1 Ji 2⇧(si )/Ssi
sgn(I)sgn(J1 ) . . . sgn(Jr )x⌦
K
r
O
(yi⌦↵i )⌦rI (
i=1
I2⇧(n)/S↵ ,J1 2⇧(s1 )/Ss1 ,...,Jr 2⇧(sr )/Ssr
Or, si
sgn(Ji )yi⌦↵i ⌦ (rJi (vi ))⌦↵i )))]
r
O
((rJi (vi ))⌦↵i ))]
i=1
est le shu✏e représenté par la partition K, on vérifie que :
(T (N, KV )) rI (rJ1 ⌦ · · · ⌦ rJr ) = rI(J1 ,...,Jr ) ,
où I(J1 , . . . , Jr ) est représenté par le shu✏e
sgn( I (
J1
⇥ ··· ⇥
Jr ))
I ( J1
⇥ ··· ⇥
Jr ).
De plus,
= sgn(I)sgn(J1 ) . . . sgn(Jr ).
Enfin, lorsque I parcoure ⇧(n)/S↵ et lorsque (J1 , . . . , Jr ) parcoure ⇧(s1 )/Ss1 ⇥· · ·⇥
⇧(sr )/Ssr , I(J1 , . . . , Jr ) parcoure ⇧(t)/S↵1 o Ss1 ⇥ · · · ⇥ S↵r o Ssr , et on en déduit
que ⇧⇤ (T (M, c0 ))(e) = 00 , ce qui termine notre preuve.
B. Fresse présente aussi un petit résultat complémentaire, qui permet de montrer
que r0⇤ est une injection, ce qui justifie le fait qu’une structure de T (P )⇤ -algèbres
est a priori plus riche qu’une structure de (P )-algèbre :
Proposition 8.5. Pour toute suite symétrique M et tout module V , le morphisme r⇤ : (M, V ) ! (M )⇤ (V ) est une injection.
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