Crise des sûretés classiques

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Exposé : L’évolution contemporaine des sûretés
INTRODUCTION :
I : Définition
Sûreté: garantie accordée au créancier pour le recouvrement de sa créance.
Sûreté personnelle: la garantie résulte de l'engagement d'une autre personne au côté du débiteur.
Sûretés réelles: la sûreté est réelle lorsque certains biens du débiteur garantissent le paiement, de
sorte que, en cas de défaillance, le produit de la vente de ces biens est remis au créancier par
préférence aux créanciers chirographaires.
Garantie: moyen juridique permettant de garantir le créancier contre le risque d'insolvabilité du
débiteur.
II : Evolution du droit des sûretés jusqu’en 1804
Le droit romain : les principales sûretés ont été imaginées ou perfectionnées par les juristes
romains. Le constat vaut pour les sûretés personnelles et réelles.
Le cautionnement, sûreté personnelle par excellence, est connu du droit romain. En droit romain
c’était un service d’ami. La fiducie semble être la première sûreté réelle a avoir été consacrée. Cette
garantie primitive allait être remplacée par le gage et l’hypothèque.
Le gage ou « pignus » a été la sûreté la plus utilisée à l’époque romaine, il peut porter sur un
meuble ou un immeuble, quand il porte sur ce dernier on l’appelle également antichrèse.
L’hypothèque, à la différence du gage ne nécessite aucune dépossession. Les juristes romains ont
redécouvert cette sûreté d’origine grecque.
Le droit romain a enfin consacré les privilèges qui sont des droits reconnus à certains créanciers en
raison de la qualité de leur créance.
L’ancien droit est une période de régression de la technique juridique. Les principales sûretés
dégagées à l’époque romaine sont ignorées, à l’exception toutefois de la fiducie.
Le Code civil de 1804: les rédacteurs du Code se sont largement inspirés du droit romain que se
soit pour les dispositions consacrées au cautionnement que pour celles relatives aux sûretés
réelles…
- Pour les sûretés personnelles, le Code ne règlementait que le cautionnement (anciens articles 2011
à 2043). Les autres mécanismes tels que la solidarité passive, la promesse de porte-fort figuraient
dans le Code mais leur fonctionnement n’était pas règlementé.
- Seulement trois sûretés réelles figuraient dans le Code de 1804. Il s’agissait du nantissement ou
gage quand il portait sur un meuble (anciens articles 2073 à 2084), et de l’antichrèse quand elle
portait sur un immeuble (anciens articles 2085 à 2091). Puis, les privilèges (anciens articles 2095 à
2113) et enfin, l’hypothèque (articles 2114 à 2145. La publicité de l'hypothèque sera reprise par la
loi du 25 mars 1855 et puis par le décret du 4 janvier 1955
III : Quelques éléments de droit comparé
Dans les relations internationales, la validité et l’efficacité du droit des sûretés posent de
nombreuses difficultés notamment pour les sûretés réelles.
• Concernant les sûretés personnelles, la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations
contractuelles du 19 juin 1980, entrée en vigueur 1er avril 1991, permet de déterminer la loi
applicable par le moyen de la « règle universelle ». La loi applicable sera la loi choisie par les
parties au contrat de sûreté. A défaut de choix, ce sera la loi du lieu de résidence du garant qui
s’appliquera. Toutefois, sous certaines conditions, ont pourra appliquer la lex concursus (en cas de
faillite) par l’effet d’une procédure d’insolvabilité ouverte contre le débiteur ou celles qu’imposerait
une loi de police relevant d’un système juridique différent.
• S’agissant des sûretés réelles, un panel de difficultés peut apparaître afin de définir le droit
applicable. Difficultés quant à la loi applicable c'est-à-dire entre la loi de la source de la sûreté et la
loi du lieu de situation du bien grevé par la sûreté. En toutes hypothèses, il faudra tenir compte des
lois de police des systèmes juridiques intéressés tant pour déterminer les conditions de
reconnaissance des effets des sûretés « étrangères » méconnues en droit local, tant des effets d’une
publicité intervenue à l’étranger restée ignorée localement.
Pendant longtemps, le droit communautaire a été marqué d’une attention particulière pour le
droit des sûretés personnelles consenties par les consommateurs. Mais, la Commission européenne
a dissocié le droit des sûretés du droit du crédit car, selon elle, le droit des sûretés relèverait d’une
approche plus globale et ceci serait possible par une harmonisation du droit européen des contrats
avec l’élaboration d’un code civil européen.
Quant aux sûretés réelles, le droit communautaire est allé plus loin en adoptant plusieurs
directives sur le droit des garanties, et notamment, les garanties financières, ou la propriété utilisée à
titre de garantie.
IV : La distinction entre sûreté et garantie
C'est en effet un débat classique que de se demander si la notion de garantie recouvre celle
de sûreté et si ces deux expressions sont synonymes. Le droit civil, on le sait, emploie souvent le
terme de garantie, comme par exemple la garantie des vices cachés du vendeur dans laquelle le bien
vendu est en principe apte à remplir telle fonction déterminée au moment de la vente. Cette garantie
des vices cachés est donc une sécurité pour l'acheteur, et on semble être proche, alors, de la notion
de sûreté.
On a d'autre part remarqué que de nombreuses règles dérivant du rapport d'obligation
constituent des garanties de paiement très efficaces :
- c'est le cas de la compensation (aux termes de l'article 1289 du Code civil, « lorsque deux
personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui
éteint les deux dettes »)
- de l'exception d'inexécution (ou droit de chacune des parties à un contrat synallagmatique de
refuser d'exécuter son obligation tant qu'elle n'a pas elle-même reçu la prestation qui lui est due)
- de la résolution pour inexécution (anéantissement du contrat demandé par le créancier lorsque
l'inexécution est imputable au débiteur).
- c'est le cas de l'action directe (ou droit reconnu à une personne de se faire payer par le débiteur
de son débiteur, conféré par exemple à la victime contre l'assureur du responsable du dommage)
- de la solidarité passive (aux termes de l'article 1200 du Code civil, il y a solidarité de la part des
débiteurs lorsqu'ils sont obligés à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint
pour la totalité, et que le payement fait par un seul libère les autres envers le créancier) dans
laquelle chacun des codébiteurs solidaires est tenu pour l'intégralité de la dette et se retrouve garant
de l'insolvabilité des autres
- de l'obligation in solidum
Est-on alors en présence de sûretés ?
Pas véritablement. Ainsi que l'a relevé la doctrine, ces garanties ne sont que la conséquence
d'une situation déterminée, d'un ensemble de liens ou de la nature de ces liens. Si l'on prend
l'exemple de l'obligation in solidum, elle est une conséquence d'une unité de dette et d'une pluralité
de débiteurs. On peut dire la même chose de l'action directe qui est la «résultante» de l'existence
d'un groupe de contrats.
Or, en principe une sûreté s'ajoute, s'adjoint au rapport d'obligation. Elle n'en est pas la
conséquence.
Toute garantie n'est donc pas une sûreté au sens strict du terme.
V : L’intérêt de la sûreté
Une sûreté, c'est d'abord une sécurité, un moyen de garantir le paiement d'une créance issue
d'un rapport d'obligation.
En prenant une ou des sûretés, le créancier peut avoir confiance dans l'avenir parce qu'il a
l'assurance qu'en principe il sera payé à l'échéance et n'aura pas à supporter l'éventuelle insolvabilité
de son débiteur. Elle constitue généralement la condition du crédit lequel est à la base de n’importe
quelle activité économique.
Cette sécurité sera obtenue, ainsi que l'a relevé la doctrine, en conférant au créancier, sur les
biens du débiteur ou d'un tiers, une action soit prioritaire, c'est la sûreté réelle, soit supplémentaire,
c'est la sûreté.
En effet le «droit de gage général», est une prérogative qui appartient de plein droit à tous
les créanciers même ceux qui n’ont pas de sûretés, dits créanciers chirographaires, et qui leur
permet, lorsque la dette est exigible, de faire saisir et vendre aux enchères publiques un élément
d'actif du patrimoine du débiteur pour se payer sur le prix de vente .
Ainsi, «à la base», les créanciers d'une même personne sont placés dans une situation d'égalité par
le droit de gage général, et dans le cas où le patrimoine du débiteur révélerait un passif supérieur à
la valeur de l'actif au moment où les créanciers réclament leur paiement, chacun de ceux-ci, a-t-on
souligné ne sera réglé que dans la proportion actif-passif : c'est ce que l'on appelle la «loi du
concours» on dit aussi «au marc le franc», c'est-à-dire proportionnellement au montant de chaque
créance.
Or, les situations d'insolvabilité étant aujourd'hui monnaie courante, on saisit très facilement
que le droit de gage général est une sécurité illusoire. Non seulement, la masse de biens (qui n'en est
pas un, au sens strict que l'on donne à ce mot) du débiteur qui constitue ce «gage» peut être
totalement inconsistante, mais en plus le concours entre créanciers du même débiteur va
considérablement réduire toute chance de paiement, même partiel. Il faut donc ajouter à sa qualité
de créancier chirographaire quelque chose de plus, une garantie supplémentaire qui procure un
avantage par rapport aux autres créanciers.
Les sûretés ont précisément pour but de rompre l'égalité entre créanciers chirographaires, de
deux manières différentes:
- soit elles adjoignent un autre débiteur voire plusieurs autres au débiteur principal obligé, et
corrélativement un droit de poursuite contre ces personnes, ce sont les sûretés personnelles
- soit elles permettent une affectation prioritaire de certains biens du débiteur, voire même de tous,
au bénéfice du créancier qui se verra reconnaître sur ceux-ci un droit de préférence sur le prix en cas
de vente forcée, ce sont les sûretés réelles.
Dans le cas des sûretés personnelles, le créancier se prémunit contre le risque d'insolvabilité
en le répartissant sur deux (ou plusieurs) patrimoines. Il va obtenir qu'une autre (dans le schéma le
plus simple) personne s'engage aux côtés du débiteur, en faisant un «calcul de probabilités» :
probabilité peu élevée que les multiples débiteurs seront tous en même temps insolvables lors de
l'exigibilité de la créance.
Dans le cas des sûretés réelles, les choses présentent différemment. Le créancier se contente de
puiser sa sécurité dans le patrimoine du débiteur par l'affectation à son bénéfice d'un élément
déterminé, mobilier ou immobilier, ou même de l'ensemble de ce patrimoine.
En cas vente forcée du bien, il sera payé par priorité sur les créanciers chirographaires lors de la
distribution du prix. Le droit de préférence, consubstantiel à la notion de sûreté réelle, permet donc
au créancier qui en bénéficie de s'affranchir de la loi du concours.
VI : A la recherche d’une définition de la notion de sûreté
→ Peut-on regrouper sous une définition la notion de sûretés réelles et personnelles ?
Pour MM. Cabrillac et Mouly, la définition ne peut qu'être vague parce que «les» sûretés,
personnelles ou réelles, reposent sur des techniques trop éloignées pour être fondues dans un
concept unique.
Celle qu'ils proposent apporte néanmoins beaucoup à la compréhension de la notion : « la sûreté est
une prérogative superposée aux prérogatives ordinaires du créancier par le contrat, la loi, un
jugement ou une démarche conservatoire et qui a pour finalité juridique exclusive de le protéger
contre l'insolvabilité de son débiteur ».
Ainsi apparaît dans la notion de sureté des points communs :
→ Celui de la finalité.
La sûreté a pour but d'améliorer les chances de paiement du créancier à l'échéance. C'est le «plus»
par rapport au droit de gage général
→ Une technique d’affection au bénéfice du créancier.
La définition de M. P. Crocq, , met quant à elle en relief les autres traits fondamentaux des sûretés :
« une sûreté est l'affectation à la satisfaction du créancier d'un bien, d'un ensemble de biens ou d'un
patrimoine, par l'adjonction aux droits résultant normalement pour lui du contrat de base, d'un droit
d'agir, accessoire de son droit de créance, qui améliore sa situation juridique en remédiant aux
insuffisances de son droit de gage général, sans être pour autant une source de profit, et dont la mise
en oeuvre satisfait le créancier en éteignant la créance en tout ou partie, directement ou
indirectement (op. et loc. cit.) ».
Ainsi se dégage qu'une sûreté est une technique d'affectation au bénéfice du créancier. Dans le cas
des sûretés réelles, il s'agira de l'affectation de la valeur économique d'un bien ou d'un groupe de
biens. Dans le cas des sûretés personnelles, il s'agira de l'affectation plus générale du patrimoine du
garant.
→ La relation d'accessoire qui l'unit toujours, en principe, avec la créance qui constitue son
principal.
Par nature, une sûreté s'inscrit dans un rapport d'accessoire à principal avec la créance qu'elle
garantit, elle est au service exclusif de cette créance ce qui explique qu'elle suit le régime juridique
de cette dernière.
Concrètement, cela se traduit par l'adjonction au profit du bénéficiaire de la sûreté d'un droit d'agir
accessoire de son droit de créance : il pourra agir en paiement contre la caution, saisir et faire
vendre un bien hypothéqué ou gagé.
Enfin, la définition de M. P. Crocq est intéressante en ce qu'elle met en relief une autre facette de la
notion de sûreté.
En effet, si une sûreté a pour objectif l'amélioration de la situation du créancier en augmentant ses
chances de paiement par rapport au simple droit de gage général, elle ne doit pas non plus être une
source d'enrichissement.
Etant accessoire, la sûreté, souligne cet auteur, « est nécessairement sous la dépendance de la
créance et sa réalisation ne peut conférer un profit plus grand que l'exécution normale de cette
dernière.
Par conséquent après avoir défini le cadre du droit des sûretés il faut s’attacher à son
évolution contemporaine. Nous verrons donc dans un premier temps les réformes ponctuelles qui
ont touché le droit des sûretés (I) puis dans un deuxième temps nous aborderons les changements en
profondeur qu’a opéré le législateur (II).
I : Le droit des sûretés : les réformes ponctuelles
Le droit des sûretés s’est perfectionné au fil du temps, mais comme dans toute apogée il y a
un déclin le droit des sûretés n’y a pas échappé (A) cela a nécessité la recherche de garantie de
substitution (B) mais aussi un retour attendu vers la technique de la fiducie (C).
A- Du perfectionnement au déclin
1) Le perfectionnement des sûretés modèles :
Il s’est traduit au cours du 20ème siècle par la multiplication des sûretés modèles sans
dépossession. Le législateur ainsi a voulu encourager le développement du crédit nécessaire au
financement de biens tels que l’outillage, le matériel ou les véhicules. Des sûretés ont également vu
le jour pour tenir compte de l’apparition de biens incorporels tels que le fonds de commerce, ou
encore les droits de propriété industrielle.
Ce perfectionnement est également passé par la publicité des sûretés. En effet grâce à la réforme de
1955 le législateur a soumis à publicité des hypothèques et des privilèges qui étaient jusqu’alors
occultes.
2) Phase de déclin des sûretés modèles :
Les années 80 furent celles d’une désaffection des créanciers pour les sûretés modèles, qu’il
s’agisse du cautionnement ou encore des sûretés réelles classiques. On a pu parler de crise du
cautionnement, en effet durant une 15aine d’années les juges ont fait la part belle aux cautions,
celles-ci s’opposèrent alors systématiquement aux poursuites des créanciers, ce qui leur était facile
en raison des nombreux moyens de défense qui leur étaient reconnus.. Le cautionnement ne
protégeait plus les créanciers de risque d’immobilisation de leur créances. Les créanciers devaient
alors rechercher des garanties protégeant mieux leurs intérêts. Ils firent alors souscrire par les
garants des engagements indépendants leur interdisant par là même de se prévaloir des droits
appartenant au débiteur principal.
La phase de déclin est également passée par le laminage des droits des titulaires de sûretés réelles.
En effet les sûretés réelles ont été gravement affectées par l’évolution du droit des procédures
collectives (sûretés et procédures collectives, morceaux choisis, rapport de synthèse de C. SaintAlary Houin, Petites affiches, 20 septembre 2000 page 40). Depuis 1967 le droit des procédures
collectives doit favoriser la survie des entreprises en difficultés. Cette finalité a d’ailleurs était
clairement affirmée par l’article 1 de la loi du 25 janvier 1985. Pour réaliser cet objectif le
législateur va imposer un certain nombre de sacrifices aux créanciers qu’ils soient ou non titulaires
de sûretés. Les créanciers doivent ainsi accepter des remises et consentir des délais de paiement, ils
sont également soumis u principe de suspension des poursuites individuelles, ce qui leur interdit de
mettre en jeu leurs sûretés. La loi de 1985, pour reprendre l’expression employée dans le manuel de
Dominique Legeais Sûretés et Garanties du crédit a réalisé une véritable traque des sûretés
classiques.
Ces lois récentes ne limitaient cependant que les prérogatives des titulaires de sûretés modèles qu’il
s’agisse de gages, d’hypothèques ou de privilèges. Rien n’interdisait donc aux créanciers de
rechercher d’autres garanties.
B- La recherche de garanties de substitution
Sous l’impulsion de besoins nouveaux des créanciers et des débiteurs, de la recherche d’une
efficacité plus importante des garanties de paiement, ou de la volonté de compétitivité du droit
français, l’évolution contemporaine du droit des sûretés se caractérise par l’apparition de nouvelles
garanties.
La quête de garanties de substitution aux sûretés modèles s’est révélée fort riche, on peut en effet
parler de foisonnement de garanties. Afin de remplacer le cautionnement, les créanciers ont dû
imaginer des mécanismes leur conférant un droit contre le garant plus fort que celui susceptible
d’être exercé contre la caution. Ce fût le cas de la délégation imparfaite, l’engagement solidaire ou
encore des garanties indépendantes… Dans tous ces cas le garant est privé du droit d’opposer au
créancier les exceptions dont peut se prévaloir le débiteur principal.
Ces nouvelles garanties proviennent de sources diverses.
>En effet, certaines viennent de la pratique internationale comme par exemple la garantie
indépendante et la lettre d’intention.
>D’autres procèdent de la redécouverte d’un certain nombre de mécanismes du droit des
obligations tels que la solidarité passive sans intéressement du débiteur à la dette ou la promesse de
porte-fort.
>De plus, le droit des obligations a également servi de fondement aux sûretés dites « négatives »
qui sont des engagements souscrits par le débiteur de ne pas réaliser certains actes de nature à
entraîner son insolvabilité ou à compromettre l’efficacité de sûretés qu’il a constituées. (Exemple :
clause d’inaliénabilité d’un bien composant son patrimoine ou l’engagement de ne pas consentir
d’autres sûretés à l’égard d’autres créanciers…).
>De nouvelles formes de garanties ont également été puisées dans le droit des contrats spéciaux, et
notamment en droit des assurances. Il s’agit du l’assurance-crédit qui est un mécanisme par lequel
un assureur s’engage à indemniser un assuré des conséquences de la survenance du risque
d’insolvabilité de son débiteur, et ce moyennant le versement d’une prime.
>Enfin, le droit des biens contient également de nouvelles garanties efficaces et ce même lors de
l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du débiteur. Il peut s’agir soit du droit de
rétention, soit de la réserve de propriété, soit de l’aliénation fiduciaire. Dans tous ces cas, le
créancier se réserve la possession ou la propriété d’un bien, ce qui lui permet d’éviter les
conséquences de l’ouverture d’une procédure collective. Ainsi il a l’assurance d’être payé n’étant
pas en concurrence avec d’autres créanciers. Cette recherche de mécanismes conférant aux
créanciers une situation d’exclusivité est une des caractéristiques majeures de l’évolution
contemporaine du droit des garanties.
Parallèlement, le développement de ces garanties de substitution bien qu’ayant contribué au
renouvellement du droit des sûretés est également un facteur de complexité et d’incertitude. Se pose
notamment le problème de la qualification, et ensuite celui de la validité de la technique utilisée.
>L'hypothèque moderne avec son système de publicité efficace est devenue la « reine des sûretés ».
Toutefois, elle présente les défauts de ses qualités. En effet, elle représente une charge pour l'État,
qui en répercute le coût sur le constituant. De ce fait, elle est quelque peu concurrencée par les
sûretés réelles.
>On assiste au retour à des sûretés frustes qui sont appréciées en période de crise et
d'affaiblissement des prérogatives en cas de procédures collectives. L'utilisation de la propriété à
titre de garantie (avec le crédit-bail, la réserve de propriété, la fiducie...), et le droit de rétention
permettent à ce titre au créancier d'échapper à la concurrence des autres créanciers titulaires de
sûretés classiques et de les surclasser.
Un tel développement des garanties de substitution ne pouvait pas se poursuivre sans limites, en
effet la politique de protection des entreprises et des cautions se trouvait mise en échec. Une
réaction légale et jurisprudentielle était inévitable.
C- La fiducie et les apports de la loi du 4 août 2008
1) La fiducie fait son entrée au droit français
Figure contractuelle fondée sur la confiance, la fiducie, instituée par la loi du 19 février
2007, s'inspire du trust anglo-saxon. Schématiquement, elle permet le transfert de propriété d'un
bien, d'un droit ou d'une sûreté des mains d'un constituant à celles d'un fiduciaire afin de
l'administrer au profit d'un bénéficiaire.
Très attendu, le texte adopté crée un nouveau dispositif qui fait exception au principe d'unité
du patrimoine. Un patrimoine d'affectation est ainsi créé, distinct du patrimoine personnel du
constituant et de celui du fiduciaire.
La fiducie opérant un transfert de propriété dans un patrimoine distinct de celui du
constituant et du fiduciaire, il s'agit d'un mécanisme plus sécurisant que le gage et ce d'autant plus
que « le patrimoine fiduciaire ne peut être saisi que par les titulaires de créances nées de la
conservation ou de la gestion de ce patrimoine » (C. civ., art. 2025 nouveau) et que « l'ouverture
d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire au profit du
fiduciaire n'affecte pas le patrimoine fiduciaire » (C. civ., art. 2024).
Si la fiducie est conçue comme un contrat souple où prime la liberté contractuelle, le texte
précise néanmoins que la fiducie ne se présume pas ; elle doit être expresse et contenir un certain
nombre de mentions obligatoires (indication des biens, droits ou sûretés transférés, la durée du
transfert, l'identité du ou des constituants, fiduciaires et bénéficiaires).
S'agissant de la qualité des acteurs de la fiducie, le Sénat a adopté un amendement
gouvernemental limitant la fiducie aux seules personnes morales soumises de plein droit ou sur
option à l'impôt sur les sociétés, étant entendu que les droits du constituant au titre de la fiducie ne
peuvent être cessibles qu'à des personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés. Quant au
fiduciaire, la loi précise que seuls les établissements de crédit, les entreprises d'investissement et les
entreprises d'assurance peuvent exercer ces fonctions.
Afin d'éviter notamment tout risque de fraude fiscale ou de blanchiment d'argent, le texte
indique que le constituant demeurera soumis au règlement des impôts dus sur les biens transmis, et
ce pendant toute la durée du contrat de fiducie . En outre, le contrat de fiducie doit être enregistré
dans le délai d'un mois au service des impôts et ce à peine de nullité, et être publié lorsqu'il porte
sur des immeubles ou des droits réels immobiliers. Un registre national des fiducies devrait être
créé par décret.
Concernant l'exécution du contrat de fiducie , le fiduciaire a un certain nombre d'obligations.
Tout d'abord, lorsqu'il agit pour le compte de la fiducie , il doit en faire expressément mention. À
l'égard des tiers, et ce dans le but de les protéger, il est réputé disposer des pouvoirs les plus étendus
sur le patrimoine fiduciaire. Vis-à-vis du constituant, le fiduciaire doit lui rendre compte à sa
demande et selon une périodicité fixée dans le contrat. Une personne, le « protecteur », pourra être
chargée de veiller à l'exécution de la fiducie par le fiduciaire. Ce protecteur pourrait être un avocat
ou un notaire. Enfin notons qu'en cas de faute dans l'exercice de sa mission, le fiduciaire est
responsable sur son patrimoine propre.
Le contrat de fiducie prend fin par la survenance du terme ou, précise le texte, par « la
réalisation du but poursuivi quand celle-ci a lieu avant le terme ou en cas de révocation par le
constituant de l'option pour l'impôt sur les sociétés » (C. civ., art. 2029 nouveau). Il peut également
prendre fin si la totalité des bénéficiaires renonce à la fiducie ou si le fiduciaire fait l'objet d'une
liquidation judiciaire, d'une cession ou d'une absorption. Dans l'hypothèse où il prendrait fin en
l'absence de bénéficiaire, il est prévu que les droits, biens ou sûretés présents dans le patrimoine
fiduciaire font de plein droit retour au constituant.
2) La loi du 4 août 2008 (LME)
En améliorant le régime juridique de la fiducie et en conférant un droit de rétention aux
gagistes sans dépossession, la loi de modernisation de l'économie donne aux créanciers des outils
permettant d'appréhender les actifs affectés en garantie des dettes du débiteur, en cas de liquidation
judiciaire de celui-ci.
a- Les apports concernant la fiducie
La LME élargit le champ d’application de la fiducie : toute personne physique ou morale de
droit privé ou de droit public peut constituer une fiducie, ce qui en fait un outil juridique « universel
». La LME élargit également la qualité de fiduciaire aux membres de la profession d'avocat .
LME est venue modifier aussi l'article 2018, 2°, du Code civil en portant la durée
maximale du transfert des droits et des biens dans un patrimoine fiduciaire à 99 ans. Cet
allongement ouvre des perspectives pour mettre en place des opérations de financement ou de
refinancement successives, à l'instar de l'hypothèque rechargeable.
La LME consacre aussi la convention de mise à disposition des actifs transférés à titre de
garantie (art. 2018-1).
S’agissant de la cession des créances dans un patrimoine fiduciaire, la LME modifie l'article
2018-2 du Code civil, qui prévoit désormais que la cession de créance réalisée dans le cadre d'une
fiducie est opposable aux tiers à la date du contrat de fiducie. Elle devient opposable au débiteur de
la créance cédée par la notification qui lui sera faite par le cédant ou le fiduciaire.
Concernant le remplacement du fiduciaire, dans la nouvelle rédaction issue de la LME,
l’article 2027 du Code civil prévoit que les parties au contrat de fiducie peuvent librement convenir
des conditions de remplacement du fiduciaire. Le nouveau texte indique également que l'ouverture
d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire à l'égard du fiduciaire peut justifier
son remplacement. Incidemment, la LME consacre le principe du transfert du patrimoine fiduciaire
en cas de remplacement du fiduciaire.
Sur le sort du patrimoine fiduciaire au terme du contrat de fiducie, l'article 2029 du Code
civil, tel que modifié, prévoit les circonstances dans lesquelles le contrat de fiducie prend fin. Son.
La LME clarifie l'alinéa 2 dudit article et. dans sa nouvelle rédaction, cet article permet aux
parties de prévoir le sort du contrat de fiducie en cas de liquidation judiciaire, de dissolution ou de
disparition de la personnalité morale du fiduciaire. Pourtant, la loi ne règle pas le sort du patrimoine
fiduciaire à la fin du contrat de fiducie. Il faut souligner que, en cas de décès du constituant
personne physique, la fiducie prend fin de plein droit et le patrimoine fiduciaire revient à la
succession.
La LME ne clarifie pas la problématique d'une éventuelle application du droit de préemption
urbain en matière de fiducie-sûreté.
b- L'octroi d'un droit de rétention au créancier titulaire d'un gage sans dépossession
La LME complète l’énumération de l’art. 2286 du Code civil et ainsi, peut dorénavant se
prévaloir d'un droit de rétention sur la chose « celui qui bénéficie d'un gage sans dépossession ».
Cette mesure a été vivement critiquée par la doctrine, motif tiré de sa non-conformité à la
conception traditionnelle du droit de rétention, et du risque que naissent des « conflits de droits de
rétention » entre créancier gagiste avec dépossession et créancier gagiste sans dépossession.
Le nouveau droit de rétention légal est applicable au gage sans dépossession, au gage des
stocks, au gage portant sur le matériel d'équipement professionnel, ainsi qu'au nantissement des
parts de sociétés commerciales (SARL, SNC). Il n'est pas applicable au nantissement de fonds de
commerce, qui est régi par des dispositions spéciales.
La LME complète ainsi la liste des gages sans dépossession et nantissements qui sont d'ores
et déjà assortis d'un droit de rétention « légal », aussi qualifié parfois de « fictif » : gage portant sur
un véhicule automobile, nantissement de comptes d'instruments financiers, warrant agricole,
warrant pétrolier et peut-être également, selon une opinion doctrinale, le nantissement de créances.
Cette généralisation du droit de rétention « légal », non justifié par la détention de la chose,
confirme donc l'évolution vers la « dématérialisation du droit de rétention ». La publication du gage
sans dépossession dans le registre spécial visé par l'article 2338 du code civil emporte désormais les
mêmes effets juridiques qu'une dépossession : opposabilité aux tiers et droit de rétention. Cela étant,
dans la mesure où le débiteur conserve l'usage des biens remis en gage, les effets concrets du droit
de rétention fictif doivent être relativisés.
L'article 2340 du code civil a pour objet de régler les éventuels conflits entre gage sans
dépossession et gage avec dépossession, en posant la règle selon laquelle les effets du gage sans
dépossession prévalent sur ceux de tout gage avec dépossession constitué ultérieurement sur le
même bien. Le conflit qui pourrait naître entre plusieurs gages sans dépossession doit quant à lui
être résolu en faveur du premier inscrit.
La réforme a manifestement pour objectif d'améliorer le sort du créancier gagiste sans
dépossession, qui doit faire face à deux difficultés en cas de procédure collective : d'une part, il sera
primé par les créanciers d'un rang supérieur à moins qu'il n'obtienne l'attribution judiciaire du gage,
et, d'autre part, si un plan de cession est arrêté, il ne pourra exercer son droit de préférence que sur
la quote-part du prix de cession déterminée par le tribunal, laquelle sera fréquemment très inférieure
à la valeur réelle des biens. La réforme a donc le but de répondre à cette préoccupation et on
constate, enfin, que droit des sûretés et droit des procédures collectives sont en réalité
indissociables.
Le droit des sûretés n'a donc connu que quelques modifications ponctuelles depuis 1804.
Toutefois, des réformes plus importantes sont intervenues ces dernières années notamment avec
l'ordonnance du 23 mars 2006 et toutes les lois relatives aux procédures collectives.
II: Le droit des sûreté enfin réformé en profondeur
Depuis 1804, le droit des sûretés n'a fait l'objet d'aucune réforme, sauf modifications
ponctuelles. En juillet 2003, le Garde des Sceaux confie au groupe de travail présidé par Michel
Grimaldi la mission de réformer en profondeur le droit des sûretés. Ce qui sera chose faite par
l'ordonnance n° 2006-343 du 23 Mars 2006 (A). Toutefois, depuis la loi du 26 juillet 2005 sur les
entreprises en difficulté et plus récemment avec l'ordonnance du 18 décembre 2008, le droit des
sûretés à été influencé par le droit des procédures collectives (B).
A- La modernisation des sûretés par l'ordonnance du 23 mars 2006
1) Présentation
Fruit des propositions de réforme de la Commission présidée par le professeur M. Grimaldi,
l’ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés est entrée en vigueur le 25 à
l'exception des dispositions relatives au gage de véhicule terrestre à moteur. L'ordonnance crée donc
dans le Code civil un nouveau Livre IV intitulé « Des sûretés ».
Sur un plan formel cette innovation est plus que bienvenue : ce livre IV étant entièrement
consacré aux sûretés assurera une lisibilité accrue de ce droit. En effet, le livre IV comporte deux
titres consacrés respectivement aux sûretés personnelles (articles 2288 à 2322) et aux sûretés réelles
(articles 2323 à 2488), mais ce sont seulement ces dernières qui, font l’objet de modifications
d’envergure. Ce titre II comporte un sous-titre 1er intitulé « Dispositions générales » (articles 2323
à 2328), un sous-titre II : « Des sûretés sur les meubles » (articles 2329 à 2372) et un sous-titre III :
« Des sûretés sur les immeubles » (articles 2373 à 2488).
Du point de vue des règles de fond elle apporte plus d’unité, plus de cohérence même s’il y a
ici un certain goût d’inachevé. Il est par exemple dommage que l’énoncé des principes directeurs du
droit des sûretés n’ait pas été repris dans l’ordonnance, du fait du caractère restrictif de la loi
d’habilitation.
2) Récapitulatif des nouvelles dispositions
En ce qui concerne les sûretés personnelles, si tous les articles relatifs au cautionnement sont
simplement renumérotés, des dispositions nouvelles sont consacrées aux garanties autonomes et aux
lettres d’intention. Ce sont évidemment les sûretés réelles qui sont le plus touchées.
Tout d'abord, on remarque la création de l’hypothèque rechargeable. Ainsi, si l’acte
constitutif le prévoit expressément, l’hypothèque pourra être affectée à la garantie d' autres créances
que celles mentionnées dans l’acte constitutif. Dans cette hypothèse, le constituant peut offrir
l’hypothèque déjà constituée non seulement au créancier originaire, mais encore à un autre
créancier même si le premier n’a pas été payé.
Ensuite, le législateur inspiré du Reverse Motgage américain, a aussi introduit dans le droit
français le crédit hypothécaire viager, qui permet à un établissement de crédit de pouvoir consentir à
une personne physique un prêt garanti par une hypothèque constituée sur un bien immobilier de
l’emprunteur à usage exclusif d’habitation et dont le remboursement ne peut être exigé qu’au décès
de l’emprunteur ou lors de l’aliénation du bien.
Outre la consécration de la propriété retenue à titre de garantie et du droit de rétention, la
réforme permet une remise en ordre complète des sûretés réelles en admettant que le gage puisse
s’opérer sans dépossession et en distinguant selon que le bien qui en est objet est corporel, auquel
cas on parlera de gage, ou incorporel, auquel cas on parlera de nantissement.
3) Critiques de l'ordonnance
Par rapport au projet initial d’ordonnance qui était très ambitieux, qui voulait doter notre
système juridique d’un droit des sûretés cohérent, moderne et efficace. La réforme est lacunaire, en
effet elle est partielle à deux points de vue.
D’une part, le droit des sûretés personnelles en est absent pourtant, le groupe de travail
présidé par Grimaldi avait proposé une refonte de cette matière qui avait le mérite de lui redonner
une cohérence.
D’autre part, grand nombre d’éléments qui auraient pu constituer un embryon de théorie
générale des sûretés a disparu. La réforme en réalité ne concerne que le droit civil, et laisse donc de
côté de nombreuses sûretés spéciales du Code de commerce et des autres Codes. Or le droit des
sûretés est tributaire de nombreuses autres matières comme par exemple le droit des procédures
collectives, le problème c’est que l’on risque d’aboutir à ce que nombre des dispositions soient
écartées ou tout du moins infléchie au moment où l’insolvabilité du débiteur est avérée. Une
véritable réforme du droit des sûretés aurait dû intégrer et tenir compte de ces procédures. On peut
regretter que le législateur ait fait le choix de dissocier réforme des procédures collectives et des
sûretés. Car ces deux matières sont particulièrement liées comme nous allons le constater dans le B.
B- Les apports du droit des procédures collectives sur le droit des sûretés : la
loi de 2005 et l’ordonnance du 18 décembre 2008 réformant les procédures
collectives
Pendant longtemps, le droit des sûretés a été étudié comme une branche du droit civil (droit
des obligations et droit des biens). Mais aujourd’hui, cette conception est largement dépassée car le
droit des sûretés est en quelque sorte un lien entre le droit des obligations et le droit des procédures
collectives. Le droit des procédures collectives a longtemps ignoré le sort des garants. Mais le
législateur s'est peu à peu rendu compte que les cautions étaient souvent des dirigeants ou des
associés dont le sort ne pouvait être distinct de celui des entreprises.
1) La loi du 26 juillet 2005 réformant les procédures collectives :
La réforme s’est opérée dans le plus grand désordre. La loi du 26 juillet 2005 réformant le
droit des procédures collectives modifie notablement les règles de poursuites des garants d’une
entreprise en difficultés, le législateur poursuit un but préventif et incite les dirigeants qui se portent
garants à révéler le plus tôt possible les difficultés subies par l'entreprise.
L’article L650-1 du Code de Commerce dispose que « les créanciers ne peuvent être tenus pour
responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude,
d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie des
concours sont disproportionnées par rapport à ceux-ci ». La loi a ainsi tenté de rassurer les milieux
bancaires pour les inciter à soutenir les entreprises en difficultés.
Le deuxième alinéa de cette disposition ajoute que si la responsabilité d’un créancier est retenue, les
garanties prises en contrepartie de ses concours sont nulles. Le législateur n’a pas voulu qu’ils
soient tenus d’une quelconque façon pour un crédit qui était dès l’origine inutile et dont le créancier
connaissait ce caractère.
(Le droit des sûretés réelles a également été touché par les procédures collectives car le rang des
garanties et privilèges a été modifié notamment la création des privilèges de la conciliation.)
Cette loi redonne ainsi une certaine importance aux créanciers, mais dans le même temps
elle diminue l’efficacité de certaines garanties, lorsqu’elles sont octroyées par le chef d’entreprise,
dans le but de l’inciter à déclarer rapidement les difficultés de son entreprise.
2) L’ordonnance du 18 décembre 2008 :
Les apports de l’ordonnance du 18 décembre 2008 en matière de sûretés se caractérisent par
une volonté d’améliorer la sécurité juridique ainsi que les chances de redressement de l’entreprise.
L’ordonnance est également l’occasion d’adapter certaines dispositions de la loi de sauvegarde pour
mieux tenir compte de l’ordonnance sur les sûretés du 23 mars 2006 ainsi que la loi du 19 février
2007 qui a introduit la fiducie dans le droit français.
Il n’y a pas moins de 26 articles sur les 174 de ce texte qui concernent de près ou de loin, le droit
des sûretés.
Les deux axes fondamentaux de réflexions des auteurs en matière de droit des sûretés ont été le
souci d’une meilleure sécurité juridique et la volonté de mieux préserver les chances de
redressement de l’entreprise.
a-Une sécurité juridique accrue
Il y a tout d’abord eu une amélioration de la qualité rédactionnelle des textes :
Il a été procédé à un « toilettage » dans la mesure ou depuis la réforme du droit des sûretés
de mars 2006, le droit des procédures collectives ne peut plus simplement se contenter de faire
référence au nantissement, il faut désormais viser distinctement le gage et le nantissement.( L622-7,
II al1 ; L622-8, -30 al1…) Ces améliorations procèdent également du fait que la fiducie sûreté a fait
son entrée au sein du Code civil depuis la loi du 19 février 2007 (L611-10-2 ; L626 al2, L631-14).
De plus l’ordonnance, dans les articles relatifs à la protection de la personne ayant consenti un
cautionnement réel, se réfère « à la personne ayant affecté ou cédé un bien en garantie », elle
consacre donc implicitement le fait qu’il y a deux grandes catégories de sûretés réelles : celles
conférant aux créanciers un simple droit de préférence sur le bien appartenant aux débiteurs et
celles qui donnent aux créanciers le droit exclusif sur un bien.
L’ordonnance confirme enfin la possibilité laissée au dirigeant social d’utiliser la fiducie sûreté pour
se porter garant des dettes de son entreprise.
La réforme a également été l’occasion de supprimer un certain nombre de bugs
législatifs commis dans la loi du 26 juillet 2005 ; comme par exemple l’erreur résidant dans l’ancien
article L611-10 al 3 du Code de commerce qui ne prévoyait au profit des cautions le bénéfice des
dispositions contenues dans un accord de conciliation que dans l’hypothèse ou cet accord était
homologué. Ce qui était contraire à l’objectif de la loi de 2005 qui voulait inciter le dirigeant social
caution à demander l’ouverture d’une procédure de conciliation et préserver l’efficacité de l’accord
amiable en faisant en sorte que la caution n’exerce pas immédiatement un recours contre le débiteur
principal. La référence au simple accord homologué n’avait pas de sens, ça valait également pour
l’accord constaté.
Enfin est intervenue une simplification de la hiérarchie des créances privilégiées. Avant la
réforme, les créances nées pour les besoins de la vie courante de l’entrepreneur ne pouvaient être
privilégiées, quand bien même elles seraient nées postérieurement au JO. La doctrine conseillait aux
créanciers de telles créances d’exiger un paiement comptant et de ne surtout pas faire crédit au
débiteur. Ce qui n’était guère propice au redressement de ce dernier.
L’ordonnance supprime dans les articles L622-17 I et L641-13 I du Code de commerce la référence
à l’activité professionnelle, étend le domaine d’application du privilège de la procédure à toutes les
créances nées de la fourniture d’une prestation au débiteur pendant le maintien de son activité ; il
n’est d’ailleurs plus fait de références explicites aux créances liées aux besoins de la vie courante
dans le nouvel article L622-7 I.
Au-delà de ces améliorations textuelles, la réforme a également permis la diminution du
risque d’annulation des sûretés.
Elle passe tout d’abord par la modification de la sanction des sûretés excessives. L’ancien
article L650-1 du Code de commerce affirmait que « les créanciers ne peuvent être tenus pour
responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf…si les garanties prises en
contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci et que pour le cas ou la responsabilité
d’un créancier est reconnue les garanties prises en contrepartie de ces concours sont nulles ». Ce
texte était dangereux pour la sécurité du crédit dans la mesure ou il cumulait trois défauts : un
domaine d’application trop large, un critère d’appréciation (la disproportion) laissée à l’appréciation
des juges du fond et enfin une sanction (la nullité) trop sévère.
L’ordonnance de 2008 n’a malheureusement pas réécrit ce texte, elle s’est contentée d’y apporter 2
améliorations : - cet article ne s’applique pas quand une procédure de sauvegarde, de RJ ou de LJ
est ouverte
- Nouvel article L650-1 al 2 qui prévoit que la nullité est facultative et permet au
juge de se contenter d’une simple réduction de la sûreté, càd que si la responsabilité du créancier est
retenue sa sûreté n’est pas automatiquement nulle. Le juge pourra moduler la sanction en fonction
de la gravité de la faute commise par le créancier.
La diminution du risque d’annulation des sûretés passe ensuite par un accroissement de la
possibilité de constituer une fiducie sûreté. Il est expressément prévu au sein du nouvel article
L632-1 I 9° qu’une fiducie constituée en période suspecte n’est pas nulle si le transfert de propriété
des biens concernés est intervenu à titre de garantie d’une dette concomitamment contractée et l’on
supposera, à fortiori, que cette reconnaissance de validité concerne également le cas ou la dette
garantie naît après la constitution de la fiducie sûreté.
L’ordonnance est également intervenue pour permettre un redressement mieux sauvegardé.
b- Un redressement mieux sauvegardé :
Par le biais, tout d’abord, de l’accroissement de la protection du dirigeant garant des dettes
de l’entreprise.
En effet, en premier lieu, l’ordonnance accroît le nombre d’avantages susceptibles de
bénéficier d’une manière sélective à la caution. Elle ajoute à la liste des avantages déjà consentis
par la loi de 2005, la possibilité de se prévaloir du fait que le bénéficiaire du cautionnement n’a pas
déclaré en temps utile sa créance à la procédure collective du débiteur principal. L’ordonnance crée
également de nouvelles discriminations entre le sort du débiteur principal et celui de la caution
personne physique. En effet, le débiteur peut se prévaloir de l’inopposabilité de sa créance non
déclarée en temps utile aussi bien en sauvegarde qu’en redressement judiciaire, tandis que cette
possibilité est totalement refusée à toutes les cautions en cas de RJ et aux cautions personnes
morales en cas de sauvegarde.
En second lieu, afin de faire en sorte que la protection des cautions, fondée sur un ensemble
d’avantages sélectifs que l’on vient d’aborder brièvement, ne soit pas contournée par le recours à
d’autres formes de garantie, l’ordonnance est venue compléter les articles protecteurs des cautions
instaurés par la loi de 2005.
L’ordonnance a voulu supprimer toutes les possibilités de contournement en décidant que tous les
articles du droit des procédures collectives protégeant, soit l’ensemble des cautions, soit seulement
les cautions personnes physiques, s’appliqueraient désormais d’une manière plus générale aux
coobligés ainsi qu’aux personnes « ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé
un bien en garantie ».
L’amélioration du redressement de l’entreprise, au sein de la réforme, passe également par la
réduction des effets des situations d’exclusivité.
On a voulu obtenir une réelle limitation des effets de la fiducie sûreté en sauvegarde et en RJ
afin de préserver les chances de sauvetage de l’entreprise, alors qu’ils ont été légèrement amplifiés
en liquidation judiciaire afin d’assurer la pleine efficacité de cette sûreté et par le même le crédit
aux entreprises.
S’agissant de la restriction : L 622-23-1 nouveau Code commerce. L’ordonnance entend
paralyser la fiducie sûreté en cas de sauvegarde et de RJ pendant la période d’observation et tant
que le plan est correctement exécuté, l’inexécution faisant recouvrer au créancier le droit de céder
les biens donnés en fiducie pour se faire payer sa créance.
En cas de liquidation judiciaire : la fiducie sûreté ne subit pas de limitation, le créancier
pourra réaliser sa sûreté, au besoin en revendiquant la propriété des biens donnés en fiducie.
Concernant le nouveau droit de rétention fictif assortissant les gages sans dépossession,
l’ordonnance a voulu à la fois préserver les chances de sauvetage de l’entreprise, en réduisant les
effets du droit de rétention en cas de sauvegarde ou de RJ, et parallèlement favoriser le crédit aux
entreprises, en amplifiant lesdits effets en cas de liquidation judiciaire. Les auteurs parlent pourtant
de l’illusoire limitation des effets du droit de rétention fictif conféré par l’article 2286 n°4 Code
civil.
>Limitation: Le nouvel article L622-7 I al 2 du Code de commerce prévoit que le jugement
ouvrant la procédure de sauvegarde « emporte de plein droit, inopposabilité du droit de rétention
conféré par le 4° de l’article 2286 du Code civil pendant la période d’observation et l’exécution du
plan, sauf si le bien objet du gage est compris dans une cession d’activité décidée en application de
l’article L626-1. En cela est constitué une limitation.
>Illusoire : Or celle-ci est à nuancer, ce droit de rétention fictif, n’a qu’une très faible utilité. Il
n’est aucunement besoin d’affirmer son inopposabilité à la procédure de sauvegarde, pour permettre
au débiteur de continuer à faire usage du bien gagé, puisque, par définition, ce débiteur a déjà cet
usage et que le créancier, ne pouvant exercer aucun pouvoir de blocage sur le bien, ne peut y mettre
fin. Au regard de l’objectif de protection du débiteur énoncé, le nouvel article L622-7 I al 2 n’a
donc aucune utilité !
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