PAULINE GRAVEL
On le suspectait depuis long-
temps. L’accumulation d’ob-
servations scientifiques semble au-
jourd’hui le confirmer. Le lien
qu’entretient le cerveau avec l’im-
munité est indéniable et lourd de
conséquences. La schizophrénie,
comme plusieurs autres maladies
psychiatriques et neurologiques,
serait ainsi associée à un dérègle-
ment du système immunitaire et
de la réponse inflammatoire.
Dans un article qui sera publié
dans la revue Biological Psychiatry,
dont la version électronique sera dis-
ponible en ligne aujourd’hui, l’équi-
pe du pharmacologue Édouard
Kouassi du Centre de recherche
Maisonneuve-Rosemont étaye cette
hypothèse prometteuse de plusieurs
nouveaux arguments qu’elle a rele-
vés à la suite d’une analyse statis-
tique des données issues de
62 études scientifiques portant glo-
balement sur 2298 patients schizo-
phrènes et 1858 volontaires sains.
Ces études nous montrent que
certains médiateurs de l’inflamma-
tion, appelés cytokines, qui sont sé-
crétés par divers types de cellules, y
compris les cellules de l’immunité,
sont particulièrement élevés dans le
sang des personnes atteintes de
schizophrénie, affirme M. Kouassi
en entrevue, avant de spécifier que
ces médiateurs voyagent dans tout
l’organisme, y compris dans le cer-
veau. «En plus de leurs effets connus
au sein du système immunitaire, les
cytokines peuvent aussi influer sur
l’action des neurotransmetteurs du
cerveau, comme la dopamine, la sé-
rotonine, la norépinéphrine.»
Les chercheurs, parmi lesquels
figure Stéphane Potvin, premier au-
teur de la publication, ont relevé la
concentration excessive de trois
médiateurs inflammatoires dans le
sang des schizophrènes: l’interleu-
kine-6 (IL-6) qui est pro-inflamma-
toire, le récepteur soluble de l’IL-2,
ainsi que l’antagoniste du récep-
teur de l’IL-1 (IL-1RA) qui est anti-
inflammatoire. «Molécules pro-in-
flammatoires et anti-inflamma-
toires, qui sont nécessaires pour arrê-
ter la réaction inflammatoire, se re-
trouvent souvent ensemble et témoi-
gnent toutes deux d’un état inflam-
matoire», précise le chercheur.
«L’ensemble des données montrent
qu’une tempête inflammatoire fait
rage dans le sang des schizophrènes.
Nous nous sommes alors demandé si
cette observation avait une significa-
tion biologique, et si l’élévation des cy-
tokines jouait un rôle dans la schizo-
phrénie. Causent-elles la schizophré-
nie? Ou au contraire, est-ce la schizo-
phrénie qui entraîne ces perturbations
au niveau du système immunitaire?»,
lance le scientifique en introduction.
Des preuves
Depuis très longtemps, on sus-
pecte que l’immunité joue un rôle
dans la schizophrénie. On sait, par
exemple, que les enfants nés de
femmes ayant souffert de maladies
infectieuses, notamment virales,
courent un risque plus élevé de dé-
velopper la schizophrénie. Il existe
également des liens très étroits
entre la schizophrénie et certaines
maladies auto-immunes, comme
l’intolérance au gluten (aussi appe-
lée malabsorption intestinale), cer-
taines formes d’anémie hémoly-
tique et de thyrotoxicose — qui at-
taque la glande thyroïde. «Des
études danoises ont mis en évidence
une forte prévalence de ces maladies
chez les schizophrènes, et dans tous les
cas relevés, ces maladies étaient sur-
venues avant l’apparition des symp-
tômes schizophrènes qui surgissent
habituellement à l’adolescence ou au
début de la vie adulte.»
Par ailleurs, une maladie auto-
immune, comme l’arthrite rhuma-
toïde, était beaucoup moins fré-
quente chez les schizophrènes. Or
«l’IL-1RA est connu pour son rôle
protecteur contre cette forme d’ar-
thrite, souligne M. Kouassi. Une
forme recombinante de cette cytokine
est même utilisée pour traiter les
formes sévères d’arthrite rhumatoï-
de. Elle y parvient en bloquant les ré-
cepteurs de l’IL-1 qui est une cytokine
pro-inflammatoire qui joue un rôle
important dans cette maladie in-
flammatoire qu’est l’arthrite. Il fau-
dra creuser cette affaire pour savoir
jusqu’à quel les taux élevés de l’IL-
1RA dans le sang sont impliqués
dans la protection contre l’arthrite
chez les schizophrènes.»
Rôle du stress
Le rôle du stress doit aussi être
exploré sachant que les schizo-
phrènes sont hypersensibles aux
événements stressants de la vie qui
peuvent provoquer des épisodes de
psychose, voire des rechutes. «On
sait que le stress peut influencer la ré-
ponse immunitaire et le réseau des
médiateurs de l’inflammation. D’où le
doute quant à son rôle dans le syndro-
me inflammatoire que vivent les pa-
tients schizophrènes», souligne le
chercheur avant de soulever égale-
ment le gain de poids chez maints
schizophrènes qui est dû à des per-
turbations du métabolisme, les-
quelles découlent en partie de la mé-
dication. «Les médicaments les plus
récents ont l’avantage d’être exempts
d’effets indésirables, comme les trem-
blements et la rigidité, mais ils indui-
sent par contre un gain de poids, pré-
cise le scientifique. Or on sait que le
tissu adipeux synthétise et sécrète aussi
des médiateurs inflammatoires, par-
mi lesquels figurent des cytokines et des
régulateurs de la sécrétion des cyto-
kines. Jusqu’à quel point la perturba-
tion des médiateurs de l’inflammation
n’est-elle pas imputable au gain de
poids chez les schizophrènes?»
Pour M. Kouassi, les médica-
ments consommés par les patients
expliquent probablement une part
de la grande hétérogénéité des
études, compte tenu du fait que les
schizophrènes consomment des an-
tipsychotiques et divers autres mé-
dicaments destinés à les soulager
de l’anxiété et de la dépression qui
sont souvent associées à la maladie,
et dont certaines affectent le systè-
me immunitaire. Mais des expé-
riences ont montré que les médica-
ments peuvent influer sur certaines
cytokines, mais pas toutes.
On sait que la schizophrénie se ca-
ractérise par une hyperactivité du
système à dopamine. «Mais il n’y a
pas que cela, prévient Édouard
Kouassi. «Les médicaments qui ne ci-
blent que le système à dopamine ne
sont pas nécessairement efficaces pour
traiter la schizophrénie. Il y a probable-
ment plusieurs autres neurotransmet-
teurs et médiateurs, comme les cyto-
kines qu’il faut considérer également.»
Sérotonine
La relation étroite qu’entretient
le système immunitaire avec le cer-
veau se confirme aussi par le fait
que la sérotonine, un neurotrans-
metteur du cerveau impliqué dans
la dépression est aussi un média-
teur de l’inflammation qui est em-
magasiné et libéré par diverses cel-
lules de l’immunité comme les pla-
quettes, les lymphocytes T et les
cellules dendritiques. À preuve, la
sérotonine possède des récepteurs
(appelés 5-HT1a) qui lui sont spéci-
fiques autant sur certaines struc-
tures cérébrales que dans le sang
sur les lymphocytes T de l’immuni-
té. «L’exemple de la sérotonine qui
peut agir non seulement comme
neurotransmetteur dans le cerveau
que comme régulateur de l’immuni-
té et de l’inflammation en périphérie
a des implications pour plusieurs
maladies psychiatriques, comme la
schizophrénie, et neuro-inflamma-
toires, comme le Parkinson, l’Alzhei-
mer et la sclérose en plaques qui im-
pliquent des processus inflamma-
toires», souligne le chercheur.
Pour Édouard Kouassi, il ne fait
aucun doute qu’il faut penser à in-
tervenir sur le système immunitai-
re pour traiter la schizophrénie.
D’ailleurs, des études cliniques vi-
sant à vérifier la pertinence de
combiner des anti-inflammatoires
(de la classe du Vioxx) à des anti-
psychotiques pour contrôler les
symptômes de la schizophrénie
sont en cours, affirme le cher-
cheur, tout en précisant que les ré-
sultats préliminaires sont plutôt po-
sitifs. L’association d’antipsycho-
tiques et d’antiviraux fait égale-
ment l’objet d’essais cliniques.
Le Devoir
Selon une équipe du Centre de recherche Maisonneuve-Rosemont
––––
––––
Le lien entre schizophrénie et système immunitaire
semble confirmé par une nouvelle étude
LE DEVOIR, LE LUNDI 19 NOVEMBRE 2007
A 2
LES ACTUALITÉS
SOURCE CENTRE DE RECHERCHE MAISONNEUVE-ROSEMONT
L’équipe du pharmacologue Édouard Kouassi (à gauche sur la photo) au Centre de recherche
Maisonneuve-Rosemont
BILL GRAVELAND
Kandahar, Afghanistan — Le
processus de rapatriement
des dépouilles des deux soldats
québécois morts samedi en Afgha-
nistan a débuté par une cérémonie
solennelle en présence d’un millier
de militaires, hier, à la base militai-
re de Kandahar.
Deux véhicules blindés légers
semblables à ceux dans lesquels ils
ont péri ont amené les dépouilles
du caporal Nicolas Raymond Beau-
champ, 28 ans, de la 5eAmbulance
de campagne de Valcartier, et du
soldat Michel Lévesque, 25 ans, de
Rivière-Rouge, qui appartenait au
Royal 22eRégiment.
Les deux hommes circulaient
à bord d’un véhicule d’assaut lé-
ger, à environ 40 kilomètres à
l’ouest de Kandahar, tout juste
après minuit, samedi, quand leur
véhicule a roulé sur une bombe
artisanale. L’explosion a aussi tué
un interprète afghan, et trois
autres soldats canadiens ont dû
être hospitalisés.
Formant une haie d’honneur,
plus de mille soldats, représen-
tant les différents pays de
l’OTAN participant à la mission
en Afghanistan, se tenaient à l’at-
tention, en silence, en hommage
à leurs camarades. Lentement,
aux accents d’un joueur de cor-
nemuse, les cercueils drapés de
l’unifolié contenant les dé-
pouilles des deux hommes ont
été transportés vers l’appareil
C-130 Hercules qui les ramènera
au Canada.
Le cercueil du caporal Beau-
champ était entouré de camarades
de l’ambulance de campagne. Sa
femme, la caporale Dolores
Crampton, aussi technicienne mé-
dicale avec les Forces armées ca-
nadiennes, en poste à Kandahar,
marchait derrière, tête penchée.
Elle accompagne le corps de son
mari au Canada.
Le père du caporal Beauchamp
a dit que son fils avait toujours rêvé
d’être ambulancier paramédical,
qu’il était un pacifiste convaincu de
l’importance d’aider les autres.
Le cercueil du soldat Lévesque
était porté par des camarades du
Royal 22e. Il était rentré d’une per-
mission à peine une semaine aupa-
ravant, permission au cours de la-
quelle il s’était fiancé à son amie de
18 ans, qui est enceinte.
Soixante-treize soldats cana-
diens ont péri en Afghanistan de-
puis le début de la mission, il y a
cinq ans. Les décès des militaires
Lévesque et Beauchamp sont les
premières pertes canadiennes de-
puis le 24 septembre.
La Presse canadienne
Les dépouilles des deux soldats tués
en Afghanistan sont rapatriées
FANNIE OLIVIER
Pétro-Canada a imposé samedi le
lock-out à ses 260 travailleurs
pour une durée indéterminée.
L’entreprise, qui tente d’en arri-
ver à une entente depuis dé-
cembre 2006 avec ses employés,
dont la convention collective est
échue depuis février dernier, a lais-
sé entendre qu’elle espérait ainsi
faire progresser les négociations.
«En prenant ces mesures, nous
espérons faire avancer le processus
de négociations et en arriver à une
entente», a indiqué le vice-prési-
dent Raffinage et approvisionne-
ment de l’entreprise, Dan Soro-
chan, par communiqué.
Le Syndicat canadien des com-
munications, de l’énergie et du pa-
pier, de son côté, dénonce ce ges-
te inattendu. Le représentant na-
tional du syndicat, Daniel Clou-
tier, accuse Pétro-Canada de s’at-
taquer entre autres à des droits
syndicaux en lien avec la santé et
la sécurité, et aux règles de pro-
gression des salaires.
«On ne voit absolument pas en
quoi le déclenchement d’un lock-out
à ce moment-ci fera avancer les né-
gociations, qui s’enlisent déjà depuis
12 mois», a-t-il déclaré, en entrevue
téléphonique.
Selon lui, Pétro-Canada souhai-
terait conclure une entente de six
ans, plutôt que trois ans, comme
le suggère le Programme national
de l’énergie. Mardi dernier, l’em-
ployeur aurait présenté une offre
finale, qui devait être évaluée par
les syndiqués en assemblée géné-
rale le 21 novembre. Pétro-Cana-
da aurait donc créé la surprise
chez les syndiqués en déclen-
chant un tel lock-out.
La direction assume actuelle-
ment le fonctionnement de la raffi-
nerie et assure les clients de Pétro-
Canada de la continuité de leur ap-
provisionnement.
La Presse canadienne
MONTRÉAL
Les 260 employés de la
raffinerie Pétro-Canada
sont en lock-out
FINBARR O’REILLY REUTERS
Des militaires canadiens de la base militaire de Kandahar, en
Afghanistan, prennent un moment de repos au cours d’une
mission près de Sansigar, où se déroulent depuis quelques jours
de féroces combats avec les insurgés talibans.
Ottawa — La décision d’emprun-
ter 20 chars de combat Leo-
pard A6M des Allemands et d’ache-
ter 100modèles légèrement usagés
des Néerlandais a fait l’objet de vifs
débats et finalement, d’une décision
prise à la dernière minute par le gou-
vernement conservateur et le minis-
tère canadien de la Défense.
Le débat a été si intense qu’il a
failli entraîner la démission du plus
haut gradé de l’armée de terre, affir-
ment des sources politiques et au
sein de la défense.
Selon des dossiers dévoilés en
vertu de la Loi sur l’accès à l’infor-
mation, l’armée effectuait encore en
février dernier des tests pour savoir
si ses vieux Leopard C1 étaient
adaptés aux rigueurs du terrain en
Afghanistan. Les résultats de ces
tests ont montré que ces véhicules
n’étaient pas adéquats.
L’ex-ministre de la Défense, Gor-
don O’Connor, a dû faire face à des
obstacles, particulièrement au sein
du Bureau du Conseil privé, qui
était très sceptique à l’idée de rem-
placer les vieux Leopard par de nou-
veaux modèles néerlandais, ont in-
diqué des sources à la Défense.
Personne n’a contesté la nécessi-
té d’emprunter à l’Allemagne une
vingtaine de chars de combat mo-
dernes, résistants aux mines, pour
la mission actuelle à Kandahar, di-
sent les sources. Mais le débat sur
l’achat des autres chars s’est étiré
jusqu’en mars dernier et a même
amené le chef de l’Armée de terre,
le lieutenant-général Andrew Leslie,
à mettre son poste en jeu et à exiger
que la mesure soit approuvée.
Un mythe
Le débat a finalement été enter
quand le ministre O’Connor a fait
adopter toute l’initiative, aujourd’hui
évaluée à 1,3 milliard, par le cabinet,
début avril.
Un expert des questions de défen-
se a déclaré qu’après la mort de plus
de 70 soldats en Afghanistan, il ne
parvenait pas à comprendre pour-
quoi l’achat d’équipements aussi es-
sentiels pour une armée moderne a
suscité un débat aussi vif. Selon Alain
Pellerin, directeur de la Conférence
des associations de la défense, on en-
tretient le mythe du Canada engagé
dans des missions de maintien de la
paix alors que depuis la Bosnie, les
militaires canadiens sont affectés à
des situations de conflit. Certaines
personnes — des fonctionnaires —
refusent de le reconnaître, dit-il.
La Presse canadienne
L’achat de chars de combat pour l’armée
canadienne a fait l’objet d’intenses débats
Le plus haut gradé de l’armée de terre a failli démissionner
Le garde du corps de la ministre
des Transports, Julie Boulet, a
été affecté temporairement à
d’autres tâches non précisées, le
temps qu’une enquête soit menée
sur son comportement comme
chauffeur de la voiture de fonction
de la ministre.
Cette décision du gouvernement
a été prise à la suite de révélations
du Journal de Montréal, selon les-
quelles il aurait multiplié les infrac-
tions au Code de la route, vendredi,
alors qu’il ramenait la ministre à
Québec, à l’issue d’une conférence
de presse à Laval. Il aurait roulé à
des vitesses excessives tout en effec-
tuant des dépassements illégaux.
La ministre Boulet a assuré
qu’elle n’avait eu connaissance de
rien, s’étant endormie à bord du
véhicule. Le ministère de la Sécuri-
té publique a profité de l’incident
pour rappeler à l’ensemble du per-
sonnel des ministres qu’ils doivent
respecter en tout temps le Code de
la sécurité routière.
Par ailleurs, la Sûreté du Qué-
bec a annoncé hier que le contrôle
policier de l’alcool au volant serait
intensifié au cours des prochains
jours pour souligner l’Année de la
sécurité routière, et ce dès aujour-
d’hui. Cette campagne se poursui-
vra jusqu’au 25 novembre. Les
corps policiers québécois, en colla-
boration avec la SAAQ, souhaitent
modifier le comportement des
gens afin qu’ils évitent de conduire
après avoir consommé de l’alcool.
La Presse canadienne
Le chauffeur de la ministre
Julie Boulet est affecté
à d’autres tâches
1 / 1 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !