© JEUR, 2003, 16, 46-47 Masson, Paris, 2003 FMC Prise en charge diagnostique de la suspicion d’embolie pulmonaire Questions — Réponses — Conclusion " Vous semble-t-il logique de doser les D-dimères par la méthode ELISA à toutes les suspicions d’embolie pulmonaire ? La réponse est non. Les D-dimères sont sensibles mais non spécifiques. De nombreuses situations cliniques (inflammation, infection, nécrose) ou physiologiques (grossesse) induisent une augmentation des D-dimères. Au delà de 80 ans, les D-dimères sont positifs dans 90 % des cas sans qu’il n’y ait de MVTE documentée. Le seul intérêt de D-dimères est d’exclure le diagnostic lorsque le seuil est inférieur à 500 ng/l, compte tenu d’une excellente valeur prédictive négative (100 %), mais sa valeur prédictive positive est mauvaise. Enfin, la sensibilité étant de 98-99 %, il faut s’abstenir de ce dosage lorsque la probabilité clinique est forte. " Quels sont les éléments anamnestiques et cliniques qui doivent être retrouvés dans le dossier pour argumenter le stratégie diagnostique adoptée ? Les symptômes doivent être regroupés dans l’un des trois grand syndromes précédemment cités. Les facteurs de risques de la MVTE doivent être recherchés systématiquement. La présence d’un diagnostic alternatif plus probable que l’embolie pulmonaire modère la suspicion clinique d’EP. La présence de signes de gravités est notée. Le médecin peut alors entreprendre une démarche diagnostique dépendante de ces critères de gravité et de la force de la probabilité clinique. " Vous semble-t-il logique de commencer les explorations d’une suspicion d’embolie pulmonaire sans signe clinique de thrombose veineuse profonde par un écho-Doppler ? Dans 90 % des cas, le thrombus provient d’une thrombose veineuse des membres inférieurs. La phlébo- graphie permet de la retrouver dans 70 % des cas. L’écho-Doppler veineux la retrouve dans 30 à 50 % des cas selon que le patient est symptomatique ou non. La rentabilité de cet examen non invasif et non coûteux est bonne, sous réserve qu’il soit effectué avant tout autre examen. " Un angioscanner thoracique seul et interprété comme normal devant une suspicion d’embolie pulmonaire vous permet-il d’éliminer formellement le diagnostic ? La réponse est non. Toutes les études concordent pour une sensibilité de l’angioscanner thoracique de l’ordre de 70 %. Il y a donc 30 % de faux négatifs. En couplant l’angioscanner à l’écho-Doppler veineux des membres inférieurs, on peut, avec confiance, arrêter les investigations sous réserve que la probabilité clinique ne soit pas forte. Par ailleurs, 10 % des angioscanners ne sont pas contributifs du fait de problèmes techniques. Ils ne doivent pas être considérés comme normaux et nécessitent la poursuite des investigations. " Quelles sont les circonstances pour lesquelles vous devez recourir à l’angiographie pulmonaire ? Contrairement à ce qui est souvent pratiqué, le recours à l’angiographie pulmonaire reste indispensable dans certaines situations qui représentent moins de 10 % des cas. L’angiographie pulmonaire doit être réalisée si la probabilité clinique est forte et que l’écho-Doppler veineux des membres inférieurs et l’angioscanner thoracique sont normaux ou non contributifs. SUSPICION D’EMBOLIE PULMONAIRE : PRISE EN CHARGE DIAGNOSTIQUE " Quel est l’examen essentiel de la prise en charge des suspicions d’EP avec présence de signes cliniques de gravité ? L’échographie cardiaque transthoracique. Elle permet de mettre en évidence un cœur pulmonaire aigu par une augmentation du rapport ventricule droit sur ventricule gauche (VD/VG > 0,6). En l’absence d’antécédents cardio-respiratoire, cette dilatation des cavités droites est un fort argument en faveur du diagnostic. Elle permet de mettre en évidence les deux diagnostics différentiels de 47 l’état de choc avec signes droits : la tamponnade et l’infarctus du VD. Elle visualise parfois le thrombus dans les cavités droites ou dans le tronc de l’artère pulmonaire. Dans les cas extrêmes, d’une forte probabilité clinique, d’une hémodynamique non contrôlée ne permettant pas de transporter le patient, de l’absence de disponibilité de l’écho-Doppler veineux des membres inférieurs et de l’ETO en urgence, elle peut suffire à entreprendre la fibrinolyse. Mais, dans la mesure du possible, la fibrinolyse doit toujours être précédée de la mise en évidence du thrombus. " CONCLUSION " L’embolie pulmonaire est une pathologie fréquente et trompeuse, souvent évoquée par défaut et par excès. Une grande rigueur de prise en charge diagnostique permet de réduire les risques de diagnostic erroné. Les stratégies diagnostiques validées et adaptées aux moyens disponibles dans les services d’urgences doivent être appliquées dans la mesure du possible. Ces stratégies sont variables en fonction de la présentation clinique de la maladie (signes de gravité) et des contre-indications inhérentes à chaque examen.