Actes de la Journée CISS du 7 mars 2012 3
Collectif interassociatif sur la santé
l’universalité, il nous faut bien faire des distinctions.
C’est ainsi que nous avons donc deux lois en 2002
dont la vocation est proche, très proche, mais dont
les contours, au nom de la raison, sont distincts.
Deux textes de progrès ont donc distinctement
reconnu des droits de portée semblable, mais dont
les modalités d’exercice sont distinctes.
Le critique armera que ce progrès-là n’est
décidément pas très moderne. Et nous nous
rassurerons en pensant qu’il est peut-être
«indiérent de ne pas être moderne».
Encore faut-il que nous soyons sûrs de cela.
Il y a, au fond, trois sujets:
• 1. Sommes-nous convaincus que nous n’avons
pas à être enseignés les uns et les autres des
apports de ces deux mouvements dans leurs
domaines respectifs? Il faut plutôt faire le pari
que nous devrions tirer les enseignements
des observations sur le livret d’accueil dans
les établissements de santé et de celles sur le
livret d’accueil dans les établissements médico-
sociaux. Voici deux outils a priori semblables,
mais le sont-ils autant que nous le croyons ?
Des structures comme les CRUQPC et les
CVS ont des vertus comparables dans leurs
domaines d’élection, mais elles se limitent aux
établissements et aux structures. Comme si
l’ambulatoire de santé ou social ne devaient pas
faire l’objet des mêmes attentions.
• N’avons-nous pas en outre à densier nos
relations ? Car les rapports des commissions
spécialisées dans le respect des droits des
usagers des nouvelles CRSA devraient, en
toute logique, comporter des données sur la
façon dont l’accès aux soins est garanti dans les
établissements d’hébergement à caractère social
ou médico-social. Ces établissements ne sont pas
«hors droits des usagers du système de santé».
Ceux qui y séjournent sont aussi des usagers
du système de santé dans ces établissements.
Quelques travaux ont montré la voie, comme le
rapport commun CNSA/HAS sur l’accès aux soins
des personnes handicapées. Une telle logique
peut-elle être développée au plan local? Quels
seraient les indicateurs à prendre en compte?
• 2. N’y a-t-il pas des dés de notre temps que
nous devrions anticiper avant qu’ils ne nous
frappent comme la foudre : alors que tout
pousse aux prises en charge ambulatoire, dans
le soin comme dans le médico-social, comment
rééchir l’exercice des droits ? Combattre
une personne morale « établissement », c’est
somme toute identier facilement un fauteur
de troubles en même temps qu’identier un
début de solution. Moins simple à faire en
ambulatoire. Vers quelle interface se tourner :
point de CRUQPC en ville, point de CVS dans
le secteur psychiatrique, par exemple. Quelle
politique commune, universelle, oserait-on dire,
doit-on mener dans une région pour favoriser la
connaissance et l’appropriation des droits des
usagers du système de santé et des secteurs
social et médico-social ? Quelle politique
commune, universelle oserait-on (encore) dire,
doit-on faire valoir sur le parcours de santé d’un
individu dans un contexte d’espérance de vie
contemporaine qui nous amènera de plus en
plus nombreux aux portes de la dépendance?
• 3. Comment changer «les âmes et les cœurs»?
Car c’est cela qui va être nécessaire après, ou en
même temps que, l’armation des droits. En eet,
si le monde social et médico-social est composé
pour près de 90% par des structures associatives,
le monde du soin est plutôt caractérisé par
une prévalence des établissements publics (en
dehors de l’ambulatoire). Mais peu importe,
ce qui nous oblige, ce ne sont pas les identités
juridiques des structures, mais le droit au respect
de la dignité humaine. Car c’est comme cela qu’il
faut comprendre les droits des usagers, que
ce soit dans le soin ou le médico-social. C’est
du moins ce qu’arment ensemble la Cour de
Cassation et le Conseil d’Etat (avant que les lois
de 2002 ne confèrent une valeur légale à cette
obligation). Et l’on peut remonter plus loin
encore pour trouver dans le code de Nuremberg
l’armation de principe moderne du respect de
la dignité humaine comme socle commun des
droits de la personne quel que soit le lieu, quelle
que soit sa situation.
Pourtant, nous sommes un certain nombre à penser
que si le droit est bien utile à armer des principes
et des obligations, il est indispensable de changer
les regards. Ce que disent les uns et les autres quand
ils sont confrontés à des systèmes, et le sanitaire
comme le médico-social sont des systèmes, c’est
qu’ils ont l’impression de n’être pas écoutés. Ce dont
nous sourons, en dehors de la méconnaissance des
droits, c’est de l’absence d’attention à l’autre. La loi
est mal à l’aise pour y contraindre, mais la morale
y invite, pour peu que nous soyons d’accord sur la
nécessité de mettre du «care» dans le «cure».
Voici donc trois interrogations : celle des
enseignements croisés des dispositifs mis en place
par les deux lois, celle de la confrontation de ces
deux dispositifs aux dés de l’ambulatoire, celle de
l’au-delà du droit et qui tient tant à l’évolution des
comportements plutôt qu’au seul état des normes
juridiques applicables. Il y a en a bien d’autres. La
journée permettra de les identier et d’apporter les
réponses ou à tout le moins de les esquisser.