Exposé : L’évolution contemporaine des sûretés
INTRODUCTION :
I : Définition
Sûre: garantie accordée au créancier pour le recouvrement de sa créance.
Sûreté personnelle: la garantie résulte de l'engagement d'une autre personne au côté du débiteur.
Sûretés réelles: la sûreté est réelle lorsque certains biens du débiteur garantissent le paiement, de
sorte que, en cas de défaillance, le produit de la vente de ces biens est remis au créancier par
préférence aux créanciers chirographaires.
Garantie: moyen juridique permettant de garantir le créancier contre le risque d'insolvabilité du
débiteur.
II : Evolution du droit des sûretés jusqu’en 1804
Le droit romain : les principales sûretés ont été imaginées ou perfectionnées par les juristes
romains. Le constat vaut pour les sûretés personnelles et réelles.
Le cautionnement, sûreté personnelle par excellence, est connu du droit romain. En droit romain
c’était un service d’ami. La fiducie semble être la première sûreté réelle a avoir été consacrée. Cette
garantie primitive allait être remplacée par le gage et l’hypothèque.
Le gage ou « pignus » a été la sûreté la plus utilisée à l’époque romaine, il peut porter sur un
meuble ou un immeuble, quand il porte sur ce dernier on l’appelle également antichrèse.
L’hypothèque, à la différence du gage ne nécessite aucune dépossession. Les juristes romains ont
redécouvert cette sûreté d’origine grecque.
Le droit romain a enfin consacré les privilèges qui sont des droits reconnus à certains créanciers en
raison de la qualité de leur créance.
L’ancien droit est une période de régression de la technique juridique. Les principales sûretés
dégagées à l’époque romaine sont ignorées, à l’exception toutefois de la fiducie.
Le Code civil de 1804: les rédacteurs du Code se sont largement inspirés du droit romain que se
soit pour les dispositions consacrées au cautionnement que pour celles relatives aux sûretés
réelles…
- Pour les sûretés personnelles, le Code ne règlementait que le cautionnement (anciens articles 2011
à 2043). Les autres mécanismes tels que la solidarité passive, la promesse de porte-fort figuraient
dans le Code mais leur fonctionnement n’était pas règlementé.
- Seulement trois sûretés réelles figuraient dans le Code de 1804. Il s’agissait du nantissement ou
gage quand il portait sur un meuble (anciens articles 2073 à 2084), et de l’antichrèse quand elle
portait sur un immeuble (anciens articles 2085 à 2091). Puis, les privilèges (anciens articles 2095 à
2113) et enfin, l’hypothèque (articles 2114 à 2145. La publicité de l'hypothèque sera reprise par la
loi du 25 mars 1855 et puis par le décret du 4 janvier 1955
III : Quelques éléments de droit comparé
Dans les relations internationales, la validité et l’efficacité du droit des sûretés posent de
nombreuses difficultés notamment pour les sûretés réelles.
• Concernant les sûretés personnelles, la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations
contractuelles du 19 juin 1980, entrée en vigueur 1er avril 1991, permet de déterminer la loi
applicable par le moyen de la « règle universelle ». La loi applicable sera la loi choisie par les
parties au contrat de sûreté. A défaut de choix, ce sera la loi du lieu de résidence du garant qui
s’appliquera. Toutefois, sous certaines conditions, ont pourra appliquer la lex concursus (en cas de
faillite) par l’effet d’une procédure d’insolvabilité ouverte contre le débiteur ou celles qu’imposerait
une loi de police relevant d’un système juridique différent.
• S’agissant des sûretés réelles, un panel de difficultés peut apparaître afin de définir le droit
applicable. Difficultés quant à la loi applicable c'est-à-dire entre la loi de la source de la sûreté et la
loi du lieu de situation du bien grevé par la sûreté. En toutes hypothèses, il faudra tenir compte des
lois de police des systèmes juridiques intéressés tant pour déterminer les conditions de
reconnaissance des effets des sûretés « étrangères » méconnues en droit local, tant des effets d’une
publicité intervenue à l’étranger restée ignorée localement.
Pendant longtemps, le droit communautaire a été marqué d’une attention particulière pour le
droit des sûretés personnelles consenties par les consommateurs. Mais, la Commission européenne
a dissocié le droit des sûretés du droit du crédit car, selon elle, le droit des sûretés relèverait d’une
approche plus globale et ceci serait possible par une harmonisation du droit européen des contrats
avec l’élaboration d’un code civil européen.
Quant aux sûretés réelles, le droit communautaire est allé plus loin en adoptant plusieurs
directives sur le droit des garanties, et notamment, les garanties financières, ou la propriété utilisée à
titre de garantie.
IV : La distinction entre sûreté et garantie
C'est en effet un débat classique que de se demander si la notion de garantie recouvre celle
de sûreté et si ces deux expressions sont synonymes. Le droit civil, on le sait, emploie souvent le
terme de garantie, comme par exemple la garantie des vices cachés du vendeur dans laquelle le bien
vendu est en principe apte à remplir telle fonction déterminée au moment de la vente. Cette garantie
des vices cachés est donc une sécurité pour l'acheteur, et on semble être proche, alors, de la notion
de sûreté.
On a d'autre part remarqué que de nombreuses règles dérivant du rapport d'obligation
constituent des garanties de paiement très efficaces :
- c'est le cas de la compensation (aux termes de l'article 1289 du Code civil, « lorsque deux
personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui
éteint les deux dettes »)
- de l'exception d'inexécution (ou droit de chacune des parties à un contrat synallagmatique de
refuser d'exécuter son obligation tant qu'elle n'a pas elle-même reçu la prestation qui lui est due)
- de la résolution pour inexécution (anéantissement du contrat demandé par le créancier lorsque
l'inexécution est imputable au débiteur).
- c'est le cas de l'action directe (ou droit reconnu à une personne de se faire payer par le débiteur
de son débiteur, conféré par exemple à la victime contre l'assureur du responsable du dommage)
- de la solidarité passive (aux termes de l'article 1200 du Code civil, il y a solidarité de la part des
débiteurs lorsqu'ils sont obligés à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint
pour la totalité, et que le payement fait par un seul libère les autres envers le créancier) dans
laquelle chacun des codébiteurs solidaires est tenu pour l'intégralité de la dette et se retrouve garant
de l'insolvabilité des autres
- de l'obligation in solidum
Est-on alors en présence de sûretés ?
Pas véritablement. Ainsi que l'a relevé la doctrine, ces garanties ne sont que la conséquence
d'une situation déterminée, d'un ensemble de liens ou de la nature de ces liens. Si l'on prend
l'exemple de l'obligation in solidum, elle est une conséquence d'une unité de dette et d'une pluralité
de débiteurs. On peut dire la même chose de l'action directe qui est la «résultante» de l'existence
d'un groupe de contrats.
Or, en principe une sûreté s'ajoute, s'adjoint au rapport d'obligation. Elle n'en est pas la
conséquence.
Toute garantie n'est donc pas une sûreté au sens strict du terme.
V : L’intérêt de la sûreté
Une sûreté, c'est d'abord une sécurité, un moyen de garantir le paiement d'une créance issue
d'un rapport d'obligation.
En prenant une ou des sûretés, le créancier peut avoir confiance dans l'avenir parce qu'il a
l'assurance qu'en principe il sera payé à l'échéance et n'aura pas à supporter l'éventuelle insolvabilité
de son débiteur. Elle constitue généralement la condition du crédit lequel est à la base de n’importe
quelle activité économique.
Cette sécurité sera obtenue, ainsi que l'a relevé la doctrine, en conférant au créancier, sur les
biens du débiteur ou d'un tiers, une action soit prioritaire, c'est la sûreté réelle, soit supplémentaire,
c'est la sûreté.
En effet le «droit de gage général», est une prérogative qui appartient de plein droit à tous
les créanciers même ceux qui n’ont pas de sûretés, dits créanciers chirographaires, et qui leur
permet, lorsque la dette est exigible, de faire saisir et vendre aux enchères publiques un élément
d'actif du patrimoine du débiteur pour se payer sur le prix de vente .
Ainsi, «à la base», les créanciers d'une même personne sont placés dans une situation d'égalité par
le droit de gage général, et dans le cas où le patrimoine du débiteur révélerait un passif supérieur à
la valeur de l'actif au moment où les créanciers réclament leur paiement, chacun de ceux-ci, a-t-on
souligné ne sera réglé que dans la proportion actif-passif : c'est ce que l'on appelle la «loi du
concours» on dit aussi «au marc le franc», c'est-à-dire proportionnellement au montant de chaque
créance.
Or, les situations d'insolvabilité étant aujourd'hui monnaie courante, on saisit très facilement
que le droit de gage général est une sécurité illusoire. Non seulement, la masse de biens (qui n'en est
pas un, au sens strict que l'on donne à ce mot) du débiteur qui constitue ce «gage» peut être
totalement inconsistante, mais en plus le concours entre créanciers du même débiteur va
considérablement réduire toute chance de paiement, même partiel. Il faut donc ajouter à sa qualité
de créancier chirographaire quelque chose de plus, une garantie supplémentaire qui procure un
avantage par rapport aux autres créanciers.
Les sûretés ont précisément pour but de rompre l'égalité entre créanciers chirographaires, de
deux manières différentes:
- soit elles adjoignent un autre débiteur voire plusieurs autres au débiteur principal obligé, et
corrélativement un droit de poursuite contre ces personnes, ce sont les sûretés personnelles
- soit elles permettent une affectation prioritaire de certains biens du débiteur, voire même de tous,
au bénéfice du créancier qui se verra reconnaître sur ceux-ci un droit de préférence sur le prix en cas
de vente forcée, ce sont les sûretés réelles.
Dans le cas des sûretés personnelles, le créancier se prémunit contre le risque d'insolvabilité
en le répartissant sur deux (ou plusieurs) patrimoines. Il va obtenir qu'une autre (dans le schéma le
plus simple) personne s'engage aux côtés du débiteur, en faisant un «calcul de probabilités» :
probabilité peu élevée que les multiples débiteurs seront tous en même temps insolvables lors de
l'exigibilité de la créance.
Dans le cas des sûretés réelles, les choses présentent différemment. Le créancier se contente de
puiser sa sécurité dans le patrimoine du débiteur par l'affectation à son bénéfice d'un élément
déterminé, mobilier ou immobilier, ou même de l'ensemble de ce patrimoine.
En cas vente forcée du bien, il sera payé par priorité sur les créanciers chirographaires lors de la
distribution du prix. Le droit de préférence, consubstantiel à la notion de sûreté réelle, permet donc
au créancier qui en bénéficie de s'affranchir de la loi du concours.
VI : A la recherche d’une définition de la notion de sûreté
Peut-on regrouper sous une définition la notion de sûretés réelles et personnelles ?
Pour MM. Cabrillac et Mouly, la définition ne peut qu'être vague parce que «les» sûretés,
personnelles ou réelles, reposent sur des techniques trop éloignées pour être fondues dans un
concept unique.
Celle qu'ils proposent apporte néanmoins beaucoup à la compréhension de la notion : « la sûreté est
une prérogative superposée aux prérogatives ordinaires du créancier par le contrat, la loi, un
jugement ou une démarche conservatoire et qui a pour finalité juridique exclusive de le protéger
contre l'insolvabilité de son débiteur ».
Ainsi apparaît dans la notion de sureté des points communs :
Celui de la finalité.
La sûreté a pour but d'améliorer les chances de paiement du créancier à l'échéance. C'est le «plus»
par rapport au droit de gage général
Une technique d’affection au bénéfice du créancier.
La définition de M. P. Crocq, , met quant à elle en relief les autres traits fondamentaux des sûretés :
« une sûreté est l'affectation à la satisfaction du créancier d'un bien, d'un ensemble de biens ou d'un
patrimoine, par l'adjonction aux droits résultant normalement pour lui du contrat de base, d'un droit
d'agir, accessoire de son droit de créance, qui améliore sa situation juridique en remédiant aux
insuffisances de son droit de gage général, sans être pour autant une source de profit, et dont la mise
en oeuvre satisfait le créancier en éteignant la créance en tout ou partie, directement ou
indirectement (op. et loc. cit.) ».
Ainsi se dégage qu'une sûreté est une technique d'affectation au bénéfice du créancier. Dans le cas
des sûretés réelles, il s'agira de l'affectation de la valeur économique d'un bien ou d'un groupe de
biens. Dans le cas des sûretés personnelles, il s'agira de l'affectation plus générale du patrimoine du
garant.
La relation d'accessoire qui l'unit toujours, en principe, avec la créance qui constitue son
principal.
Par nature, une sûreté s'inscrit dans un rapport d'accessoire à principal avec la créance qu'elle
garantit, elle est au service exclusif de cette créance ce qui explique qu'elle suit le régime juridique
de cette dernière.
Concrètement, cela se traduit par l'adjonction au profit du bénéficiaire de la sûreté d'un droit d'agir
accessoire de son droit de créance : il pourra agir en paiement contre la caution, saisir et faire
vendre un bien hypothéqué ou gagé.
Enfin, la définition de M. P. Crocq est intéressante en ce qu'elle met en relief une autre facette de la
notion de sûreté.
En effet, si une sûreté a pour objectif l'amélioration de la situation du créancier en augmentant ses
chances de paiement par rapport au simple droit de gage général, elle ne doit pas non plus être une
source d'enrichissement.
Etant accessoire, la sûreté, souligne cet auteur, « est nécessairement sous la dépendance de la
créance et sa réalisation ne peut conférer un profit plus grand que l'exécution normale de cette
dernière.
Par conséquent après avoir défini le cadre du droit des sûretés il faut s’attacher à son
évolution contemporaine. Nous verrons donc dans un premier temps les réformes ponctuelles qui
ont touché le droit des sûretés (I) puis dans un deuxième temps nous aborderons les changements en
profondeur qu’a opéré le législateur (II).
I : Le droit des sûretés : les réformes ponctuelles
Le droit des sûretés s’est perfectionné au fil du temps, mais comme dans toute apogée il y a
un déclin le droit des sûretés n’y a pas échappé (A) cela a nécessité la recherche de garantie de
substitution (B) mais aussi un retour attendu vers la technique de la fiducie (C).
A- Du perfectionnement au déclin
1) Le perfectionnement des sûretés modèles :
Il s’est traduit au cours du 20ème siècle par la multiplication des sûretés modèles sans
dépossession. Le législateur ainsi a voulu encourager le développement du crédit nécessaire au
financement de biens tels que l’outillage, le matériel ou les véhicules. Des sûretés ont également vu
le jour pour tenir compte de l’apparition de biens incorporels tels que le fonds de commerce, ou
encore les droits de propriété industrielle.
Ce perfectionnement est également passé par la publicité des sûretés. En effet grâce à la réforme de
1955 le législateur a soumis à publicité des hypothèques et des privilèges qui étaient jusqu’alors
occultes.
2) Phase de déclin des sûretés modèles :
Les années 80 furent celles d’une désaffection des créanciers pour les sûretés modèles, qu’il
s’agisse du cautionnement ou encore des sûretés réelles classiques. On a pu parler de crise du
cautionnement, en effet durant une 15aine d’années les juges ont fait la part belle aux cautions,
celles-ci s’opposèrent alors systématiquement aux poursuites des créanciers, ce qui leur était facile
en raison des nombreux moyens de défense qui leur étaient reconnus.. Le cautionnement ne
protégeait plus les créanciers de risque d’immobilisation de leur créances. Les créanciers devaient
alors rechercher des garanties protégeant mieux leurs intérêts. Ils firent alors souscrire par les
garants des engagements indépendants leur interdisant par là même de se prévaloir des droits
appartenant au débiteur principal.
1 / 14 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !