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Cahier FMC
V29
Vendredi 18 octobre 2013 |numéro 2657
Les algorithmes diagnostiques
>Des algorithmes décisionnels, intégrant comme
examen pivot soit l'angioscanner spiralé (fig. 1), soit
la scintigraphie pulmonaire (fig. 2 : « Algorithme
diagnostique basé sur la scintigraphie pulmonaire » à
consulter sur www.legeneraliste.fr), soit l'écho-Doppler
veineux des membres inférieurs sont utilisés. Les deux
premiers font autorité. Il existe également un arbre
décisionnel pour les patients en état de choc. « En
pratique, le choix entre angioscanner spiralé et scinti-
graphie est souvent conditionné par l'accessibilité des
plateaux techniques. Une allergie au produit de contraste
iodé ou une insuffisance rénale contre-indique par
ailleurs le choix de l'angioscanner. »
>Quelques repères :
– un angioscanner normal ne peut éliminer une
embolie pulmonaire que si la probabilité clinique n'est
pas forte ;
– si la probabilité clinique est forte et l'angioscanner
normal, une échographie veineuse normale exclut le
diagnostic d'embolie pulmonaire ;
– une scintigraphie normale permet d'éliminer une
embolie pulmonaire quelle que soit la probabilité
clinique.
– une probabilité clinique forte associée à une écho-
graphie veineuse montrant une TVP proximale suffit
au diagnostic, rend inutile la réalisation des autres
examens d'imagerie et justifie la mise en route immé-
diate du traitement anticoagulant. « On n'a certes pas
la preuve de la migration du thrombus, mais cela ne
modifie ni l'intensité ni la durée du traitement anticoa-
gulant. S'il s'agit d'une TVP distale, il faut poursuivre
les investigations. » ;
– chez le sujet âgé, la proportion d'échographies
veineuses positives est plus élevée. La séquence diag-
nostique comprend donc successivement D-dimères,
échographie veineuse des membres inférieurs, puis
angioscanner si l'échographie est normale.
Evaluation de la gravité
de l'embolie pulmonaire
D'autres examens – échographie transthoracique,
dosage du BNP (brain natriurétic peptide), tropo-
nine - destinés à estimer la gravité de l'embolie
pulmonaire sont réalisés à l’hôpital en parallèle avec
les examens diagnostiques. Associés à des marqueurs
cliniques (choc ou hypotension, tachycardie, insuf-
fisance respiratoire ou cardiaque ou cancer sous-
jacent), ils permettent de classer les embolies pulmo-
naires en trois catégories selon le risque de décès à
30 jours (1, 2) : élevé, intermédiaire ou faible. « Cette
stratification du risque est utile au plan thérapeutique.
Actuellement, on songe par exemple à renvoyer à
domicile après une courte hospitalisation les patients
à faible risque de décès et sans facteur de risque hémor-
ragique. La prise en charge est alors poursuivie en
ambulatoire, sous réserve que le patient ait reçu une
éducation thérapeutique et que les différents interve-
nants impliqués dans la surveillance du traitement
anticoagulant aient été contactés. » À l'inverse, un
patient à haut risque de décès sera étroitement
surveillé.
QUEL BILAN ÉTIOLOGIQUE ?
>On retrouve une étiologie chez plus de 50 % des
patients ayant eu une embolie pulmonaire. La
recherche de facteurs de risque de maladie thrombo-
embolique veineuse (MTEV) est indispensable
(diagnostic étiologique, conduite et durée du trai-
tement, estimation du risque de récidive). Sans
entrer dans le détail des différentes classifications,
on distingue les facteurs de risque transitoires ou
persistants, majeurs ou mineurs (2, 3, 4) :
– facteurs de risque transitoires majeurs : fracture
d'un membre inférieur de moins de 3 mois, chirurgie
(orthopédique, carcinologique ou abdominale lourde,
neurochirurgie), immobilisation ≥ 3 jours pour une
affection médicale aiguë, plâtre ou attelle ;
– facteurs de risque persistants majeurs : cancer actif
ou traité, syndrome myéloprolifératif, chimiothéra-
pie, syndrome des anti-phospholipides, antécédent de
MTEV ;
– facteurs de risque transitoires mineurs : grossesse,
post-partum, contraception orale œstroprogestative,
traitement hormonal de la ménopause oral, voyage
prolongé ;
– autres facteurs de risque persistants : thrombophi-
lie, maladies inflammatoires, âge, obésité.
>En pratique, s'il existe un contexte favorisant fort,
aucun bilan étiologique n'est programmé (4).
Quand rechercher une thrombophilie ?
Selon un consensus français (5), la recherche de
facteurs biologiques de risque de MTEV n'est pas
systématique. Elle est justifiée en cas de premier
épisode de TVP proximale ou d'embolie pulmo-
naire avant 60 ans non expliqué par des facteurs
déclenchants majeurs, ainsi que chez les femmes
en âge de procréer, qu'il y ait ou non un facteur
déclenchant.
On recherche un déficit en antithrombine, protéine
C, protéine S, une mutation du facteur V de Leiden,
une mutation du facteur II, des anticorps anti-phos-
pholipides et un anticoagulant circulant.
Quand rechercher un cancer occulte ?
En l'absence de contexte carcinologique connu, et
s'il existe un facteur majeur déclenchant expliquant la
MTEV, le bilan s'arrête là.
Si la thrombose est idiopathique, la recherche d'un
cancer occulte est justifiée. « Les explorations sont
guidées par les données de l'interrogatoire et de l'exa-
men clinique, incluant les touchers pelviens. Aucun
examen n'est systématique. L'angioscanner, outre la
visualisation du thrombus, peut orienter le diagnostic.
Si c'est la scintigraphie qui a été réalisée, on programme
une radiographie pulmonaire. Un avis gynécologique
est souvent demandé. » ◆
BIBLIOGRAPHIE
1 – Meyer G. Embolie pul-
monaire. EMC–Anesthésie
Réanimation 2013;0(0) :1-18
[36-827-A-40].
2 – Torbicki A, Perrier A,
Konstantinides S et al. The
Task Force for the Diagnosis
and Management of Acute
Pulmonary Embolism of the
European Society of
Cardiology (ESC). Guidelines
on the diagnosis and mana-
gement of acute pulmonary
embolism. Eur Heart J.
2008;29: 2276–2315.
3 – Collège des
Enseignants de Chirurgie et
de Médecine Vasculaire.
Polycopié national de
pathologie vasculaire. Item
135. Thrombose veineuse
profonde et embolie
pulmonaire.
Mise à jour : juin 2012.
4 - AFSSAPS. Prévention et
traitement de la maladie
thrombo-embolique vei-
neuse en médecine.
Recommandations.
Décembre 2009.
5 - GEHT (Groupe de travail
sur l'hémostase et la
thrombose), SFMV (société
française de médecine vas-
culaire). Recommandations
pour la recherche des fac-
teurs biologiques de risque
dans le cadre de la maladie
thromboembolique vei-
neuse. J Mal Vasc 2009; 34:
156-203.
DÉCLARATION DE LIENS
D’INTÉRÊTS
Les auteurs de l’article
déclarent n’avoir aucun lien
d’intérêts.