411 Valvulopathies - Précis d`anesthésie cardiaque

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Précis d’Anesthésie Cardiaque
CHAPITRE 11
ANESTHESIE ET
VALVULOPATHIES
Mise à jour: Décembre 2011
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
1
Table des matières
Introduction
Rappel physiopathologique
Anatomie fonctionnelle
Restriction versus surcharge
Fonction ventriculaire
Adaptation aux valvulopathies
Hypertension pulmonaire
Représentations graphiques
Rappel échocardiographique
Images des valves normales
Echocardiographie Doppler
Calculs hémodynamiques
Place de l'ETO peropératoire
Situations particulières
Apparition des symptômes
Epreuve d’effort
Insuffisance aiguë
Chirurgie non-cardiaque
Valvulopathie et grossesse
Prophylaxie de l'endocardite
Chirurgie valvulaire
Indications opératoires
Prothèses valvulaires
Plasties valvulaires
Plastie mitrale
Autres plasties valvulaires
Endoprothèses valvulaires
Invasivité minimale
Insuffisance mitrale
Etiologie
Physiopathologie
Manifestations cliniques
Indications et résultats opératoires
Principes pour l’anesthésie
CEC et post-CEC
Prolapsus mitral
IM ischémique
IM sur défaillance du VG
Sténose mitrale
Physiopathologie
Manifestations cliniques
3
5
5
16
19
23
26
28
32
32
37
41
44
48
48
48
50
52
56
58
61
61
62
79
79
88
92
95
99
99
107
114
115
118
120
122
124
128
132
135
138
Examens hémodynamiques
140
Indications et résultats opératoires
144
Principes pour l’anesthésie
146
CEC et post-CEC
149
Maladie mitrale
151
Sténose aortique
152
Physiopathologie
157
Manifestations cliniques
163
Examens hémodynamiques
165
Indications et résultats opératoires
172
Principes pour l’anesthésie CCV
176
CEC et post-CEC
179
Sténose sous-aortique dynamique
183
Anesthésie et chirurgie non-cardiaque 185
Insuffisance aortique
188
Physiopathologie
190
Manifestations cliniques
194
Examens hémodynamiques
195
Indications et résultats opératoires
201
Principes pour l’anesthésie
202
CEC et post-CEC
205
Maladie aortique
210
Pathologie tricuspidienne
212
Insuffisance tricuspidienne
213
Indications et résultats opératoires
219
Principes pour l’anesthésie de l’IT
221
Sténose tricuspidienne
225
Pathologie de la valve pulmonaire
227
Insuffisance pulmonaire
227
Sténose pulmonaire
229
Polyvalvulopathies
231
Insuffisance + sténose même valve
231
Insuffisances aortique et mitrale
232
Insuffisance aortique et sténose mitrale 232
Sténoses aortique et mitrale
233
Sténose aortique et insuffisance mitrale 234
Valvulopathie gauche et IT
234
Corrections valvulaires multiples
235
Conclusions
237
Bibliographie
238
Auteurs
249
Un résumé des recommandations pour la prise en charge de chaque valvulopathie, particulièrement en chirurgie
non-cardiaque, existe dans un document à part (Annexe C). Le Tableau 11.16 (sténoses valvulaires, page 234) et
le Tableau 11.17 (insuffisances valvulaires, page 235) en font une synthèse.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
2
Introduction
La prévalence des maladies valvulaires dans la population générale voisine 2.5% en Europe [235]. Or
les valvulopathies sont un facteur majeur de mortalité périopératoire. En chirurgie cardiaque, la
mortalité moyenne d’un remplacement valvulaire (2% en cas de sténose aortique et 4% en cas
d’insuffisance mitrale) est deux à trois fois supérieure à celle de pontages aorto-coronariens (0.5-2%)
[301]. En chirurgie non-cardiaque, la présence d’une sténose aortique modérée multiplie le risque
opératoire par trois ; celle d’une sténose sévère le multiplie cinq à sept fois, quelle que soit la catégorie
de risque du patient ou le nombre de facteurs de risque associés [108,166].
Bien que les sténoses et les insuffisances ne se rencontrent pas toujours à l'état pur en clinique - il s'agit
souvent de maladies valvulaires à prédominance de l'une ou de l'autre – leur description séparée permet
de mieux comprendre la physiopathologie de chaque entité, ses mécanismes compensatoires et les
signes qui traduisent sa décompensation. Ces notions sont capitales pour distinguer quelles sont les
contraintes majeures au sein d’une hémodynamique complexe, car ces dernières vont déterminer le
comportement du patient et les attitudes thérapeutiques du praticien qui doit hiérarchiser ses
interventions en fonction des priorités.
Les valvulopathies chroniques sont d'évolution lente: 10 à 30 ans s'écoulent en général jusqu'au tableau
clinique complet et à la décompensation cardiaque, période pendant laquelle il n'y a pas de parallélisme
entre la sévérité des symptômes et le degré d'atteinte fonctionnelle cardiaque. Les valvulopathies aiguës
sont peu fréquentes (10 % des cas). Ce sont en général des insuffisances brutales compromettant
l'hémodynamique de manière soudaine et grave : rupture ischémique de pilier mitral, rupture de
cordages (maladie de Barlow), ou destruction infectieuse de valvules aortiques ou mitrales. La survenue
d’arythmie telle une fibrillation auriculaire (FA) paroxystique peut provoquer une décompensation
clinique par défaut de remplissage télédiastolique et accélération exagérée du rythme de base. Bien que
leur évolution puisse rester stationnaire, les valvulopathies ne guérissent jamais spontanément; seule la
chirurgie offre une possibilité de guérison. Et encore ! En fait, on échange la maladie valvulaire contre
une autre situation pathologique: avec une plastie, la valve est réparée mais anormale; avec une
prothèse, elle dépend de l'anticoagulation et de la durée de vie limitée du matériel implanté.
Au repos, le flux sanguin est physiologiquement laminaire dans les cavités cardiaques, donc silencieux.
Toute présence de tourbillon indique une accélération pathologique : sténose valvulaire, régurgitation
d'une cavité à haute pression dans une cavité à basse pression, turbulence localisée au voisinage d’une
sclérose, ou simple éréthisme cardiaque. Les vortex de ces tourbillons induisent des souffles audibles au
sthétoscope et des perturbations visibles à l’échocardiographie Doppler. Les valves cardiaques normales
peuvent accommoder des débits 5 à 7 fois supérieurs au débit de base ; une sténose doit donc être sévère
pour devenir symptomatique au repos.
Ces dix dernières années, la chirurgie valvulaire a évolué en suivant trois tendances distinctes.
 Le vieillissement de la population a repoussé l’âge limite pour la réparation ou le remplacement
valvulaire, particulièrement en position aortique.
 L’amélioration des résultats chirurgicaux des plasties a conduit à poser l’indication opératoire
plus tôt dans l’évolution de la maladie, donc à opérer des patients en meilleur état clinique.
 Les techniques endovasculaires de remplacement ou de plastie sont passées au stade de
l’application clinique et deviennent des options efficaces dans les cas à haut risque; elles offrent
la possibilité d'appliquer des techniques d'anesthésie moins lourdes (fast-track).
Comme elle est l'imagerie de routine en salle d'opération, l'échocardiographie transoesophagienne
(ETO) sera utilisée comme principale source d'illustration des pathologies valvulaires. L'examen
échocardiographique des valves et de leur pathologie est décrit plus en détail dans le Chapitre 26 (ETO
2ème partie).
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
3
La prise en charge anesthésique des malades souffrant d'une valvulopathie dépend étroitement de la
physiopathologie de celle-ci. En chirurgie cardiaque, d'autre part, il est important de comprendre les
indications et la technique chirurgicale pour s'adapter aux contraintes de la correction valvulaire. C'est
les raisons pour lesquelles ce chapitre insiste particulièrement sur deux points:
 La nosologie cardiologique et les mécanismes de chaque valvulopathie;
 Les données chirurgicales et les techniques opératoires.
Ces deux domaines mis au clair, le choix de la technique d'anesthésie coule de source. De plus, ses
connaissances en cardiologie et en chirurgie associées à ses compétences en échocardiographie font de
l'anesthésiste cardiaque un partenaire indispensable dans les décisions thérapeutiques prises en salle
d'opération. Cette situation rend sont travail quotidien bien plus intéressant et bien plus gratifiant que
celui d'un simple endormeur.
Toutefois, trop d’informations tue l’information et paralyse les décisions. Pour faciliter la prise en
charge des patients, particulièrement celle des malades de chirurgie non-cardiaque, un résumé a été
ajouté dans un document à part (Annexe C) ; il décrit de manière simplifiée les recommandations pour
l'anesthésie de chaque valvulopathie. Le Tableau 11.16 (sténoses valvulaires, page 234) et le Tableau
11.17 (insuffisances valvulaires, page 235) en font une synthèse à la fin de ce chapitre.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
4
Rappel physiopathologique général
Les maladies valvulaires entraînent des modifications majeures de la précharge, de la postcharge, de la
performance systolique et de la compliance diastolique. Elles induisent un remodelage des cavités
cardiaques et des modifications neuro-humorales dont le but est adaptatif, mais qui dépassent
progressivement les capacités de compensation du coeur. Les valvulopathies gauches ont un
retentissement en amont sur la circulation pulmonaire où elles provoquent une hypertension
postcapillaire.
Anatomie fonctionnelle des valves
Les quatre valves cardiaques sont situées au voisinage les unes des autres à la base du cœur (Figure
11.1). Elles sont maintenues par le squelette fibreux du cœur qui est constitué de plusieurs éléments :






L’anneau de la valve aortique ;
Le trigone antérieur (ou gauche) situé entre la valve mitrale, la valve aortique et la valve
pulmonaire ;
Le trigone postérieur (ou droit) situé entre la valve mitrale, la valve aortique et la valve
tricuspide ;
La partie fibreuse reliant les deux trigones ;
L’anneau mitral fibreux, qui devient plus mince dans sa partie postérieure en regard du feston
moyen du feuillet postérieur ;
L’anneau tricuspidien, plus fin et interrompu dans sa partie postéro-latérale.
Figure 11.1 : Schéma anatomique des 4
valves cardiaques vues des oreillettes.
L’anneau mitral a la forme approximative
d’une lettre "D" inversée (pointillé vert),
dont la base fait un angle d’environ 60°
avec l’horizontale. VP : valve pulmonaire.
Ao : valve aortique. CG : cuspide
coronarienne gauche. CD : cuspide
coronarienne droite. NC : cuspide noncoronarienne. FAM : feuillet antérieur de
la valve mitrale. P1 : feston antérieur du
feuillet mitral postérieur. P2 : feston
médian. P3 : feston postérieur. FS : feuillet
septal de la valve tricuspide. FA : feuillet
antérieur. FP : feuillet postérieur. Dans
cette vue, on voit que la valve présente une
rotation en sens antihoraire d’environ
60° par rapport aux plans orthogonaux de
l’organisme.
V pulmonaire
V aortique
V tricuspide
V mitrale
VP
CG
CD
Ao
NC
P1
FAM
FA
FS
FP
P2
P3
La valve pulmonaire, plus antérieure, ne possède pas d'anneau fibreux individualisé ; la chambre de
chasse droite est entièrement musculaire.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
5
Valve mitrale
Ce nom a été donné à la valve auriculo-ventriculaire gauche par Vésale en 1543, parce qu'elle ressemble
à une mitre épiscopale. Mais la valve mitrale est un ensemble dynamique constitué de cinq éléments
différents (Figure 11.2) [107,185].
AA
FA
CP
CA
Feuillet
antérieur
FP
Feuillet
postérieur Corps du
feuillet
MPP
Zone de
coaptation
(zona rugosa)
MPA
A
C
B
D
Figure 11.2 : Vue d’ensemble de l’appareil mitral. A: la valve mitrale avec son anneau, les cordages, les muscles
papillaires et la paroi ventriculaire. B: le feuillet antérieur est de forme “carrée” alors que le feuillet postérieur est
en croissant de lune; les piliers sont situés à la verticale des commissures; à l’occlusion, la pression systolique
intraventriculaire applique les bords libres des deux feuillets l'un contre l'autre le long de la zona rugosa; la
hauteur de coaptation est de 0.6-1.0 cm [107]. C: vue intraventriculaire de l’appareil sous-valvulaire ancré sur les
piliers; cette structure ressemble aux piliers et aux voûtes d’une cathédrale (D: Sagrada Familia, Antoni Gaudi,
Barcelone) parce qu’ils ont la même fonction: soutenir une pression. AA: anneau antérieur (trigone fibreux). FA:
feuillet antérieur. CA: commissure antérieure. CP: commissure postérieure. FP: feuillet postérieur. MPA: muscle
papillaire antérieur. MPP: muscle papillaire posérieur.
 Deux feuillets; le feuillet postérieur est arciforme et subdivisé en 3 festons anatomiquement
bien différenciés (P1 en avant, P2 au milieu et P3 en arrière); son insertion représente les 2/3 de
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6
la circonférence de l'anneau. Le feuillet antérieur est plus homogène et de forme plus carrée; sa
division en 3 portions A1, A2 et A3 ne correspond pas à des entités anatomiques distinctes.
Malgré leurs formes différentes, les deux feuillets ont une surface équivalente (Figure 11.1 et
Figure 11.3).
120°
A
OG
P2
Ao
A2
Ao
VD
CC
VD
VG
VG
60°
B
P3
OG
P1
SC
A2
AAG
MPP MPA
VG
0°
C
FA
C1
FP
FP
VD
FA
VD
C2
Figure 11.3 : Vues échocardiographiques transoesophagiennes de la valve mitrale. Ce sont les vues orthogonales
de la valves. A: vue long-axe 120° du VG, avec la mesure de la hauteur du feuillet antérieur au niveau de A2. B:
vue bi-commissurale 60°. C: vue court-axe transgastrique 0°. CC: chambre de chasse. MPA: muscle papillaire
antérieur. MPP: muscle papillaire postérieur. C1: commissure antérieure. C2: commissure postérieure. Le diamètre
de l’anneau mitral se mesure à 120-140° (A) et à 60° (B) [16].
 Un anneau fibreux, dont l'allure vue depuis l'OG rappelle une lettre "D" inversée, la partie
rectiligne étant antérieure, au niveau du trigone fibreux. La partie postérieure est plus fine. En
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
7
trois dimensions, l'anneau mitral affiche une forme en selle dont les points les plus élevés sont
antérieur et postérieur; l'élévation totale est d'environ 1 cm (Figure 11.4) [280].
A
B
OD
OG
VD
VG
C
Ant
VD
VG
Post
Ant
D
VG
Post
© Chassot 2011
Figure 11.4 : Configuration de l’anneau mitral. A : l’insertion septale de la valve mitrale est plus proximale que
celle de la valve tricuspide, qui est plus apicale ; le décalage est de 1 cm. B : Forme en selle de l’anneau mitral,
dont les points les plus élevés sont antérieur (valve aortique) et postérieur. C : en vue 4-cavités, on coupe l’anneau
dans ses parties les plus basses ; le point de coaptation (flèche blanche) de la mitrale apparaît au niveau du plan de
l’anneau. D : en vue 2-cavités, on coupe l’anneau dans ses parties les plus élevées ; le point de coaptation de la
mitrale apparaît en dessous du plan de l’anneau. Cette différence entre les deux vues est importante pour la
définition du prolapsus mitral [16].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
8
 En systole, cette forme en selle s'accentue, et la surface d'ouverture de l'anneau diminue de 25%
[331]. En vue ETO 4-cavités (0°), l’anneau est coupé dans sa portion basse, le point de
coaptation apparaît au niveau du plan de l’anneau, alors qu’en vue long-axe (120°), il est coupé
dans sa portion haute, et le point de coaptation est situé en dessous du plan de l’anneau [135].
Ces notions sont importantes pour la définition du prolapsus mitral qui doit être déterminé en
vue long-axe (120-140°). Lorsque le VG se dilate, l’anneau mitral s’arrondit et devient
circulaire ; il perd sa forme en selle et s’aplatit; la valve perd son étanchéité en systole [127].
 25-30 cordages insérés sur la face ventriculaire des feuillets; les cordages de 1er ordre sont fixés
à l'extrémité distale et ceux de 2ème ordre sur le corps des feuillets; les cordages de 3ème ordre
sont attachés près de la base et maintiennent la géométrie du ventricule; les cordages mesurent
en moyenne 1.5 cm de longueur.
A
B
OG
Point
fixe
Aorte
Aorte
CCVG
MPP
MPP
MPA
Ant
Post
Ant
HVG
Post
2010
ゥ©Chassot
Chassot
2011
Figure 11.5 : Contraction du VG. A : L’augmentation de la pression intra-ventriculaire en systole applique les
deux feuillets de la valve mitrale l’un contre l’autre le long de leurs bords libres (flèches violettes) ; la contraction
de la paroi et des muscles papillaires (MPA : muscles papillaire antérieur, MPP : muscle papillaire postérieur) tend
les cordages et maintient la valve mitrale dans son plan d’occlusion (flèches vertes). L’équilibre de ces deux forces
constitue le squelette interne du ventricule, qui permet au sang d’être expulsé dans la chambre de chasse du VG
(CCVG) sans que le ventricule ne se torchonne sur lui-même. La contraction débute à l’apex et se termine dans la
chambre de chasse. B : Si la course de la paroi postérieure et du MPP est trop longue ou si le ventricule est trop
petit (hypovolémie, hypertrophie concentrique), la paroi postérieure se déplace vers l’avant (flèche verte) ; le point
de coaptation de la valve mitrale est déplacé antérieurement vers l’aorte et se rapproche de la CCVG ; l’extrémité
du feuillet postérieur est en contact avec le corps du feuillet antérieur. Le feuillet antérieur est alors repoussé vers
la CCVG lorsque la pression intraventriculaire augmente pendant la systole (flèche violette). Traitillé blanc : angle
mitro-aortique.
 Deux muscles papillaires, l'un antéro-latéral et l'autre postéro-médian, situés à la verticale des
commissures; le bouquet de cordages implanté sur chaque pilier se réparti sur les deux feuillets,
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
9
soit sur leur partie antérieure (pilier antéro-latéral PAL), soit sur leur partie postérieure (pilier
postéro-médian PPM). Le PAL est vascularisé par deux réseaux coronariens (IVA et CX), alors
que le PPM n'est vascularisé que par la CD.
 La paroi du VG sur laquelle est implanté chaque pilier; la contraction de cette paroi est
essentielle pour assurer l'occlusion mitrale; en cas d'akinésie, le défaut de raccourcissement
radiaire maintient une traction excessive sur les cordages correspondants et empêche les
feuillets d'atteindre leur point de coaptation (voir Figure 11.49).
En diastole, la valve mitrale présente une surface d'ouverture de 4 – 6 cm2. Son gradient est ≤ 4 mmHg;
il peut s'élever lorsque le volume systolique est très augmenté (insuffisance mitrale). En systole,
l'étanchéité de la mitrale est assurée par le jeu de deux forces opposées (Figure 11.5).
 Force d'occlusion: la pression intraventriculaire (100 – 150 mmHg) applique les bords libres des
deux feuillets l'un contre l'autre le long de la zona rugosa; la hauteur de cette surface de
coaptation est de 0.6 – 1.0 cm et représente 20-25% de la longueur totale des feuillets.
 Force de traction: la contraction de la paroi ventriculaire et des muscles papillaires assure la
tension des cordages qui maintient la valve sur son plan de coaptation et l'empêche de basculer
dans l'OG.
Si l'occlusion des feuillets mitraux se fait bord-à-bord, la valve ne peut pas résister à la pression
intraventriculaire; elle perd son étanchéité et devient insuffisante. Les dimensions normales de la valve
mitrale sont rapportées dans le Tableau 11.1.
Tableau 11.1
Dimensions normales de la valve mitrale











Diamètre de l’anneau mitral (60° et 140°) :
Surface d'ouverture:
Longueur feuillet antérieur (140°) :
Rapport feuillet antérieur / anneau (140°) :
Base du feuillet antérieur (60°) :
Distance intertrigonale (60°) :
Dimensions de l’OG :
Diamètre télésystolique du VG (court-axe)
Diamètre télédiastolique du VG (court-axe)
Gradient en diastole:
Vélocité du flux diastolique:
≤ 4.0 cm (60°) et ≤ 3.5 cm (140°) (diastole)
4 – 6 cm2
2.5 – 3.0 cm
> 2/3 (> 0.65)
2.5 – 3.5 cm
2.0 – 3.0 cm
D < 4.5 cm, S ≤ 20 cm2, V ≤ 30 mL/m2
Dts ≤ 2.5 cm/m2
Dtd ≤ 4.0 cm/m2
≤ 4 mmHg
E = 0.6 – 1.0 m/s, rapport E / A = 1 – 1.5
Les valeurs en degrés (°) indiquent les plans échocardiographiques transoesophagiens dans lesquels sont opérés les
mesures. D’après références 238, 282.
Valve aortique
La valve aortique fait partie de la racine de l’aorte, qui comprend (Figure 11.6) :

Anneau aortique fibreux en forme de couronne à 3 branches verticales remontant aux
commissures des cuspides.
 Trois cuspides de forme semi-lunaire, définies par leur base implantée sur la paroi aortique
(forme en "U") en regard de chaque sinus de Valsalva, leur corps et leur bord libre ; la base
mesure 1.5 fois le bord libre ; les commissures sont suspendues au niveau de la jonction sinotubulaire.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
10

Trois sinus de Valsalva, qui sont des renflements de la racine aortique en regarde des cuspides ;
la coronaire droite part du sinus droit ; le tronc commun part du sinus gauche ; le sinus noncoronaire est le plus postérieur.
 Jonction sino-tubulaire entre les sinus de Valsalva et l’aorte ascendante, au niveau de laquelle
sont retenues les commissures de la valve.
Sinus de Valsalva
Aorte ascendante
Coronaire
droite
Tronc commun
Commissure
Nodule
d’Arantzius
Septum
membraneux
Cuspide
gauche
FA VM
Cuspide
non-coronaire
CCVG
Septum
interventriculaire
musculaire
VG
MPA
A
MPP
Jonction sino-tubulaire
Niveau de la jonction
anatomique avec le VG
Anneau aortique
échocardiographique
B
Figure 11.6 : La valve aortique. A: valve aortique et ses connexions anatomiques. FAVM: feuillet antérieur de la
valve mitrale. MPA: muscle papillaire antérieur. MPP: muscle papillaire postérieur. CCVG: chambre de chasse du
ventricule gauche. B: représentation schématique des structures de la valve aortique; la base d’implantation des
cuspides (en brun) présente une forme en "U"; l’anneau aortique (en jaune) visible en échocardiographie est
légèrement plus étroit que la jonction anatomique entre la structure aortique et le VG; il est également légèrement
plus étroit que la jonction sino-tubulaire (en vert) [335a].
La valve aortique est positionnée en avant de la mitrale, orientée de telle manière que le feuillet noncoronarien (NC) est postérieur, situé en face du septum interauriculaire; la cuspide coronaire droite
(CD) est la plus antérieure (Figure 11.1 et 11.7). La hauteur de chaque feuillet est de 13-15 mm, mais
leur surface est légèrement asymétrique: le feuillet NC est un peu plus grand que les feuillets coronarien
droit et coronarien gauche. La partie centrale des bords libres présente un renforcement fibreux
correspondant à leur point de coaptation (nodule d’Arantius) ; sur la face ventriculaire des cuspides, on
peut trouver des dégénérescences fibreuses (excroissances de Lambl).
La valve aortique surplombe la chambre de chasse gauche, dont les parois sont constituées par le feuillet
antérieur de la valve mitrale, le septum interventriculaire et la paroi postérieure du VG. Les deux valves
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
11
gauches sont contiguës: la base du feuillet mitral antérieur est insérée sur le trigone fibreux en face des
feuillets aortiques gauche et non-coronaire (Figure 11.1).
A
40°
OG
OG
NC
OD
*
CG
AP
OD
VP
CD
VD
CCVD
B
120°
OG
OG
APD
NC
CCVG
CD
Ao
ST
Ao
**
VG
VD
C
D
NC
CD
© Chassot 2011
NC
CD
CG
CG
Ø écho LA
Ø écho LA
Ø anatomique
Ø anatomique
Figure 11.7 : Vues ETO de la valve aortique. A : vue court-axe basale rétrocardiaque mi-oesophage à 40°. B :
vue long-axe 120° de la racine aortique. NC : cuspide non-coronaire. CG : cuspide coronaire gauche. CD : cuspide
coronaire droite. VP : valve pulmonaire. CCVD : chambre de chasse du VD. * : départ du tronc commun. ** :
départ de la coronaire droite [16]. C : le diamètre de l’anneau aortique tel qu’on le mesure en vue long-axe 120°
(Ø écho LA, en vert) à l’ETO est légèrement plus étroit que le diamètre anatomique (en bleu), parce qu’il ne passe
pas par le centre de l’anneau. D : en vue transthoracique (ETT) parasternale long-axe, la différence est
sensiblement plus marquée [335a].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
12
En systole, la surface d'ouverture de la valve aortique est de 3 - 4 cm2, mais la forme de cette ouverture
se modifie au cours de l'éjection (Figure 11.8) [67]:
 Circulaire en protodiastole, pendant le pic du flux (vélocité maximale);
 Triangulaire pendant ≥ 70% de la durée d'éjection;
 En étoile à 3 branches en télésystole, lorsque le flux devient faible.
La position des cuspides ouvertes est pratiquement parallèle au flux sanguin pendant l'éjection; le flux
reste laminaire (vélocité 1.0 – 1.5 m/s) et le gradient est < 10 mmHg, parce que le diamètre change très
peu entre la chambre de chasse, l'anneau aortique, les cuspides et la racine de l'aorte ascendante.
L'écartement du bord libre des cuspides est de 2.0 – 2.2 cm. Les sinus de Valsalva représentent un
renflement de 2-3 mm par rapport à l'anneau aortique. Leur présence permet d'éviter l'accolement des
cuspides à la paroi de l'aorte pendant la systole (Figure 11.9). Si elles adhéraient à la paroi en systole,
les cuspides pourraient ne pas se refermer immédiatement en protodiastole; ce retard entraînerait
constamment une fuite aortique. En diastole, la hauteur de coaptation des cuspides par leur bord libre est
de 4-8 mm; c'est la pression diastolique aortique qui assure l'étanchéité en appuyant les cuspides l'une
contre l'autre. Les dimensions normales de la valve et de la racine aortiques sont rapportées dans le
Tableau 11.2 [94].
A
Protosystole
Mésosystole
Télésystole
B
© Chassot 2011
Figure 11.8 : Ouverture de la valve aortique en systole. A : sa forme et sa surface changent au cours de
l’éjection. B : dimensions de la valve aortique dans sa forme mésosystolique triangulaire isocèle ; les
dimensions affichées sont les longueurs de chacun des côtés [67].
Tableau 11.2
Dimensions normales de la valve et de la racine aortiques









Diamètre de la chambre de chasse :
Diamètre de l’anneau aortique :
Hauteur des cuspides aortiques
Surface d'ouverture:
Diamètre des sinus de Valsalva :
Diamètre de la jonction sino-tubulaire :
Distance anneau– jonction sino-tubulaire :
Diamètre de l’aorte ascendante :
Gradient en systole:
18 - 24 mm
18 - 25 mm
13 - 15 mm
2 - 4 cm2
21 - 39 mm
20 - 34 mm
20 - 25 mm
22 - 35 mm
≤ 10 mmHg
Les mesures échocardiographiques sont faites en systole, à l'exception de celle de l'aorte ascendante qui est faite en
diastole à cause de la distensibilité systolique du vaisseau. D’après références 238, 282
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
13
A
Ao asc
CCVG
B
1
2
3 4
Distance feuillet sinus de Valsalva
2-3 mm
5
C
2 cm
4-8 mm
© Chassot 2011
Déformation en
dôme des cuspides
en systole
Occlusion en
diastole
D
© Chassot 2011
Figure 11.9 : Dimensions de la valve aortique et de la racine de l’aorte. A : diamètres en long axe 120°. 1 :
chambre de chasse du VG ; 2 : anneau aortique ; 3 : sinus de Valsalva ; 4 : écartement des feuillets en systole ; 5 :
jonction sino-tubulaire ; ces diamètres se mesurent en systole (voir Tableau 11.2). Le diamètre de l’aorte
ascendante se mesure en diastole au niveau du croisement de l’artère pulmonaire droite (non visible sur l’image).
B : écartement des cuspides en systole ; elles ne sont pas collées à la paroi des sinus de Valsalva, mais distantes de
2-3 mm. Le conduit chambre de chasse – anneau aortique – cuspides – jonction sino-tubulaire – aorte ascendante
est pratiquement un tube de diamètre constant ; le flux y est laminaire. C : en diastole, la hauteur de coaptation du
bord libre des cuspides est de 4-8 mm ; c’est la pression diastolique de l’aorte qui les maintient occluses. D :
bicuspidie aortique ; configuration en dôme (doming) systolique des feuillets ; comme le diamètre d’un cercle
(position en diastole) est plus court que la moitié de sa circonférence (position en systole), les bords libres ne
peuvent pas être alignés avec l’anneau aortique (voir aussi la Figure 11.79).
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
14
Valve tricuspide
La valve tricuspide est montée sur un anneau fibreux incomplet, en forme de fer-à-cheval centré sur le
trigone droit et interrompu dans sa partie postéro-latérale. Au niveau septal, cet anneau est situé environ
1 cm plus apical que l'anneau mitral (Figure 11.10). Il a également une forme en selle; son diamètre
anatomique est 3 – 4 cm ; en vue 4-cavités, le diamètre normal est 2.8 ± 0.5 cm [187]. La surface de
l’anneau se rétrécit d’environ 30% en systole [273]. Comme son nom l'indique, la valve est constituée
de trois feuillets, qui sont de taille inégale (Figure 11.11).
 Feuillet antérieur, le plus grand et le plus mobile;
 Feuillet postérieur;
 Feuillet septal, le plus petit et le plus restrictif.
Cuspide antérieure
Valve
pulmonaire
Trigone fibreux gauche
Cuspide gauche
Septum
interventriculaire,
partie membraneuse
Cuspide
coronarienne droite
Valve
aortique
Septum
auriculo-ventriculaire
Cuspide
coronarienne gauche
VTr
Cuspide noncoronarienne
VM
Valve
mitrale
A
Cône artériel
Cuspide droite
Anneau fibreux
Trigone fibreux droit
Anneau fibreux post
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
Feuillet
septal
Feuillet
postérieur
Feuillet
antérieur
Feuillet
postérieur
Figure 11.10 : Valve tricuspide et
squelette fibreux du cœur. A : valve
tricuspide
(VTr)
en
situation
anatomique ; au niveau septal, on voit
que l’anneau tricuspidien est situé
environ 1 cm plus bas que l’anneau
mitral. VM: valve mitrale. B : anneau
mitral et anneau tricuspidien; ce dernier
est interrompu dans sa partie postérolatérale [Extrait de Savage RM,
Aronson
S,
Shernan
SK.
Comprehensive
textbook
of
perioperative
transesophageal
echocardiography,
2nd
edition.
Philadelphia:
Wolters/Kluwer
–
Lippincott, Williams & Wilkins, 2011,
Figure 30.6, p 492].
Feuillet
antérieur
B
Valve
pulmonaire
Trigone G
Feuillet
mitral
antérieur
Anneau
aortique
Trigone D
Anneau
tricuspidien
Anneau
mitral
postérieur
15
Ces feuillets sont fins et arachnoïdes ; leurs commissures sont mal identifiables à l'échocardiographie.
La valve est reliée à 3 piliers, dont un situé sur le septum ; le pilier antérieur, le plus important, est situé
à l’origine de la bande modératrice du VD (travée musculaire qui relie le septum et la paroi antérieure
du ventricule). La valve tricuspide fait partie d'un système à basse pression (la pression systolique du
VD est six fois plus basse que celle du VG). De ce fait, il n'est pas nécessaire qu'elle soit rigoureusement
étanche; une petite fuite tricuspidienne existe chez > 50% de la population normale. Les valeurs
normales de la valve tricuspide sont résumées dans le Tableau 11.3.
Figure 11.11 : Valve tricuspide. Vue
chirurgicale depuis une atriotomie de
l’OD (accès latéral). Les 3 feuillets (A
antérieur, P postérieur et S septal) sont
de taille inégale : A > P > S. L’insertion
septale est bordée par le triangle de Koch
(noeud AV – tendon de Todaro – sinus
coronaire), qui contient les faisceaux de
conduction.
NAV :
noeud
atrioventriculaire. CS : sinus coronaire. FO :
fosse ovale. AAD : appendice auriculaire
droit [273].
VD
AAD
NAV
VCS
VCI
Triangle de Koch
Tendon de Todaro
Tableau 11.3
Dimensions normales de la valve tricuspide



Diamètre de l’anneau tricuspidien
Surface d'ouverture:
Gradient en diastole:
2.8 cm/m2 (vue 4-cavités 0-20°)
5 - 8 cm2
< 2 mmHg
D’après références 238, 282
Valve pulmonaire
Alors qu'elle est fréquemment impliquée dans les pathologies congénitales, la valve pulmonaire est
rarement concernée par les affections de l'adulte. Elle est positionnée en avant de la valve aortique, ne
possède pas d'anneau fibreux (la chambre de chasse droite est entièrement musculaire) et compte trois
feuillets: droit, gauche et antérieur (Figure 11.1). Sa surface normale est 2 cm2/m2. Elle présente une
petite fuite chez > 50% de la population normale.
Restriction versus surcharge
Les valvulopathies évoluent dans deux directions différentes: la sténose ou l'insuffisance. D'une manière
générale, les sténoses sont plus pénalisantes que les insuffisances, car elles imposent une restriction
hémodynamique qui ne permet aucune adaptation du débit cardiaque. Le volume systolique devient fixe
et bas, et dépend de la fréquence : la bradycardie diminue linéairement le débit cardiaque, et la
tachycardie empêche un remplissage adéquat en cas de sténose mitrale ou une éjection satisfaisante en
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
16
cas de sténose aortique. Au contraire, les insuffisances sont moins contraignantes parce que les
ventricules sont de bonnes pompes-volume et s'accommmodent bien d'un certain degré de régurgitation
valvulaire: ils augmentent leur volume systolique pour compenser la composante qui fait un aller-retour
entre la systole et la diastole. La fraction régurgitée maximale supportée chroniquement par le VG sans
décompenser est de 30% en cas d'insuffisance aortique (IA) à 40% en cas d'insuffisance mitrale (IM).
La présence d’une petite insuffisance valvulaire est banale et sans conséquence clinique ; une
régurgitation tricuspidienne, mitrale ou aortique existe dans respectivement 65%, 48% et 11% de la
population normale adulte [175].
Avec l'âge, les valves s'usent, se fibrosent, perdent de leur souplesse et commencent à fuir comme les
vieux moteurs perdent de l'huile. Au niveau de la valve tricuspide ou de la valve pulmonaire, cela ne
crée aucun problème particulier. Au niveau mitral, une insuffisance mineure à modérée est en général
bien tolérée et n'augmente pas le risque opératoire; toutefois, elle élève chroniquement la pression dans
l'OG et limite la tolérance à l'effort. Le pronostic dépend essentiellement du mécanisme en cause. Les
IM sur lésions structurelles de la vieillesse sont en général stables, mais les IM fonctionnelles sont
susceptibles de varier considérablement selon la performance ventriculaire gauche ou selon l'évolution
de l'ischémie myocardique. Une insuffisance aortique autre que mineure est plus dangereuse qu'une IM,
car la surcharge de volume a lieu sous un régime de pression plus élevé: la pression diastolique de
l'aorte est plus haute que celle de l'OG. Le pronostic est fonction des dimensions ventriculaires puisque
les ventricules compensent une insuffisance valvulaire par une hypertrophie dilatative et une
augmentation de leur volume télédiastolique et de leur volume systolique.
En cas de polyvalvulopathie, le comportement hémodynamique du malade est déterminé par la
pathologie dominante. De manière simplifiée, on peut dire:




A gravité égale, une sténose prédomine par rapport à une insuffisance;
La pathologie de la valve d'amont conditionne le fonctionnement de la valve d'aval;
Si elle est sévère, la sténose mitrale est la pathologie la plus contraignante;
Le degré et le type de remodelage des cavités cardiaques permettent d'évaluer la pathologie
dominante (Figure 11.12).
Sténose et insuffisance valvulaires
La sténose est beaucoup plus contraignante que l'insuffisance. Une insuffisance mitrale est mieux
tolérée qu'une insuffisance aortique.
Avec l’âge, il est fréquent que les valves présentent une insuffisance mineure ou une sclérose limitant
l’ouverture.
Le comportement hémodynamique est déterminé par la pathologie dominante:
- la sténose est plus contraignante que l'insuffisance
- la pathologie d'amont commande le débit d'aval
- la sténose mitrale est la pathologie la plus contraignante
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
17
A
B
OG
OG
VG
VG
C
D
OG
OG
VG
VG
© Chassot 2011
Figure 11.12 : Lors de valvulopathie, la silhouette des chambres cardiaques indique le remodelage des cavités
gauches en fonction des contraintes hémodynamiques et permet de déterminer quelle est la pathologie dominante.
A : sténose aortique ; HVG concentrique et dilatation de l’OG. B : sténose mitrale ; petit VG et gigantesque OG.
C : insuffisance aortique ; dilatation massive du VG, dilatation modérée de l’OG. D : insuffisance mitrale ;
dilatation du VG et de l’OG.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
18
Fonction ventriculaire
Fonction systolique
La fraction d’éjection (FE = (Vtd – Vts) / Vtd) exprime l’équilibre dynamique entre la précharge, la
postcharge, le volume systolique et la performance contractile. Elle mesure la réserve ventriculaire mais
n'est pas un indice de contractilité (voir Chapitre 5, Fraction d'éjection). Bien qu’elle soit la mesure de
fonction systolique la plus courante, elle perd sa validité en cas de valvulopathie et ne peut plus être
utilisée pour quantifier la performance ventriculaire dans ce cas. En effet, plusieurs phénomènes altèrent
la relation entre la contractilité et la FE [272].
 Modifications de postcharge : la FE s’abaisse si la postcharge augmente (sténose aortique) et
s’élève si elle diminue (insuffisance mitrale), même sans modification de la contractilité.
 Modifications de précharge : la FE s’abaisse si le volume télédiastolique augmente (insuffisance
aortique) et s’élève si elle diminue (sténose mitrale).
 Taille du ventricule : un grand Vtd abaisse la FE parce que sa valeur est au dénominateur de la
fraction; au contraire, lorsque le Vts tend vers zéro, la FE tend vers 1.0 (100%). Pourtant, un
petit VG (sténose mitrale) a un volume systolique très limité, indépendamment de sa
contractilité.
 Remodelage ventriculaire : lorsqu'il se dilate, le ventricule devient sphérique; son rapport courtaxe/long-axe (normal : 0.5) devient > 0.7 ; comme elles sont basées sur une morphologie
ventriculaire normale, les formules échocardiographiques utilisées pour le calcul de la FE du
VG ne sont plus valides lorsque celui-ci est déformé.
 Stress de paroi: il est proportionnel à la pression et au rayon de la cavité ventriculaire, et
inversément proportionnel à l'épaisseur de paroi; il varie donc avec l'hypertrophie et augmente
avec la taille du ventricule sans que cela ne se traduise par une modification de la FE.
 Ischémie ventriculaire: les zones akinétiques, cicatricielles ou anévrysmales ne sont pas prises
en compte dans les approximations géométriques sur lesquelles est basé le calcul de la FE.
Dans ces circonstances, la performance ventriculaire est mieux évaluée par l’épaisseur et la taille du
ventricule (diamètre D et surface S en court-axe) [30,238].
 En cas d’insuffisance valvulaire, le meilleur critère est la dimension télésystolique (ts) ;
o Diamètre (Dts) normal maximal du VG : 4 cm, ou 2.5 cm/ m2 ;
o Surface (Sts) maximale en court-axe (ETO) : 6.5 cm2/m2.
 En cas de sténose valvulaire, le critère le plus adéquat est la dimension télédiastolique (td) ;
o Dtd normal maximal du VG : 7 cm, ou 4 cm/ m2 ;
o Std maximale en court-axe (ETO) : 12 cm2/m2.
 Degré d’hypertrophie du myocarde ;
o Epaisseur normale du VG (paroi postérieure) : 0.8 - 1.2 cm.
Les indices isovolumétriques comme la pente ascentionnelle d’une insuffisance mitrale ou l’indice de
Tei (voir Chapitre 25, Indices isovolumétriques) ont l’avantage d’être indépendants de la postcharge et
de la géométrie ventriculaire, puisqu’ils sont mesurés avant l’ouverture de la valve aortique ou de la
valve pulmonaire. Ils conservent leur pertinence lors de valvulopathie [16]. La mesure volumétrique de
la FE à l'IRM est plus fiable que les mesures échocardiographiques.
Précharge et compliance
La précharge est la tension de paroi ventriculaire en télédiastole. Elle se mesure par la pression (Ptd) ou
le volume (Vtd) télédiastoliques. Pression et volume sont liés entre eux par la compliance de la cavité
cardiaque. La précharge agit à la fois sur la fonction systolique et sur la fonction diastolique, et prend
d’autant plus d’importance que ces deux fonctions sont modifiées dans les valvulopathies.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
19
L’augmentation de la précharge venriculaire améliore la performance systolique en suivant la courbe de
Frank-Starling (Figure 11.13A). La courbe s’aplatit à partir d’une certaine valeur (genou de la courbe),
au-delà de laquelle la performance systolique n’augmente plus avec le remplissage. Chez les patients en
insuffisance systolique, la courbe redescend au-delà du genou ; cette diminution de la performance
systolique avec le remplissage correspond à la dilatation excessive du VG. Lorsque la fonction
ventriculaire est normale, on remarque souvent une baisse de fonction identique à très haut remplissage ;
elle est due à la bascule du septum interventriculaire dans le VG secondaire à la distension du ventricule
droit (effet Bernheim) à cause de la surcharge de volume circulant ; cet empiètement est responsable
d’une diminution du volume diastolique du VG et explique cette apparente diminution fonctionnelle
(Figure 11.14A) [226].
Figure 11.13 : Superposition de la
courbe de Starling et de la courbe de
compliance du VG. A : courbe de
Franck-Starling: courbes normales
(en bleu), insuffisance systolique
(pointillé
rouge),
insuffisance
diastolique (traitillé bleu foncé).
L'éjection du ventricule dépend
d’autant plus de sa précharge que la
courbe de Starling est verticale
(partie gauche); lorsque cette
dernière est aplatie (partie droite,
au-delà du genou de la courbe), la
performance systolique ne bénéficie
plus de l'augmentation de précharge.
En
cartouche,
la
variation
respiratoire de la pression artérielle
en IPPV traduit la dépendance (à
gauche) ou l’indépendance (à droite)
du débit par rapport à la précharge.
B : La courbe de compliance
normale est très plate à bas
remplissage: une grande variation de
volume se traduit par une très faible
variation de pression. Elle se
redresse lorsque le ventricule se
remplit ou dans l’insuffisance
diastolique. Les pressions de
remplissage
(PVC,
PAPO)
traduisent correctement la précharge
en hypervolémie (partie redressée de
la courbe) mais non en hypovolémie
(partie plate de la courbe).
Normal
Débit
cardiaque
A
Insuff diastolique VG
Insuff systolique
VG
ΔVS
ΔVtd
Pression
B
Dysfonction
diastolique
Compliance
normale
ΔP
ΔVtd
Volume télédiastolique
© Chassot 2011
La compliance exprime la relation pression/volume d’une cavité. La courbe de compliance des
ventricules est curvilinéaire. Elle est presque horizontale à bas volume : les variations de remplissage ne
se traduisent que par des variations de pression négligeables. A haut volume, par contre, les variations
de volume sont associées à des variations de pression importantes parce que la courbe s'est redressée.
Une diminution de compliance est typique de la dysfonction diastolique : la courbe est déplacée vers la
gauche et vers le haut, au même volume correspond une pression plus élevée (Figure 11.13B) [149].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
20
La superposition des courbes de compliance et de Frank-Starling montre que la précharge modifie
significativement la performance systolique lorsque le volume ventriculaire est faible (partie gauche
ascendante de la courbe de Starling), ce qui se traduit par une variation significative de la pression
artérielle avec la ventilation mécanique, typique de l’hypovolémie. A remplissage élevé, par contre, les
variations de précharge n’influencent plus l’éjection systolique, mais la courbe de compliance est très
redressée : les variations de volume (Vtd) se traduisent par de fortes variations de pression diastolique
(PVC et PAPO). Le mode d’évaluation de la volémie est donc différent selon le degré de remplissage.
 En hypovolémie, les variations ventilatoires de l’éjection systolique (ΔPAsystolique, ΔVS) et du
septum interauriculaire (ETO) sont les meilleurs indices ; PVC et PAPO sont peu influencées
par les variations du remplissage.
 En hypervolémie, les variations de la pression auriculaire droite (PVC) ou de la pression
artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) sont très fiables pour évaluer le degré de remplissage.
OD
OG
OG ↑
OD ↑
VG
VD ↑
VD
A
B
VG Apex
© Chassot 2011
Figure 11.14: Dilatation et insuffisance droites. A : bascule du septum interventriculaire dans le ventricule gauche
lors de surcharge pulmonaire et/ou de défaillance ventriculaire droite (effet Bernheim). Le remplissage diastolique
du VG est handicapé, et le volume systolique baisse. Le septum interauriculaire bombe dans l’oreillette gauche.
B : retentissement d’une dysfonction du VG ou d’une valvulopathie gauche sur les cavités droites ; le VG et l’OG
sont dilatés ; la stase gauche a entraîné une hypertension pulmonaire postcapillaire (élévation de la postcharge
droite). En conséquence, le VD est hypertrophié, le VD et l’OD sont dilatés. La position du septum interauriculaire
et du septum interventriculaire dépend du jeu des pressions droite et gauche en systole et en diastole.
Les valvulopathies induisent des altérations hypertrophiques (sténoses) ou dilatatives (insuffisances) et
modifient la relation de la fonction ventriculaire et de la précharge de deux manières.
 La dysfonction systolique caractéristique de la dilatation se traduit par un aplatissement de la
courbe de Starling ; la performance systolique devient peu sensible aux variations de précharge ;
le remplissage n’améliore pas le débit cardiaque.
 La dysfonction diastolique typique de l’hypertrophie ventriculaire (paroi épaisse et rigide) se
caractérise par une relation pression-volume très verticale ; le volume systolique est très
dépendant de la précharge et la pression de remplissage est augmentée pour le même volume ;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
21
la tolérance à l’hypovolémie est extrêmement limitée. Lorsque le ventricule est dilaté, il
s’appuie contre le péricarde en diastole ; cette contrainte extérieure impose une restriction au
remplissage de même type que celle de la tamponnade.
L’épaississement de la paroi ventriculaire dans le remodelage hypertrophique rend celle-ci rigide et peu
compliante. La fonction diastolique est diminuée par défaut de relaxation active protodiastolique et par
manque de distensibilité télédiastolique. Les pressions de remplissage sont élevées ; le patient peut être
hypovolémique avec une PVC et PAPO normales. Le remplissage ventriculaire dépend d’autant plus de
la contraction auriculaire que la relaxation protodiastolique est diminuée ; dans ce cas, le remplissage
actif (onde A du flux mitral) contribue pour 40-50% au volume télédiastolique du VG. L'hypertrophie
ventriculaire gauche (HVG) concentrique augmente le risque ischémique (voir Adaptation aux
valvulopathies).
Fonction du VD
La très grande majorité des maladies valvulaires concerne les valves du cœur gauche. Mais elles ne
manquent pas d’affecter la fonction du ventricule droit et de la circulation pulmonaire. Deux
mécanismes sont en jeu.
 La même pathologie atteint les valves droites et gauches (RAA, endocardite, dégénérescence
myxoïde, etc) ou les deux ventricules (cardiomyopathie infectieuse, toxique, dégénérative, etc) ;
 La stase gauche (maladie mitrale, défaillance du VG) induit une hypertension pulmonaire
postcapillaire, qui s’accompagne ultérieurement d’une hypertension pulmonaire précapillaire
par vasoconstriction artérielle secondaire (voir Hypertension pulmonaire). L’hypertension
artérielle pulmonaire (HTAP) augmente la postcharge du VD qui se dilate, s’hypertrophie, puis
défaille. L’importance de l’insuffisance tricuspidienne traduit le degré de dilatation de l’anneau
tricuspidien.
La fonction du VD est déterminante pour le pronostic de la chirurgie valvulaire. La mortalité opératoire
augmente de 4-5 fois en cas d’insuffisance ventriculaire droite, quelle que soit la pathologie gauche.
Fonction ventriculaire et valvulopathie
Fonction systolique en cas de valvulopathie
- FE non pertinente à cause du remodelage et de l’altération des conditions de charge
- les dimensions télédiastolique (td) et télésystolique (ts) sont de meilleurs critères
- dans les insuffisances: diamètre télésystolique du VG (normal maximal: 2.5 cm/cm2)
- dans les sténoses: diamètre télédiastolique du VG (normal maximal: 4 cm/cm2)
- HVG: épaisseur de paroi postérieure > 1.2 cm.
Fonction diastolique
- dysfonction sur hypertrophie et/ou dilatation ventriculaire
- le débit cardiaque devient dépendant de la précharge et de la fréquence
HVG concentrique
- fonction systolique préservée, mais dysfonction diastolique
- risque d’ischémie myocardique
Toutes les valvulopathies ont une très faible tolérance à l’hypovolémie; la précharge doit donc rester
préférentiellement élevée.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
22
Adaptation aux valvulopathies
Lorsque la valvulopathie entraîne une baisse du débit systolique effectif, le coeur dispose de trois
mécanismes compensatoires.
 Augmentation de l'activité sympatho-adrénergique (catécholamines alpha et béta, angiotensine
II, aldostérone, ADH) : la vasoconstriction artérielle et la tachycardie permettent de maintenir le
débit cardiaque. Les valeurs de pression et de fréquence du patient au repos sont probablement
le meilleur compromis hémodynamique possible dans sa situation.
 Effet Frank-Starling : augmentation de la précharge et du volume circulant (rétention d'eau et de
sel). La dilatation rend le ventricule plus sphérique, ce qui est pathologique mais présente un
avantage mécanique momentané, parce que le raccourcissement circonférentiel des fibres pour
éjecter le même volume est moindre. Ce mécanisme est surtout utilisé dans les lésions aiguës ou
dans les régurgitations ; le retentissement en amont est une augmentation de la pression
auriculaire et une stase (périphérique ou pulmonaire).
 Hypertrophie : en amont d'une sténose valvulaire, la chambre cardiaque s'hypertrophie pour
assurer la propulsion du sang malgré l'obstacle à l'éjection (hypertrophie concentrique du VG
dans la sténose aortique); en aval, la cavité est de taille réduite (petit VG de la sténose mitrale).
Une insuffisance valvulaire retentit également sur la dimension des deux chambres d'amont et
d'aval : le ventricule doit accommoder un volume de sang augmenté à chaque battement
(dilatation) et accroître son volume systolique pour maintenir le débit antérograde (hypertrophie
excentrique) ; la chambre de réception de la régurgitation se dilate également (oreillette dilatée
en cas d’IM ou d’IT).
L’anatomie fonctionnelle, telle que l’ETO la met en évidence dans une image des 4 cavités, est une
excellente illustration des remodelages et des compensations mises en place par l’organisme pour
maintenir son équilibre hémodynamique. Elle permet de se rendre compte des contraintes dominantes et
de leurs conséquences. Ainsi, une surcharge de pression (sténose aortique) provoque une hypertrophie
ventriculaire gauche concentrique qui se traduit par un VG épais dont la cavité est petite, alors qu’une
surcharge de volume (insuffisance mitrale ou aortique) cause une dilatation de la cavité ventriculaire et
de l’oreillette gauche. Une sténose mitrale se manifeste par un petit ventricule gauche et une énorme
oreillette gauche (Figure 11.12). En cas d’hypertension pulmonaire, le ventricule droit s’hypertrophie et
se dilate, et l’installation progressive d’une insuffisance tricuspidienne agrandit l’oreillette droite ; le
septum bascule dans la gauche (voir Figure 11.14B).
Hypertrophie ventriculaire
Le nombre de myocytes myocardiques double pendant le premier mois de vie, puis reste stable. La
durée de vie de ces cellules est donc la même que celle de l'individu, sauf pour celles qui dégénèrent et
sont remplacées par des fibrocytes. L’hormone de croissance, l’insuline et l’angiotensine II sont les
principaux facteurs anabolisants qui stimulent la transcription du mRNA et la synthèse protéique ; outre
la croissance cellulaire, ces substances sont responsables de l’hypertrophie et de l’hyperplasie des
cellules myocardiques (myocytes et fibroblastes) en réponse à une surcharge de pression ou de volume
[60]. Dans l’hypertrophie, les cellules non-musculaires (vasculaires, intersititielles, etc) peuvent subir
une hyperplasie concomitante [239], mais la densité de capillaires par unité de masse est abaissée [311].
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les antagonistes de l’angiotensine II ou de la rénine ont un
effet freinateur sur ce remodelage ventriculaire.
Une surcharge de pression (sténose valvulaire) induit une élévation du stress de paroi systolique et une
hypertrophie de type concentrique avec rétrécissement de la cavité ventriculaire ; le mécanisme est une
réplication en parallèle des myocytes. Une surcharge chronique de volume (insuffisance valvulaire)
engendre une élévation du stress de paroi diastolique ; elle donne lieu à une hypertrophie excentrique
avec dilatation de la cavité ventriculaire et réplication en série des myocytes.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
23
A
Dilatation
C
P ↑ • r ↓
2 h ↑
P ↑ • r ↑↑
2 h ↑
B
© Chassot 2011
P • r ↑
2 h ↑
Figure 11.15 : Hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) et loi de Laplace. A : HVG concentrique (surcharge de
pression). L’augmentation de pression (P) est compensée par une diminution du rayon (r) de la cavité et une
augmentation de l’épaisseur (h) de la paroi ventriculaire. Le stress de paroi est stable. B : HVG excentrique ou
dilatative (surcharge de volume). Le rayon augmente sans augmentation de pression, ce qui est compensé par une
augmentation de l’épaisseur de paroi. C : Phase de décompensation. Pression et dimension du VG augmentent audelà de ce que peuvent compenser les mécanismes physiologiques.
Qu'il s'agisse de surcharge de pression (sténose aortique) ou de volume (insuffisance aortique ou
mitrale), l'hypertrophie ventriculaire gauche évolue en trois stades que l’on peut analyser selon la loi de
Laplace, qui définit la tension de paroi (σ) : σ = (P • r) / 2h (Figure 11.15) [211].
 Le travail demandé excède les capacités normales du myocarde : la tension de paroi augmente
par élévation de la pression P (résistance à l'éjection) ou du rayon r (dilatation).
 L'hypertrophie (augmentation de l’épaisseur h) va normaliser la tension de paroi, car celle-ci
s’épaissit ; la dimension de la cavité ventriculaire diminue (surcharge de pression) ou augmente
(surcharge de volume). La limite critique pour la masse myocardique est 500 g, ou 300 g/m2
(poids normal du coeur : 250 g).
 La décompensation : les mécanismes physiologiques sont dépassés, la tension de paroi
augmente à nouveau par surcharge de pression (excès de P) ou de volume (augmentation de r).
La symptomatologie prédominante est alors celle d'une insuffisance cardiaque congestive.
Lors d’une surcharge de pression, l’épaisseur de paroi et le travail interne de mise sous tension
(contraction isométrique) sont plus importants que lors d’une surcharge de volume : le rapport entre le
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
24
travail d’éjection et le travail total (pression + éjection) est plus faible, donc l’efficience du moteur
ventriculaire a baissé : la mVO2 augmente pour fournir le même travail éjectionnel. Lors d’hypertrophie
concentrique, la performance contractile globale du myocarde est augmentée, mais, calculée en travail
fourni par rapport à la masse myocardique, elle est en-dessous de la norme [178]. D’autre part, la
fonction diastolique de cette paroi épaissie est toujours altérée. Cet effet lusitrope négatif est très marqué
en cas d’hypertrophie concentrique, mais existe aussi en cas d’hypertrophie dilatative, bien que le
ventricule puisse accommoder de grands volumes de remplissage. Les indices de la relaxation et de la
distensibilité diastoliques s’abaissent parallèlement à l'accroissement de la masse ventriculaire. La
fibrose d'accompagnement, qui est irréversible, contribue à cette importante baisse de la compliance
[326]. La dysfonction diastolique se traduit par :
 Une dépendance marquée du débit par rapport au volume de précharge, à la pression de
remplissage, et à la fréquence (durée de la diastole) ;
 Une élévation progressive des pressions de remplissage dans l’oreillette, qui se dilate, et dans
les veines d’amont (stase pulmonaire ou hépatique).
Adaptation aux valvulopathies
Stimulation neuro-humorale (catécholamines, angiotensine II, aldostérone, ADH).
Effet Frank-Starling (augmentation de la précharge).
Hypertrophie ventriculaire concentrique : surcharge de pression (sténose)
- fonction systolique conservée
- dysfonction diastolique
- dépendance accentuée de la précharge
- dépendance de la fréquence et du rythme sinusal
- risque d'ischémie myocardique augmenté
Hypertrophie ventriculaire excentrique : surcharge de volume (insuffisance)
- dilatation ventriculaire
- dysfonction systolique
L’hypertrophie concentrique (HVG) caractéristique de la sténose aortique est associée à une ischémie
myocardique pour plusieurs raisons [22,24,121,148,203].
 La sténose aortique dégénérative et calcifiée relève de la même maladie de base que la
polyvasculopathie artérielle hypertensive et hypercholestérolémique ; de ce fait, l’arbre
coronarien est souvent atteint, et l’ischémie myocardique est fréquemment associée.
 L’HVG augmente le métabolisme basal et élève la mVO2 par augmentation de la masse
myocardique; le muscle hypertrophié consomme jusqu'à 50 % de plus d'O2 pour développer le
même travail externe.
 L’augmentation du stress de paroi, qui survient lorsque l’épaisseur du muscle n’est plus en
proportion avec le diamètre et la postcharge, est un des déterminants majeurs de la mVO2.
 A pression diastolique aortique égale, l’augmentation de la pression intraventriculaire
secondaire à l’élévation de postcharge et à la dysfonction diastolique diminue la valeur de la
pression de perfusion coronarienne (PPC = PAdiastAo - PtdVG) ; en cas d’hypotension artérielle,
la PPC s’effondre, car la PAdiast baisse dans l’aorte mais la Ptd ne change pas dans le VG (la
sténose aortique est fixe).
 L'hypertrophie et l'hyperplasie vasculaires sont en retard sur l'augmentation de la masse
musculaire : la densité capillaire est diminuée de 20 - 30% dans une HVG concentrique.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
25
 La région sous-endocardique est particulièrement à risque pour deux raisons : 1) les vaisseaux
coronariens sont écrasés par la Ptd élevée du VG et 2) ils ont comprimés par la masse
musculaire excessive sur leur trajet entre l’épicarde et l’endocarde, qui est plus long. Des
épisodes ischémiques répétitifs conduisent à une fibrose sous-endocardique qui réduit encore la
compliance du ventricule.
 L’effet Venturi provoqué dans les sinus de Valsalva par la haute vélocité du jet systolique induit
une dépression locale et un flux rétrograde dans les troncs coronariens pendant la systole.
Hypertension pulmonaire
Les conditions de la circulation pulmonaire sont significativement modifiées par l’augmentation
chronique de la pression auriculaire gauche au cours de l’évolution des valvulopathies mitrales et
aortiques [270].
 L’hypertension veineuse pulmonaire passive et l’augmentation chronique de la pression
capillaire (Pcap) jusqu’à une valeur de 18-20 mmHg conduisent à une stase extravasculaire
interstitielle avec altération des échanges gazeux et dyspnée. L’œdème intertitiel pulmonaire
apparaît dès que la Pcap dépasse 20 mmHg, et l’œdème alvéolaire au-delà de 25 mmHg.
 La pression veineuse pulmonaire chroniquement maintenue au-dessus de 20 mmHg
(hypertension pulmonaire postcapillaire) induit une augmentation réactionnelle des résistances
artérielles pulmonaires (RAP) de nature myogénique et neurovégétative. Avec le
développement progressif d’une fibroélastose intimale, il s’installe une hypertension artérielle
pulmonaire (HTAP) de type précapillaire qui est hors de proportion avec l’hypertension
veineuse. Cette HTAP précapillaire est probablement adaptative : elle diminue le flux sanguin
capillaire et limite le risque d’œdème pulmonaire.
 Des lésions chroniques de fibrose interstitielle pulmonaire abaissent la compliance pulmonaire
et augmentent le travail respiratoire, qui représente jusqu'à 25 % de la VO2 totale. Le volume
courant et la capacité vitale diminuent. Les rapports V/Q sont altérés et la PaO2 baisse comme
dans une pathologie de type restrictif. L’hypoxie et l’hypercapnie ayant un effet
vasoconstricteur artériel pulmonaire, le système s’installe dans un cercle vicieux.
L’HVG et le défaut de compliance ventriculaire élèvent la pression dans l’OG, qui se dilate
progressivement. Normalement, la contraction auriculaire élève momentanément la pression
télédiastolique dans le VG pour mettre sous une tension optimale l’épaisse paroi ventriculaire sans que
la pression moyenne de l’oreillette n’atteigne des valeurs qui seraient responsables d’une hypertension
veineuse pulmonaire. En l’absence de rythme sinusal, la pression auriculaire moyenne nécessaire à
remplir le VG est bien plus élevée, et l’effet protecteur sur la circulation pulmonaire est perdu.
L'hypertension pulmonaire (PAPmoy > 25 mmHg au repos et > 30 mmHg à l'effort, RAP > 300
dynes•s•cm-5) augmente la postcharge du VD. En l’absence d’hypertrophie compensatrice, la pression
systolique maximale que peut développer un VD normal est 50 mmHg. L’HTAP entraîne une cascade
de conséquences : hypertrophie droite (HVD) et dilatation du VD, insuffisance tricuspidienne, dilatation
de l’OD et stase veineuse systémique. Lorsqu’il s’hypertrophie, le VD ressemble de plus en plus au VG,
et son débit devient dépendant de sa précharge. A son tour, la surcharge du VD retentit sur le
remplissage du coeur gauche par plusieurs phénomènes : 1) le retour veineux à l’OG est diminué parce
que le débit pulmonaire est limité, 2) le septum interventriculaire bombe dans la cavité gauche et limite
son expansion diastolique (effet Bernheim), 3) l’insuffisance tricuspidienne due à la dilatation droite fait
bomber le septum interauriculaire dans l’OG. La perfusion coronarienne du VD, qui est systolodiastolique, est compromise lorsque sa pression intracavitaire systolique se rapproche de la pression
moyenne aortique ; en cas de défaillance, elle doit être maintenue par une perfusion de vasoconstricteurs
(nor-adrénaline), ou par une contre-pulsion intra-aortique.
Même si l'hypertension pulmonaire est fixée, sa composante vasospastique réactionnelle est importante
et réagit aux mesures vasodilatatrices pulmonaires habituelles : hyperventilation, alcalose, diminution
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
26
du stress sympathique et vasodilatateurs pulmonaires. Le traitement de l’hypertension pulmonaire est
décrit dans le Tableau 12.10 (voir Chapitre 12: Hypertension pulmonaire, traitement). Au cours de
la CEC, toute une série de substances vasoactives sont libérées dans la circulation: TNF, interleukines,
complément C3a, etc. Elles provoquent une vasodilatation systémique et une vasoconstriction
pulmonaire qui apparaissent au moment de la mise en charge du coeur, et qui sont facilement aggravées
par l’administration de protamine. La plastie et le remplacement de la valve aortique ou de la valve
mitrale abaissent immédiatement la pression veineuse pulmonaire (hypertension postcapillaire), mais ne
corrigent pas complètement l’HTAP artérielle précapillaire, qui reste élevée pendant plusieurs semaines.
La fibroélastose intimale persiste à long terme.
Le pronostic clinique et le risque de défaillance hémodynamique peropératoire dépendent davantage de
la fonction du VD que de la valeur absolue de la PAP (voir Figure 12.28). En effet, une PAP élevée
signifie que le VD est capable de la générer, alors qu’une PAP modérée traduit des RAP modestement
élevées ou une dysfonction du VD. Une poussée hypertensive pulmonaire peut conduire à une
décompensation ventriculaire droite. Pour la prise en charge clinique, il importe de distinguer trois
situations différentes qui peuvent conduire toutes trois à une défaillance du ventricule droit.
 Infarctus ou défaillance primaire du VD : la priorité est au maintien d’une pression de perfusion
coronarienne suffisante (vasoconstricteur systémique) et d’une optimalisation de la précharge
(PVC 10-15 mmHg) pour obtenir le meilleur débit. L’infarctus droit est plus fréquent en cas
d’HVD [169].
 Excès de postcharge : défaillance aiguë sur embolie pulmonaire, par exemple, entraînant une
insuffisance congestive du VD ; la priorité est de baisser la précharge droite (nitroglycérine,
position en contre-Trendelenburg), de soutenir l’hémodynamique droite (dobutamine,
milrinone ± adrénaline, nor-adrénaline) et d’éviter une aggravation des RAP.
 Poussée d’hypertension pulmonaire en cas d’HTAP chronique avec hypertrophie ventriculaire
droite ; la priorité est de baisser les RAP; la précharge doit rester élevée car le VD hypertrophié
fonctionne sur une courbe de Starling analogue à celle du VG. Contrairement aux deux
situations précédentes, la ventilation en pression positive est ici bien tolérée, la postcharge du
VD étant déjà chroniquement élevée.
Le traitement spécifique de la décompensation droite est mentionné dans le Tableau 12.5.
Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP)
La stase gauche sur valvulopathie mitrale ou aortique entraîne une élévation chronique de la POG et de
la pression veineuse pulmonaire (HTAP postcapillaire) avec œdème interstitiel et éventuellement
alvéolaire. L'HTAP veineuse conduit à une augmentation réflexe des RAP et à une HTAP précapillaire.
L'HTAP (PAPmoy > 25 mmHg au repos et > 30 mmHg à l'effort, RAP > 300 dynes•s•cm-5) provoque
une dilatation et une hypertrophie du VD (HVD). Plus il s'hypertrophie, plus le VD fonctionne de
manière analogue au VG (débit dépendant de la précharge, résistance à la postcharge).
Le pronostic clinique dépend davantage de la fonction du VD que de la valeur absolue de la PAP.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
27
Représentations graphiques
Deux systèmes graphiques sont particulièrement adaptés à la représentation des effets hémodynamiques
des valvulopathies. Ce sont la boucle pression/volume et la synchronisation pressions – flux (diagramme
de Wiggers).
Pression
A
Pression
C
Emax
2
3
VS ↓
1
4
Compliance
VS
V0
Volume
Compliance
VS
V0
Pression
Volume
Pression
Emax
Emax
B
D
Téj
Tpr
Compliance
V0
Volume
V0
Compliance
Volume
© Chassot 2011
Figure 11.16 : Boucle pression – volume (PV) du VG. A : Boucle PV normale. 1 : point télédiastolique; 1 → 2 :
contraction isovolumétrique; 2 : début de l’éjection; 2 → 3 : phase de l’éjection systolique; 3 : point télésystolique;
3 → 4 : relaxation isovolumétrique; 4 : début du remplissage; 4 → 1 : remplissage diastolique. VS: volume
systolique (= Vtd – Vts). B : Construction de la pente d’élastance maximale Emax par l’alignement des points
télésystoliques d’une famille de courbes obtenues à des précharges différentes chez le même individu. Valeur
Emax normale: 4-5 mmHg/mL [9]. C: Boucle PV en cas de dysfonction du VG; la pente d’Emax est abaissée
(dysfonction systolique) et la courbe de compliance est redressée (dysfonction diastolique); la surface de la bloucle
est diminuée et le volume éjecté (VS volume systolique) est diminué. D : le produit Volume x Pression est
l’équivalent hydrodynamique du travail mécanique (masse x distance); c’est aussi la définition de la surface (S) de
la boucle PV; la SPV représente donc le travail éjectionnel (Téj). Le travail de pression (Tpr) est défini par la
surface du triangle compris entre la courbe de compliance, la pente Emax et la boucle PV.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
28
Boucle pression - volume
Le diagramme pression – volume (PV) est très utile pour illustrer les conditions de travail dans les
valvulopathies. Il décrit un cycle cardiaque par une boucle tournant en sens anti-horaire et définie par
quatre points: les conditions en télédiastole, en protosystole, en télésystole et en protodiastole (Figure
11.16). Si l'on modifie la précharge (hypovolémie, dérivés nitrés, remplissage par des colloïdes), la
boucle PV est déplacée vers la gauche en hypovolémie ou vers la droite en hypervolémie, mais les
points télésystoliques restent alignés sur une quasi-droite appelée élastance maximale (Emax), dont la
pente est proportionelle à la contractilité ventriculaire; sa valeur normale est 4-5 mmHg/mL [9]. Elle est
indépendante de la précharge, de la forme et de la taille du ventricule, mais reste partiellement
dépendante de la postcharge [303].
La pente Emax est un des indices de contractilité les plus fiables. Elle se redresse en cas de stimulation
sympathique et s'abaisse en cas de défaillance ventriculaire. La surface de la boucle P/V est le produit
du volume systolique et de la pression générée par le ventricule; c'est l'équivalent du travail éjectionnel.
En effet, la définition physique du travail est : masse x distance. En hydrodynamique, le travail est :
pression x volume, soit (gm/cm2) • cm3 = gm • cm. La surface du triangle compris entre l'Emax, la
courbe de compliance et la boucle PV est l'équivalent du travail de pression du ventricule (mise sous
tension du système artériel).
Diagramme de Wiggers
La synchronisation des événements d’un cycle cardiaque est illustrée par le diagramme de Wiggers
(Figure 11.17). Cette image permet de définir un certain nombre de termes d’utilisation courante.
 a: onde de pression due à la contraction auriculaire en fin de diastole.
 x: baisse de pression dans l’oreillette lors de sa diastole, qui survient pendant la systole
ventriculaire; cette baisse a lieu en deux temps, interrompue par le décrochement "c". Le
premier temps "x’" correspond à la relaxation de l’oreillette. Le deuxième temps "x’’" est dû à
la descente de l’anneau mitral pendant la contraction longitudinale du ventricule gauche ; ce
mouvement agrandit l’oreillette, dont la pression y diminue.
 c: deux phénomènes sont en cause dans cette petite augmentation de la POG ; 1) bombement de
la valve auriculo-ventriculaire en protosystole; 2) remplissage continu par les veines centrales
alors que la paroi auriculaire a fini de se relâcher.
 v: comme le retour veineux continue pendant la systole ventriculaire, la pression monte
progressivement dans l’oreillette jusqu’à ce que celle-ci se vidange dans le ventricule en début
de diastole. L’onde "v" commence donc en télésystole et se continue en protodiastole; son pic
correspond au dicrotisme de la pression artérielle et au pic de vélocité du flux mitral E.
 y: baisse de pression dans l’oreillette lors de sa vidange dans le ventricule en diastole.
 S: composante systolique du flux veineux cave et veineux pulmonaire; il se décompose en
phases S1 (relaxation auriculaire) et S2 (descente de l’anneau mitral), correspondant aux
descentes x’ et x’’. Le flux S est fonction de la différence de pression entre les grandes veines et
l’oreillette (valve mitrale ou tricupide fermée).
 D: composante diastolique du flux cave et veineux pulmonaire. Comme la valve auriculoventriculaire est ouverte à ce moment, ce flux est fonction de la différence de pression entre les
grandes veines et le ventricule.
 A: flux sanguin dû à la contraction auriculaire; il est antérograde à travers les valves tricuspide
et mitrale. Comme il n’y a pas de valvules dans les veines caves ni dans les veines pulmonaires,
la contraction auriculaire génère un flux rétrograde bref (Ar) dans les grandes veines centrales.
 E: flux auriculo-ventriculaire passif en début de diastole; normalement, il représente 80% du
remplissage ventriculaire. Sa vélocité est fonction de la pression auriculaire et de la dépression
intraventriculaire en protodiastole (effet de succion); le pic de vélocité du flux mitral (Vmax 0.8
– 1.0 m/s) correspond au pic du – dP/dt intraventriculaire et au pic de l’onde "v" auriculaire.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
29
ECG
Art
VG
a
a
c
v
Ar
S1
OG
y
x
S2
D
Ar
VP
DSp
DSm
VM
A
© Chassot 2011
A
E
1
FM OA
2
3
FA OM
4
5
6
FM
Figure 11.17 : Diagramme de Wiggers augmenté des flux de remplissage. Art : courbe artérielle systémique. VG :
pression intraventriculaire gauche. OG : pression de l’oreillette gauche. VP : flux dans les veines pulmonaires.
VM : flux à travers la valve mitrale. 1: contraction ventriculaire isovolumétrique. 2: phase d'éjection ventriculaire.
3: relaxation isovolumétrique. 4: remplissage rapide. 5: diastasis. 6: contraction auriculaire. OA: ouverture de la
valve aortique. FA: fermeture de la valve aortique. OM: ouverture de la valve mitrale. FM: fermeture de la valve
mitrale. DSp : durée de la systole physiologique correspondant aux phases consommatrices d’O2. DSm : durée de
la systole mécanique dans la définition conventionnelle. La même synchronisation et les mêmes variations de
pression et de flux se retrouvent dans les cavités droites, mais à des régimes de pression et de vélocités inférieurs.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
30
Les vélocités des flux enregistrés à l’échocardiographie Doppler sont commandées par le gradient de
pression instantané entre la cavité d’amont et la cavité d’aval. Le pic de vélocité du flux sanguin
correspond au gradient maximal. Par convention, on considère que la systole s’étend de la contraction
isovolumétrique jusqu’à la fermeture de la valve aortique (phases 1-2), et la diastole depuis la relaxation
isovolumétrique jusqu’à la fermeture de la mitrale (phases 3-4-5-6-7). Mais la phase de consommation
d'O2 du cycle cardiaque correspondant à la systole myocardique s'étend en réalité de la contraction
isovolumétrique jusqu'au pic de dépression intraventriculaire protodiastolique (pic de Vmax du flux
mitral E, valeur maximale du –dP/dt). Physiologiquement, la systole s'étend donc jusqu'au pic du flux E,
et la diastole commence à la décélération de ce flux, parce que la relaxation protodiastolique est un
phénomène actif consommateur d'O2 correspondant à la persistance de la contraction des fibres obliques
sous-épicardiques (voir Chapitre 5, Relaxation diastolique).
Représentations graphiques
La boucle pression-volume représente l'évolution d'un cycle cardiaque; sa surface est équivalente au
travail éjectionnel. L'élastance maximale (Emax) est une quasi-droite définie par les points
télésystoliques du ventricule au cours de variations de précharge; sa pente est un excellent indice de
contractilité.
La synchronisation des flux et des pressions montre que le pic de flux correspond au pic de la pression
d'amont et au nadir de la pression d'aval.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
31
Rappel échocardiographique
Dans ce chapitre, l'échocardiographie transoesophagienne (ETO) peropératoire sera largement utilisée
pour illustrer les pathologies valvulaires et les résultats chirurgicaux. Pour cette raison, il n'est pas
inutile de procéder en premier lieu à un bref rappel de l'imagerie bidimensionnelle et de l'écho Doppler.
L'ETO des valvulopathies est traitée plus en détail dans le Chapitre 26.
Imagerie des valves normales
Valve mitrale
Le capteur ETO est idéalement placé pour l'examen de la valve mitrale, puisque celle-ci se trouve à
seulement à 4 – 5 cm de l’œsophage et n'en est séparée que par l'OG. Les plans qui sont orthogonaux
par rapport à l’axe du corps (0° et 90°) ne le sont pas pour la valve mitrale, dont les plans orthogonaux
sont à 60° (vue bi-commissurale) et à 120-140° (vue long-axe du VG) (Figure 11.18) [185]. Pour
évaluer la mitrale de manière cohérente, il est important de l'examiner dans tous les plans ETO à
disposition.
140°
Bi-commissural
90°
Long axe
60°
AAG
Ant
A1
5-cavités
Ao
P1
4-cavités
0°
0°
P2
A2
A3
20°
P3
140°
Post
60°
90°
TG 0°
TG 90°
2-cavités
© Chassot 2011
Figure 11.18 : Représentation schématique des plans de coupe de la valve mitrale dans une vue prise depuis l’OG.
L’anneau mitral a la forme approximative d’une lettre "D" inversée, dont la base fait un angle d’environ 60° avec
l’horizontale. Les plans orthogonaux du corps (0° et 90°, traits blancs) ne le sont pas pour la mitrale, dont les plans
orthogonaux sont à 60° et 140° (traits bleus). Outre ces 4 plans de coupe, l’examen de la valve mitrale comprend
encore les vues transgastriques à 0° (court-axe basal) et à 90° (long-axe du VG).

Vue 4-cavités (0-20°) (Figure 25.21A). Vue de A2 et P1 ou de A3 et P2 selon la profondeur de
la sonde ; vue du pilier antérieur. En retirant la sonde de 0.5-1.0 cm en vue 5-cavités (Figure
25.21D), on voit la commissure antérieure (limite de A1 et P1) qui est perpendiculaire au plan
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
32





de coupe. En enfonçant la sonde (2-3 cm), on arrive à la commissure postérieure (A3 – P3),
mais le plan de coupe lui est parallèle et ne permet pas de l’individualiser.
Vue bi-commissurale (60°) (Figure 25.27). Axe orthogonal (verticale du "D") et grand diamètre
D’ (3-3.5 cm en protodiastole) ; vue de P1, A2 et P3 ; piliers antérieur et postérieur. En pivotant
légèrement la sonde vers la droite (sens horaire), on visualise la base du feuillet antérieur ; en la
pivotant légèrement dans le sens anti-horaire, on visualise les 3 festons postérieurs. La distance
intertrigonale est équivalente à environ 0.8 fois la largeur du feuillet antérieur à sa base ; on peut
l’estimer par la distance entre les deux commissures (distance bicommissurale) mesurée lorsque
la rotation horaire de la sonde fait juste disparaître les festons du feuillet postérieur.
Vue 2-cavités (90°) mi-oesophage (Figure 25.22). Vue de A1 et P3 ; pilier postérieur.
Vue long-axe mi-oesophage (120-140°) (Figure 25.23). Axe orthogonal (horizontale du "D") et
diamètre D’’ (2.8-3.0 cm en protodiastole) ; vue de A2 et P2 ; utiliser cette vue pour mesurer la
longueur du feuillet antérieur dans les plasties (en diastole) et pour la définition du recul du
point de coaptation dans le prolapsus (en systole).
Vue transgastrique basale (0°): court-axe de la valve mitrale (Figure 25.26). Feuillet postérieur
(le plus proche) et antérieur (le plus éloigné), mais vue inconstante ; on ne voit souvent que la
partie distale des cordages et la zone commissurale des feuillets.
Vue transgastrique 2-cavités (100°) (Figure 25.25). Vue de A1 et P3, piliers postérieur (le plus
proche) et antérieur (le plus éloigné), cordages. Meilleure vue pour évaluer l’appareil sousvalvulaire.
A
B
Diamètre
HC = L FA (D) - L FA PC
HC > 8 mm
HC
S
L FA PC
: Point de
coaptation
D
L FA (D)
Figure 11.19 : La hauteur de la zone de coaptation (HC) se mesure directement à l’écran ou se calcule par la
différence entre la longueur (L) totale du feuillet antérieur (FA) en diastole (D) et la longueur depuis l’anneau
mitral jusqu’au point de coaptation (PC) en systole (S). Elle est normalement de 6-10 mm. Le rapport entre la
hauteur de coaptation et le diamètre de l’anneau mitral est 0.2 – 0.25 [330].
Lorsqu’il est visible dans le plan de coupe, l’AAG est en regard de la commissure antérieure (A1 et
P1) ; lorsqu’elle apparaît, la valve aortique est en regard de la base du feuillet antérieur (A2). En systole,
les deux feuillets mitraux sont appliqués l'un contre l'autre sur une certaine hauteur (4-8 mm); cette
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
33
hauteur de coaptation se calcule en soustrayant la distance entre l'anneau mitral et le point de coaptation
en systole de la longueur totale du feuillet antérieur mesurée en diastole (vue long-axe 120°) (Figure
11.19). L’examen est complété par l’imagerie Doppler couleur et spectrale, ainsi que par les calculs
hémodynamiques (voir Echocardiographie Doppler et Mesures hémodynamiques).
Valve aortique
L’examen de la valve aortique se pratique dans quatre plans (Figure 11.20) [16].
A
40°
B
120°
OG
OG
APD
NC
OD
CG
NC
VP
CCVG
CD
Ao
CD
CCVD
VD
0°
C
D
120°
FPM
VD
VG
VG
FAM
Ao
Ao
OG
VD
FAM
FPM
Figure 11.20 : Plans de coupe de la valve aortique. A : Vue court-axe (40°) ; NC : cuspide non-coronaire ; CG :
cuspide coronaire gauche ; CD : cuspide coronaire droite ; VP : valve pulmonaire ; CCVD : chambre de chasse du
VD. B : Vue long-axe (120°) ; points de mesure des 3 diamètres : anneau aortique (trait jaune), jonction sinotubulaire (trait rouge) et aorte ascendante (trait bleu, au niveau du croisement de l’artère pulmonaire droite APD).
C : Vue long-axe transgastrique profonde (0°) ; vue des cuspides CD et CG. D : vue long axe transgastrique 120°.
Ces deux vues TG 0° et 120° (C & D) présentent un bon alignement CCVG - valve aortique – aorte ascendante
pour les mesures de flux Doppler ; elles sont en général mutuellement exclusives ; on obtient l’une ou l’autre selon
la position et le remodelage du VG [16].

Vue court-axe mi-oesophage basal (40°). Vue des 3 cuspides et de leurs commissures ; la
cuspide NC est située en regard du septum interauriculaire. Une petite surface triangulaire
apparaît au centre en diastole en cas d’insuffisance modérée ou sévère ; départ du tronc
commun dans le sinus de Valsalva CG (Figure 25.28).
 Vue long-axe mi-oesophage (120°). Selon le degré d’enfoncement de la sonde, on voit la
CCVG (sonde profonde) ou l’aorte ascendante (sonde retirée) ; vue des cuspides CD
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
34
(antérieure, à côté de la CCVD) et NC (postérieure, à côté de l’OG) ; parfois cuspide CG au lieu
de NC (postérieure, à côté de l’OG, avec départ du tronc commun) ; départ de la coronaire
droite dans le sinus de Valsalva droit (Figure 25.29). Les mesures de diamètre de la racine
aortique sont faites en systole, en ne prenant en compte que la plus grande valeur obtenue
[238,282] :
• Diamètre de l’anneau aortique (18-25 mm) ;
• Diamètre des sinus de Valsalva (21-35 mm) ;
• Diamètre de la jonction sino-tubulaire (20-34 mm) ;
• Distance anneau aortique – jonction sino-tubulaire (20-25 mm) ;
• Diamètre de l’aorte ascendante au niveau de l’artère pulmonaire droite (22-35 mm) ;
cette mesure est faite en diastole à cause de la distension de l'aorte en systole.
 Vue long-axe transgastrique (120°). Vue des cuspides CD et CG ; alignement CCVG - valve
aortique – aorte ascendante pour les mesures de flux Doppler (Figure 25.30).
 Vue long-axe transgastrique profond (0°). Vue des cuspides CD et CG ; alignement CCVG valve aortique – aorte ascendante pour les mesures de flux Doppler. Ces deux vues TG 0° et
120°, parfois difficiles à obtenir, sont en général mutuellement exclusives ; on obtient l’une ou
l’autre selon la position et le remodelage du VG (Figure 25.31).
La vue 5-cavités n’offre qu’une vue tronquée de la cuspide CG qui surplombe la CCVG.
Valve tricuspide
Plans d’examen de la valve tricuspide (Figure 11.21, Figure 25.45 et Figure 26.44) :






Vue 4-cavités mi-oesophage (0-20°). Vue du feuillet septal et du feuillet antérieur en position
haute de la sonde oesophagienne, ou du feuillet septal et du feuillet postérieur lorsque la sonde
est enfoncée en position basse ; pilier septal. Le feuillet septal est inséré environ 1 cm en
dessous (direction apicale) du feuillet antérieur de la valve mitrale. Plus grand diamètre de
l’anneau (28-35 mm mesuré en télésystole). Bon alignement du Doppler avec le jet
d’insuffisance tricuspidienne, en général dirigé vers le septum interauriculaire.
Vue admission – chasse du VD (60°). Vue du feuillet postérieur et du feuillet antérieur. Bon
alignement du Doppler avec le jet d’insuffisance tricuspidienne.
Vue bicave (100-120°) modifiée par une légère rotation antihoraire de la sonde ; feuillets
postérieur et antérieur.
Vue TG admission VD à 100°. Vue du feuillet postérieur et du feuillet antérieur ; piliers
postérieur et antérieur ; excellente vue sur l’appareil sous-valvulaire.
Vue TG admission VD à 30-50° (court axe de la valve tricuspide). Feuillet antérieur sur la
gauche, feuillet septal sur la droite, feuillet postérieur le plus proximal ; cette vue est parfois
irréalisable ; l’angle pour l’obtenir est très variable (voir Figure 26.44F).
A part la vue court-axe transgastrique, difficile à obtenir, la vue 4-cavités est la seule où l’on
voit le feuillet septal (le plus petit des trois).
Valve pulmonaire
La valve pulmonaire est fine, peu échogène et très antérieure ; elle est malaisée à visualiser en ETO
parce qu’elle est située devant la valve aortique qui lui fait écran. Elle est située au même niveau que la
valve aortique, mais dans un plan perpendiculaire : elle apparaît en court-axe dans le plan long-axe de la
valve aortique et vive-versa.
Plans d’examen de la valve pulmonaire (Figures 25.47 et 26.48) :

Vue court-axe de l’aorte ascendante (0°). Focalisation sur la valve pulmonaire en réglant la
profondeur de la sonde. Valve pulmonaire en long axe, avec l’origine de l’artère pulmonaire
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
35
(AP) ; bon accès à la mesure du flux pulmonaire à condition de placer l’axe du Doppler bien au
milieu de l’AP.
A
0-20°
B
0-20°
OG
FA FS
FS
VG
FP
SivP
C
60°
D
100°
OG
FP
FP
FA
OD
Ao
VP
VD
FA
VD
Figure 11.21 : Plans de coupe de la valve tricuspide. A : Vue 4-cavités. On voit le feuillet septal (FS) et le feuillet
antérieur (FA). B : Vue 4-cavités profonde, obtenur en enfonçant la sonde de 2-3 cm par rapport à la coupe A. On
voit le feuillet septal et le feuillet postérieur (FP). SC : sinus coronaire. SivP : septum interventriculaire postérieur.
C : Vue admission-chasse du VD (60°). Présence du feuillet antérieur et du feuillet postérieur. VP : valve
pulmonaire. D : Vue transgastrique admission du VD, avec le FA et le FP [16].

Vue admission – chasse du VD (60°). Vue long axe de la CCVD (diamètre 25-30 mm), de la
valve pulmonaire et de la racine de l’AP ; feuillet antérieur (le plus éloigné) et droit ou gauche
selon la rotation de la sonde.
 Vue basale long axe de la valve aortique (120-140°). Légère rotation de la sonde vers la droite
(sens horaire) ; seule vue court-axe de la valve pulmonaire ; vue des 3 feuillets : feuillet gauche
à 2 heures, feuillet antérieur à 6 heures, et feuillet droit à 10 heures.
 Vue long-axe TG du VD (30-60°). Modification de la vue TG admission VD (100°) en
diminuant la rotation du transducteur à 30-60° (angle très variable) ; vue de la CCVD, de la
valve pulmonaire et de la racine de l’AP ; bon axe Doppler pour mesurer le flux dans la CCVD
(Doppler pulsé) et la valve pulmonaire (Doppler continu).
 Vue court-axe de la crosse aortique (90°) ; la valve apparaît en bas à gauche de l’écran.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
36
Examen des valves
Valve mitrale
Tournée de 60° par rapport à l’axe du corps
Axes orthogonaux : 60° et 120-140°
Diamètres mesurés à 60° et 120-140°
Longueur des feuillets mesurée à 120-140°
Valve aortique
Cuspide non-coronaire en regard du septum
Court-axe à 40° et long-axe à 120°
Diamètre mesuré à 120°
Valve tricuspide
4-cavités 0° : F septal + F antérieur ou
postérieur selon profondeur de coupe
60° et TG : F antérieur et F postérieur
Valve pulmonaire
Antérieure, long-axe 60°, court-axe 140°
Ant
VPulm
CG
60°
CD
VAo
CNC
F ant
V mitr
F
post
140°
F
sept
F ant
V tric
0°
F
post
Post
La vue 4-cavités (0-20°) est essentielle pour évaluer le remodelage engendré par la valvulopathie et pour
déterminer quelles sont les contraintes hémodynamiques dominantes.
Vue 4-cavités
La vue 4-cavités (0-20°) est capitale pour évaluer le remodelage des chambres cardiaques engendré par
la ou les valvulopathie(s) (Figure 11.12). La manière dont s'est restructuré le cœur en réaction aux
nouvelles conditions hémodynamiques imposées par la pathologie permet de déterminer quelle est la
lésion prédominante. Cette donnée est capitale pour l'anesthésiste, parce qu'elle lui permet d'anticiper le
comportement hémodynamique de son patient. Il est judicieux de débuter l'examen par cette vue, car
elle offre le cadre général dans lequel vont s'insérer les détails observés ultérieurement sur les valves.
Echocardiographie Doppler
Doppler couleur
Le flux Doppler couleur est la manière la plus simple de visualiser une insuffisance valvulaire et de
démontrer l'accélération à travers une sténose. Au repos, le flux sanguin est physiologiquement
laminaire dans les cavités cardiaques, donc silencieux. Toute présence de tourbillon indique une
accélération pathologique : sténose valvulaire, régurgitation d'une cavité à haute pression dans une
cavité à basse pression, simple éréthisme cardiaque ou turbulence localisée au voisinage d’une sclérose.
Les vortex de ces tourbillons induisent des perturbations visibles à l’échocardiographie Doppler.
L'affichage du flux couleur permet une évaluation rapide et aisée du flux dans les valvulopathies, mais il
présente des limites qu'il est capital de connaître pour éviter des interprétations erronées (Figure 11.22
et Figure 11.23).
 L'image du flux couleur est une cartographie des vélocités mais non une représentation du
volume sanguin réel. Or la vélocité d'un flux est l'expression du gradient de pression instantané
entre la cavité d'amont et la cavité d'aval; par exemple, la Vmax d'une insuffisance mitrale (IM)
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
37
diminue si la fonction ventriculaire gauche est abaissée, la Vmax d'une insuffisance aortique
(IA) augmente si les RAS sont élevées.
A
Vue
2-D
B
CCVG
PISA
B
Aorte
Figure 11.22 : Imagerie échocardiographique en mode Doppler. A : insuffisance mitrale en vue long-axe du VG ;
le faisceau Doppler (traitillé) est bien dans l’axe du flux de l’IM représentée par le flux Doppler couleur. B :
représentation schématique du faisceau Doppler à travers une sténose aortique par voie transgastrique ; pour
analyser de manière cohérente le flux à travers la sénose, l’axe du Doppler doit traverser la zone d’accélération
pré-sténotique (PISA), l’orifice rétréci avec la vena contracta (flux laminaire, flèche rouge) et la zone des
turbulences dans la racine de l’aorte ; la Vmax est enregistrée au niveau la vena contracta.
 Pour la même pression d'amont, la vélocité du flux est inversement proportionnelle à la
dimension de l’orifice: elle diminue si l'orifice est très large.
 L’imagerie bidimensionnelle réalise une tomographie et n’affiche la dimension du jet que dans
un plan; alors que des jets centraux ont en général une symétrie circulaire, les jets excentriques
qui butent contre une paroi ont une géométrie très variable qui n’apparaît pas dans le plan de
coupe. Le jet couleur bidimensionnel donne une représentation fiable des premiers, mais tend à
sous-estimer l'importance des seconds parce qu'il ne visualise par leur étendue dans l'espace.
 Un jet d'IM centrale de haute vélocité (Vmax 5-6 m/s) recrute du volume sanguin déjà dans
l'OG par effet Venturi, alors qu'un jet d'IM excentrique ralentit lorsqu'il se freine contre la paroi
de l'OG et n'est pas amplifié par l'effet Venturi. Le jet couleur tend de nouveau à surestimer
l'importance des premiers mais à sous-estimer celle des seconds [42].
 L'effet Doppler est maximal lorsque le flux et l'axe d'interrogation ont la même direction. Le jet
d'une IM présente un développement maximal en vues mi-oesophagiennes rétro-cardiaques
parce que son flux est bien aligné avec l'axe du Doppler, alors que le jet d'une IA est le plus
important en vues transgastriques où il est orienté en direction du capteur.
 La mesure de vélocité maximale doit être faite à l'endroit le plus rétréci, c'est-à-dire entre les
feuillets de la valve ou immédiatement en aval de celle-ci, mais non à distance; ceci est valable
aussi bien pour le jet d'une une sténose que pour celui d'une insuffisance.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
38
 L'imagerie présuppose intuitivement que les orifices sont circulaires, mais ceux-ci se présentent
souvent sous forme d'ovale, de fente ou de géométrie complexe; il est donc capital de toujours
procéder à une évaluation dans au moins deux plans orthogonaux.
 Dans une insuffisance, le volume régurgité dépend de la durée du flux; si celui-ci est bref,
l'insuffisance est bien moins importante que s'il est pansystolique (IM) ou pandiastolique (IA).
 L'échelle de mesure (limite de Nyquist) doit être adaptée à la vélocité du flux mesuré; si elle est
trop basse, des tourbillons apparaissent dans tout le secteur, mais si elle est trop élevée, les flux
lents ne sont plus représentés.
 Le gain doit être réglé de manière à faire juste disparaître les petites taches colorées qui
apparaissent en-dehors des cavités cardiaques et des vaisseaux lorsqu’il est excessif.
OG
PISA
A
VG
B
Figure 11.23 : Insuffisance mitrale (IM) en vue ETO 4-cavités (0°). A : IM concentrique, de symétrie circulaire ;
ce type de régurgitation a la même apparence dans tous les plans. Comme l’IM (Vmax 5-6 m/s) recrute du sang
déjà dans l’OG par effet Venturi et qu’elle est dirigée vers le capteur, l’étendue du jet couleur tend à surestimer
l’importance du volume régurgité. Dans le cas présent, l’IM est de degré II/IV, car elle est fine à son origine et ne
présente pas de zone d’accélération concentrique (PISA) sur le versant venriculaire. B : IM excentrique sur
prolapsus du feuillet postérieur. Cette IM se freine lorsqu’elle bute contre la paroi de l’oreillette, n’a que peu
d’effet Venturi et présente une image très différente selon les plans d’analyse ; en effet, elle s’étend sur une grande
partie de la paroi de l’OG, mais l’image est toujours une tomographie et ne fait qu’une coupe de ce large jet. De ce
fait, l’image couleur sous-estime l’importance de la régurgitation. Dans le cas présent, il s’agit d’une IM de degré
IV/IV comme le prouvent la largeur de la vena contracta (flèche jaune) et la présence d’un important PISA (zone
d’accélération concentrique sur le versant ventriculaire).
Vena contracta
Dans un rétrécissement, le flux sanguin est laminaire et le reste à sa sortie ; il ne devient turbulent que
quelques millimètres au-delà. Son plus petit diamètre n’est pas dans l’orifice lui-même, mais juste après,
à un endroit appelé en hydrodynamique vena contracta (Figure 11.24A) [316]. Comme le flux y est
encore laminaire, la dimension de cette zone reproduit fidèlement la forme de l’orifice. La mesure du
diamètre de la vena contracta est une excellente technique pour évaluer la dimension de l’orifice de
régurgitation valvulaire, car elle est indépendante de la vitesse du flux et de la pression motrice. De ce
fait, elle garde sa valeur dans les insuffisance aiguës, où l’absence de dilatation de la cavité d’aval
conduit à une rapide égalisation des pressions et où la dysfonction ventriculaire diminue la vélocité du
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
39
jet, donc sa surface apparente. L'insuffisance est sévère (degré IV/IV) lorsque le diamètre de la vena
contracta est > 0.7 cm dans le cas d’une IM ou d'une IT, et > 0.6 cm dans le cas d'une IA.
A
B
C
OG
41
Valve
mitrale
Vortex
Zone de
tourbillons
Vmax
Vena
contracta
Zone
d’accélération
concentrique
VG
OG
VG
© Chassot 2011
Hémisphère
er
de 1 aliasing
Figure 11.24 : Zone d’accélération concentrique proximale (proxinal isovelocity surface area ou PISA) et vena
contracta illustrées dans une insuffisance mitrale en vue mi-oesophagienne rétrocardiaque. A : représentation
schématique ; le PISA est un hémisphère concentrique centré sur l’orifice et situé dans la chambre d’amont du
flux ; la vena contracta est la zone la plus étroite du flux laminaire qui sort du rétrécissement. B : En accélérant
progressivement en direction de l’orifice, le flux Doppler franchit la limite de Nyquist (aliasing) et change de
couleur ; il passe de l’extrémité jaune de l’échelle de couleur à l’extrémité bleue (C). Plus le volume de sang à
faire passer par l’orifice est élevé, plus la dimension du PISA est grande et plus la Vmax est haute. C : image
d’une insuffisance mitrale sévère ; lorsque l’échelle de couleur est réglée à 35-50 cm/s (ici 41 cm/s), un rayon de
1er aliasing de 1 cm (flèche blanche) correspond à une surface de l’orifice de régurgitation de 0.5 cm2 (IM sévère,
de degré IV/IV).
PISA
Lorsqu’elles doivent passer d’une cavité large à un orifice étroit, les molécules de fluide accélèrent en
une zone concentrique en amont du rétrécissement, puisque les fluides sont incompressibles. Cette zone
de convergence hémisphérique est d’autant plus grande que l’accélération est élevée, donc que la
quantité de liquide qui doit transiter par l’orifice est importante. Cette zone est appelée proximal
isovelocity surface area, ou PISA, parce que la vitesse du fluide est la même sur la toute la surface de
chaque hémisphère concentrique successif (Figure 11.24B) (voir Chapitre 25, Zone d'accélération
concentrique) [292]. Selon l’équation de continuité, le produit de la vélocité à la surface d’un
hémisphère et de la surface de cet hémisphère est égal au produit de la vélocité maximale à travers
l’orifice et de la surface de ce dernier : (S • V)hémisphère = (S • V)orifice .
Il est facile de mesurer la surface de l’hémisphère concentrique en repérant la limite à laquelle a lieu
l’inversion de couleur du flux. Cette inversion (aliasing) survient lorsque la Vmax du flux dépasse celle
qui est lisible pour l’échelle couleur choisie. Pour une insuffisance mitrale:
S orifice de régurgitation = (Shémisph • Valiasing) / VmaxIM
= (6.28 r2 • Valiasing) / VmaxIM
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
40
Dans l’insuffisance mitrale, on peut simplifier le calcul : si l’échelle de couleur est réglée sur une
vélocité d’aliasing de 50 cm/s, un rayon de 1 cm pour l’hémisphère de 1er aliasing équivaut à un orifice
de régurgitation ≥ 0.5 cm2, ce qui correspond à une IM sévère (degré IV/IV) [206,263,277].
Doppler couleur
L’extension du jet couleur d’une insuffisance valvulaire ne représente pas le volume régurgité ; elle est
une cartographie des vélocités, qui est elle-même fonction de :
- échelle de couleur (limite de Nyquist) et gain;
- gradient de pression à travers la valve;
- dimension de l’orifice.
Le jet couleur surestime l’insuffisance en cas de : jet central, haute pression d’amont, petit orifice.
Le jet couleur sous-estime l’insuffisance en cas de : jet excentrique, basse pression motrice, orifice très
large.
Valvulopathies : recommandations pour l’analyse Doppler
Axe du Doppler bien dans l’axe de l’insuffisance ou de la sténose, au travers de l’orifice valvulaire.
Bon déroulement anatomique de la cavité d’aval dans l’axe du Doppler.
Analyse de la Vmax au niveau de la vena contracta.
Mesure dans 2 plans orthogonaux.
Cohérence des résultats avec les mesures 2D (orifice de régurgitation) et avec le remodelage des cavités.
Calculs hémodynamiques
Equation de continuité
L’équation de continuité exprime la loi de conservation de l’énergie. Elle spécifie que le flux, produit de
la surface et de la vélocité maximale (S • Vmax, en cm3 /s), est identique tout au long d’un parcours:
S1 • V1 = S2 • V2
où S et V sont les surfaces et les vélocités à deux endroits différents (Figure 11.25A). Si l’on connaît
S1, V1 et V2, il est possible de calculer S2 :
S2 = ( S1 • V1 ) / V2
Si l’on recherche la surface d’une sténose aortique, par exemple, on peut la calculer à partir du flux dans
la chambre de chasse du VG (CCVG) et de la Vmax du flux à travers la valve aortique :
SAo = ( SCCVG • VCCVG ) / VAo

SCCVG: surface de la CCVG calculée par son diamètre mesuré en vue long axe rétrocardiaque à
120° (en moyenne 2.0-2.2 cm) ;
 VCCVG: vélocité maximale de la CCVG mesuré au Doppler pulsé en vue long axe transgastrique
à 0° ou 120° ; la fenêtre est positionnée 2-3 mm en amont de la valve aortique, au milieu du
flux ;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
41

VAo: vélocité maximale à travers la valve aortique mesuré au Doppler continu en vue long axe
transgastrique à 0° ou 120°.
P’’
P’
S1
S2 V2
V1
A
S1 • V1
=
Pressure
recovery
S2 • V2
Pression
(mmHg)
200
A
1
2
3
Aorte
100
Ventricule
gauche
B
Figure 11.25 : A : L’équation de continuité exprime la loi de conservation de masse : le produit de la vélocité du
flux (trait rouge) et de la surface du tube est constant. Dans la zone rétrécie, la vélocité augmente, mais la pression
(trait jaune) baisse ; c’est le principe de la conservation de l’énergie cinétique ; la pression remonte dans la zone
distale au rétrécissement (pressure recovery), avec une perte de charge due aux frottements (P ’’ < P’).
L’échocardiographie mesure le gradient de pression à partir de la vélocité maximale : ΔP = 4 (V22 – V12), donc
avant la récupération de pression [336]. B : Illustration des différents gradients de pression en cas de sténose
aortique. 1 : Gradient instantané maximal (échocardiographie Doppler) ; il survient pendant la phase d’accélération
protosystolique du flux. 2 : Gradient pic-à-pic (courbe de retrait au cathétérisme, ponction à l’aiguille en amont et
en aval de la valve) ; ce gradient n’existe pas réellement, car il est mesuré entre des points qui ne sont pas
simultanés 3 : Gradient moyen (moyenne de tous les gradients maximaux instantanés). Le gradient instantané
maximal est plus élevé que le gradient pic-à-pic, mais le gradient moyen est à peu près identique quelle que soit la
technique de mesure.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
42
Ce calcul peut se faire de la même manière à différents endroits du flux sanguin, mais toujours en
prenant soin de placer l’axe Doppler au centre du flux pour éviter les variations de vélocités liées aux
parois et aux courbures. La Vmax peut être remplacée dans le calcul par l'intégrale des vélocités (ITV).
Equation de Bernoulli
L’équation de Bernoulli permet la mesure du gradient instantané de pression (ΔP) à travers un orifice ou
entre deux cavités. Comme on utilise la Vmax pour ce calcul, on mesure en fait le gradient maximal, qui
a lieu pendant le pic de vélocité. Ce ΔPmax est toujours plus élevé que le gradient pic-à-pic mesuré par
cathétérisme, car ce dernier ne correspond pas à des pressions simultanées (Figure 11.25B). Le gradient
moyen, qui est la moyenne de tous les gradients instantanés, est identique lorsqu’on le mesure par
échocardiographie ou par cathétérisme.
Dans l’équation de Bernoulli, on néglige les facteurs liés à l’accélération locale, qui n’est significative
que pour les longues sténoses, et à la friction, qui n’a d’importance que pour des hématocrites > 60%.
On obtient une équation modifiée :
ΔP = 4 • (V22 – V12)
où V1 est la vélocité en amont de l’orifice et V2 la vélocité en aval. Si V1 est < 1.5 m/s, on peut
négliger ce facteur, et l’équation simplifiée devient :
ΔP = 4 • (Vmax) 2
L’abandon de V1 est très pratique pour le calcul, mais peut surestimer gravement le gradient si la
vélocité d’amont est élevée. Ceci est particulièrement important en position aortique ; ne pas tenir
compte de la vélocité dans la chambre de chasse conduit à une surestimation du gradient à travers la
valve aortique de 9 à 30 mmHg (voir Figure 11.96). L’équation de Bernoulli simplifiée est très précise
sauf dans trois circonstances :
 Vmax d’amont (V1) > 1.5 m/s ; utiliser alors l’équation complète : ΔP = 4 • (V22 – V12) ;
 Présence de deux sténoses successives ;
 Longue sténose (effet tunnel) ou hématocrite élevé (Ht > 60%).
L’axe de mesure Doppler doit toujours être le plus voisin possible de celui du flux mesuré. Le calcul du
gradient entre deux cavités permet de mesurer la pression dans l'une lorsqu'on connaît celle de l'autre.
Par exemple, la Vmax d’une insuffisance tricuspidienne donne le gradient de pression entre le VD et
l’OD en systole ; si l’on ajoute la POD à ce gradient, on obtient la pression systolique du VD, en
principe équivalente à la PAP systolique (voir Figure 11.119) : PAPs = 4 • (Vmax IT) 2 + POD.
Conditions hémodynamiques
Les mesures faites à partir des flux Doppler sont évidemment influencées par l'état hémodynamique du
patient. Pour la même surface d'ouverture, le gradient à travers une valve augmente si :
 Le volume systolique/diastolique augmente;
 La pression d'amont s'élève;
 La pression d'aval s'abaisse.
Le gradient s'abaisse dans les conditions inverses. Lorsqu'on procède à des mesures quantitatives
(surface d'une sténose ou orifice de régurgitation d'une insuffisance, par exemple), il est de la plus haute
importance de rétablir des conditions hémodynamiques aussi proches que possible de la norme
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
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(normovolémie, normotension, contractilité satisfaisante), quitte à imposer momentanément un test
d'effort au malade avec un vasoconstricteur et/ou un agent inotrope. D'autre part, il est toujours
préférable de se baser sur les mesures les moins dépendantes de l'hémodynamique, comme la
planimétrie bidimensionnelle (lorsqu'elle est faisable) ou le diamètre de la vena contracta.
D'une manière générale, les valvulopathies causées par des lésions organiques sont moins dépendantes
de l'hémodynamique que les insuffisances fonctionnelles. Mais en salle d'opération, le patient est dans
une situation très différente de celle d'un cabinet de cardiologie. Il est endormi et ventilé en pression
positive, son tonus sympathique est diminué (baisse des RAS et du débit cardiaque), le régime de
pression à l'intérieur de sa cage thoracique est anormal. Dans ces conditions, une insuffisance mitrale
peut diminuer de moitié [134].
Calculs hémodynamiques
Gradient de pression entre 2 cavités (équation de Bernoulli)
ΔP = 4 • (V22 – V12)
Si V1 < 1.5 m/s : ΔP = 4 • (Vmax) 2
Equation de continuité
S1 • V1 = S2 • V2 d’où : S2 = (S1 • V1) / V2
Flux (dans un vaisseau ou à travers un orifice)
F = S (cm2) • Vmax (cm/s)
Volume systolique
VS = S (cm2) • ITV (cm)
(ITV : intégrale des vélocités mesurées par l’enveloppe du flux spectral au Doppler pulsé ou continu)
Place de l'ETO peropératoire
L’échocardiographie transoesophagienne (ETO) occupe une place privilégiée dans la chirurgie
valvulaire, car elle y a un impact très important [51,216,217].
 Elle oriente l’anesthésiste et l’opérateur sur la meilleure technique pour assurer l’équilibre
hémodynamique et optimaliser l’intervention chirurgicale. En chirurgie valvulaire, le taux de
modification du plan thérapeutique décidée sur la foi de l’ETO peropératoire est de 11-14%,
alors qu'elle est en moyenne de 7% dans l'ensemble de la chirurgie cardiaque [54,77,216,221].
De plus, dans 6-8% des cas, l’ETO met en évidence une lésion cardiaque non suspectée à
l’évaluation préopératoire et justifiant une correction supplémentaire non planifiée [87,305].
 Avant la CEC, elle permet d’apprécier l’anatomie fonctionnelle du coeur, c’est-à-dire la manière
dont les structures se sont adaptées à la valvulopathie et le degré de décompensation encouru
par le myocarde (Figure 11.12). En cas de polyvalvulopathie, cet examen permet de juger des
lésions prédominantes, et contribue à définir quelle est la pathologie primaire et quelles sont les
lésions secondaires ou fonctionnelles.
 Après la CEC, elle permet un contrôle immédiat de la qualité de la reconstruction valvulaire et
du fonctionnement des prothèses ; elle met en évidence d’éventuels défauts résiduels. Elle
justifie retour en CEC pour corriger une anomalie (fuite paravalvulaire, plastie inadéquate) dans
2-6% des cas [54,77,87,216]; cette reprise dans le même temps opératoire évite une réopération
ultérieure dont la mortalité serait plus élevée.
 Pour l’anesthésiste, l’ETO offre un monitorage inégalé de la volémie dans des situations où les
pressions de remplissage sont de mauvais repères à cause de la dysfonction diastolique et de la
valvulopathie. Elle permet une analyse très pointue de la fonction ventriculaire malgré le
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
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remodelage des cavités et malgré les variations de charge et de performance systolique en cours
d’interventions. Elle permet de diagnostiquer des effets hémodynamiques comme une sténose
dynamique de la chambre de chasse du VG, qui sont indiscernables par une autre méthode.
 L’ETO fait intégralement partie de certaines interventions parce que cette imagerie est
nécessaire au placement de canules ou de prothèses particulières et à la visualisation instantanée
de l'acte chirurgical (implantation de prothèses stentless ou de prothèses endovasculaires,
chirurgie minimalement invasive, plasties percutanées, etc).
L'ETO peropératoire est une recommandation formelle lors de plasties valvulaires, lors de mise en place
de prothèse sans monture ou d'homogreffe, et en cas d'endocardite; elle est souhaitable, mais pas
indispensable, pour la mise en place de prothèse mécanique ou de bioprothèse montée [23].
L’examen doit toujours être complet: morphologie et fonction des deux ventricules, anatomie des
valves, flux couleur et Doppler spectral, calcul des gradients et des surfaces d'ouverture. Toute
divergence entre les différents éléments doit trouver une explication. Les mesures de flux étant
dynamiques, elles sont tributaires de l'état circulatoire du patient, qui est notablement modifié par
l’anesthésie. Les insuffisances, par exemple, diminuent de 1 à 2 degrés sur une échelle de quatre du
simple fait de l’anesthésie générale [134]. Toute quantification d’une régurgitation doit se faire après
avoir rétabli une hémodynamique normale, au besoin par un vasopresseur artériel. Lorsque le malade est
arythmique, les mesures doivent être effectuées sur des cycles cardiaques dont la durée de la diastole
correspond à une fréquence d’environ 70 battements/minute; elles doivent être répétées et moyennées.
Après une plastie valvulaire, l’ETO est essentielle pour juger de la reconstruction: étanchéité, prolapsus
résiduel, restriction au flux antérograde, obstruction dynamique, etc. Une fuite résiduelle doit être testée
dans des conditions hémodynamiques sévères (PAM 90-100 mmHg). Le contrôle immédiat d’une
plastie mitrale a une excellente valeur prédictive à moyen terme, car il n’y a pas de changement évolutif
significatif dans l’importance de la régurgitation entre la valeur trouvée en fin de CEC et celle
diagnostiquée au sixième mois postopératoire [64,268]. Après la mise en place d’une prothèse
valvulaire, l'ETO devra répondre à plusieurs questions:





Les fuites sont-elles quantitativement normales ?
Existe-t-il une fuite paravalvulaire ?
L'ouverture est-elle libre et la fermeture présente-t-elle une coaptation normale ?
Les flux et les gradients sont-ils dans les normes pour le type de prothèse ?
Quel est l'effet du remplacement d'une valve sur le fonctionnement des autres ? faut-il intervenir
sur d'autres valves ?
 Existe-t-il une obstruction dynamique de la chambre de chasse ?
 La fonction ventriculaire est-elle adéquate ?
 Est-il apparu des altérations de la cinétique segmentaire ?
Les corrections mitrales et aortiques impliquent l'ouverture des cavités gauches, cavités dans lesquelles
l'air s'infiltre aisèment. Au cours de la mise en charge, il est expulsé avec le flux sanguin et donne lieu à
des embolies artérielles, principalement dans les coronaires et dans la circulation cérébrale. Comme leur
échogénicité est très élevée, les bulles d'air sont très bien visibles à l'échocardiographie (Figure 11.26).
Ce sont de petites taches brillantes et oblongues, dont le long axe est perpendiculaire à celui des
ultrasons. Elles dansent dans le flux et s'accumulent dans les régions supérieures des cavités, où elles
forment des zones extrêmement échogènes accompagnées d'un important cône d'ombre. Les ultrasons
sont très performants dans la détection de l'air, puisqu'ils voient des bulles de l'ordre de 20 à 50 µm de
diamètre. Malheureusement, ils ne permettent pas une quantification précise, mais seulement une
évaluation grossière de la quantité d'air en circulation. Ce phénomène est fréquent après chirurgie
valvulaire, puisque de l'air est visible à l'ETO dans 73 - 100% des cas [310]. Les endroits préférentiels
d'accumulation sont [240]:
 Les veines pulmonaires supérieures droite et gauche;
 La partie haute du septum interauriculaire sur son versant gauche;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
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



L'angle mitro-aortique;
Le septum apical du ventriculaire gauche (en position de Trendelenburg);
Le sinus de Valsalva droit de l'aorte;
Pour évaluer l'importance de l'embolisation systémique, on peut observer les bulles dans l'aorte
descendante et pivotant la sonde d'ETO vers l'arrière.
A
VPG
VPD
B
OG
Aorte
VG
C
Ant
Post
© Chassot 2011
Figure 11.26 : Accumulation d’air dans le cœur gauche en fin de CEC. A : l’air provient de la cardiotomie gauche
et des veines pulmonaires droite (VPD) et gauches (VPG) ; il a tendance à s’accumuler aux endroits surélevés :
angle entre le septum interauriculaire et le toit de l’OG, angle mitro-aortique, septum interventriculaire antéroapical (en position de Trendelenburg). B : vue 4 cavités avec d’innonbrables bulles dans l’OG et le VG, ainsi que
deux zones d’accumulation contre le septum interauriculaire et dans les trabéculations du septum interventriculaire
antéro-apical. C : embolisation d’air dans le muscle papillaire postérieur (territoire de la coronaire droite).
Un certain nombre de manoeuvres permettent de vidanger les poches d'air et d'empècher leur
embolisation dans des vaisseaux critiques :
 Maintien d'une aspiration continue par la canule de cardioplégie en place dans la racine de
l'aorte ascendante ;
 Secousses et manipulations du coeur;
 Roulis de la table d'opération;
 Position de Trendelendburg;
 Hyperinflation et compression pulmonaire;
 Stimulation inotrope;
 Vidange auriculaire par ponction directe à l'aiguille et aspiration;
 Vidange ventriculaire par ponction apicale ou transseptale.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
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Souvent, les dernières bulles se délogent lors des changements de position du patient, comme au
moment de sa mise au lit. Elles peuvent être la source de perturbations hémodynamiques abruptes
souvent mal interprétée: ischémie dans le territoire de la CD ou des pontages aorto-coronariens veineux,
choc cardiogène.
Quelle qu'en soit la quantité, l'air doit être éliminé dans toute la mesure du possible, car il peut être
responsable d'une morbidité importante lorsqu'il embolise par voie systémique. Le premier site
d'embolisation est la coronaire droite, qui émerge de l'aorte sur sa face antérieure droite. C'est pour cette
raison anatomique qu'une ischémie inféro-postérieure est souvent diagnostiquée à l'ECG peu après la
sortie de pompe (sus-décalage ST en DII). L'air s'introduit très facilement dans les pontages aortocoronariens veineux, car ils sont implantés à la face antérieure de l'aorte ascendante. La plupart du
temps, cette embolisation se résout spontanément en augmentant la pression de perfusion, mais elle peut
conduire à un infarctus postérieur. Le troisième site d'embolisation est la carotide droite, qui se trouve
dans l'axe de l'aorte ascendante. Toutefois, il n'existe pas de données dans la littérature actuelle qui
établissent une corrélation directe entre la présence ou la quantité d'air dans le coeur gauche et les
déficits neurologiques postopératoires.
En cours de remplacement valvulaire aortique (RVA), des débris de valve ou d'athérome aortique
peuvent aisément se fourvoyer dans les ostia coronariens, occasionnant une image d’ischémie
tronculaire avec surélévation du segment ST à la sortie de CEC. Après chirurgie mitrale, on peut
rencontrer une akinésie latérale étendue sur lésion de l'artère circonflexe occasionnée par des points de
fixation implantés trop au large de l'anneau dans sa partie latérale.
Place de l'ETO en peropératoire
Intérêt de l'ETO dans la chirurgie valvulaire:
- évaluation de la volémie et de la fonction ventriculaire indépendante de la compliance et du
remodelage;
- modification de la stratégie chirurgicale sur la base de l'ETO pré-CEC dans 6-8% des cas;
- contrôle immédiat de la reconstruction valvulaire ou du fonctionnement de la prothèse
(retour en CEC dans 2-6% des cas);
- visualisation de l'acte chirurgical en temps réel dans les implantations valvulaires ou les
plasties percutanées;
- débullage des cavités gauches;
- mise en évidence immédiate de complications liées à la chirurgie;
- diagnostic d'une obstruction dynamique de la chambre de chasse.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
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Situations particulières
Apparition des symptômes
La relation entre le flux et le gradient de pression à travers une sténose est exponentielle; en effet, la
résistance au fluide dans un tube est fonction de la quatrième puissance de son rayon (loi de Poiseuille)
(voir Figure 5.121). L'augmentation de la résistance au flux est négligeable lorsque le rétrécissement de
surface est inférieur à 50%, et faible jusqu'à 70% ; elle ne devient significative qu'à 75% et au-delà; une
sténose doit donc être sévère pour devenir symptomatique. Comme la résistance varie avec la puissance
3 de la surface et que le rétrécissement progresse à raison de 0.1 cm2 par an en moyenne, l'évolution
clinique se précipite dès que la sténose est serrée. En cas de sténose aortique, par exemple, la survie est
inférieure à 2 ans lorsque la dyspnée apparaît.
Le gradient de pression à travers une sténose s'élève avec le carré de la vélocité (loi de Bernoulli); la
résistance augmente donc de manière exponentielle avec l'accroissement du flux sanguin. C'est la raison
pour laquelle une épreuve d'effort, qui acélère le flux, peut démasquer de manière objective l'apparition
de symptômes chez un patient qui dit n'en pas ressentir. D’une manière générale, les symptômes
surviennent avant la décompensation ventriculaire dans les sténoses valvulaires, alors que les
insuffisances se caractérisent par une dégradation fonctionnelle du VG qui s’installe avant la survenue
de la symptomatologie clinique.
L'amélioration des résultats chirurgicaux ces vingt dernières années et la possibilité de réaliser des
plasties plutôt que des remplacements valvulaires a poussé à intervenir plus tôt dans l'évolution de la
maladie, alors que les patients sont encore paucisymptomatiques et que la fonction ventriculaire est peu
modifiée.
Epreuve d’effort
En cas de sténose aortique, l'ergométrie ou l'écho de stress à la dobutamine permettent d'objectiver
l'indication opératoire dans trois circonstances différentes [198,259]:
 Hibernation myocardique ischémique;
 Valvulopathie paucisymptomatique;
 Sténose serrée mais faible gradient de pression (≤ 30 mmHg).
Dans le premier cas, l'hypokinésie ou l'akinésie sont réversibles et bénéficieront d'une revascularisation
coronarienne. Dans le deuxième cas, la survenue de dyspnée, d'angor ou d'hypotension en cours d'effort
pose l'indication au remplacement valvulaire. En effet, un test anormal (symptômes, modification ST,
augmentation du gradient > 18 mmHg ou augmentation de la pression artérielle de < 20 mmHg) sont
des facteurs indépendants de morbidité et de mortalité à 2 ans [186].
Dans le troisième cas, le problème est de déterminer laquelle des deux possibilités est présente:
 Sténose aortique organique serrée accompagnée d'une défaillance ventriculaire gauche
secondaire ou aggravée par l'excès de postcharge;
 Sténose aortique fonctionnelle due à une incapacité du VG défaillant à ouvrir correctement une
valve simplement sclérosée.
L'examen au repos, que ce soit une échocardiographie, un CT-scan ou une IRM, ne permet pas de
différencier les deux situations, qui ont pourtant des sanctions thérapeutiques très différentes. En effet,
le remplacement valvulaire aortique (RVA) est bénéfique dans le premier cas (survie à 5 ans 65%,
versus 11% pour le traitement médical), mais non dans le second, où le traitement est celui de
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
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l'insuffisance ventriculaire [315]. La situation s’éclaircit en examinant le rapport entre la vélocité dans la
chambre de chasse du VG (VCCVG) et celle à travers la valve aortique (VVAo) pendant un écho de stress à
la dobutamine (perfusion 5-10 mcg/kg/min) (Figure 11.27) [130].
 Si la sténose est organique et fixe, l’ouverture reste inchangée mais le gradient augmente à
travers la CCVG et à travers la valve sous l’effet de la dobutamine. Le rapport VCCVG / VVAo
reste inchangé (0.2) car la Vmax augmente de manière proportionnelle dans la CCVG (de 0.6 à
1.0 m/s) et dans la valve aortique calcifiée (de 3 à 5 m/s).
 Si la sténose est fonctionnelle, l’ouverture valvulaire devient plus grande mais le gradient
transvalvulaire ne se modifie pas. L’augmentation de contractilité du VG se traduit par une
élévation de la Vmax dans la CCVG (de 0.6 à 1.0 m/s) mais non à travers la valve aortique (3
m/s), car celle-ci s’ouvre davantage sous l’effet du plus grand volume systolique sans que son
gradient s’élève ; le rapport VCCVG / VVAo va donc augmenter (0.33).
 Le test, qui peut être réalisé en salle d’opération, permet également d’évaluer la réserve
contractile du VG ; le pronostic est amélioré si le volume systolique augmente de > 20%.
VCCVG/VVAo
CCVG
CCVG
S1 x V1
VAo
S2 x V2
VAo
Figure 11.27: Rapport des vélocités entre la chambre de chasse du VG et la valve aortique (VCCVG/V Ao). Le
volume qui traverse la CCVG à chaque systole est le même que celui qui traverse la valve aortique; le
rétrécissement de la valve impose une acélération au flux; le produit de la surface (S) et de la vélocité (V) reste
constant. La vélocité du flux augmente donc proportionnellement au degré de rétrécissement. Dans une sténose
aortique serrée, le rapport VCCVG/V Ao est < 0.25, comme on le voit dans l’enregistrement Doppler continu à droite;
dans ce cas, la VCCVG est 0.8 m/s et la VAo est 5.1 m/s; le rapport est 0.16, signant une sténose très serrée. Dans le
cas d’une prothèse aortique, dont la surface est légèrement restrictive, le rapport doit rester > 0.4, sans quoi la
valve est trop petite pour accomoder le volume systolique sans développer un gradient excessif.
Dans une sténose mitrale, l'épreuve de stress à la dobutamine différencie les patients dont le gradient
transvalvulaire dépasse 15 mmHg ou dont la PAP augmente au-delà de 60 mmHg, même s'ils sont
encore asymptomatiques au repos [24,259]. Ces cas sont de bons candidats pour un remplacement
valvulaire mitral (RVM).
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
49
Lors d'insuffisance mitrale (IM) sévère asymptomatique, ou lors d'IM modérée peu symptomatique au
repos, une échocardiographie de stress permet de distinguer les patients dont la PAP dépasse 60 mmHg
à l'effort, car ils bénéficient d'une plastie mitrale précoce [24,189]. Dans l'IM ischémique, la pathologie
est située dans le ventricule; le pronostic est nettement moins favorable que dans les maladies
valvulaires proprement dites, aussi bien pour la reconstruction chirurgicale et la revascularisation que
pour le traitement médical. L'écho de stress est utile pour définir la ligne thérapeutique dans
essentiellement trois circonstances [260]:
 Dyspnée d'effort hors de proportion avec l'importance de l'IM au repos;
 Episodes d'OAP sans cause évidente;
 IM modérée avant revascularisation chirurgicale.
Epreuve d'effort
Dans le cadre des valvulopathies, l'écho de stress à la dobutamine est très utile pour poser l'indication
opératoire dans 3 circonstances:
- patient paucisymptomatique;
- sténose serrée mais faible gradient transvalvulaire;
- hibernation myocardique.
L'indication opératoire est confirmée lorsque le test d'effort révèle que:
- la PAP systolique augmente à > 60 mmHg dans la sténose ou l'insuffisance mitrale; le gradient
augmente à > 15 mmHg dans la sténose mitrale;
- le gradient augmente à travers la valve aortique; si la sténose est fonctionnelle, le ventricule
gauche ouvre davantage la valve sous dobutamine et le gradient reste inchangé;
- l'hypokinésie/akinésie est réversible sous dobutamine.
Insuffisance valvulaire aiguë
Une insuffisance valvulaire aiguë présente deux caractéristiques qui la rendent particulièrement
redoutable pour la prise en charge au bloc opératoire:
 Aucune adaptation n'a eu le temps de se développer (hypertrophie, dilatation, etc);
 L'intervention chirurgicale est le plus souvent urgente.
La fuite valvulaire massive et brutale entraîne une cascade de complications: dilatation ventriculaire,
défaillance du VG, tachycardie, hypotension, choc cardiogène et œdème pulmonaire. Les causes
habituelles sont multiples [300]:
 Valve aortique
o Endocardite;
o Dissection A;
o Traumatisme;
 Valve mitrale
o Rupture de cordage ou de pilier;
o Endocardite;
o Décompensation du VG, ischémie aiguë , moycardite (IM fonctionnelle);
 Prothèse valvulaire
o Ailette bloquée (valve mécanique);
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
50
o Déchirure (bioprothèse);
o Fuite paravalvulaire (déhiscence, endocardite, lâchage de suture).
Le tableau clinique est celui d'un choc cardiogène, accompagné de douleurs thoraciques dans le cas de
la dissection ou de fièvre dans celui de l'endocardite. Le patient est tachycarde, hypotendu, dyspnéique
et tachypnéique. Les critères échocardiographiques de sévérité s'appliquent mal à ces situations très
instables où le volume régurgité se modifie facilement en fonction des RAS, de la précharge ou de la
contractilité. Comme le régime de pression est bas et l'orifice de régurgitation est grand, la Vmax du jet
de l'insuffisance est très diminuée; l'étendue du jet couleur sous-estime l'importance du volume
régurgité. Toutefois, la largeur du jet à son origine (vena contracta) reste un critère fiable pour quantifier
la lésion. Le CT-scan ou l'IRM peuvent fournir des images plus précises lorsque l'échocardiographie est
incomplète. Le cathétérisme n'est pas utile; seule la coronarographie peut être nécessaire lorsque le
patient souffre d'une IM ischémique et qu'il présente des symptômes coronariens.
Le traitement est avant tout chirurgical, le traitement médical (vasodilatateurs, inotropes, IPPV) n'étant
qu'une phase de stabilisation. La contre-pulsion intra-aortique (CPIA) est très utile en cas d'IM mais
contre-indiquée en cas d'IA.
Insuffisance mitrale aiguë
Bien que compliante, l'OG ne peut pas accommoder l'augmentation de volume que produit l'IM parce
qu'elle n'est pas dilatée; sa pression augmente, une onde "v" de ≥ 30 mmHg est visible sur la courbe de
PAPO, et l'œdème pulmonaire se développe rapidement. Le ventricule gauche subit une surcharge de
volume majeure, puisqu'une partie du volume systolique ne fait que des allers-retours entre le VG et
l'OG. La présence d'une IM sévère lors d'un épisode d'ischémie coronarienne aiguë est un facteur
aggravant majeur pour la mortalité, quel que soit le traitement; si une revascularisation chirurgicale est
indiquée, la correction simultanée de l'IM améliore le pronostic [200]. Lorsqu'elle est possible, une
plastie mitrale est toujours préférable à un remplacement valvulaire, sauf en cas de pathologie complexe
rallongeant excessivement le temps opératoire [300].
Insuffisance valvulaire aiguë
Etiologies:
- IA: endocardite, dissection A, traumatisme;
- IM: rupture de pilier/cordage, endocardite, décompensation VG (IM fonctionnelle), akinésie
aiguë (IM ischémique);
- Prothèse: ailette bloquée, déchirure, fuite paravalvulaire.
Par rapport à une insuffisance qui s'est établie sur des années, l'insuffisance aiguë est caractérisées par:
- absence d'adaptation et de remodelage;
- défaillance ventriculaire grave;
- opération en urgence.
Les critères échocardiographiques de la régurgitation chronique sont mal applicables. A cause du choc
cardiogène et de l'hypotension artérielle, l'étendue du jet couleur et sa Vmax sont très diminuées.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
51
Insuffisance aortique aiguë
Le ventricule gauche subit également une surcharge de volume massive, mais sous une pression bien
plus élevée puisqu'il est rempli à chaque diastole par la pression aortique. Le choc cardiogène baisse la
pression systolique, si bien que la pression différentielle n'est pas un critère de sévérité dans
l'insuffisance aortique aiguë. L'élévation brutale de la pression diastolique du VG occasionne une
fermeture prématurée de la valve mitrale; l'OG se vide mal dans le VG, et la PAPO sous-estime la
pression télédiastolique réelle du VG. L'ischémie myocardique est fréquente, parce que la pression de
perfusion coronarienne est très diminuée: d'une part, la pression aortique diastolique est basse, d'autre
part, la pression intraventriculaire gauche est élevée.
Valvulopathies et chirurgie non-cardiaque
Lors de l'évaluation préopératoire, il n'est pas rare de découvrir une valvulopathie chez des malades de
chirurgie générale [114]. Cette situation pose la question d'un éventuel remplacement valvulaire avant
de procéder à l'intervention (voir Annexe C).
Sténose aortique
Environ 5% des patients de > 65 ans souffrent d’une sténose aortique [235]. Or les valvulopathies
sténosantes imposent une restriction hémodynamique qui ne permet aucune adaptation du débit
cardiaque. Le volume systolique devient fixe, et dépend de la fréquence : la bradycardie diminue
linéairement le débit, et la tachycardie freine le remplissage en raccourcissant la diastole (sténose
mitrale) ou limite l'éjection en raccourcissement la systole (sténose aortique). Comme le débit est fixe,
la pression artérielle dépend étroitement des résistances périphériques.
Les critères de sévérité de la sténose aortique sont [24] :
 Sténose serrée : surface < 0.6 cm2/m2, gradient moyen > 50 mmHg, gradient maximal > 100
mmHg ;
 Sténose modérée : surface 0.6 – 1.0 cm2/m2, gradient moyen 25 - 50 mmHg.
La présence d’une sténose aortique modérée multiplie le risque opératoire par trois; lorsqu'elle est
sévère, elle le multiplie par cinq, quelle que soit la catégorie de risque du patient ou le nombre de
facteurs de risque associés [166,269]. Le risque opératoire est lié à 5 facteurs :





La sévérité de la sténose ;
La tolérance à l’effort du patient ;
La fonction ventriculaire gauche ;
La présence de coronaropathie associée ;
La gravité de l’opération chirurgicale planifiée.
Lorsqu’elle est symptomatique (angor, syncope et/ou dyspnée), une sténose aortique serrée découverte
dans le préopératoire de chirurgie générale doit être corrigée avant de procéder à l’intervention noncardiaque quelle qu'elle soit [108,318]; il est préférable d'utiliser une bioprothèse afin d'éviter les
problèmes d'anticoagulation. Lorsqu'elle est asymptomatique, il existe deux cas de figure (Figure 11.28)
[39,53,318].
 L'intervention prévue est majeure (chirurgie de l’aorte abdominale, chirurgie hépatopancréatique, etc); dans ce cas, il est prudent de prévoir un remplacement valvulaire aortique
(RVA) avant la chirurgie non-cardiaque; si le VG est dilaté et sa fonction déjà diminuée, le
RVA préopératoire est également conseillé, même si le patient est asymptomatique.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
52
 La chirurgie prévue est de type intermédiaire ou mineur: le RVA ne se justifie pas; même si elle
est de 15-25%, la morbidité cardiaque est la même que chez les patients qui présentent une
sténose mineure-à-modérée. Toutefois, plus la sténose est serrée, plus le risque d'hypotension
peropératoire est élevé et plus le contrôle hémodynamique doit être rigoureux.
Sténose aortique modérée
2
2
2
S 1.0-1.5 cm (0.6-1 cm /m )
Gradient moyen < 45 mmHg
Sténose aortique serrée
2
2
2
S < 1.0 cm (< 0.6 cm /m )
Gradient moyen > 50 mmHg
Asymptomatique
Chirurgie
intermédiaire
& mineure
Asymptomatique
Chirurgie
majeure
& vasculaire
Symptomatique
Dysfonction
du VG
RVA
Coronaropathie
associée
RVA + PAC
Opération
sans préparation
Opération +
β-bloqueur
Risque élevé :
Implantation
percut/transapicale
Opération vitale/urgente:
ad op chir non-cardiaque
(évent. valvuloplastie percut)
© Chassot 2011
Figure 11.28 : Algorithme de prise en charge du malade porteur d’une sténose aortique (modifié d’après
références 23 et 53). Lorsqu’elle est symptomatique (angor, syncope et/ou dyspnée), une sténose aortique serrée
découverte dans le préopératoire de chirurgie générale doit être opérée (remplacement valvulaire) avant de
procéder à l’intervention non-cardiaque. Lorsque le patient doit subir une intervention élective majeure (chirurgie
de l’aorte abdominale, chirurgie hépato-pancréatique), il est prudent de prévoir un remplacement valvulaire
aortique (RVA) en cas de sténose serrée même asymptomatique ; par contre, une chirurgie intermédiaire ou
mineure ne justifie pas un RVA préopératoire chez un patient asymptomatique. Dans les cas à haut risque
(mortalité prévisible > 20%), le RVA en CEC peut être remplacé par l’implantation percutanée ou transapicale
d’une prothèse valvulaire montée dans un stent. La présence d’une dysfonction du VG aggrave le pronostic et
renforce l’indication à un RVA préopératoire. En cas de coronaropathie associée, on procède à des PAC
simultanément au RVA ; s’il n’y a pas d’indication au RVA et que l’intervention est vitale ou urgente, on procède
à la chirurgie générale sous cardioprotection d’aspirine et de β-bloqueur. Une opération vitale ou urgente est
possible en cas de sténose aortique serrée asymptomatique, bien que le risque opératoire soit augmenté par un
facteur de cinq. Si la sténose est symptomatique, il est prudent d’au moins dilater la sténose (valvuloplastie
percutanée) en préopératoire, si la lésion s’y prête.
Une opération urgente ou vitale est possible en cas de sténose aortique serrée asymptomatique, bien que
le risque opératoire soit augmenté par un facteur de cinq (odds ratio 5.2) [166]. La présence d’une
dysfonction du VG aggrave le pronostic et renforce l’indication à un RVA préopératoire, mais cette
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
53
indication est essentiellement basée sur le bénéfice à long terme du malade, car le RVA lui-même
affiche une mortalité de 2% en-dessous de 70 ans et de 5% au dessus de 75 ans [23,24]. Si la sténose est
symptomatique, il est éventuellement possible de dilater la valve en préopératoire (valvuloplastie
percutanée), pour autant qu’elle ne soit pas calcifiée ni accompagnée d’une insuffisance. Dans les cas à
haut risque pour la chirurgie cardiaque (mortalité prévisible > 20%), le RVA en CEC peut être remplacé
par l’implantation percutanée ou transapicale d’une prothèse valvulaire montée dans un stent (TAVI)
(voir Endoprothèses valvulaires et Chapitre 10, Implantation valvulaire aortique).
Sténose mitrale
L’attitude générale est identique pour une sténose mitrale. Une sténose serrée (S < 0.6 cm2/m2)
accompagnée d’une hypertension pulmonaire (PAP systolique > 50 mmHg) et/ou de symptômes
cliniques commande un remplacement valvulaire ou une valvuloplastie percutanée en préopératoire.
Une sténose serrée asymptomatique avec une PAPsyst < 50 mmHg permet la chirurgie non-cardiaque;
toutefois, il est préférable de procéder à un RVM avant une chirurgie majeure [318].
Le contrôle de la fréquence cardiaque est primordial ; en cas de FA et/ou de dilatation massive de l’OG,
l’anticoagulation est requise à cause de la stagnation sanguine dans l’oreillette et du risque de thrombus.
Insuffisance valvulaire
La chirurgie générale n’est pas contre-indiquée en cas d’insuffisance valvulaire mitrale (IM), aortique
(IA) ou tricuspidienne (IT), même majeure, pour autant qu’elle n’entraîne pas de décompensation
ventriculaire ni de symptômes cliniques au repos. Chez les patients symptomatiques avec dysfonction
ventriculaire (FE < 0.30), seule la chirurgie vitale est possible [318]. L’adéquation hémodynamique est
maintenue par une postcharge basse et un soutien inotrope positif. La découverte d'une insuffisance
valvulaire doit générer deux questions chez l'anesthésiste:
 Quelle est l'importance de la régurgitation ? Seule une insuffisance sévère présente des risques
significatifs, par ordre croissant: IT < IM < IA;
 Quel est son mécanisme ? Une IM fonctionnelle traduit une pathologie ventriculaire sousjacente potentiellement dangereuse, alors qu'une IM organique (prolapsus, RAA) est une
affection stable.
La fraction régurgitée maximale supportée chroniquement par le VG sans décompenser est de 40% pour
l'IM et de 30% pour l'IA. Cette dernière est l'insuffisance la plus dangereuse, car la pression de
remplissage du ventricule est bien plus élevée que dans l’IM ou l’IT, puisqu'il s'agit de la pression
artérielle diastolique. En chirurgie générale, les malades souffrant d'IA modérée-à-sévère présentent une
morbi-mortalité cardiaque trois fois plus élevée que la population standard [183].
Prothèse valvulaire
La présence d'une prothèse valvulaire soulève deux problèmes: la gestion de l'anticoagulation et la
prophylaxie de l'endocardite. Après pose de prothèse mécanique, une anticoagulation complète est
requise à vie, alors qu’après une prothèse biologique, l’anticoagulation n’est nécessaire que pendant 3
mois (voir Tableau 11.4). L’aspirine est maintenue de manière définitive et ne doit pas être
interrompue. De nombreuses interventions peuvent se dérouler en maintenant l'anticoagulation prescrite,
mais d'autres nécessitent son interruption. La manière de gérer cet arrêt varie selon les prothèses
[23,258,318].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
54
 Prothèse mécanique bi-ailette aortique, pas de facteurs de risque: arrêt des dicoumarines 48-72
heures préopératoires de manière à ce que l'INR descende à 1.5, et reprise à 24 heures
postopératoires.
 Prothèse mécanique mitrale, prothèse mécanique aortique avec facteurs de risque: arrêt des
dicoumarines 72 heures préopératoires, remplacement par une perfusion d'héparine non
fractionnée (HNF, 15'000 U/12 heures) pour un INR à 2.0 – 2.5; interruption de la perfusion 4-6
heures préopératoires et reprise dès que possible en postopératoire. Les héparines de bas poids
moléculaire (HBPM, 100 U/kg/12 heures) à doses thérapeutiques peuvent être une solution de
remplacement, mais les recommandations actuelles donnent la préférence à l'HNF.
 Prothèse biologique: maintenir l'aspirine; pendant les 3 premiers mois après implantation:
comme dans le premier cas.
Tableau 11.4
Thérapeutique antithrombotique après remplacement valvulaire
Dicoumarine
INR 2.0 – 3.0
Prothèses mécaniques
- < 3 mois après remplacement valvulaire
- > 3 mois après RVA, thrombogénicité basse
- > 3 mois après RVA, thrombogénicité élevée
- RVA avec facteurs de risque
- RVM
Prothèses biologiques
RVA
- < 3 mois après RVA simple
- < 3 mois après RVA avec facteurs de risque
- > 3 mois après RVA simple
- > 3 mois après RVA avec facteurs de risque
RVM
- < 3 mois après RVM simple
- < 3 mois après RVM avec facteurs de risque
- > 3 mois après RVM simple
- > 3 mois après RVM avec facteurs de risque
Dicoumarine
INR 3.0 – 3.5
Aspirine
75-100 mg/j
+
+
(±)
+
+
+
+
+
+
+
(±)
+
+
+
+
+
+
+
(±)
+
+
+
(±)
+
Prothèses à basse thrombogénicité: St Jude Medical, MCRI On-X, Carbomedics, Medtronic Hall.
Prothèses à thrombogénicité élevée: Starr-Edwards.
Facteurs de risque: fibrillation auriculaire, dysfonction ventriculaire (FE < 0.35), hypercoagulabilité, thromboembolie anamnestique, contraste spontané à l'échocardiographie, rétrécissement mitral. Quel que soit le type de
prothèse, le risque est plus élevé en position mitrale ou tricuspide qu'en position aortique.
Aspirine: les recommandations européennes [318] sont plus restrictives que les recommandations américaines
[23]; elles ne prévoient l'aspirine que s'il y en a d'autres indications (stents, maladie vasculaire, etc) ou si
l'anticoagulation est insuffisante pour prévenir la thrombose.
RVA: remplacement valvulaire aortique. RVM: remplacement valvulaire mitral.
Sources: références 258, 318.
Lorsqu'elle est prescrite, l'aspirine est maintenue en périopératoire. La perfusion de vitamine K peut
induire un renversement vers un état d'hypercoagulabilité très dangereux. De ce fait, il est préférable
d'utiliser du plasma frais décongelé pour améliorer la coagulation. La prophylaxie de l'endocardite est
nécessaire chez tout patient porteur de matériel prosthétique lorsqu'une bactériémie est probable (voir
Prophylaxie de l'endocardite).
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
55
Chirurgie non-cardiaque et valvulopathie
Sténose aortique serrée (S < 0.6 cm2/m2) symptomatique: RVA préopératoire.
Sténose aortique serrée asymptomatique:
- chirurgie majeure élective: RVA préopératoire préférable;
- chirurgie mineure & intermédiaire: opération sans correction valvulaire.
Sténose modérée: opération sans correction valvulaire.
Sténose mitrale serrée (S < 0.6 cm2/m2) symptomatique: RVM préopératoire.
Sténose mitrale serrée/modérée asymptomatique: opération sans correction valvulaire.
Insuffisance aortique, mitrale ou tricuspidienne sévère : opération sans correction valvulaire, sauf si
décompensation ventriculaire ou symptômes au repos. Degré de risque : IA > IM > IT.
Insuffisance valvulaire modérée : opération sans correction valvulaire.
Chez les porteurs de prothèse valvulaire, remplacer les dicoumarines par une perfusion d'héparine.
Prophylaxie antibiotique nécessaire chez tout patient porteur de matériel prosthétique lorsqu'une
bactériémie est probable.
Valvulopathies et grossesse
Idéalement, la valvulopathie devrait être diagnostiquée et traitée avant le début de la grossesse: même
asymptomatiques, la sténose mitrale et la sténose aortique serrées doivent être opérées au préalable chez
les femmes qui désirent enfanter [23,267a,318]. En effet, la grossesse se caractérise par une
augmentation de 30-50% du débit cardiaque dès le 5ème mois, par une hypervolémie, par une baisse des
RAS, par une tachycardie et par une hypercoagulabilité. Les complications des valvulopathies
surviennent en général pendant le troisième trimestre de la grossesse. Elles se caractérisent par une
péjoration de l'état clinique (passage à une classe fonctionnelle III-IV), des arythmies, et un oedème
pulmonaire [11].
Les pathologies les plus fréquemment rencontrées chez la jeune femme sont la sténose mitrale, la
bicuspidie aortique, l'IM ou l'IA avec décompensation gauche et le syndrome de Marfan avec IA et
anévrysme de l'aorte ascendante. Pour plus de précision sur le sujet, voir Chapitre 22 (Grossesse et
chirurgie cardiaque).
Sténose mitrale
La sténose mitrale est la cardiopathie rhumatismale la plus fréquemment rencontrée chez la femme
enceinte. Elle impose une quasi-fixité au débit cardiaque. Elle est très mal tolérée pendant la grossesse
dès que la surface mitrale est < 1.5 cm2, même si la patiente est préalablement asymptomatique [318].
Comme le gradient à travers la valve est proportionnel au débit cardiaque et que ce dernier augmente
pendant la deuxième moitié de la grossesse, il s'élève d'environ 25%, et la pression augmente dans
l'oreillette gauche; ce phénomène conduit à la stase et à l'oedème pulmonaires. L'OAP est associé à un
risque élevé de fausse-couche [76]. D'autre part, la tachycardie qui accompagne l'augmentation du débit
raccourcit dangereusement la diastole, et le débit antérograde chute. La mortalité maternelle augmente
avec la péjoration de l'état clinique. De 1% lorsque la mère est en classe I-II, elle s'élève à 5% en classe
III et à 14-17% en classe IV, surtout en cas de fibrillation auriculaire [143]. Les enfants nés de mères
souffrant de sténose mitrale ont un poids de naissance inférieur à la moyenne.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
56
La césarienne est souvent préférée car elle évite les difficultés d'un long travail, mais la délivrance par
voie basse est éventuellement possible [118]. La péridurale ne modifie pas significativement
l'hémodynamique si l'installation du bloc est très progressive. Si une intervention de sauvetage est
nécessaire pendant la grossesse parce que le traitement médical est insuffisant et que la surface mitrale
est inférieure à 1 cm2, il est préférable de procéder à une commissurotomie percutanée par ballon; cette
intervention est possible si la valve n'est pas calcifiée. On évite autant que possible de devoir procéder à
un remplacement valvulaire en CEC pendant la grossesse, car les risques sont élevés pour le fœtus
(mortalité fœtale 20-30%) [7].
Insuffisance mitrale
Deuxième par ordre de fréquence, l'insuffisance mitrale est en général mieux tolérée, surtout pendant la
grossesse où la vasodilatation modérée et la tachycardie améliorent la situation hémodynamique. Par
contre, la stimulation sympathique du travail peut augmenter les résistances périphériques et accroître la
régurgitation. Seuls 5% des cas se compliquent d'OAP et 4% de tachyarythmie auriculaire [8]. Le
prolapsus mitral est en général bien supporté. L'accouchement par voie basse sous péridurale est
parfaitement réalisable.
Sténose aortique
La fixité du débit cardiaque imposé par la sténose aortique est la cause d'une détérioration
hémodynamique chez 20% des mères souffrant de la maladie, le plus souvent secondaire à une
bicuspidie. Lorsque le gradient moyen est > 50 mmHg, la mortalité par insuffisance gauche peut s'élever
jusqu'à 11%, avec un pic dans la période du péripartum [294]. La tachycardie est mal supportée.
L'hypovolémie est plus à craindre que l'OAP. Comme il est absolument nécessaire de maintenir la
précharge et les résistances périphériques, la rachi-anesthésie est contre-indiquée pour l'accouchement.
La péridurale est possible, en veillant à une installation très progressive du bloc et en maintenant les
résistances périphériques avec un vasoconstricteur [8,11].
Insuffisance aortique
Encore davantage que pour l'IM, la vasodilatation modérée et la tachycardie de la grossesse améliorent
la situation hémodynamique dans une IA, mais la situation peut se péjorer lors des stimulations
sympathiques du travail et de l'accouchement. Le risque est fonction du degré de symptomatologie de la
parturiente. La péridurale est le meilleur choix, sauf en cas de syndrome de Marfan où la césarienne
sous AG est plus sûre pour prévenir les poussées hypertensives liées au travail par voie basse (risque de
dissection aiguë).
Prothèses valvulaires
La mortalité maternelle oscille entre 1% et 4%, principalement à cause des problèmes thromboemboliques [271,318]. Les anti-vitamine K font courir des risques d'abortus, de prématurité et
d'embryopathie lorsqu'ils sont administrés entre la 6ème et la 12ème semaine, et d'hémorragie cérébrale
foetale pendant le travail. Ils doivent être remplacés par de l'héparine non-fractionnée qui est sûre pour
le fœtus [146].
Traitement
Le traitement des valvulopathies en cours de grossesse a pour but de diminuer la symptomatologie et de
permettre le développement du bébé jusqu'à l'accouchement; il ne vise aucunement l'avenir à long terme
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
57
de la mère [267a,318]. Les sténoses serrées symptomatiques malgré le traitement médical peuvent être
dilatées par voie percutanée; les insuffisances peuvent en général être contrôlées par vasodilatateurs et
diurétiques. Un remplacement valvulaire en CEC pendant la grossesse n'est justifiable que si la vie de la
mère est en danger et que la technique percutanée est contre-indiquée [318]; la mortalité fœtale en CEC
est de 20-30% [7]. L'interruption de la grossesse est justifiée en cas de [267a]:
 Dilatation et dysfonction du VG en aggravation (FE < 35%);
 Syndrome de Marfan avec IA et dilatation de l'aorte ascendante > 4.5 cm;
 Sténose aortique ou mitrale serrée symptomatique, non dilatable par voie percutanée.
Si les conditions hémodynamiques sont stables, l'accouchement par voie basse est en général possible;
la péridurale diminue les conséquences hémodynamiques du travail, mais le bloc doit être installé
lentement pour éviter les modifications de précharge et de postcharge. La césarienne sous AG est
indiquée principalement en cas de syndrome de Marfan avec IA et dilatation sévère de l'aorte, en cas
d'instabilité hémodynamique sur sténose aortique, ou en cas de maintien de l'anticoagulation [318].
Grossesse et valvulopathie
Corriger la valvulopathie avant la grossesse; même asymptomatique, la sténose serrée est une indication
au RVA ou au RVM. En cas de décompensation en cours de grossesse, privilégier les interventions
percutanées, car la mortalité fœtale voisine 30% en CEC. Avec un traitement médical adéquat, l'IM et
l'IA sont en général tolérées pendant la grossesse et l'accouchement.
L'interruption de grossesse est indiquée en cas de décompensation ventriculaire progressive, de
syndrome de Marfan (IA + dilatation de l'aorte ascendante) et de sténose aortique ou mitrale serrée
symptomatique non dilatable.
Prophylaxie de l'endocardite
Les jets de haute vélocité et la présence de matériel prosthétique sont une cause de lésions endothéliales
occasionnant le dépôt de plaquettes et de fibrine; lors d'une bactérémie, des organismes peuvent
facilement coloniser ces lésions et développer un foyer d'endocardite [233]. Ce phénomène concerne
quatre situations pathologiques réclamant une prophylaxie antibiotique en cas d'intervention
chirurgicale pouvant entraîner une bactériémie.
 Présence de matériel prosthétique; le risque d’endocardite est le plus élevé avec les prothèses
mécaniques et les constituants étrangers (anneaux, tubes, patch, matériel implanté) ; il est
moindre avec les bioprothèses ; il est le plus faible avec les homogreffes;
 Valvulopathies à haut stress mécanique ou accompagnées de dégénérescence et de lésions
tissulaires (RAA) ;
 Cardiopathies congénitales cyanogènes ou avec lésion à haute vélocité (CIV);
 Anamnèse d'endocardite.
Les cardiopathies non-cyanogènes à basse vélocité (CIA, FOP, coarctation) et les valvulopathie à faible
stress mécanique (maladie de Barlow, IM ischémique ou fonctionnelle, obstruction sous-aortique
dynamique) sont des lésions à bas risque ne nécessitant pas de prophylaxie hormis les cas où l'acte
chirurgical le justifie [232].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
58
Bien qu'une prophylaxie antibiotique soit nécessaire dans les cas à haut risque, les recommandations
récentes [232,233,318] penchent pour une attitude plus équilibrée entre les risques liés aux
antibiotiques, qui sont importants, et les bénéfices de la prophylaxie, qui sont peu significatifs. Cette
dernière n'est donc plus systématiquement recommandée pour toute opération, à moins qu'elle ne fasse
partie de la procédure chirurgicale elle-même. Quelques remarques s'imposent [23,233].
 Lors de procédures dentaires, la prophylaxie antibiotique n'est justifiée que dans les situations
où il y a effraction de la gencive, perforation de la muqueuse, chirurgie péri-apicale, ou abcès
dentaire.
 Les interventions endoscopiques génito-urinaires ou digestives (cystoscopie, gastroscopie, ETO,
colonoscopie, etc) ne nécessitent pas de prophylaxie en l'absence d'infection active.
 A l'exception de la résection amygdalienne, la prophylaxie n'est plus recommandée pour les
interventions sur l'arbre respiratoire en l'absence d'infection active.
 La prophylaxie n'est plus recommandée en cas sténose aortique, de sténose mitrale, de
bicuspidie aortique sans conséquence hémodynamique, de coarctation de l'aorte, de prolapsus
mitral, d'insuffisance fonctionnelle ou de cardiomyopathie obstructive, sauf si elle est justifiée
par l'intervention chirurgicale elle-même.
L'antibiothérapie est dirigée contre l'organisme causal, qui est dans 80% des cas un streptocoque ou un
staphylocoque; un entérocoque est en général associé aux néoplasies et aux manipulations du tube
digestif ou de l'appareil génito-urinaire [23]. L'Haemophilus et les Candida sont des causes importantes
chez les patients porteurs de prothèses immunodéprimés ou contaminés par voie intraveineuse.
L'antibiothérapie recommandée est résumée dans le Tableau 11.5 [15,227].
Tableau 11.5
Prophylaxie antibiotique
Chirurgie "propre" (CCV, OTR)
Neurochirurgie
Chirurgie ORL
Dentisterie
Urologie
Chirurgie pulmonaire
Chirurgie oesophagienne
Chirurgie gastro-duodénale
Chirurgie des voies biliaires
Chirurgie colo-rectale
Appendicectomie
Chirurgie gynécologique
Césarienne
Interruption de grossesse
1er trimestre
2ème trimestre
céphalosporine 1ère ou 2ème génération
cefuroxime
céphalosporine 1ère ou 2ème generation
amoxicillin, ampicilline ou cefazoline
ciproflaxine
céphalosporine 1ère ou 2ème génération
céphalosporine 1ère ou 2ème génération
céphalosporine 1ère ou 2ème génération
céphalosporine 1ère ou 2ème génération,
ou amoxicilline – acide clavulanique (Augmentin)
céphalosporine 1ère ou 2ème génération + metronidazole,
ou cefoxitine (Mefoxitin)
ou amoxicilline – acide clavulanique (Augmentin)
ou néomycine + erythromycine
céphalosporine 1ère ou 2ème génération + metronidazole,
ou cefoxitine (Mefoxitin)
ou amoxicilline – acide clavulanique (Augmentin)
céphalosporine 1ère ou 2ème génération
ou cefoxitine (Mefoxitin)
ou amoxicilline – acide clavulanique (Augmentin)
céphalosporine 1ère ou 2ème génération
Pénicilline ou Doxycycline
céphalosporine 1ère ou 2ème génération
ou amoxicilline – acide clavulanique (Augmentin)
D'après références 15, 227, 233.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
59
Lors d'endocardite d'une une valve native traitée médicalement, certaines complications sont une
indication à une intervention chirurgicale:




Présence d'une défaillance ventriculaire congestive, le plus souvent sur IM ou IA aiguë;
Présence de bloc AV, d'abcès aortique ou de lésions destructrices (fistule, perforation);
Résistance de la lésion à l'antibiothérapie (non-régression);
Embolisation récurrente sur des végétations > 10 mm.
Une plastie valvulaire est toujours préférable à la mise en place d'une prothèse dans ce contexte; si une
reconstruction aortique est requise, on utilise de préférence une homogreffe. Lorsque l'endocardite se
développe sur une prothèse valvulaire, d'autres indications s'ajoutent à celles mentionnées ci-dessus:
déhiscence de la prothèse, fuite paravalvulaire, blocage des ailettes, bactérémie persistante malgré une
antibiothérapie adéquate.
Prophylaxie de l'endocardite
Indications:
- présence de matériel prosthétique;
- valvulopathies à haut stress mécanique ou accompagnée de dégénérescence tissulaire;
- cardiopathies congénitales cyanogènes ou à haute vélocité;
- anamnèse d'endocardite.
La prophylaxie n'est plus recommandée en cas de sténose aortique ou mitrale simple, de bicuspidie
aortique sans conséquence hémodynamique, de prolapsus mitral, d'insuffisance fonctionnelle ou de
cardiomyopathie obstructive, sauf si elle est justifiée par l'intervention chirurgicale elle-même.
Indications à la chirurgie valvulaire (en plus du traitement médical en cours):
- défaillance ventriculaire sur IM ou IA;
- bloc AV, abcès aortique, fistule, perforation;
- non-régression des lésions;
- embolisation de végétations > 10 mm.
Indications chirurgicales particulières en cas d'endocardite sur prothèse:
- déhiscence;
- fuite paravalvulaire;
- blocage;
- bactériémie persistante.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
60
Chirurgie valvulaire
Indications opératoires
La sévérité des symptômes cliniques est un bon critère de l’inadéquation hémodynamique imposée par
la valvulopathie, mais elle est mal corrélée avec l’importance anatomique de la lésion telle qu’on la
découvre à l’échocardiographie, à l'IRM ou au cathétérisme; cette divergence empêche de poser des
indications opératoires sur le seul aspect des examens paracliniques. D’une manière générale, les
symptômes apparaissent avant la décompensation ventriculaire dans les sténoses valvulaires, alors que
les insuffisances se caractérisent par une dégradation fonctionnelle du VG qui s’installe avant la
survenue de la symptomatologie clinique [22]. De ce fait, l’indication opératoire est plus facile à poser
dans les sténoses que dans les insuffisances.
Les maladies valvulaires évoluent en trois stades successifs, qu’elles franchissent à un rythme variable
selon les lésions [239]:
 Stade où la compensation est adéquate: le patient est asymptomatique ;
 Stade où les symptômes sont discrets et n’apparaissant qu’à l’effort, car les mécanismes de
compensation sont encore adéquats pour les conditions de base ;
 Stade de décompensation: les symptômes sont sévères, apparaissent au repos, et les lésions sont
irréversibles.
Si l’indication opératoire est facile à poser lorsque les malades sont symptomatiques ou qu’ils répondent
aux critères de valvulopathie sévère (voir les définitions pour chaque valve), il est plus difficile de
décider d’une opération chez un patient asymptomatique ou paucisymptomatique. Dans ces conditions,
plusieurs critères interviennent.
 Le suivi échocardiographique permet de repérer le moment où les dimensions du ventricule ou
de l’oreillette se modifient significativement. Au-delà des limites supérieures normales (DtsVG >
2.5 cm/m2, DtdVG > 4.0 cm/m2, DOG > 5.0 cm), il est recommandé de procéder à une correction
valvulaire, même chez les malades paucisymptomatiques [23]. Toutefois, ces critères se sont
avérés inadaptés aux femmes souffrant d’insuffisance valvulaire, car elles sont symptomatiques
avant d’atteindre ces degrés de dilatation [177].
 Une diminution de la performance systolique ou l’apparition d’arythmies (FA) déterminent
également le moment d’intervenir [23,24,159].
 Les tests d'effort permettent de débusquer les patients asymptomatiques à cause d'une limitation
spontanée de leur activité mais dans l'impossibilité d'accomplir un exercice sans augmentation
excessive du gradient de pression ou de la PAP systolique [259,260].
 Bien qu’il soit un facteur de risque indépendant en chirurgie valvulaire, l’âge (> 75 ans) n’est
plus guère une contre-indication à la chirurgie, en particulier pour la sténose aortique [288].
 La tendance à procéder à des plasties plutôt qu'à des remplacements valvulaires et
l’amélioration des résultats chirurgicaux de ces reconstructions ont conduit à poser l’indication
opératoire plus tôt dans l’évolution de la maladie, donc à opérer des patients en meilleur état
clinique.
D’une manière générale, l’échocardiographie est devenue suffisamment performante pour apporter
toutes les données nécessaires à l’indication opératoire. L’épreuve d’effort permet de stratifier le risque
individuel chez les patients asymptomatiques, dont la réduction d’activité physique masque la réalité de
la maladie (voir Epreuve d'effort). Un cathétérisme n’est pratiqué plus que dans les cas douteux (<
5%); une coronarographie est faite en cas de symptomatologie ischémique ou au-delà de 45 ans si un
remplacement valvulaire en CEC est prévu.
Toute insuffisance aortique, si minime soit-elle, fait courir un risque de dilatation ventriculaire au cours
de la cardioplégie par la racine aortique au début de la CEC, parce que le coeur cesse de battre
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
61
efficacement et n'éjecte plus le volume qu'il reçoit (Figure 11.29). Il faut attentivement surveiller la
taille de la cavité ventriculaire à l'ETO, et, si la pression est basse, éviter de céder à la tentation
d’injecter des vasoconstricteurs qui accentueraient la fuite aortique. Toute augmentation de la taille du
VG impose de le masser et de le drainer pour le vider.
Figure 11.29 : Schéma illustrant
le risque de dilatation du VG en
cas d’IA lors du début de CEC et
lors de la cardioplégie. En début
de CEC, la canule artérielle (1)
débite dans l’aorte ascendante ;
comme
le
VG
cesse
progressivement
d’éjecter,
il
risque de se remplir par l’IA tant
que le clamp aortique (2) n’a pas
bloqué le flux vers la valve qui
fuit. La solution de cardioplégie
(3) est administrée dans la racine
de l’aorte pour perfuser les
coronaires ; en cas d’IA, une
partie de la solution fuit dans le
VG et risque de le dilater
puisqu’il ne se contracte plus.
2
Aort
e
1
3
OG
V Ao
VG
© Chassot 2011
Prothèses valvulaires
Types de prothèses valvulaires
Les différents types de prothèses valvulaires sont classés en valves mécaniques et en valves biologiques.
Les prothèses mécaniques comprennent essentiellement trois modèles.
 Valve à bille (Starr-Edwards), constituée d’une bille en Silastic™ oscillant à l’intérieur d’une
cage faite de deux arcs fixés sur un anneau (acier) recouvert de Teflon™ ; à l’ouverture, le flux
passe autour de la bille ; la valve est étanche lorsqu’elle fermée (Figure 11.30); la surface
efficace d'ouverture est faible et l'encombrement considérable. Cette prothèse n'est plus
implantée, mais on croise encore quelques patients qui en sont porteurs.
 Valve à disque oscillant (Medtronic-Hall™, Bjork-Shiley™) : un disque en pyrolocarbone
oscille autour d’un pivot excentré à l’intérieur d’un anneau, laissant le passage par deux orifices
de taille inégale ; lorsqu’elle fermée, la valve a des petites fuites sur ses bords ou sur le pivot
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
62
central (Figure 11.31). Ces prothèses ne sont plus guère utilisées sauf dans certains cœurs
artificiels, mais on peut en rencontrer occasionnellement.
Figure 11.30 : Valve de Starr-Edwards. Hémodynamiquement, elle présente 2 orifices différents : l’anneau (large
orifice circulaire) et la périphérie de la bille (orifice annulaire entre la bille et la paroi aortique ou ventriculaire, de
surface effective plus restreinte) [Extrait de: Zipes DP et al, eds. Braunwald's Heart disease, 7th ed.
Philadelphia:Elsevier Saunders, 2005. Figure 57.47].
Figure 11.31 : Valve à disque oscillant (Medtronic-Hall™, Bjork-Shiley™). A l’ouverture, la valve présente un
grand et un petit orifice. L’angle du disque est de 70° par rapport à l’axe du flux, ce qui crée une résistance dans le
grand orifice et des tourbillons dans le petit. A la fermeture, des fuites apparaissent dans les bords et, pour certains
modèles, sur l’axe du pivot au centre du disque [Extrait de: Zipes DP et al, eds. Braunwald's Heart disease, 7th ed.
Philadelphia:Elsevier Saunders, 2005. Figure 57.47].
 Valve à double ailette (St.Jude Medical™, Carbomedics™, ATS™, On-X™) en titane et
pyrolocarbone : lorsqu’elles ont ouvertes, les ailettes forment un angle de 85° avec le flux, qui
passe par 2 orifices en demi-lune de chaque côté et par un petit orifice central de section
rectangulaire où le gradient est plus important. En position fermée, les ailettes font un angle de
25° avec le plan de l’anneau et présentent de petites fuites sur les bords (jonction ailette –
anneau) et au niveau des pivots (Figure 11.32). La prothèse On-X™, faite en pyrolocarbone
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
63
sans alliage, se fixe en position supra-annulaire, ce qui permet de gagner une taille, soit 2 mm
de diamètre. Le flux et le gradient se mesurent dans les deux orifices latéraux et non dans le
petit orifice central, où le gradient est jusqu’à 40-50% plus élevé [319,336]. Ces prothèses ont
une durée de vie d’au-moins 25 ans.
A
B
C
Figure 11.32 : Valve à double ailette (St.Jude Medical™, Carbomedics™, ATS™). A : valve mécanique bi-ailette
(Extrait de: Zipes DP et al, eds. Braunwald's Heart disease, 7th ed. Philadelphia:Elsevier Saunders, 2005. Figure
57.47). B : schéma et image ETO d’une valve bi-ailette ouverte en position mitrale. Lorsqu’elles ont ouvertes, les
ailettes forment un angle de 85° avec le flux, qui passe par 2 orifices en demi-lune de chaque côté et par un petit
orifice central de section rectangulaire où le gradient est plus important. C : schéma et image ETO d’une valve biailette fermée en position mitrale. En position fermée, les ailettes font un angle de 25° avec le plan de l’anneau et
présentent des fuites d’autolavage sur les bords et au niveau des pivots. La prothèse est mise en place avec ses
ailettes en position anti-anatomique par rapport aux feuillets de la valve mitrale, raison pour laquelle le profil dans
lequel on voit les deux ailettes est situé entre 30° et 80° à l’ETO.
Les anneaux sont recouverts de Dacron™ ou de Teflon™ tressé permettant l’ancrage des sutures. Les
valves à double ailette sont les plus couramment utilisées, car elles offrent le meilleur profil
hémodynamique. Les prothèses mécaniques ont normalement des fuites d’autolavage dont le but est de
prévenir le dépôt de fibrine et de plaquettes sur le bord libre des ailettes et sur la partie interne de
l’anneau, car cela pourrait bloquer le mouvement ou empêcher l’étanchéité. Ces fuites représentent une
fraction de régurgitation ≤ 5%. Les prothèses mécaniques nécessitent une anticoagulation à vie en visant
un INR 3.0 – 3.5 pour les RVM et 2.0 – 3.0 pour les RVA, avec addition d'aspirine (75-250 mg/j) s'il n'y
a pas de contre-indication (Tableau 11.4) [23,318].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
64
Les valves biologiques sont faites en tissu valvulaire de porc ou en péricarde bovin; cette catégorie
comprend aussi les homogreffes (tissu humain) et les hétérogreffes (tissu animal). Le tissu est préparé
dans un bain de glutaraldéhyde qui en réduit l’antigénicité mais en altère les propriétés mécaniques ; les
valvules deviennent moins souples, se calcifient et dégénèrent à long terme. Leur durée de vie
fonctionnelle est de 10 à 15 ans; elle est inversement proportionnelle à l'âge du patient, étant plus
prolongée chez les personnes âgées. Les bioprothèses ont un taux d'attrition plus élevé en position
mitrale qu'en position aortique. Elles peuvent être montées ou non sur une armature. Elles ne réclament
une anticoagulation que pendant 3 mois (INR 2.5), après quoi l’endothélialisation est complète [23].
L'administration d'aspirine à long terme est discutable dans les bioprothèses, à moins qu'il y en ait
d'autres raisons (coronaropathie, stent, artériopathie, etc) [318], mais elle est le plus souvent prescrite de
routine [23] (Tableau 11.4).
 Bioprothèses montées classiques ; valve aortique porcine (Carpentier-Edwards™, Hancock™),
ou valvules en péricarde bovin (Carpentier-Edwards Perimount™) montées sur un anneau
métallique et suspendues par leurs commissures à 3 picots verticaux (Figure 11.33). Les
valvules ont une certaine inertie à l’ouverture à cause de leur relative rigidité. A taille égale, les
orifices effectifs de ces valves sont plus petits que ceux des autres types ; leurs gradients sont
plus élevés. Lorsqu’elles sont fermées, ces valves sont étanches, ou présentent de petites fuites
en général centrales mais parfois aux commissures. A taille égale, les valves en péricarde bovin
ont de meilleures performances que les valves porcines et un taux d’attrition inférieur [324]: à
15 ans, 75% des valves en péricarde bovin sont fonctionnelles contre < 50% des valves porcines
[253].
A
B
C
Figure 11.33 : Prothèse valvulaire biologique (Extrait de: Zipes DP et al, eds. Braunwald's Heart disease, 7th ed.
Philadelphia:Elsevier Saunders, 2005. Figure 57.49). A : bioprothèse de Carpentier-Edwards. B : prothèse fermée
en position aortique ; les 3 feuillets sont dans la même position que ceux de la valve native. C : prothèse ouverte
en position aortique ; l’ouverture est pratiquement circulaire et facilement mesurable par planimétrie
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
65
 Bioprothèses montées de nouvelle génération; un anneau plus fin (Carpentier-Edwards
Perimount Magna™, en péricarde bovin) permet d'augmenter le diamètre interne de 2 mm pour
le même diamètre externe; sa configuration particulière autorise une fixation supra-annulaire
qui permet de gagner une taille par rapport à une prothèse standard. Une réduction de la taille
des picots (St.Jude Biocor™, valve porcine) et un traitement particulier de la valve porcine
(Medtronic Mosaic™) donnent un avantage mécanique, réduisent le risque de calcification et
augmentent la durée de vie (70% à 20 ans) [83].
 Bioprothèses sans monture (stentless) (Freestyle™, Toronto SPV™, CryoLife™, Freedom
Solo™, à base de valve porcine avec couverture externe en tissu de polyester) : à diamètre égal,
elles ont un orifice plus grand et un gradient plus faible que les autres valves. Leur
configuration et leur absence d’anneau ne permettent une utilisation qu’en position aortique ; le
diamètre de l’anneau aortique du patient et celui de sa jonction sino-tubulaire ne doivent pas
différer de > 10% pour que la prothèse soit correctement suspendue à ses commissures (Figure
11.34A). Ces valves sont techniquement plus difficiles à implanter car les points de fixation
doivent être rigoureusement équidistants sur la prothèse et sur l’anneau aortique du patient, mais
leur taux d’endocardite et de thrombose est très bas. Elles sont en principe indiquées chez les
malades de > 60 ans qui ont de petits anneaux aortiques.
B
A
AP
Suture
distale
Valvule
Suture
proximale
CCVD
Figure 11.34 : Bioprothèses. A : bioprothèse sans monture (Toronto SPV™ stentless bioprosthesis) en position
aortique. La base de la valve est fixée à l’anneau aortique ; les commissures sont suspendues à la jonction sinotubulaire ; le diamètre de cette dernière ne doit pas différer de > 10% de celui de l’anneau aortique, sans quoi la
coaptation des cuspides ne se fait plus normalement. Un espace libre peut se voir à l’échocardiographie entre la
valve et la paroi des sinus de Valsalva (Extrait de: Savage RM, Aronson S. Comprehensive textbook of
intraoperative transesophageal echocardiography. Philadelphia:Lippincott, Willliams & Wilkins, 2005. Figure
30.19). B : conduit valvé en jugulaire de bœuf (Contegra™) en position pulmonaire ; on distingue clairement les
valvules et la paroi très échogène de l’hétérogreffe (flèches vertes).
 Homogreffes : valve mitrale ou valve aortique (avec manchon d’aorte ascendante) prélevées sur
des cadavres humains et conservées dans l’azote liquide (- 196°C). Bien qu’elles aient un taux
d’attrition accéléré, elles sont résistantes aux infections et sont particulièrement indiquées en cas
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
66
de remplacement valvulaire pour endocardite [164]. Leur problème est leur faible disponibilité
et leur risque de malposition à l’implantation, qui est plus difficile que celle d’une valve
montée.
 Hétérogreffes : la jugulaire de boeuf est un conduit valvé qui, préparé au glutaraldéhyde et
cryopréservé (Contegra™), peut remplacer la voie d’éjection droite (CCVD, valve pulmonaire
et tronc de l’AP) (Figure 11.34B).
 Autogreffe : l’opération de Ross consiste à substituer la valve aortique par la valve pulmonaire
du patient ; cette dernière est remplacée par une hétérogreffe ou une homogreffe (voir
Chirurgie de la valve aortique, CEC et post-CEC et Figure 11.111). Le principal intérêt de
la technique est de permettre la croissance, car la néo-valve aortique se développe en même
temps que l'enfant.
 Conduit valvé VG – aorte descendante : en cas de réopérations multiples, il est possible de
court-circuiter la racine aortique au moyen d’un tube en Dacron muni d’une prothèse valvulaire,
qui est implanté dans l’apex du VG et anastomosé en termino-latéral sur l’aorte descendante ;
l’opération se pratique par thoracotomie gauche sans CEC [62,237a].
Hémodynamique
Chaque type de prothèse a des caractéristiques hémodynamiques qui lui sont propres. Toutefois, la
surface d’ouverture d’une prothèse valvulaire est plus petite que la surface normale de la valve native ;
elle varie de 1.2 cm2 (bioprothèse aortique 21) à 3.5 cm2 (valve mécanique mitrale 33). De ce fait, le
gradient de pression est significatif ; le gradient moyen varie de 4 mmHg (St.Jude mitrale) à 15 mmHg
(bioprothèse aortique) (Tableaux 11.6, 11.7 et 11.8) [16,238,258,318]. A taille égale, les gradients vont
par ordre croissant : homogreffes < bioprothèses non-montées (stentless) < valves mécaniques <
bioprothèses montées (stented). Le gradient maximal est considéré comme anormal lorsqu'il est > 35
mmHg au niveau aortique et > 10 mmHg au niveau mitral.
Tableau 11.6
Hémodynamique des prothèses valvulaires (I)
Comparaison entre valve mécanique, bioprothèse et hétérogreffe
Prothèses aortiques
- St Jude HP
- Carpentier-Edwards
- Medtronic Hall
- Hétéro/homogreffe
Prothèses mitrales
- St Jude Medical
- Carpentier-Edwards
- Homogreffe
Vélocité maximale
Gradient maximal
Gradient moyen
Surface effective
2.2 m/s
2.6 m/s
2.4 m/s
1.9 m/s
15 mmHg
20-30 mmHg
23 mmHg
15 mmHg
8-10 mmHg
13-15 mmHg
13 mmHg
8 mmHg
1.5 - 3 cm2
1.2 - 2 cm2
1.3 cm2
> 2.5 cm2
1.5 m/s
1.6 m/sec
1.6 m/sec
4-6 mmHg
5-10 mmHg
4-5 mmHg
3-5 mmHg
4-6 mmHg
3-4 mmHg
3.0 cm2
2.3 - 3 cm2
2.3 - 3 cm2
Les valeurs dépendent de la taille de la valve; il s’agit ici d’ordres de grandeur. La surface efficace des valves
mécaniques est supérieure à celle des valves biologiques. Sources: références 238, 282.
Le gradient de pression est une donnée très dépendante des conditions hémodynamiques. A
l'échocardiographie peropératoire, on peut facilement surestimer le gradient d’une prothèse, donc sousestimer sa surface, à cause de plusieurs phénomènes [37,219,335].
 La géométrie des prothèses induit un phénomène de récupération de pression (pressure
recovery) : la loi de la conservation d'énergie fait que la pression baisse lorsque la vélocité
augmente dans la zone rétrécie, mais l'énergie cinétique est retransformée en pression dès que le
flux ralenti au-delà du rétrécissement [297]. Or le Doppler calcule le ΔP à partir de la Vmax, qui
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
67






correspond au point le plus rétréci du flux; cette zone est en général très courte (1-3 mm) et la
pression ré-augmente rapidement dans la chambre d'aval (voir Figure 11.25 et Figure 11.91).
Ce phénomène est plus important dans les prothèses que dans les valves natives; il augmente
avec la taille de la valve, parce que les turbulences créées par les petites prothèses font perdre de
l'énergie cinétique. Pour ces raisons, le gradient moyen est un meilleur critère que le gradient
maximal [336].
La récupération de pression est d'autant plus faible que la discordance entre la prothèse et la
chambre de réception est plus importante, parce que l'énergie est gaspillée en turbulences; ainsi
une aorte de grande taille diminue la pression d'aval parce que la perte d'énergie occasionnée
par les turbulences y est majeure. Le gradient excessif mesuré au Doppler tend donc à sousestimer la surface d'ouverture réelle dans les petites prothèses et dans les grandes aortes [336].
En position aortique, la vélocité dans la chambre de chasse du VG est fréquemment supérieure à
1.5 m/s après remplacement de la valve en cas de sténose et d’HVG. Il est alors impératif
d’utiliser l’équation modifiée de Bernoulli ΔP = 4 • (V22 – V12) et non sa version simplifiée (ΔP
= 4 • V2). Omettre la soustraction de la Vmax dans la CCVG conduit à une surestimation du
gradient de 9 à 30 mmHg (voir Figure 11.96).
Les calculs de surface comme le temps de demi-pression ou l'équation de continuité (voir
Chapitre 25, Temps de demi-pression, Equation de continuité) supposent que les orifices sont
circulaires, ce qu'ils ne sont pas dans les prothèses mécaniques. D'autre part, la mesure du
diamètre de la CCVG est délicate à cause de la brillance et des ombres de la prothèse.
Le gradient est augmenté de 40% dans la partie centrale des valves à double ailette; il doit donc
être mesuré avec l’axe du Doppler dans l’un des deux larges orifices latéraux; dans les prothèses
biologiques, il est mesuré au milieu de la valve.
En sortant de CEC, le flux est accéléré à cause de la stimulation catécholaminergique et de
l’augmentation momentanée du volume systolique (transfusion, haut débit, extrasystolie); la
vélocité artificiellement accélérée à travers la prothèse tend à sous-estimer la surface réelle.
Une basse pression dans la racine de l’aorte (vasoplégie, contre-pulsion intra-aortique,
anévrysme de l’aorte ascendante) augmente le gradient d’une prothèse aortique par diminution
de la pression d’aval. Avec la CPIA, cette différence est de l’ordre de 30 mmHg.
Tableau 11.7
Hémodynamique des prothèses valvulaires (II)
Surface effective des prothèses aortiques (en cm2)
Taille de la prothèse (mm)
Prothèses mécaniques
- St Jude Medical Standard
- St Jude Medical Regent
- Carbomedics
- Medtronic Advantage
- Medtronic-Hall
- Sorin Bicarbon
Bioprothèses montées
- Mitroflow
- Carpentier Edwards
- Carpentier Edwards Magna
- Medtronic Mosaic
- Hancock II
Bioprothèses sans monture
- Medtronic Freestyle
- St Jude Medical Toronto SPV
- Prima Edwards
19
21
23
25
27
29
1.0
1.6
1.0
1.4
2.0
1.5
1.7
1.3
1.7
1.5
2.2
1.7
2.2
2.1
2.5
2.0
2.8
2.7
3.6
2.4
3.3
3.2
4.4
2.6
3.9
1.1
1.1
1.3
1.2
1.3
1.3
1.7
1.2
1.2
1.5
1.5
2.1
1.4
1.3
1.8
1.8
2.3
1.6
1.5
2.1
2.2
1.8
1.55
2.0
1.6
1.2
1.4
1.3
1.1
1.5
1.5
1.5
2.0
1.7
1.8
2.3
2.0
2.3
2.5
2.8
1.2
0.8
2.0
Défaut d'appariement patient – prothèse: S < 0.9 cm2 /m2. Source: référence 258.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
68
Au niveau aortique, la manière la plus adéquate d'évaluer le rétrécissement opéré par la prothèse est
d’utiliser le rapport entre la vélocité maximale (Vmax) dans la CCVG et celle mesurée à travers la
valve ; on peut aussi utiliser l’intégrale des vélocités (ITV) au lieu de la Vmax :
Indice de perméabilité = VmaxCCVG / VmaxVAo
= ITVCCVG / ITVVAo
Ce rapport, aussi appelé indice de perméabilité, quantifie l'accélération du flux au niveau de la prothèse
où le diamètre est plus étroit (voir Figure 11.27). Normalement, il voisine 0.5 – 0.7; il doit rester
supérieur à 0.4, sans quoi la prothèse est sténosante [336]. Il permet également de différentier une
élévation du gradient due à un grand volume systolique (hypervolémie, haut débit, sepsis, anémie, IA)
de celle due à une sténose, car il reste normal dans le premier cas; en effet, l'augmentation de la vélocité
est identique dans la CCVG et à travers la prothèse.
Tableau 11.8
Hémodynamique des prothèses valvulaires (III)
Surface effective des prothèses mitrales (en cm2)
Taille de la prothèse (mm)
Prothèses mécaniques
- St Jude Medical Standard
- MCRI On-X
Bioprothèses montées
- Medtronic Mosaic
- Carpentier Edwards
Perimount
- Hancock II
25
27
29
31
33
1.5
2.2
1.7
2.2
1.8
2.2
2.0
2.2
2.0
1.5
1.6
1.5
1.7
1.8
1.8
1.9
2.1
1.9
1.9
2.6
2.6
Défaut d'appariement patient – prothèse: S < 1.2 cm2 /m2. Source: référence 258.
D’une manière générale, le gradient moyen a une valeur plus pertinente que le gradient maximal parce
qu’il dépend moins des conditions hémodynamiques instantanées [104]. De plus, le gradient moyen
calculé à l’échocardiographie a une bonne corrélation avec le gradient moyen angiographique, alors que
le gradient Doppler maximum instantané est en général supérieur au gradient maximum pic-à-pic du
cathétérisme (voir Figure 11.25) [297]. La variabilité individuelle de ces données rend l’évaluation
peropératoire immédiate très utile pour le suivi ultérieur des patients.
La découverte d'un gradient excessif à travers une prothèse (ΔP moyen > 15-20 mmHg en position
aortique, ΔP moyen > 5-7 mmHg en position mitrale) ne signifie par que celle-ci dysfonctionne. Pour
éclaircir la situation, il faut procéder à des investigations échocardiographiques supplémentaires.
 Relever le ΔP à différents endroits de la prothèse; ceci est particulièrement important avec les
valve à double ailette, car la vélocité est plus élevée à travers la fente centrale qu'à travers les 2
grands orifices latéraux;
 En position aortique, mesurer la Vmax dans la CCVG et faire le rapport VCCVG /VVAo; s'il est >
0.4, le fonctionnement valvulaire est normal;
 Calculer la surface effective de la prothèse par rapport à la surface corporelle; si elle est < 0.85
cm2/m2 en position aortique ou < 1.2 cm2/m2 en position mitrale, la taille de la valve est
insuffisante pour le débit cardiaque du patient (voir ci-dessous Discordance patient-prothèse);
 Evaluer l'importance d'une éventuelle insuffisance valvulaire qui augmente le volume systolique
ou diastolique;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
69
 Confronter les mesures échocardiographiques avec les mesures hémodynamiques: existe-t-il
une hypotension artérielle aortique (CPIA), un volume systolique élevé (Swan-Ganz, PiCCO),
un excès de catécholamines β (débit cardiaque) ?
 En dernier recours, mesurer le gradient pic-à-pic à l'aiguille entre le VG et l'aorte ascendante en
cas de RVA, ou entre le VG et l'OG en cas de RVM.
Mortalité opératoire
La mortalité moyenne du remplacement valvulaire reste élevée, toutes catégories de patients confondues
(Tableau 11.9) [157,267,301]:




RVA
RVM
RVT
Racine aorte
2.7 - 5.7%
3.5 - 7.7%
10.7%
11.1%
Tableau 11.9
Mortalité opératoire de la chirurgie valvulaire
PVA*
RVA
Mortalité opératoire
(%)
1.0 – 2.0
1.5 – 3.7
TAVI
RVA + PAC
PVA + racine aortique
RVA + racine aortique
PVM*
RVM
3-7
2.3 – 6.3
3.4
3 – 12
0.8 – 2.8
1.7 – 5.8
CPC-VM
PVM / RVM + PAC
0.5 – 2.0
7 – 10
RVA + RVM
Opération de Ross
PVT**
RVT
5 - 12
3
Simultanée: 1-2
Isolée: 4-7
11
Taux de complications à 10 ans
(%)
12-15
Bioprothèse: 20
Prothèse méc: 3, anticoagul: 7
25 à 1 an, inconnu à 10 ans
30-45
33
40
5
Bioprothèse: 30
Proth méc: 7-10, anticoagul: 7
25-50
30 / 65
Références
2, 220
13, 144, 157, 264,
267, 301, 318
95, 195, 295
157, 267, 301
2, 69
82, 267
74, 123, 157, 223, 301
82, 157, 267, 301, 318
60
VAo: 10, Vpulm: 20-30
10-20
55, 249
103, 132, 157, 161,
184 301
172
68, 306
273, 293, 307
50-70
267, 293
Ces résultats s’entendent sans dysfonction ventriculaire majeure ni comorbidités particulières.
*: Taux d’échec immédiat des plasties: PVA 14%, PVM 6%.
**: la plastie tricuspidienne au cours d’une intervention cardiaque sur d’autres valves augmente la mortalité
opératoire de 1-2%.
PVA: plastie valvulaire aortique. RVA: remplacement valvulaire aortique. TAVI: transcatheter aortic valve
implantation (implantation percutanée ou transapicale de bioprothèse aortique). PAC: pontage aorto-coronarien.
PVM: plastie valvulaire mitrale. RVM: remplacement valvulaire mitral. CPC-VM: commissurotomie percutanée
de la valve mitrale. PVT: plastie valvulaire tricuspidienne. RVT: remplacement valvulaire tricuspidien.
Dans les cas électifs sans risque particulier, la mortalité du RVA est de 2%, celle du RVM de 3-6% et
celle de la plastie mitrale de 1-2% (Society of Thoracic Surgeons 2002). Les patients qui subissent un
remplacement valvulaire entre 60 et 70 ans ont une probabilité de survie à 15 ans de 31% après RVA et
de 16% après RVM [264]. Les variables indépendantes associées à une aggravation de la mortalité sont
par ordre d'importance décroissante (OR : odds ratio) [267]:
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
70





Opération en urgence
Age > 70 ans
Réopération
Endocardite
Coronaropathie associée
OR 2.11
OR 1.88
OR 1.61
OR 1.59
OR 1.58
D'une manière générale, les plasties valvulaires sont associées à une mortalité inférieure de moitié à
celle des remplacements. La prothèse elle-même n'est responsable que de 40-50% de la mortalité à long
terme; l'hémorragie est la cause de 25% des décès pour les valves mécaniques et de 12% pour les
bioprothèses [145].
Critères de choix et devenir
Les valves mécaniques ont une longue durée de vie (> 20 ans sans lésion mécanique) mais réclament
une anticoagulation permanente (INR 2.0-3.5), alors que les bioprothèses ne nécessitent plus
d’anticoagulation dès que l’endothélialisation est complète (> 3 mois). Par contre, la dégradation
structurelle (calcifications, fibrose, déchirures) des valves biologiques fait que 30% d’entre elles ne sont
plus fonctionnelles au-delà de 10 ans [13,264]. Le taux monte à 50% à 15 ans, ce qui impose une
réopération dont la mortalité est élevée (4-15%) [278]. Les bioprothèses Carpentier-Edwards
Perimount™ ont un taux de dégénérescence sensiblement inférieur aux autres modèles [264]. Par
contre, le taux d'embolie, de thrombose, d'endocardite et de mortalité à long terme est pratiquement
similaire avec les valves mécaniques et avec les bioprothèses. Le choix repose donc entre deux
alternatives.
 Prothèses mécaniques: risques liés à l'anticoagulation, mais très longue survie de la prothèse;
 Bioprothèse: survie de la valve limitée à 10-12 ans, mais pas d'anticoagulation.
Les valves biologiques sont indiquées chez les patients à haut risque hémorragique, âgés de plus de 65
ans, ou peu compliants avec la discipline d’un traitement à long terme ; elles sont également indiquées
chez les femmes jeunes qui désirent des grossesses, étant entendu qu'une réopération s'imposera après
une douzaine d'années. Les critères en faveur des prothèses mécaniques sont une espérance de vie
supérieure à 20 ans (âge < 65 ans), l'absence de contre-indication à l'anticogulation, l'anticoagulation
déjà prescrite pour d'autres raisons (FA, par exemple) et des risques élevés de dégénéréscence accélérée
de la prothèse (hypercalcémie, insuffisance rénale, jeune âge) [23,258,318].
Parmi les bioprothèses, le choix se porte en premier lieu sur les prothèses montées. Les prothèses sans
monture (stentless) sont en principe réservées aux personnes âgées avec des anneaux aortiques de petite
taille et une anatomie appropriée [264]. Le taux de détérioration des homogreffes est identique à celui
des bioprothèses, mais leur résistance aux infections en font une bonne solution en cas d'endocardite.
Chez les enfants, l'opération de Ross (autogreffe de la valve aortique au moyen de la valve pulmonaire
du patient et remplacement de cette dernière par une homo/hétérogreffe, voir Figure 11.111) permet la
croissance de la valve aortique, mais sa mortalité opératoire est plus élevée que celle d'un RVA simple
(3-4%), et le taux de réopération au-delà de 12 ans est de 10% pour la valve aortique et de 20-30% pour
l'homogreffe pulmonaire [68,306].
A 10 ans, l’incidence des problèmes liés à une prothèse mécanique est globalement de 3%, et celle liée à
l’anticoagulation de 7% [144]; mais 30% des bioprothèses ne sont plus fonctionnelles à cause de leur
dégradation structurelle [13,264]. Après 20 ans, la comparaison de malades porteurs de valves
mécaniques et de valves biologiques n’affiche pas de différence de mortalité, mais la survie sans
événement majeur et sans changement de valve est bien plus élevée chez les porteurs de valves
mécaniques [248].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
71
Les prothèses sont le plus souvent implantées en position aortique ou mitrale, plus rarement en position
tricuspidienne. Les RVM sont réalisés de préférences avec des valves mécaniques, car les bioprothèses
ont trois inconvénients particuliers en position mitrale.
 Les bioprothèses montées tendent à obstruer partiellement la chambre de chasse avec un de
leurs trois picots ;
 Les prothèses sans monture (stentless) ne sont pas utilisables car il n’existe pas de structure
anatomique tubulaire pour pouvoir les y monter ;
 Le taux d’attrition des bioprothèses en position mitrale est supérieur à celui des mêmes
prothèses en position aortique.
L’appareil sous-valvulaire mitral constitue le squelette interne du VG. S’il est totalement réséqué pour
implanter la prothèse, le VG va progressivement se dilater et devenir sphérique ; sa fonction systolique
diminue alors considérablement. C’est la raison pour laquelle on préserve autant que possible les
feuillets, les cordages et les piliers en fixant la prothèse (Figure 11.35). Ceci est aisé pour autant qu’ils
ne soient pas trop racornis, fibrosés et restrictifs. Dans ce cas, on conserve au moins les cordages de 3ème
ordre.
Fils de fixation
Ecarteur
Feuillet
antérieur
Feuillet
postérieur
Pledgets
OG
Figure 11.35 : Préservation des feuillets et de l’appareil sous-valvulaire en cours de RVM. Les fils de fixation de
la prothèse sont passés sous les feuillets et les cordages (ou ce qu’il en subsiste après résection) et implantés dans
l’anneau mitral sur des pledgets, petits rectangles de téflon assurant la tenue du fil sur le versant auriculaire de
l’anneau.
En position tricuspidienne où le régime de pression est bas, les prothèses mécaniques ont une inertie
plus faible que les bioprothèses, mais ont un risque de thrombose de 1%/an [187]. La survie à long
terme des bioprothèses est meilleure qu’en position mitrale ou aortique parce que le stress mécanique
est plus faible. On évite toutefois les prothèses à base de péricarde, à cause de la rigidité de leurs
feuillets. Quel qu’en soit le type, l’armature de la valve ne correspond pas à la courbure du VD enroulé
autour du VG et gène le mouvement péristaltique longitudinal du VD. Après remplacement valvulaire
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
72
tricuspidien, le taux d’insuffisance cardiaque droite est de 28% (9% après valvuloplastie) et la mortalité
de 11% [293].
Prothèses valvulaires (I)
Les prothèses mécaniques ont une longue durée de vie (> 25 ans) mais nécessitent une anticoagulation
permanente (INR 2.0-3.0 après RVA et 3.0-3.5 après RVM). Les modèles actuels sont à double ailette
(St.Jude Medical, Carbomedics, ATS). Les prothèses biologiques ne réclament une anticoagulation que
pendant 3 mois, mais ont une durée de vie limitée à cause de leur dégradation structurelle; leur taux
d'attrition est de 30% à 10 ans et 50% à 15 ans.
Indications préférentielles des prothèses mécaniques:
- espérance de vie > 20 ans, patient jeune et actif;
- absence de contre-indication à l'anticoagulation ou anticoagulation déjà prescrite;
- risque de dégénérescence accélérée de bioprothèse (hypercalcémie, insuffisance rénale).
Indications préférentielles des bioprothèses:
- âge > 65 ans;
- contre-indication à l'anticoagulation (risque hémorragique élevé, faible compliance au
traitement, grossesse).
La surface effective des prothèses est plus petite que celle de la valve native. De ce fait, leur gradient de
pression est plus élevé. Il varie selon les modèles, par ordre croissant: homogreffes < bioprothèses nonmontées (stentless) < valves mécaniques < bioprothèses montées (stented). Le gradient maximal est
considéré comme anormal lorsqu'il est > 35 mmHg au niveau aortique et > 10 mmHg au niveau mitral.
En sortant de CEC, le gradient est souvent surestimé pour plusieurs raisons:
- volume systolique élevé, haut débit cardiaque, stimulation sympathique (transfusions,
perfusions, catécholamines);
- pression aortique basse (vasoplégie, CPIA);
- calcul échocardiographique par la Vmax, influencée par la géométrie de la prothèse;
- après RVA: ignorance de la Vmax de la CCVG: ΔP = 4 • (VVAo2 – VCCVG2).
Après RVA, le rapport VCCVG /VVao doit être > 0.4; une valeur plus basse indique une sténose.
Dans les cas électifs sans risque particulier, la mortalité opératoire du RVA est de 2%, celle du RVM de
3-6% et celle de la plastie mitrale de 1-2%.
Discordance patient-prothèse
La surface utile de la prothèse est trop petite par rapport à la taille du patient lorsqu'elle est < 0.85
cm2/m2 au niveau aortique ou < 1.2 cm2/m2 au niveau mitral. Ce défaut d’appariement (patientprosthesis mismatch) donne lieu à un gradient transvalvulaire excessif et pénalise le devenir du malade.
Lorsqu'il est sévère, il entraîne une persistance du remodelage ventriculaire ou de l'hypertension
pulmonaire, une aggravation de la dysfonction ventriculaire à long terme et une augmentation de la
mortalité à 5 ans jusqu'à 15% [20,264]. La discordance peut être [258] :
 Modérée: S aortique 0.65 - 0.85 cm2/m2, S mitrale 0.9 – 1.2 cm2/m2 (10-30% des cas);
 Sévère: S aortique < 0.65 cm2/m2, S mitrale < 0.9 cm2/m2 (2-5% des cas).
L'incidence de la discordance patient-prothèse est de 20-35% [21]. Son impact clinique est important
chez l'individu jeune dont le débit cardiaque est élevé, mais moins marqué chez l’individu âgé de > 70
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
73
ans [98]. Une augmentation dispproportionnée du gradient au test d’effort (> 20 mmHg pour une
prothèse aortique et > 12 mmHg pour une prothèse mitrale) signale un rétrécissement significatif [259].
Alors que la forme sévère altère considérablement la qualité de vie et la mortalité, l'impact d'une
discordance modeste est sujet à controverse.
La surface d'une prothèse doit donc être > 0.85 cm2/m2 en position aortique et > 1.2 cm2/m2 en position
mitrale. Dans le choix de la taille d'une valve, il est important de prendre en compte la surface utile (voir
Tableau 11.7 et Tableau 11.8) et non la surface nominale fournie par le fabricant [258]. D'autre part, la
performance hémodynamique varie selon les modèles: elle est supérieure pour les valves mécaniques
comparée aux bioprothèses montées, pour les bioprothèses sans monture comparée aux bioprothèses
montées et pour les prothèses supra-annulaires comparée aux prothèses intra-annulaires. La mesure
ETO de la dimension de l’anneau aortique avant la CEC est capitale pour déterminer la taille de la
prothèse et décider du modèle à choisir ou d’un éventuel agrandissement de l’anneau aortique pour
éviter l’implantation d’une valve trop petite. Le calcul de la taille minimale de la prothèse est simple :
 En position aortique: S corporelle x 0.85 cm2; S pour un adulte normal: > 1.5 cm2;
 En position mitrale: S corporelle x 1.2 cm2; S pour un adulte normal: > 2.0 cm2.
Fuites sur les prothèses
Pour éviter un blocage accidentel et assurer un autolavage, les valves à ailettes et à disque ne sont
volontairement pas étanches et présentent toujours plusieurs petits jets de régurgitation dont la
configuration est particulière à chaque modèle, mais qui sont toujours situés à l'intérieur de l'anneau. Ils
correspondent à une fraction de régurgitation inférieure ou égale à 5% (insuffisance de degré < I sur IV)
et sont sans signification hémodynamique (Figure 11.36). Les bioprothèses présentent une fuite de
configuration variable, en général centrale et très modeste. Les prothèses stentless, qui sont souples et
plus délicates à mettre en place, peuvent présenter des fuites significatives si l’implantation n’est pas
parfaite.
Figure 11.36 : Fuites intravalvulaires d’autolavage. Ce type de fuite situé à l’intérieur de l’anneau de la prothèse
est normal. Il varie selon les types de valves mécaniques, à la fois en nombre et en importance, mais l’insuffisance
est toujours minime (fraction de régurgitation < 5%). Dans les valves bi-ailette, les jets périphériques sont
légèrement concentriques, alors que les jets situés sur les pivots sont en bouquet. Ils sont toujours fins et ne
présentent jamais de zone d’accélération concentrique sur le versant ventriculaire (image ETO 2-cavités à 90°
d’une valve St.Jude en position mitrale).
Les valves à ailettes présentent une certaine inertie à l'occlusion, et, lorsqu'elles se ferment, poussent en
arrière la masse sanguine située à l'intérieur de leur anneau. Ce reflux peut être visible à
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
74
l'échocardiographie Doppler couleur (closure backflow), mais ne constitue pas une fuite proprement
dite.
La valve aortique et la valve mitrale sont insérées côte-à-côte sur le trigone fibreux. De ce fait, les points
de fixation d'une prothèse aortique ou mitrale peuvent opérer une traction sur la valve oppposée et
entraîner une nouvelle insuffisance ou aggraver une régurgitation pré-existante. Au niveau mitral, cette
insuffisance est due à une rétraction du feuillet antérieur ou à une déchirure à la base du feuillet; au
niveau aortique, elle est secondaire à une rétraction des cuspides aortiques gauche et/ou non-coronaire
(voir Figure 11.1).
FAL
OG
FPV
FPV
PM
*
A
*
PISA
VG
B
Orifice paraannulaire
Guide
V mitrale
C
Anneau
prosthétique
D
Occluders
Figure 11.37 : Fuite paravalvulaire (FPV). A : schéma montrant que la fuite paravalvulaire est située entre
l’anneau de la prothèse et l’anneau anatomique de la valve (*), alors que les fuites d’autolavage (FAL) sont à
l’intérieur de la valve. Lorsqu’elle est importante, la FPV présente une zone d’accélération concentrique (PISA)
sur le versant ventriculaire. B : image ETO d’une FPV antérieure modérée sur une prothèse mitrale St Jude (vue 2cavités 85°) ; la flèche verte montre l’emplacement de l’anneau de la prothèse ; PM : prothèse mitrale. C : orifice
de régurgitation para-annulaire à l’extérieur d’un anneau de Carpentier après plastie mitrale (vue ETO 3D depuis
l’OG). D : occlusion d’une fuite paravalvulaire par un dispositif utilisé pour la fermeture de CIA. Deux dispositifs
sont en place (occluders), l’un étant encore suspendu à son guide (vue ETO 3D depuis l’OG).
Les fuites extérieures à l’anneau prothétique sont des fuites paravalvulaires (FPV), qui sont toujours
pathologiques (Figure 11.37). Leur apparition est plus fréquente chez le patient âgé, dans les anneaux
calcifiés, dans les reconstructions annulaires, dans les réopérations et après endocardite. Leur impact
varie selon leur importance (voir Chapitre 26, Prothèses valvulaires examen préop).
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
75
 Le taux moyen de fuites paravalvulaires est de 12% [324a]. Les petites fuites (degré ≤ I) sont
fréquentes (6-18% après RVA, 22-32% après RVM) mais ne sont pas significatives [156] ; au
niveau aortique, elles disparaissent rapidement avec la protamine ou en quelques jours avec le
dépôt de fibrine et l’endothélialisation ; au niveau mitral, la moitié persiste à une année sans que
cela n’influence la mortalité ni les complications cardiovasculaires [324a].
 Des fuites peu importantes sont inévitables lorsque l’anneau valvulaire est très calcifié et que la
congruence avec l’anneau prothétique est impossible.
 Au niveau tricuspidien, il arrive que le chirurgien ne fixe pas la prothèse du côté septal pour
éviter de léser le faisceau de His, ce qui laisse un orifice extra-annulaire.
 Les fuites fuites modérées-à-sévères (50% des cas) doivent être corrigées immédiatement pour
autant que cela soit faisable, car elles tendent à s’aggraver avec le temps (déhiscence) ; parfois,
les conditions techniques de la mise en place de la prothèse sont telles que toute tentative
d’amélioration est vouée à l’échec. La correction chirurgicale de la fuite échoue dans 10-20%
des cas [119].
 La tolérance vis-à-vis des FPV est plus grande pour les fuites aortiques que pour les fuites
mitrales, car leur vélocité est moins élevée et le risque d’hémolyse moins grand. La tolérance
est très élevée pour les FPV tricuspidiennes dont la vélocité est basse.
 Indications opératoires des FPV chroniques: régurgitation entraînant une symptomatologie
clinique et/ou une décompensation ventriculaire, endocardite, hémolyse avec anémie nécessitant
des transfusions répétées.
Immédiatement après la mise en place d'une prothèse, la décision de retourner en CEC pour occlure
l’orifice paravalvulaire n’est pas fondée que sur l’image ETO, mais sur une série de contingences :
valve incriminée, état de l’anneau, faisabilité chirurgicale de la réparation, risque clinique d’une 2ème
CEC, etc. Si la chirurgie est trop risquée, il est possible de réduire une fuite paravalvulaire au moyen
d’un dispositif d’occlusion utilisé pour fermer les CIA (occluder type Amplatzer™) (Figure 11.37D).
Le taux de succès varie de 60 à 90% des cas ; souvent, la fuite est diminuée mais non totalement
exclue ; l’effet sur l’hémolyse est inconstant [116].
Obstruction dynamique de la CCVG ("effet CMO")
L’obstruction dynamique de la CCVG, ou effet cardiomyopathie obstructive (effet CMO), survient
facilement lorsqu’on a levé l’obstacle de la sténose aortique chez un malade dont le VG souffre
d’hypertrophie concentrique. Plusieurs éléments entrent en ligne de compte.
 Dans l’HVG concentrique, la musculature de la CCVG est anormalement épaisse ; il est d’usage
d’y pratiquer une myotomie pour agrandir le passage en systole ;
 La postcharge est soudainement abaissée par le remplacement de la valve aortique sténosée au
moyen d'une prothèse de basse résistance ;
 La fonction ventriculaire gauche est bonne, souvent exagérée par une stimulation βadrénergique ;
 L’hypovolémie accentue le phénomène en réduisant le volume de la cavité ventriculaire ;
 L’hypotension artérielle (vasoplégie, CPIA) augmente le gradient à travers la valve aortique.
Ces phénomènes conduisent à une vélocité exagérée dans la chambre de chasse (Vmax > 2.5 m/s). Si la
cavité du VG hypertrophique se rétrécit (hypovolémie) et que la course systolique de la paroi
postérieure amène celle-ci plus en avant (stimulation β), le point de coaptation de la valve mitrale
avance en direction de la CCVG, l’occlusion n’a plus lieu sur le bord distal du feuillet antérieur mais sur
son corps, et la pression intaventriculaire le repousse antérieurement en direction de la chambre de
chasse (voir Figure 11.5B). Par effet Venturi, il est ensuite aspiré dans la CCVG et l’occlut plus ou
moins complètement. C’est le SAM (systolic anterior motion), qui survient en méso-télésystole (voir
Figure 5.41). Le flux baisse dans l’aorte et la réouverture de la valve mitrale en cours de systole induit
une IM méso-télésystolique.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
76
La sténose sous-aortique dynamique est définie par une Vmax dans la CCVG > 2.5 m/s. Dans ces
circonstances, il est essentiel de calculer le gradient trans-aortique avec l’équation de Bernoulli prenant
en compte la vélocité dans la chambre de chasse : ΔP = 4 • (Vtotale2 – VCCVG2), car celle-ci (VCCVG) est
largement au dessus de 1.5 m/s ; à elle seule, elle induit un ΔPmax > 25 mmHg qu’il faut soustraire du
gradient total de la voie d’éjection (Vtotale) pour mesurer le gradient propre à la prothèse (voir Figure
11.96). Le rapport entre la vélocité dans la CCVG et celle à travers la valve (VCCVG / VVAo) est utile pour
apprécier le degré d’accélération généré par la prothèse; normalement, ce rapport doit être > 0.4 [336].
Après remplacement mitral avec une bioprothèse montée, on peut rencontrer un effet CMO induit par un
des 3 picots de la prothèse qui obstrue partiellement la CCVG. Après une plastie mitrale restrictive, la
zone de coaptation mitrale se rapproche de la CCVG, car le point fixe de l’anneau mitral est au niveau
de la jonction mitro-aortique (trigone fibreux), alors que la partie postérieure est fine et n’est soutenue
que par la musculature ventriculaire ; c’est donc elle qui va se déplacer vers l’avant. Un déplacement
antérieur excessif est possible pour quatre raisons différentes.




L’anneau de valvuloplastie est trop restrictif ;
La longueur du feuillet postérieur est excessive (excès de tissu) ;
La cavité ventriculaire est trop petite : hypovolémie, HVG concentrique ;
La course radiaire de la paroi postérieure en systole est trop grande : sur-stimulation β,
vasoplégie.
Les deux premiers points sont liés à l’intervention chirurgicale ; ils surviennent dans 5% des plasties
mitrales [123]. Les deux autres points sont beaucoup plus fréquents mais ne réclament pas une reprise
chirurgicale; ils sont liés à l’hémodynamique et se corrigent par le traitement de l'obstruction dynamique
de la CCVG:
 Augmentation de la précharge (remplissage);
 Augmentation de la postcharge par des vascoconstricteurs (néosynéphrine, nor-adrénaline);
 Baisse de la contractilité (arrêt des catécholamines, β-blocage à l’esmolol).
Autres complications
Au sortir de CEC après chirurgie mitrale, il est possible que la paroi latérale du VG ne se contracte plus.
Cette akinésie est secondaire à une lésion de l’artère circonflexe par les points de fixation de la prothèse
ou de l'anneau. En effet, le trajet de la CX dans le sillon auriculo-ventriculaire gauche est à quelques
millimètres de l'anneau mitral et les points de fixation latéraux peuvent aisément empiéter sur le
vaisseau et l'occlure. La pire complication chirurgicale qui puisse survenir après chirurgie mitrale est
une déchirure de l'anneau et de la base du VG, le plus souvent au cours d'une réopération. La
reconstruction en est extrêmement hasardeuse et la mortalité très élevée.
Immédiatement après un remplacement valvulaire aortique (RVA), deux complications sont classiques.
 Bloc AV complet par lésion du faisceau de His dans sa portion jouxtant le septum membraneux
en dessous de la cuspide non-coronaire;
 CIV sous-aortique par myectomie excessive de la CCVG lors de sténose aortique accompagnée
d'une hypertrophie concentrique majeure.
A long terme, les prothèse mécaniques présentent un risque substantiel de thrombose et de thromboembolie; elles requièrent une anticoagulation à vie, qui est elle-même source de complications
hémorragiques. Les bioprothèses, au contraire, ne nécessitent pas d'anticoagulation, mais leur durée de
vie est limitée par une dégénérescence et une calcification progressives. Un certain nombre de
complications sont communes aux différents types de valves [23,145,258,278,322].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
77
 Thrombo-embolie: incidence de 1-2% patient/année; la thrombose se rencontre essentiellement
dans les prothèses mécaniques en cas d'anticoagulation inefficace, alors que le développement
d'un pannus fibreux peut survenir dans n'importe quel type de prothèse [41]. Si l'amélioration de
l'anticoagulation (augmentation de l'INR, addition d'aspirine) ne suffit pas à régler le problème
thrombo-embolique ou que le thrombus est grand (≥ 10 mm) et mobile, une ablation
chirurgicale est nécessaire; si celle-ci est trop risquée (mortalité 4-15%), on peut envisager une
thrombolyse de sauvetage. Dans le coeur droit, on privilégie la thrombolyse.
 Saignements: le risque d'événement hémorragique grave chez les patients anticoagulés est de
1% patient/année.
 Détérioration structurelle: le taux de dégradation des bioprothèses est de 10-30% à 10 ans et de
20-50% à 15 ans; les facteurs qui l'accélèrent sont le jeune âge (< 40 ans), la position mitrale,
l'insuffisance rénale, l'hyperparathyroïdisme. Le traitement des tissus au gluaraldéhyde favorise
la calcification ultérieure, mais une partie du phénomène est lié à des processus actifs tels que
l'athéromatose et les réactions immunes (le tissu n'est pas totalement inerte).
 Endocardite: incidence 0.5% patient/année, malgré une prophylaxie adéquate, mortalité 3050%. La chirurgie est indiquée en cas d'échec du traitement médical, de régurgitation majeure,
de végétation > 10 mm, de fistule, ou de défaillance progressive du ventricule.
 Fuite paravalvulaire: les fuites sévères sont rares (1-2%); la correction chirurgicale s'impose
lorsqu'elles sont symptomatiques et/ou entraînent une défaillance ventriculaire ou une hémolyse
importante.
 Hémolyse: la majorité des patients porteurs de prothèses mécaniques présente un faible degré
d'hémolyse, mais seuls ceux qui deviennent anémiques réclament un traitement de la cause, le
plus souvent une fuite paravalvulaire. L'hémolyse est due à la collision, au cisaillement et à la
fragmentation d’un jet de régurgitation avec une surface étrangère rigide, par exemple l’anneau
de la valve [333].
 Les accidents mécaniques (rupture, blocage) sont extrèmement rares.
En cas de doute sur le fonctionnement d’une prothèse valvulaire, seule la cinéangiographie permet de
visualiser avec certitude le mouvement des ailettes.
Prothèses valvulaires (II): complications
Discordance patient-prothèse: la surface effective de la prothèse est trop petite pour le débit cardiaque
du patient lorsqu'elle est < 0.85 cm2/m2 au niveau aortique ou < 1.2 cm2/m2 au niveau mitral.
Les prothèses ne sont pas totalement étanches et présentent de petites fuites. Les valves mécaniques
maintiennent une minime régurgitation lorsqu'elles sont fermées pour éviter le dépôt de fibrine et de
thrombus (fuite d'autolavage). Toutes ces fuites sont situées à l'intérieur de l'anneau prosthétique.
Les fuites paravalvulaires sont situées à l'extérieur de cet anneau et sont toujours pathologiques.
Lorsqu'elles sont faibles (< II/IV), elles peuvent être ignorées; la plupart disparaissent spontanément.
Lorsqu'elles sont importantes, elles nécessitent un retour immédiat en CEC ou une réopération ultérieure
si la réparation est faisable et le risque pas trop élevé. Indications opératoires: fuite majeure, défaillance
ventriculaire, hémolyse, endocardite.
Une obstruction dynamique de la CCVG par déplacement en avant du feuillet mitral antérieur survient
fréquemment lorsque certaines circonstances sont réunies:
- levée de l'obstacle d'une sténose aortique ou plastie mitrale restrictive;
- diminution de la cavité du VG (hypovolémie, HVG concentrique sévère);
- baisse de postcharge (vasoplégie, CPIA);
- excès de stimulation catécholaminergique β.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
78
Prothèses valvulaires (III): complications
Le taux de complication moyen des prothèses est de 3%/an. Les complications les plus fréquentes des
remplacements valvulaires sont:
- thrombo-embolie (0.6 – 2.3% patient/année);
- hémorragie sur anticoagulation (1% patient/année);
- dégradation structurelle des bioprothèses (10-30% à 10 ans et de 20-50% à 15 ans);
- endocardite (0.5% patient/année);
- fuite paravalvulaire (1-2%);
- hémolyse.
Plasties valvulaires
Une valvuloplastie, qui est faisable dans au moins 60% des insuffisances valvulaires, est toujours
préférable à un remplacement, parce qu'elle rétablit l'anatomie normale au lieu d'échanger la pathologie
de la valve native contre celle de la prothèse. Une plastie présente plusieurs avantages par rapport à une
prothèse :
 Absence d’anticoagulation ;
 Préservation de la fonction ventriculaire (la géométrie du ventricule et l’intégrité de l’appareil
sous-valvulaire sont préservées après plastie mitrale ou tricuspidienne) ;
 Risques thrombo-emboliques et infectieux (endocardite) très faibles ;
 Risque de détérioration structurelle quasi inexistant ;
 Possibilité de croissance de la valve chez l’enfant et l’adolescent ;
 Morbi-mortalité 2-4 fois plus basse.
La faible mortalité (1-2%) et le succès à long terme (taux de reprise à 10 ans: 6-14%) pousse à
intervenir plus tôt dans l'évolution de la maladie [74]. On trouvera d’autres détails sur les plasties dans
les chapitres correspondant à chacune des valves.
Plastie mitrale
La technique de plastie de la valve mitrale (PVM) est adaptée en fonction du type de lésion (Figures
11.38 et 11.39). Parmi les nombreuses techniques possibles, les plus fréquemment utilisées sont les
suivantes.
 Résection quadrangulaire du/des feston(s) du feuillet postérieur (P2 dans 65% des cas) et
résection des cordages rompus ; suture du feuillet postérieur, éventuelle désinsertion et
coulissage (sliding valvuloplasty) de P1 et P3 pour réduire la hauteur du feuillet à < 1.5 cm et
diminuer le risque de SAM en cas de résection étendue et de très grand feuillet postérieur (voir
ci-après "Effet CMO" après PVM).
 Annulopastie avec un anneau souple ou rigide (de type Carpentier-Edwards™, Duran™,
ETlogics™, GeoForm™) ; la taille de l’anneau est fonction de la distance intertrigonale que
l’on veut obtenir après plastie (distance intertrigonale = 0.8 • longueur de la base du feuillet
antérieur en vue bicommissurale 60° avec rotation horaire de la sonde) (voir Figure 11.58A).
Cet anneau est indispensable pour empêcher une dilatation secondaire et pour assurer un succès
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
79
à long terme. Il a quatre fonctions : restaurer la géométrie de l’anneau mitral, prévenir la
dilatation, diminuer la tension sur les sutures, et augmenter la surface de coaptation.
Résection du feuillet postérieur
Feuillet
antérieur
Désinsertion/coulissage du feuillet
post
Feuillet
postérieur
Suture du feuillet postérieur
Anneau de valvuloplastie
*
E
Anneau
*
F
Figure 11.38 : Plastie mitrale pour prolapsus de P2 et anneaux prosthétiques. A : résection quadrangulaire de P2.
B : désinsertion, coulissage et suture du feuillet postérieur au niveau de P1 et P3. C : suture du feuillet postérieur.
D : pose d’un anneau de valvuloplastie de type Carpentier-Edwards Classic. Les 2 astérisques (*) marquent la
distance intertrigonale à laquelle correspond l’anneau (Doty DB. Cardiac surgery : operative technique. St
Louis :Mosby-Year Book, 1997). E : anneau de Carpentier-Edwards Physio ring. F : anneau de CosgroveEdwards [48].
 Résection triangulaire du feuillet antérieur, résection des cordages rompus, suture bord à bord ;
transfert de cordages secondaires sur le bord libre. En cas de résection importante : transfert
d’un feston du feuillet postérieur et de ses cordages. Les résultats de la plastie du feuillet
antérieur, qui est plus difficile, ne sont pas aussi bons que ceux de la plastie du feuillet
postérieur.
 Transfert, raccourcissement, réinsertion ou remplacement de cordages (Gore-Tex™ Chord) ; les
cordages sont fixés au feuillet sur des patchs et enfouis au sein du muscle papillaire ; la
longueur exacte des néocordages est souvent difficile à évaluer.
 Décalcification de l’anneau mitral ; le calcium se dépose dans la fibrose réactionnelle de la
partie postérieure de l’anneau lors de prolapsus de longue durée ou de maladie calcifiante. Le
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
80




feuillet postérieur est désinséré, l’anneau décalcifié en bloc, et la jonction atrio-ventriculaire
reconstruite en ramenant la paroi auriculaire sur la musculature ventriculaire et en complétant
au besoin avec un patch de péricarde.
Résection de cordages du 2ème ordre du feuillet antérieur lors d’IM ischémique avec
déplacement externe du pilier (voir Figure 11.59B) [215].
Plastie selon Alfieri : suture bord à bord de la partie médiane des feuillets (A2 et P2), réservée
aux cas à très haut risque avec IM fonctionnelle et fuite centrale; en diastole, la valve présente 2
hémi-orifices de dimensions rétrécies (voir Figure 11.47).
Fermeture d’un orifice (endocardite) ou d’un cleft par un patch de péricarde.
Remplacement partiel des feuillets ou allongement du feuillet antérieur par du péricarde
autologue ou par une homogreffe.
A
Figure 11.39 : Plastie
mitrale.
A : transposition de
cordages
pour
prolapsus du feuillet
antérieur.
B:
technique
de
raccourcissement
de
cordages.
C:
réparation
de
cordage rompu avec
translation
d’un
cordage secondaire sur
le bord libre
[Extrait de: Edmunds
LH. Cardiac surgery in
the
adult.
NewYork :McGraw-Hill,
1997].
B
C
L’examen ETO pratiqué avant la CEC offre une vision dynamique de la valve et permet de juger si une
plastie est faisable dans des conditions satisfaisantes. On recherche en particulier :
 Mécanisme de l’IM : restriction, prolapsus, rupture de cordage, dilatation ;
 Localisation exacte de l’origine du/des jet(s) d’IM ;
 Etat des 2 commissures ;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
81




Etat de l’anneau (calcifications) et de l’appareil sous-valvulaire ;
Flux mitral et veineux pulmonaire ;
Fonction et taille du VG ; taille de l’OG ;
Mesures spécifiques (vois ci-dessous) : diamètres de l’anneau, distance intercommissurale,
longueur du feuillet antérieur.
Certains critères échocardiographiques permettent de prédire une bonne faisabilité et un bon résultat de
la plastie (voir Figure 11.3, Figure 11.58 et Figure 11.59) [38,191,330] :
 Diamètre de l’anneau < 5.0 cm (mesures en vues mi-oesophagiennes bicommissurale 60° et
long axe 140°) ;
 Rapport longueur feuillet antérieur / diamètre de l’anneau > 0.65 (mesures en diastole et en vue
long axe 120-140°) ;
 Lésion de < 3 festons, commissures stables ;
 Degré d’IM < IV (massive) ;
 Jet unique ;
 Appareil sous-valvulaire satisfaisant ;
 Absence de calcification de l’anneau ;
 Distance plan de l’anneau – point de coaptation (tenting height) < 1.1 cm ;
 Surface entre le plan de l’anneau et les feuillets (tenting area) < 2.5 cm2 ;
 Angle de fermeture du feuillet antérieur < 25°;
 Index de sphéricité du VG ≥ 1.5 (pas de dilatation majeure).
L’imagerie tridimensionnelle permet de se rendre compte avec une plus grande précision de l’anatomie
et des mouvements de la valve mitrale. Elle permet notamment de déterminer la taille de l’anneau mitral
à implanter d’après les mesures de la distance intercommissurale, de la hauteur du feuillet antérieur et
des diamètres de l’anneau (voir Figure 11.58A) [88,135,182,302].
Contrôle ETO après CEC
Après la CEC, les critères échocardiographiques de réussite d’une plastie mitrale (Figure 11.40) sont
définis pour une postcharge (pression artérielle), une précharge (volémie) et une fonction ventriculaire
normales. L’examen doit être accompagné d’un test de postcharge (PAM > 80 mmHg, PAsyst > 120
mmHg) et d’une stimulation de la contractilité, pour être certain que les résultats obtenus correspondent
aux situations de la vie réelle. La plastie est considérée comme réussie lorsque les conditions suivantes
sont réunies [107].
 IM résiduelle de degré ≤ I/IV ; IM résiduelle protosystolique et brêve ;
 Si résection du feuillet postérieur : abutement du feuillet antérieur sous le feuillet postérieur et
la partie postérieure de l’anneau ;
 Si affrontement des 2 feuillets : auteur de coaptation > 5 mm ; cette hauteur se calcule en
soustrayant la distance entre l'anneau mitral et le point de coaptation en systole de la longueur
totale du feuillet antérieur mesurée en diastole (vue long-axe 120°) (voir Figure 11.19) ;
 Rapport hauteur de coaptation / longueur feuillet antérieur > 0.2;
 Rapport longueur feuillet postérieur / feuillet antérieur < 0.4 ;
 Gradient antérograde : ΔPmax ≤ 4 mmHg, ΔPmoy ≤ 2 mmHg ;
 Vmax ≤ 1.5 m/s dans la CCVG, pas de SAM (voir ci-dessous "Effet CMO" après PVM).
Les indications échocardiographiques à retourner en pompe pour compléter la plastie ou, à défaut,
remplacer la valve sont les suivantes:
 Défaut structurel qui ne peut pas s’améliorer : perforation, déhiscence, bascule de feuillet, fuite
para-annulaire ≥ II/IV;
 IM de degré ≥ II/IV
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
82
• Non-coaptation des feuillets en image 2D ou 3D ;
• Jet d’IM important et pansystolique ;
• Présence d'un PISA côté ventriculaire;
• Vena contracta > 0.3 cm ;
• Orifice de régurgitation > 0.25 cm2 ;
• Volume de régurgitation > 25 mL ;
 Sténose restrictive : S < 2 cm2 , ΔPmax ≥ 7 mmHg, ΔPmoy ≥ 4 mmHg ;
 SAM réfractaire au traitement médical (voir ci-dessous) ;
 La décision est prise en fonction du contexte clinique et non de la seule image ETO.
A
B
C
D
Figure 11.40 : Plastie mitrale. A : après résection large de P2 et plastie du feuillet postérieur, toute l’occlusion est
assurée par le feuillet antérieur ; sa longueur doit dépasser le diamètre de l’anneau (flèches) et permettre un
affrontement sous le feuillet postérieur pour que la valve soit occlusive. B : occlusion satisfaisante du feuillet
antérieur en butée sous le feuillet postérieur et l’anneau en systole. C : la coaptation des feuillets doit se faire sur
une hauteur d’au moins 4 mm (flèche jaune) pour assurer l’étanchéité, ce qui est le cas ici après une plastie et
résection du feuillet antérieur. D : fuite résiduelle après plastie mitrale ; si elle est pansystolique, cette fuite est
excessive car le jet présente une largeur significative au passage de la valve.
Dans ces conditions, il est essentiel de diagnostiquer le mécanisme de l'insuffisance résiduelle pour que
le chirurgien puisse réaliser une correction adéquate [107].
 IM de type I (jet central dans l'OG): anneau trop grand, perforation iatrogène, cleft résiduel;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
83
 IM de type II (jet excentrique dirigé à l'opposé du feuillet prolabant): prolapsus résiduel, dont la
localisation est à définir précisément;
 IM de type III (jet excentrique dans la direction du feuillet restrictif): résection excessive,
malposition de l'anneau, raccourcissement trop important de cordages, dilatation ventriculaire;
 IM due au SAM: jet méso-systolique, feuillet postérieur trop long, excès de tissu valvulaire,
anneau trop petit.
Lors de pose d’un anneau de valvuloplastie, il est important de contrôler trois éléments après la mise en
charge.
 Contractilité de la paroi latérale ; l’artère circonflexe (CX) peut être lésée par les points de
fixation latéraux ;
 Etanchéité de la valve aortique ; les points au niveau de la base du feuillet antérieur peuvent
exercer une traction sur la cuspide gauche ou la cuspide non coronaire de la valve aortique et
provoquer une IA ;
 Intégrité de la paroi-basale du VG ; la décalcification de l’anneau peut entraîner des lésions au
niveau du sillon auriculo-ventriculaire ; la présence continue d’air dans le VG et l’akinésie
basale sont des signes avant-coureurs de la rupture ventriculaire.
Plastie valvulaire mitrale (PVM)
Une valvuloplastie, faisable dans 60-80% des insuffisances mitrales, est toujours préférable à un
remplacement parce qu'elle rétablit l'anatomie normale. Avantages par rapport à une prothèse:
- Absence d’anticoagulation;
- Préservation de la géométrie et de la fonction ventriculaire;
- Très faibles risques mécaniques et infectieux;
- Mortalité opératoire trois fois plus basse (1-2%) ; reprise à 10 ans : 6-10%.
La PVM consiste en résection du feston prolabant (en général P2), résection de cordages rompus,
raccourcissement ou transfert de cordages, et implantation d’un anneau (nécessaire à empêcher une
dilatation secondaire).
Critères de faisabilité d’une plastie mitrale :
- dilatation modérée du VG et de l’OG (diamètre de l’anneau mitral < 5 cm) ;
- peu de restriction sur les feuillets (distance plan de l’anneau – point de coaptation < 1 cm) ;
- anneau souple et non calcifié ;
- IM non massive, commissures stables, jet unique ;
- rapport longueur feuillet antérieur / diamètre de l’anneau > 0.65 ;
- appareil sous-valvulaire satisfaisant.
Critères de réussite d’une plastie mitrale (examen post-CEC, taux d’échec moyen 6%) :
- IM résiduelle nulle ou mineure (PAM > 80 mmHg, fonction VG satisfaisante) ;
- affrontement adéquat des feuillets (hauteur de coaptation > 5 mm), pas de prolapsus ;
- gradient antérograde moyen ≤ 2-3 mmHg ;
- absence de SAM, Vmax CCVG < 1.5 m/s.
"Effet CMO" après PVM
Une subobstruction dynamique de la chambre de chasse par le feuillet mitral antérieur (effet de
cardiomyopathie obstructive, ou effet CMO) survient dans 5-15% des plasties mitrales pour
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
84
dégénérescence myxoïde (IM type II) (Figure 11.41) [123,205]. Elle est secondaire au déplacement
antérieur de la zone de coaptation mitrale par un anneau restrictif chez un malade qui souffre d'une
abondance de tissu valvulaire; ce déplacement la rapproche excessivement de la CCVG. En effet, le
point fixe de l’anneau mitral est au niveau de la jonction mitro-aortique (trigone fibreux), alors que la
partie postérieure est fine et n’est soutenue que par la musculature ventriculaire ; c’est donc elle qui va
se déplacer vers l’avant. Ce déplacement a lieu pour quatre raisons différentes.
 L’anneau de valvuloplastie est trop restrictif ;
 La longueur du feuillet postérieur est excessive (excès de tissu typique de la maladie de
Barlow);
 La cavité ventriculaire est trop petite : hypovolémie, HVG concentrique ;
 La course radiaire de la paroi postérieure en systole est trop grande : sur-stimulation β,
vasoplégie.
Les deux premiers points sont liés à l’intervention chirurgicale ; ils surviennent dans 5% des plasties
mitrales [123]. Les deux autres points sont liés à l’hémodynamique et se corrigent par remplissage,
vascoconstriction systémique et β-blocage ; ils sont beaucoup plus fréquents mais ne réclament pas une
reprise chirurgicale.
A
B
C
Point
fixe
IM
Aorte
Trigone
fibreux
Aorte
AP
Ao
VM
Ant
MPP
Ant
Post
V tr
MPP
Post
© Chassot 2011
Figure 11.41 : Obstruction dynamique de la CCVG après plastie mitrale. A : un anneau restrictif et/ou une trop
grande hauteur du feuillet postérieur (FP) (rapport feuillet antérieur / feuillet postérieur < 1.3) avance la paroi
postérieure et projette le point de coaptation vers la CCVG. En protosystole, la coaptation a lieu sur le corps du
feuillet antérieur (FA) dont la partie distale se retrouve dans le VG et non en application contre le FP. B : en
mésosystole, la pression intraventriculaire pousse le FA en direction de la CCVG ; en cours d’éjection, celui-ci est
aspiré par effet Venturi et vient bloquer la CCVG. Le débit aortique baisse soudainement, et la réouverture de la
valve mitrale provoque une insuffisance méso-télésystolique. C : La paroi postérieure avance (flèche rouge) parce
que la base du feuillet antérieur est accolée au trigone fibreux qui est un point fixe puisqu’il est le squelette et le
centre mécanique du cœur.
Lorsque le point de coaptation de la valve mitrale avance en direction de la CCVG, l’occlusion n’a plus
lieu sur le bord distal du feuillet antérieur mais sur son corps, et la pression intaventriculaire le repousse
antérieurement en direction de la chambre de chasse en protosystole. Par effet Venturi, il est ensuite
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
85
aspiré dans la CCVG et l’occlut plus ou moins complètement. C’est le SAM (systolic anterior motion),
qui survient en méso-télésystole. Le flux baisse dans l’aorte, et la réouverture de la valve mitrale en
cours de systole induit une IM méso-télésystolique. Ce phénomène est bien visible en 4 cavité ou en
long axe du VG mi-œsophage. Certains signes échocardiographiques sont des prédicteurs du SAM postplastie (Figure 11.42) [205] :
 Distance entre le point de coaptation mitral et le septum (C-sept) < 2.6 cm ;
 Hauteur du feuillet postérieur > 1.5 cm (mesurée en diastole dans le plan de sa plus grande
dimension) ;
 Rapport entre la hauteur du feuillet antérieur et du feuillet postérieur ≤ 1.3 ;
 Distance entre le point de coaptation et le plan de l'anneau mitral > 0.6 cm;
 Angle mitro-aortique refermé (< 140°).
Après plastie mitrale, deux signes échocardiographiques donnent l'alerte sur la présence d'une possible
obstruction dynamique de la CCVG :
 IM importante mais non holo-systolique;
 Inflexion du feuillet antérieur dans la chambre de chasse en cours de systole (SAM).
A
B
OG
a
Aorte
d
b
c
d
FP
Post
Ao
OD
CCVG
Ant
MPP
VG
© Chassot 2011
Figure 11.42 : SAM (systolic anterior motion) du feuillet antérieur en postopératoire de plastie mitrale. A :
mesures préopératoires prédictives de SAM. a : rapport hauteur du feuillet antérieur / hauteur du feuillet postérieur
< 1.3. b : distance entre le point de coaptation et le septum < 2.6 cm. c : hauteur du feuillet postérieur déployé en
diastole > 1.5 cm. d : angle mitro-aortique refermé (< 140°) [205]. B : image ETO de SAM en vue 4-cavités ; les
deux flèches blanches indiquent l’emplacement de l’anneau prothétique ; la flèche jaune pointe le déplacement de
la partie distale du feuillet antérieur dans la chambre de chasse du VG (CCVG). FP : plastie du feuillet postérieur.
Le diagnostic est confirmé par trois éléments (Figure 11.43):
 Vmax dans la CCVG > 2.5 m/s (en vue transgastrique profonde 0° ou long-axe du VG 120°);
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
86
 Collapsus mésosystolique des cuspides aortiques en mode TM de la valve aortique (court-axe
40° ou long-axe 120°);
 Aspect "en dague" (dagger-shape) du flux aortique au Doppler continu.
A
B
D
OG
SAM
VD
VG
C
© Chassot 2011
Figure 11.43 : Effet “CMO”. A : image de Systolic anterior motion (SAM) en vue ETO 4-cavités mi-oesophage.
B : la chute du débit systolique en cours de systole ne permet plus à la valve aortique de rester ouverte ; en mode
TM en court axe basal de la valve aortique (40°), on voit collaber les feuillets en cours de systole. C : après
traitement (vasoconstricteur et béta-bloqueur), la valve aortique reste ouverte pendant toute la systole, le SAM a
disparu. D : aspect en dague du flux aortique; la flèche indique la vélocité à laquelle survient le SAM et la
restriction du flux éjectionnel.
Lorsqu'apparaît un effet CMO, il est capital de déterminer si la plastie doit être reconstruite ou si la
correction de l'hémodynamique suffit à faire disparaître l'obstruction. Pour ce faire, on peut procéder de
deux manières différentes [61,202].
 Test thérapeutique: si la correction de l'hémodynamique fait disparaître l'effet CMO, une reprise
chirurgicale n'est pas nécessaire;
o Optimalisation de la précharge (remplissage);
o Augmentation de la postcharge (bolus répété de 100 mcg de phényléphrine, perfusion
de noradrénaline);
o Baisse de la contractilité (arrêt des catécholamines β, bolus répété de 10 mg d'esmolol).
 Test provocatif: il permet de déterminer si l'aggravation des conditions hémodynamiques est
tolérée (maintien du débit cardiaque) ou si elle entraîne immédiatement un choc cardiogène;
o Baisse de la précharge: perfusion de nitroglycérine;
o Augmentation de la contractilité: perfusion de dobutamine (5-10 mcg/kg/min).
La résistance au test provocatif assure une bonne marge de sécurité hémodynamique pour le
postopératoire. Toutefois, le test doit être pratiqué avant décanulation, de manière à pouvoir
soutenir le débit par la CEC en cas de collapsus circulatoire. Il n'est indiqué que dans les cas
douteux.
Pour être réussi, le test thérapeutique doit remplir quatre conditions:




Disparition du SAM;
Réduction de la Vmax dans la CCVG à ≤ 1.5 m/s;
Disparition ou réduction de l'IM à une trace (degré ≤ I/IV);
Disparition du collapsus mésosystolique des cuspides aortiques.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
87
Dans > 95% des cas, l'effet CMO est du à une inadéquation hémodynamique momentanée et n'a pas de
sanction chirurgicale. Une réfection de la plastie du feuillet postérieur n’est nécessaire que dans 2-3%
des cas ; elle a pour but de reculer le point de coaptation afin de l’éloigner de la CCVG. A long terme, le
devenir des patients n’est pas influencé par l’épisode de CMO [35].
Effet CMO post PVM
Sténose sous-aortique dynamique post-plastie (5-15% des cas) :
- subocclusion mésosystolique de la CCVG par le feuillet antérieur, Vmax CCVG > 1.5 m/s ;
- cause : anneau restrictif, excès de tissu valvulaire, hypovolémie, vasoplégie, stimulation β ;
- traitement : vasopresseur, volume, stop amines β, β-bloqueurs, correction chirurgicale (5%
des cas).
Autres plasties valvulaires
Plastie aortique
La plastie est une option qui est de plus en plus pratiquée dans les centres spécialisés lors d’insuffisance
aortique due au prolapsus d’une cuspide ou à la dilatation de l’anneau par une maladie de la racine de
l’aorte. Le but est de restaurer l’anatomie et la fonction de tous les composants de la racine aortique.
L’examen ETO avant CEC doit évaluer la faisabilité de la plastie et le mécanisme de l’incompétence
valvulaire. Par analogie à la classification des IM, on décrit 3 types d’IA qui définissent le type de
reconstruction possible (voir Figure 11.98) [27,84,320].
 Type I : mouvement des cuspides normaux, dilatation de la racine aortique ; jet central.
o Type IA : dilatation de la jonction sino-tubulaire ;
o Type IB : dilatation des sinus de Valsalva, effacement de la jonction sino-tubulaire,
écartement des commissures empêchant la coaptation des cuspides ;
o Type IC : dilatation de l’anneau aortique ;
o Type ID : perforation de cuspide (jet variable).
 Type II : excès de tissu et de mouvement d’une ou des cuspides, prolapsus ; jet excentrique.
 Type III : mouvement restrictif des cuspides, rétraction, fibrose, calcifications ; jet variable.
Dans le Type I, le type de plastie diffère selon le niveau de l’atteinte anatomique.
 Type IA : remplacement de l’aorte ascendante par un tube de Dacron et remodelage de la
jonction sino-tubulaire qui resuspend les commissures ;
 Type IB : remplacement des sinus de Valsalva en épargnant la valve, qui est réimplantée dans la
prothèse, réimplantation des coronaires ;
 Type IC : annuloplastie sous-commissurale (sutures ou bande de Teflon) ;
 Type ID : patch de la perforation avec du péricarde.
Lorsque la dilatation de l’aorte ascendante provoque une fuite centrale mais que les cuspides sont saines
et l’anneau aortique de taille normale (Type IA), il est possible de resuspendre ces dernières au moyen
de la prothèse tubulaire utilisée pour le remplacement aortique ascendant (voir Figure 11.109).
 Opération de Yacoub : resuspension des cuspides aortiques par le découpage en trèfle à trois
feuilles de la prothèse aortique ascendante en Dacron et réimplantation coronaire ; le diamètre
de la racine aortique doit mesurer < 3 cm.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
88
 Opération de Tirone David : resuspension et suture de la valve aortique et de l’anneau à
l’intérieur de la prothèse tubulaire, avec réimplantation des coronaires ; le risque de dilatation
secondaire esr moindre.
Dans le Type II, la partie prolabante des cuspides est réséquée et suturée ou plicaturée, les bords libres
sont resuspendus par une suture au niveau de chaque commissure; l’intervention est en général
accompagnée d’une annuloplastie au niveau de l’anneau et/ou de la jonction sino-tubulaire (Figure
11.44) [58,320]. Le Type III, plus difficile, demande une décalcification et une reconstruction des
cuspides avec un patch de péricarde ou de valve homologue.
B
A
2
4
1
3
Jonction sino-tubulaire
Anneau aortique
© Chassot 2011
C
D
Figure 11.44 : Plastie aortique. A : schéma des conditions d’une plastie réussie ; pas de prolapsus, coaptation en
aval du plan de l’anneau aortique (1), hauteur de coaptation > 4 mm (2, flèche rouge), hauteur des cuspides > 8
mm (3, flèche bleue), IA résiduelle < I/IV (4). B : résection triangulaire d’un prolapsus uni-cuspidien et suture de
la cuspide. C : resuspension d’une commissure (43a). D : annuloplastie aortique [Braunwald’s Heart Disease, 7th
ed, Philadelphia:Elsevier 2005, 1601].
Le taux d’échec de la plastie aortique est supérieur à celui de la plastie mitrale (14% versus 6%)
[139,209], et le risque de complications de 12% à 10 ans [2]. Mais la mortalité opératoire est inférieure
à celle du remplacement valvulaire : 1% pour la plastie isolée d’une cuspide et 3.4% pour la plastie de la
racine aortique [2]. La plastie n’est pas plus difficile dans les bicuspidies, sauf lorsque les cuspides sont
fibrosées, calcifiées ou épaissies aux commissures [230] ; mais l’indication est importante parce que les
patients sont plus jeunes.
Après correction, l’examen ETO permet de décider si la plastie est un succès ou si une intervention
complémentaire est nécessaire. Un bon résultat est caractérisé par (Figure 11.44A) [196] :
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
89
 Coaptation des cuspides sur le plan de l’anneau aortique ou distalement en vue long-axe 120° ;
absence de prolapsus dans la CCVG ;
 Hauteur de la zone de coaptation > 0.4 cm ;
 Hauteur des cuspides > 0.8 cm (distance entre le point le plus haut de la coaptation et le point
d’implantation des cuspides sur l’anneau) ; idéalement, le point le plus haut se situe à mihauteur des sinus de Valsalva ;
 Mouvement libre des cuspides en systole, parallèles au flux ;
 Insuffisance aortique ≤ I ;
 ΔPmax en systole < 20 mmHg, ΔPmoy ≤ 10 mmHg.
Les éléments suivants sont considérés comme un échec de la plastie et commandent un retour en pompe
pour la perfectionner ou pour changer la valve [196].




IA résiduelle > degré I (mineure) ;
Niveau de coaptation des cuspides en dessous du plan de l’anneau aortique ;
Hauteur de coaptation du bord libre des cuspides de ≤ 0.4 cm ;
Gradient excessif : ΔPmax > 30 mmHg, ΔPmoy > 15 mmHg.
Lors de réimplantation des coronaires, il est important de contrôler la présence d’un flux dans la racine
des deux troncs au Doppler couleur, et de rechercher une éventuelle altération de la cinétique
segmentaire signant une ischémie tronculaire.
Plastie valvulaire aortique (PVA)
Une valvuloplastie, faisable dans 60% des insuffisances aortiques, est toujours préférable à un
remplacement parce qu'elle rétablit l'anatomie normale. Avantages par rapport à une prothèse:
- Absence d’anticoagulation;
- Très faibles risques mécaniques et infectieux;
- Mortalité opératoire trois fois plus basse (1-2%) ; si plastie de la racine de l’aorte : 3-4% ;
reprise à 10 ans : 12%.
La PVA consiste en réfection de la racine de l’aorte, annuloplastie externe, résection et resuspension des
cuspides.
Critère de faisabilité d’une plastie aortique :
- dilatation de l’anneau aortique ou de la racine de l’aorte mais cuspides normales ;
- prolapsus d’une ou plusieurs cuspides ;
- pas de restriction ni de calcifications ;
- la bicuspidie n’est pas une contre-indication.
Critères de réussite d’une plastie aortique (examen post-CEC, taux d’échec moyen 14%) :
- IA résiduelle nulle ou mineure (PAM > 80 mmHg, fonction VG satisfaisante) ;
- affrontement adéquat des feuillets en aval de l’anneau (hauteur de coaptation > 4 mm),
pas de prolapsus, hauteur des cuspides > 8 mm ;
- gradient antérograde moyen ≤ 10 mmHg.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
90
Plastie tricuspidienne
La présence d’une IT résiduelle modérée à sévère péjore le pronostic de toute intervention cardiaque et
tend à s’aggraver ultérieurement malgré la correction des valvulopathies gauches [231,293]. De ce fait,
les indications à la plastie tricuspidienne sont larges et souvent posées en fonction de l’examen ETO
peropératoire [36,81,273].





IT modérée-à-sévère si intervention sur les valves gauches ;
IT modérée-à-sévère si dilatation des cavités droites (même en l’absence de symptômes) ;
IT modérée-à-sévère si symptômes d’insuffisance droite ;
IT sévère avec dilatation de l’anneau (D > 2.8 cm en vue 4-cavités) ;
IT traumatique sévère avec rupture de cordage, même si asymptomatique (non en urgence).
La plastie consiste la plupart du temps en points de rétrécissement annulaires selon De Vega ou en mise
en place d’un anneau (rigide ou souple) (Figure 11.45). Cet anneau est interrompu au niveau septal pour
éviter les lésions du noeud auriculo-ventriculaire et du faisceau de His. Les résultats fonctionnels sont
meilleurs et la survie à 15 ans doublée avec un anneau souple par rapport à une plastie selon De Vega
[307]. On peut aussi procéder à une bicuspidisation de la valve. Les conditions d’une réussite sont
[181,307] :




IT résiduelle mineure (degré ≤ II/IV) ;
ΔPmoy < 4 mmHg ;
Vena contracta < 0.3 cm ;
Absence de PISA et de reflux systolique dans la VCI et les veines sus-hépatiques.
B
A
A
P
A
S
P
S
SC
NAV
SC
Voies de conduction
Figure 11.45 : Plastie tricuspidienne vue par une atriotomie de l’OD comme elle se présente dans le champ
opératoire. A : plastie selon De Vega ; des points coulissants sont disposés sur l’anneau, de la commissure antéroseptale à la commissure postéro-septale ; ils permettent de le rétrécir à volonté en le calibrant avec une jauge 27
[273]. B : anneau prothétique tricuspidien ; il est interrompu au niveau du septum pour éviter de léser les voies de
conduction lors de sa mise en place [Savage RM, ed. Intraoperative transesophageal echocardiography.
Philadelphia : Lippincott Williams & Wilkins, 2005, 440].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
91
La plastie est préférable au remplacement valvulaire, dont les résultats sont très inférieurs : taux
d’insuffisance droite postopératoire plus élevé (28% versus 9%), mortalité augmentée (11% versus 5%),
anticoagulation permanente, risque de thrombose (1%/an) [293].
Plastie valvulaire tricuspidienne (PVT)
En cas d’IT secondaire, la PVA consiste en sutures espacées restrictives de l’anneau (De Vega) ou en
pose d’un anneau prosthétique. En cas d’IT primaire : résection selon besoin, pose d’un anneau.
Indications à la PVT :
- IT sévère ou symptomatique (insuffisance droite) ;
- IT modérée-à-sévère si secondaire à une valvulopathie gauche corrigée chirurgicalement ;
- IT modérée-à-sévère si dilatation de l’anneau (> 2.8 cm en vue 4-cavités) ;
- IT traumatique sévère, même si asymptomatique (pas en urgence).
Endoprothèses valvulaires
Transcatheter aortic valve implantation (TAVI)
L’implantation d'une bioprothèse aortique montée dans un stent vasculaire peut se réaliser par voie
fémorale (percutanée) ou par voie transapicale (mini-thoracotomie antérieure gauche) (voir Chapitre 10,
Implantation valvulaire aortique). Elle est réservée aux malades âgés et à haut risque, souffrant de
sténose aortique serrée, dont la mortalité probable au cours d’un remplacement valvulaire aortique en
CEC serait > 20%. Il existe deux types de valves montées sur cathéter : Medtronic CoreValve™ et
Edwards Sapien™; une troisième arrive sur le marché européen: Symetis Acurate TA™ (Figure 11.46).
L’intervention nécessite deux brefs épisodes au cours desquels on déploie un ballon transvalvulaire : la
dilatation de la valve native (10 secondes) et l’expansion de la prothèse (15-20 secondes). Pour diminuer
le flux pendant ces deux périodes, on procède à un pacing ventriculaire rapide (180-220 batt/minute),
qui baisse momentanément le volume systolique et la pression artérielle (PAsyst ≤ 60 mmHg) [286]. Le
positionnement de la prothèse est contrôlé par visualisation radiologique et échocardiographique;
l’utilisation de l’ETO seule diminue le taux d’insuffisance rénale postopératoire, puisqu'elle évite de
devoir injecter un produit de contraste [105].
Les complications peropératoires de l'implantation sont la fuite paravalvulaire, le déplacement de la
prothèse, l'obstruction coronarienne, l'embolisation athéromateuse, la fuite mitrale, et l'hémorragie
(déchirure ventriculaire, tamponnade). Les deux principales complications postopératoires sont l'AVC
(incidence 5%) et les lésions vasculaires (16% par la voie fémorale) [195]. La mortalité hospitalière est
5-7%; la survie à 1 an est de 70-80% [95,195]. Comparé au RVA chirurgical chez des patients à haut
risque, le TAVI présente une mortalité immédiate abaissée (3.4% versus 6.5%) mais pas différente à 1
an (25%) [295]. Le taux moyen de complications cardiovasculaires est identique (26,5% versus 28%),
mais leur répartition est différente: le TAVI induit davantage d'AVC (3.8% versus 2.1%) mais moins
d'hémorragie (9.3% versus 19.5%) et moins de FA (8.6% versus 16%). L'incidence d'insuffisance
aortique résiduelle est plus importante avec la voie non-invasive (12% versus 1%) [295]. Le gradient
moyen résiduel est de 10 à 12 mmHg.
La technique d’anesthésie est celle d’un patient à haut risque, mais l’ntervention est peu invasive et de
courte durée ; les suites opératoires sont simples et le patient peut être extubé rapidement en fin
d’intervention si son homéothermie a été correctement préservée [174]. La sédation-analgésie est
concevable pour la voie fémorale, mais elle ne permet pas l’utilisation de l’ETO. L’anesthésie générale
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
92
est recommandée pour plusieurs raisons : douleur de la thoracotomie (voie transapicale), immobilisation
du patient, utilisation de l’ETO, confort lors du pacing rapide et du traitement des complications
(hypotension artérielle consécutive au pacing, défibrillation, réparation vasculaire, etc). Le choix des
agents d’anesthésie importe moins que la manière dont ils sont administrés, qui doit être très
précautionneuse chez ces malade débilités : doses réduites, induction lente, correction immédiate de
toute déviation circulatoire. Un maintien rigoureux de la normothermie est de règle. On vise une
extubation rapide (< 2 heures) [96,97,174]. L'aspirine et le clopidogrel sont commencés dès que possible
dans le postopératoire.
L'engouement pour le RVA transcathéter et les améliorations technologiques constantes font que, à ce
jour, plus de 30'000 patients ont été opérés de cette manière. La preuve que le TAVI fait jeu égal avec le
RVA conventionnel apportée par la cohorte B de l'étude PARTNER [295] va élargir les indications aux
populations moins malades et plus jeunes. Seul bémol: on ne dispose pas encore de données sur le long
terme pour connaître l'avenir réel des patients au-delà de 2 ans.
Figure 11.46 : Valves
aortiques
implantables
(transcatheter aortic valve
implantation ou TAVI). A:
Corevalve™
(Medtronic,
Minneapolis, MN, USA); la
valve biologique est montée
dans un stent auto-expensif
en nitinol. B: Sapien™
(Edwards
Lifesciences,
Irvine, CA, USA); la valve,
fixée dans un stent en acier
inoxydable souple, est dilatée
au moyen d’un ballon. C:
Valve
Acurate
TA™
(Symetis SA, Lausanne,
Suisse), montée dans un stent
auto-expansif en nitinol et
utilisée par voie transapicale;
elle peut être repositionnée en
cours d'intervention et laisse
les
ostia
coronariens
accessibles.
B
© Edwards™
A
© Medtronics™
C
© Symetis™
Plastie percutanée pour insuffisance mitrale
Plusieurs techniques différentes permettent de réaliser une plastie mitrale par voie percutanée sans
thoracotomie et sans CEC; deux d'entre elles sont appliquées en clinique (Figure 11.47) [100].
 Introduction d'un arceau dans le sinus coronaire (dispositifs Carillon™, Monarc™, PTMA™),
qui s'ancre dans le vaisseau et enserre l'anneau mitral sur les 2/3 de sa circonférence. Le stress
de torsion exercé sur la structure est tel que les fractures du matériel ne sont pas rares; d'autre
part, le système peut comprimer l'artère circonflexe qui chemine à côté du sinus. Le taux de
succès global est de 60%; la réduction du volume régurgité est de l'ordre de 30% [285].
 Suture de l'extrémité médiane des deux feuillets par un clip (MitraClip™); en diastole,
l'ouverture est transformée en deux hémi-orifices de taille limitée. Cette technique, basée sur la
plastie selon Alfieri, est indiquée si le jet de la régurgitation est central et si la surface
d'ouverture de la valve est d'au moins 4 cm2. Le taux de succès immédiat est de l'ordre de 80%,
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
93
mais le taux de réintervention sur la valve pour IM résiduelle est dix fois plus élevé qu'après
correction chirurgicale (20% versus 2.2%) [101].
Mise en place du
MitraClip™ par
cathétérisme
droit
B
A
Systole
Figure 11.47 : Techniques de plastie mitrale
percutanée. A : arceau dans le sinus coronaire
(dispositifs Carillon™) avec son système d’ancrage
qui se déploie proximalement et distalement lorsque
la courbure est réalisée [100]. B : Suture de
l'extrémité médiane des deux feuillets par un clip
(MitraClip™); en diastole, l'ouverture est
transformée en deux hémi-orifices de taille limitée
[101].
Diastole
Suture médiane
bout-à-bout des
feuillets mitraux
Ces techniques n'offrent pas la même qualité de correction que la chirurgie à ciel ouvert, mais elles
permettent une réduction de l'IM de l'ordre de 1 à 2 degrés (sur 4) avec un faible risque opératoire, chez
des malades lourdement compromis dont la mortalité chirurgicale serait > 20% [335a]. Elles sont donc
particulièrement indiquées chez les patients à haut risque souffrant d'IM fonctionnelle symptomatique
sur dilatation du VG (voir Chapitre 10, Plastie mitrale percutanée) [100].
Comme l'ETO est indispensable au cours de la procédure, une anesthésie générale s'impose. Malgré le
peu d'invasivité de la technique, le risque hémodynamique est sévère et l'équipement doit être identique
à celui de la chirurgie à ciel ouvert. La technique d'anesthésie doit remplir deux conditions essentielles:
 Assurer la stabilité hémodynamique en cours d'intervention;
 Permettre un réveil et une extubation rapides.
L'anesthésie et l'analgésie n'ont guère besoin d'être profondes, car la stimulation douloureuse est
inexistante hormis celle d'une éventuelle réanimation.
Endoprothèses valvulaires (I)
Différentes techniques percutanées non-invasives se sont développées pour les réparations valvulaires,
dans l'idée d'offrir une possibilité thérapeutique à des malades trop compromis pour supporter la
chirurgie en CEC sans une mortalité opératoire rédhibitoire.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
94
Endoprothèses valvulaires (II)
L'implantation d'une prothèse aortique par voie fémorale ou transapicale (Transcatheter aortic valve
implantation ou TAVI) fait pratiquement jeu égal avec la chirurgie à ciel ouvert (mortalité à 1 an: 25%).
L’intervention nécessite deux brefs épisodes de bas débit cardiaque au cours desquels on déploie un
ballon transvalvulaire pour dilater la valve native et expandre la prothèse. Pour diminuer le flux pendant
ces deux périodes, on procède à un pacing ventriculaire rapide (180-220 batt/minute), qui baisse
momentanément le volume systolique et la pression artérielle (PA systolique ≤ 60 mmHg). Le
positionnement de la prothèse est contrôlé par visualisation radiologique et échocardiographique.
La plastie mitrale pour insuffisance fonctionnelle est possible au moyen de deux techniques:
- mise en place dans le sinus coronaire d'un arceau resserrant l'anneau mitral;
- suture l'une à l'autre de l'extrémité médiane des deux feuillets par un clip.
Ces techniques sont destinées à des patients à haut risque souffrant d'IM fonctionnelle sur dilatation du
VG; elles permettent une réduction de l'IM, non une correction totale comme la chirurgie, mais leur
morbi-mortalité opératoire est beaucoup plus faible.
Même si une sédation-anaélgésie est concevable pour les abords fémoraux, l'anesthésie générale est
requise pour les mini-thoracotomies et pour l'utilisation de l'ETO. Le choix des agents d'anesthésie
importe moins que la manière dont ils sont administrés, qui doit être très précautionneuse chez ces
malade débilités : doses réduites (la stimulation douloureuse est faible), induction lente, correction
immédiate de toute déviation circulatoire. Un maintien rigoureux de la normothermie est de règle. On
vise une extubation rapide (< 2 heures).
Chirurgie minimalement invasive
Depuis une quinzaine d'années, toute une série de techniques s'est développée dans le but d'éviter la
sternotomie médiane complète et de réduire le traumatisme chirurgical en diminuant la taille de
l'incision. Citons pour exemple:
 Variations de la sternotomie selon l'accès recherché: incision parasternale, mini-sternotomie en
L ou en L inversé, etc.
 Mini-sternotomie haute pour le RVA.
 Mini-thoracotomie droite (4ème espace) pour la chirurgie mitrale.
 Mini-thoracotomie gauche pour l'implantation de la valve aortique.
 Système vidéo-assisté Port access, HeartPort™ (peu utilisé).
 Système robotique (AESOP 3000™, Da Vinci™, Zeus™); ce système permet des
manipulations très fines, comme la plastie mitrale, mais il est problématique pour couler les
nœuds et ne fournit aucune sensation tactile à l’opérateur ; il reste très onéreux (appareillage 1.5
millions US $, assistance 150'000 US $ / an, disposables 2'000-5’000 US $ / cas) [267b].
 Capnothorax ; l’insuflation de CO2 dans la cavité thoracique en cas d’instrumentation robotique
thoracoscopique réduit considérablement la présence d’air dans les cavités gauches, qu’il est
difficile de débuller sans accès direct au cœur en fin de CEC. La pression du gaz ne doit pas
dépasser 10 mmHg (débit du CO2 < 2-3 L/min) pour éviter de gêner le retour veineux. La
présence d’un gaz dans le thorax est un isolant électrique qui empêche de défibriller par les
patches externes ; il faut impérativement reventiler le malade sur les deux poumons et exsuffler
le thorax en cas de défibrillation ou de cardioversion.
On y a ajouté la télémanipulation, la robotique et la vidéo-assistance. Les séries comparatives montrent
que, passée la courbe d'apprentissage, les résultats sont aussi bons qu'avec la technique conventionnelle
[284].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
95
 Mortalité identique à court et à long terme.
 Incidence de FA identique.
 Taux d'infection de plaie thoracique inférieur à celui de la sternotomie, mais, le cas échéant,
complications de l'incision inguinale.
 Avantage particulier: meilleure esthétique, mobilisation rapide, réhabilitation précoce, séjour
hospitalier plus court, réduction des transfusions et des infections de plaie.
 Désavantage: la canulation fémorale impose un flux rétrograde dans l'aorte; elle fait courir le
risque de dissection aortique et d'une infection de la plaie inguinale; ces inconvénients sont
supprimés avec une canulation sous-clavière droite. Les durées opératoires sont prolongées.
Technique de CEC
Lorsqu'elles utilisent une CEC, ces techniques se basent sur des modifications de la canulation, du
clampage aortique et du mode de cardioplégie [267b].
 Canulation veineuse fémorale ; une canule multi-orifice (21F-28F) est introduite jusque dans
l’OD puis avancée 3-5 cm dans la veine cave supérieure. L’ETO permet de s’assurer que le
guide sur lequel est montée la canule ne se fourvoie pas dans l’appendice auriculaire (risque de
perforation), ni dans l’OG en traversant accidentellement un foramen ovale perméable.
 Drainage pulmonaire ; on peut décomprimer le retour au VG en drainant l’artère pulmonaire par
une aspiration de CEC. A cette effet, on place par voie jugulaire interne droite (introducteur
11F) un cathéter multi-orifice muni d’un ballon permettant de le flotter jusque dans le tronc de
l’AP (Endovent™ Edwards) ; sa position entre la valve et la bifurcation pulmonaires est
contrôlée par ETO.
 Canulation artérielle fémorale (17F-21F) ; l’extrémité de la canule se trouve dans l’iliaque
primitive ou dans l’aorte distale. Alternative en cas d’athéromatose empêchant le placement de
la canule : canulation sous-clavière droite.
 Clampage aortique par voie transthoracique au moyen d’un clamp spécial, ou par voie
endovasculaire au moyen d’un ballon introduit par une artère fémorale (EndoClamp™
Edwards) ; dans ce dernier cas, l’ETO doit surveiller en continu la position du ballon parce que
celui-ci peut facilement migrer proximalement et s’impacter dans la valve aortique, ou reculer
distalement et bloquer le tronc brachio-céphalique. La première situation provoque une IA
sévère, la deuxième une ischémie cérébrale majeure.
 Cardioplégie antérograde au moyen d’une canule classique implantée dans l’aorte ascendante en
amont du clamp ; l’accès se fait par voie transthoracique. La vue ETO long-axe de l’aorte
ascendante (Doppler couleur) permet de contrôler que la solution de cardioplégie perfuse bien la
racine de l’aorte.
 Cardioplégie rétrograde par canulation endoveineuse du sinus coronaire ; le cathéter est
introduit par la jugulaire interne droite et dirigé dans le sinus coronaire depuis l’OD avec l’aide
de l’ETO. Lorsqu’on en gonfle le ballon, la pression enregistrée par le cathéter ressemble à celle
du VD ; la pression de perfusion mesurée à l’extrémité du cathéter doit rester < 30 mmHg
pendant l’administration de la cardioplégie.
Anesthésie
La chirurgie valvulaire minimalement invasive impose un certain nombre de contingences à
l'anesthésiste.
 Choix d'une technique permettant de répondre à trois contraintes:
o Hémodynamique instable, compromise par la valvulopathie et l'éventuelle dysfonction
ventriculaire.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
96




o Stimulation douloureuse variable selon les techniques; la thoracotomie est plus
douloureuse que la sternotomie, mais les incisions de thoracoscopie lors de chirurgie
robotique sont peu algiques.
o Réveil rapide et extubation précoce.
Monitorage identique à celui requis pour la chirurgie conventionnelle;
o Canulation artérielle radiale gauche de préférence ; la radiale droite est utile pour
monitorer le flux dans le tronc brachiocéphalique. Les fémorales sont laissées libres
pour les canulations de CEC ;
o Cathéter veineux central 2-3 lumières (jugulaire interne ou sous-clavière) ;
o Introducteur 11F en jugulaire interne droite (pour cardioplégie rétrograde et/ou drainage
pulmonaire) ;
o Nécessité impérative d'une surveillance échocardiographique continue.
Ventilation monopulmonaire en cas de thoracotomie droite (tube endotrachéal à doublelumière), parce que le poumon droit s'interpose entre l'incision et le coeur; ceci n'est en général
pas requis pour la thoracotomie gauche antérieure parce que l'accès au péricarde est direct. Le
tube 2L peut être maintenu en place jusqu’au réveil si celui-ci a lieu moins d’une heure après la
fin de l’intervention, sinon une transtubation est nécessaire. L’utilisation d’un tube à bloqueur
bronchique permet d’éviter la transtubation. La ventilation monopulmonaire après CEC réduit
considérablement le rapport PaO2/FiO2 à cause de l’effet shunt dans le poumon non-ventilé ; en
cas de désaturation artérielle ou de défibrillation, il faut momentanément reventiler les deux
poumons.
Installation rigoureuse:
o Hémithorax droit ou gauche soulevé par un coussin longitudinal sous l'omoplate; le
thorax fait un angle de 25-30° avec le plan de la table ; le bras du côté surélevé reste sur
la table le long du corps de manière à dégager l’hémithorax ;
o Pli inguinal ipsilatéral laissé libre pour l'accès à une canulation fémorale, soit parce
qu'elle est utilisée, soit en cas de nécessité;
o Plaques de défibrillateur externe collées au malade, parce que l'accès restreint au cœur
ne permet pas d'y glisser des palettes épicardiques.
Dans les techniques sans CEC, l'anesthésie combinée est une solution élégante parce que
l'analgésie péridurale favorise un réveil précoce et une mobilisation rapide; d'autre part, la
thoracotomie est une voie d'accès plus douloureuse que la sternotomie dans le postopératoire.
Alternative en cas de CEC : blocs intercostaux ou paravertébraux.
Chirurgie minimalement invasive
Des voies d'abord restreintes, des canulations périphériques et des techniques robotiques ou vidéoassistées permettent de limiter la taille de l'incision thoracique. Passée la courbe d'apprentissage, les
résultats sont superposables à ceux de la voie conventionnelle. Avantages: meilleure esthétique,
mobilisation et réhabilitation plus rapides.
Implications pour l'anesthésie:
- hémodynamique instable;
- stimulation douloureuse variable;
- réveil et extubation rapides;
- monitorage identique à celui de la chirurgie conventionnelle; élément additionnel selon la
technique : canulation du sinus coronaire ;
- surveillance ETO rigoureuse ;
- ventilation monopulmonaire en cas de thoracotomie droite.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
97
L'ETO est un besoin impératif dans cette chirurgie qui n'a pas accès à une vision directe de nombreuses
manœuvres.
 Evaluation de la volémie et de la fonction bi-ventriculaire en l'absence d'une vue directe du
cœur;
 Evaluation préopératoire de l'aorte thoracique en cas de canulation fémorale;
 Aide au placement des mandrins et des canules;
 Surveillance du ballon d'occlusion aortique et d'une éventuelle fuite aortique en cas de clampage
endovasculaire;
 Surveillance du VG à cause du risque de dilatation;
 Débullage en fin de CEC.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
98
Insuffisance mitrale
Etiologie de l’insuffisance mitrale
L’insuffisance mitrale (IM) a une prévalence globale de 1.7% en Europe, mais elle augmente avec l’âge
(9.3% au-delà de 75 ans) [235]. Elle relève de plusieurs affections et de plusieurs mécanismes
différents, que l'on peut toutefois regrouper en deux entités:
 IM organique; la structure des feuillets et de l'anneau mitral est pathologique, comme dans la
dégénérescence myxoïde ou le rhumatisme articulaire aigu (RAA);
 IM fonctionnelle; l'appareil valvulaire mitral est normal, mais le VG est malade, comme dans la
dilatation ventriculaire ou l’altération ischémique de la cinétique pariétale.
L'importance d'une IM est dépendante des conditions circulatoires. D'une manière générale, cette
dépendance est plus marquée dans les IM fonctionnelles que dans les IM organiques. D'autre part, la
variabilité de l'IM en fonction de l'hémodynamique n'est pas identique dans les deux groupes (voir
Figure 11.54). L'étiologie et le fonctionnement de l'IM sont donc importants à connaître pour
l'anesthésiste qui doit assurer la stabilité circulatoire du patient. De plus, il est capital que l’anesthésisteéchocardiographeur soit capable d'élucider le mécanisme de l'IM, car la prise en charge et le traitement
chirurgical sont très différents selon le type de pathologies.
L'étiopathogénie de l'IM est variée ; en Europe et en Amérique du Nord, elle se répartit de la manière
suivante [19,102,110,187,243].





Maladie dégénérative (45% des cas) ;
Cardiomyopathie ischémique ou dilatative (27% des cas, en augmentation) ;
Endocardite bactérienne (13% des cas);
Rhumatisme articulaire aigu (12% des cas, en diminution);
Affections congénitales (3% des cas).
Maladie dégénérative
La maladie dégénérative est l'affection la plus fréquente; sa prévalence en Europe est de 2% de la
population [110]. Elle représente les deux tiers des cas opérés. Il en existe deux formes anatomopathologiques [22,320].
 Dégénérescence myxoïde, constituée de dépôts étendus de mucopolysaccharides dans la matrix
(maladie de Barlow); les feuillets et les cordages sont épaissis. Les lésions peuvent toucher les
autres valves : tricuspide (30%), aortique (10%) ou pulmonaire (2%).
 Dégénérescence fibro-élastique, caractéristique de la vieillesse, qui se présente comme une
lésion plus localisée.
La maladie de Barlow (voir Cas particulier: maladie de Barlow) est un ensemble assez vaste, allant
d’un syndrome bénin à prédominance féminine jusqu’à une maladie structurelle grave de la valve
mitrale accompagnée d’une insuffisance majeure [32]. En Occident, la maladie de Barlow est très
fréquente, puisqu’elle touche 1.7-2.4% de la population adulte [113]. Cependant, elle n’est
accompagnée d’une IM significative que dans 10-15% des cas. Une insuffisance majeure se développe
le plus souvent chez les hommes, et en général à partir de 50 ans; elle ne conduit à la réparation
chirurgicale que 5% des malades [10,327]. Les lésions de la valve consistent en feuillets redondants et
épaissis, dans lesquels le collagène est partiellement remplacé par des dépôts de mucopolysaccharide,
conduisant à une dégénérescence myxoïde qui paraît jaunâtre dans le champ opératoire. La valve
devient insuffisante, un ou les deux feuillets prolabent. Les cordages, dont le collagène est lui aussi
atteint, s’allongent sous la traction excessive exercée sur eux et certains finissent par se rompre. On peut
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
99
aussi rencontrer une rupture de cordage isolée. Dans 65% des cas, la lésion est située sur le feston
moyen du feuillet postérieur (P2).
L'échocardiographie démontre que la maladie dégénérative peut prendre plusieurs aspects (Figure
11.48).
 Ballonnisation d'un feuillet; une partie du corps d'un feuillet fait protrusion dans l'OG, mais le
point de coaptation est en position normale, du côté ventriculaire du plan de l'anneau mitral;
 Flottement et excès de tissu (floppy valve) ;
 Prolapsus; le point de coaptation est reculé de > 2 mm en arrière du plan de l'anneau mitral (en
vue long-axe du VG 120°) ;
 Bascule d'un feuillet (flail leaflet), lié à un allongement ou à une rupture de cordage ;
 Combinaison des éléments ci-dessus.
A
B
OG
VG
OG
C
D
VG
Figure 11.48 : Images ETO d’insuffisance mitrale sur dégénérescence tissulaire. A : excès de tissu avec
ballonnisation, épaissisement localisé et prolapsus des deux feuillets ; la flèche indique le déplacement de
l’extrémité des feuillets en arrière du plan de l’anneau mitral (trait pointillé). B : prolapsus isolé de P2. C :
prolapsus de P2 avec rupture de cordage (indiqué par la flèche). D : rupture complète de muscle papillaire avec
fragment de pilier attaché à l’extrémité du feuillet antérieur.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
100
Insuffisance mitrale ischémique
Une insuffisance mitrale est présente chez 10-30% des coronariens opérés [22]. Elle péjore
significativement le pronostic, puisque la mortalité de la revascularisation coronarienne combinée à une
réparation mitrale est de 7-10% alors que celle de la revascularisation simple est en moyenne de 2%
[86,103]. Elle relève de plusieurs mécanismes (Figure 11.49).
< FA
A
B
C
FA
D
E
AL FP
PL
F
© Chassot 2011
Figure 11.49 : Insuffisance mitrale ischémique. L’IM peut être de type IIIb restrictif (A, B et C), de type II
prolapsus (D et E) ou de type I fonctionnel (F) (voir Physiopathologie). A : akinésie ou dyskinésie segmentaire
entraînant le pilier vers l’extérieur et vers l’apex en systole ; le feuillet correspondant est restrictif ; l’IM est
excentrique. B : akinésie ou dyskinésie segmentaire entraînant le pilier vers l’extérieur avec une traction excessive
sur les codages de 2ème ordre ; ceci se traduit par une image en aile de mouette du feuillet antérieur. < FA : angle
du feuillet antérieur à son extrémité avec le plan de l’anneau en systole. C : cardiomyopathie ischémique avec
dilatation homogène du VG ; l’IM restrictive est centrale. D : la rupture complète d’un pilier provoque un bascule
total de la commissure dans l’OG en systole ; on voit un morceau du pilier rompu oscillant au bout des cordages.
E : ischémie d’un pilier occasionnant un prolapsus de la commissure correspondante parce que le pilier s’allonge
au lieu de se contracter en systole. F : ischémie basale causant une dilatation postérieure de l’anneau mitral.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
101
 Akinésie ou dyskinésie de la paroi ventriculaire entraînant un déplacement extérieur et/ou apical
d'un muscle papillaire en systole; la traction opérée sur les cordages correspondants empèche le
feuillet de rejoindre son point de coaptation en systole (restriction au mouvement systolique).
 Akinésie de la paroi basale: la non-contraction de l'anneau mitral en systole ne permet plus aux
feuillets de coapter par une surface suffisante pour que la valve soit étanche; l'IM survient par
dilatation annulaire. Cette dilatation porte essentiellement sur sa partie postérieure, car la partie
antérieure est fixée au trigone fibreux.
 Ischémie papillaire: la non-contraction d'un muscle papillaire en systole donne trop de longueur
aux cordages; le point de coaptation des feuillets est alors éversé dans l'OG. Lorsqu'elle est
surimposée à une akinésie pariétale, l'ischémie papillaire corrige partiellement la rétraction
systolique du feuillet mitral [214].
 Rupture de pilier; une rupture partielle entraîne un bascule de la commissure correspondante
dans l'OG en systole. La rupture totale du pilier cause une IM si massive et un état de choc
cardiogène si profond que 50-75% des malades décèdent avant d'atteindre la salle d'opération.
La rupture concerne le pilier postérieur dans les trois quarts des cas parce que sa vascularisation
uniquement par la CD est plus fragile que celle du pilier antérieur, vascularisé par l'IVA et la
CX.
Les deux premières catégories représentent 76% des cas; elles sont une bonne indication à une plastie
par mise en place d'un anneau mitral, alors que l'ischémie et la rupture papillaires sont le plus souvent
une indication au remplacement valvulaire [124]. Dans tous ces cas, les feuillets de la valve sont
normaux; la pathologie est située dans le ventricule sous-jacent.
Rhumatisme articulaire aigu
Le rhumatisme articulaire aigu (RAA) est devenu une cause rare dans les pays industrialisés (12% des
IM) mais est encore largement répandu dans le tiers-monde et dans les pays émergents [110]. L’IM peut
survenir pendant la phase aiguë du RAA en association avec une myocardite ou une pancardite; dans ce
cas, elle est due à une dilatation annulaire. Par la suite, l’évolution de la maladie conduit à un
épaississement et à une rétraction importante des feuillets; ils deviennent rigides et leur mobilité est
faible; les cordages sont fibrosés, épaissis et raccourcis. La fusion commissurale entraîne une maladie
mitrale dans laquelle la sténose est en général prédominante par rapport à l’insuffisance.
Endocardite
L’endocardite bactérienne atteint une valve anormale, même si la pathologie est bénigne. Elle donne
naissance à des végétations, des perforations, des déchirures de feuillets ou des abcès (Figure 11.50)
[19,281]. Les végétations sont toujours implantées sur la face d’amont (auriculaire) des feuillets.
L'endocardite mitrale est plus rare que l'endocardite aortique, à laquelle elle peut être associée.
Autres étiologies
Avec l’âge, la valve mitrale perd de son étanchéité sans qu’elle soit anormale; il est fréquent de trouver
de petites régurgitations sans signification pathologique ni hémodynamique à partir de 60 ans. D’autre
part, une IM modérée-à-sévère est présente chez 6% des malades de 65-75 ans et chez 9% de ceux de >
75 ans [235]. On rencontre encore d'autres étiologies de l'IM.
 L’insuffisance du VG s’accompagne d’une IM secondaire à la dilatation ventriculaire ; cette IM
est due à la traction excessive sur les cordages en systole et à la dilatation de l’anneau mitral ;
elle suit les variations de la taille du VG selon les conditions hémodynamiques ; son suivi est
une excellent marqueur du degré de dysfonction ventriculaire.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
102
 La calcification de l’anneau mitral (MAC: mitral annular calcification) consiste en dépôts
calcifiés qui empêchent l’anneau de se contracter en systole (normalement, la surface de
l’anneau diminue de 20-25% en systole). Elle est fréquente chez les personnes âgées, les
insuffisants rénaux hémodialysés, les hypertendus, les polyvasculaires et les porteurs de sténose
aortique calcifiée. Elle survient le plus souvent sur l'arc postérieur et peut envahir
progressivement tout le feuillet postérieur qui devient immobile. Elle prédomine chez les
femmes [49].
 Maladies dégénératives tissulaires rares: syndrome d'Ehler-Danlos, syndrome de Marfan.
 Affection congénitale: valve mitrale en parachute, cleft du canal atrio-ventriculaire commun.
A
B
OG
Ao
VD
VG
Figure 11.50 : Images ETO d’endocardite mitrale. A : végétations allongées et de grande taille ; comme toutes les
végétations, elle sont implantées sur la face d’aval des feuillets (versant auriculaire). B : végétation massive
envahissant tout le feuillet postérieur (flèche violette) surmontée de petites végétations filiformes (flèche jaune).
Echocardiographie
L’IM est habituellement quantifiée en trois degrés (mineure, modérée ou sévère) selon différents critères
fondés sur l'imagerie bidimensionnelle, le Doppler spectral et le Doppler couleur (Tableau 11.10). La
classification en 4 degrés basés seulement sur l’étendue du jet tourbillonnaire dans l’OG introduit une
fausse précision, car la dimension du jet est hautement dépendante des conditions hémodynamiques et
inversément proportionnelle à la dimension de l’orifice de régurgitation. D'une manière générale, un jet
central dans l'OG suggère la présence d'une IM fonctionnelle, alors qu'un jet oblique et excentrique
traduit une IM organique liée à une pathologie des feuillets (Figure 11.51).
L’insuffisance mitrale sévère est caractérisée par les critères suivants (Figure 11.52) [110,187,238]:
Dilatation du VG (diamètre télédiastolique en court-axe > 4 cm/m2);
Dilatation de l’OG (diamètre > 5 cm);
Non-coaptation des feuillets ou bascule d’un feuillet en systole;
Jet de régurgitation traversant toute l’OG (Doppler couleur);
Diamètre du jet de régurgitation à son origine (vena contracta) ≥ 0.7 cm;
Large zone de convergence de flux intraventriculaire (PISA) : rayon de 1er aliasing > 1.0 cm
(échelle de couleur 40-50 cm/s);
 Orifice de régurgitation > 0.4 cm2;






Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
103




Fraction de régurgitation > 50%;
Volume régurgité ≥ 60 ml;
Reflux systolique dans les veines pulmonaires (inconstant) ;
PAPsyst > 60 mmHg à l'effort.
Tableau 11.10
Critères de quantification de l’insuffisance mitrale
IM mineure
IM modérée
IM sévère
Paramètres structuraux
Taille de l’OG
Taille du VG
Feuillets mitraux
normale
normale
peu déformés
normale/peu dilatée
normale/peu dilatée
remaniés
Distance de coaptation
feuillets au contact
non contact partiel
dilatée*
dilatée*
non-coaptation, prolapsus
rupture de cordage/MP
> 0.7 cm
Critères spécifiques
Etendue du jet couleur**
Vena contracta
PISA (rayon de 1er aliasing)
Reflux systolique VP
Orifice de régurgitation
Volume régurgité
Fraction de régurgitation < 30%
< 20% de l’OG
< 0.3 cm
absent
absent
< 0.2 cm2
< 30 mL
20-40% de l’OG
0.3 – 0.6 cm
faible dimension
absent
0.2 – 0.4 cm2
30-55 mL
30-40%
> 40% de l’OG
> 0.7 cm
> 1 cm
présent***
> 0.4 cm2
> 60 mL
> 45%
IM ischémique
Vena contracta
Orifice de régurgitation
Volume régurgité
Fraction de régurgitation
Critères d’appoint
Doppler continu
Doppler pulsé
> 0.4 cm
≥ 0.3 cm2
≥ 30 mL
≥ 30%
trace incomplète ou peu dense
E/A normal
trace dense
E > 1.2 m/s, A < E
* Absence de dilatation dans l’IM aiguë
** Seulement en cas d’IM centrale et d’hémodynamique normale
*** Absent si OG très compliante, même en cas d’IM sévère
MP: muscle papillaire. VP: veines pulmonaires
Sources: références 23, 187, 318 et 338.
Les critères de sévérité sont plus restrictifs pour l'insuffisance d'origine ischémique, parce que celle-ci
traduit une pathologie ventriculaire grave (Tableau 11.10). Dans les insuffisances aiguës (voir
Physiopathologie), la morphologie de l'OG et du VG n'est pas modifiée; le remodelage est absent, sauf
si l'IM aiguë est un accident évolutif d'une lésion chronique.
Le diagnostic et la quantification de l'IM se base sur un faisceau de données convergentes et non sur un
seul élément qui pourrait être trompeur. Les critères les plus fiables sont ceux qui dépendent le moins
des conditions hémodynamiques, tels l'imagerie 2D et 3D [302], le diamètre de la vena contracta, la
taille de la zone d'accélération (PISA) et la surface de l'orifice de régurgitation [126].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
104
Etiologie de l’insuffisance mitrale (IM)
IM organique : atteinte structurelle des feuillets et des cordages de la valve ;
- dégénérescence myxoïde (maladie de Barlow) ou fibro-élastique (vieillesse),
- calcifications de l’anneau et des feuillets,
- RAA,
- endocardite.
IM fonctionnelle : valve normale, mais atteinte ventriculaire ;
- ischémie (traction excessive asymétrique sur les cordages par l’akinésie des segments
jouxtant un pilier, bascule de feuillet par ischémie ou rupture de pilier),
- dilatation du VG (traction excessive mais symétrique sur les cordages en systole).
Définition de l’IM sévère (chronique) :
- signe d’appel : large jet couleur de régurgitation, traversant toute l’OG,
- dilatation du VG (Dts > 4 cm/m2) et de l’OG (> 5 cm),
- non-coaptation des feuillets ou bascule d’un feuillet dans l’OG,
- diamètre du jet de régurgitation à son origine > 0.7 cm,
- orifice de régurgitation ≥ 0.4 cm2,
- volume régurgité ≥ 60 mL,
- PAPsyst à l’effort > 60 mmHg.
En cas d’IM aiguë, les cavités gauches ne sont pas dilatées. Les critères de sévérité sont plus restrictifs
pour l’IM ischémique.
Figure
11.51 :
Images
ETO
d’insuffisance
mitrale au Doppler
couleur.
A
B
OG
A : IM mineure.
B : IM modérée.
C : IM sévère.
D : IM sévère
excentrique.
VG
C
D
OG
VG
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
105
OG
Zone de
tourbillons
Vena
contracta
VG
A
C
Zone
d’accélération
concentrique (PISA)
B
E
D
IM
Ao
Figure 11.52 : Définition ETO de l'insuffisance mitrale sévère. A: silhouette des cavités cardiaques; le VG et l'OG
sont dilatés, les feuillets de la valve mitrale ne coaptent pas ou un feuillet bascule dans l'OG, le septum
interauriculaire bombe en systole dans l’OD. B : schéma des signes échocardiographiques Doppler couleur d’une
IM sévère : large zone d'accélération intraventriculaire (PISA : Proximal isovelocity surface area), vena contracta
(zone de flux laminaire immédiatement distale à l’orifice de régurgitation) de > 0.6 cm de diamètre, vaste zone
tourbillonnaire intra-auriculaire. C: le PISA (flèche) est bien visible sous forme d'hémisphères concentriques; sa
dimension est une traduction directe de l’importance de l’IM. D: flux Doppler spectral; la Vmax est 5-6 m/s, la
trace est compacte et l’enveloppe bien définie. E: le flux mitral démarre dès que la PVG dépasse 5-8 mmHg, bien
avant l’ouverture de la valve aortique au moment de laquelle débute le flux systémique; il n’y a donc pas de vraie
phase isovolumétrique.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
106
Physiopathologie
L’insuffisance mitrale est habituellement classée en trois types selon le déplacement du bord libre des
feuillets par rapport au plan de l'anneau (Figure 11.53) [47].
 Type I:
 Type II:
 Type III:
Figure
11.53 :
Classification
des
mécanismes
de
l’insuffisance mitrale
et morphologie du jet
d’IM.
A : Type I, les feuillets
sont normaux.
B : Type II, excès de
tissu valvulaire avec
bascule d’un feuillet (±
rupture de cordage).
C : Type II, excès de
tissu valvulaire avec
recul du point de
coaptation > 2 mm en
arrière du plan de
l’anneau (vue long-axe
120-140°).
D:
Type
III,
restriction
systolodiastolique
des
feuillets dans le RAA.
E : Type III, restriction
systolique symétrique
des feuillets dans la
dilatation du VG.
F : Type III, restriction
systolique asymétrique
d’un
feuillet
lors
d’ischémie du VG
avec
akinésie/
dyskinésie
segmentaire.
le mouvement des feuillets et leur structure sont normaux;
le mouvement des feuillets est excessif (bascule dans l’OG);
le mouvement des feuillets est restrictif (rétention dans le VG).
A
B
Type I
IM fonctionnelle
fonctionnelle
D
Type IIIa
IM restrictive
systolo-diastolique
© Chassot 2011
C
Type II
Bascule
E
Type II
Prolapsus
F
Type IIIb
IM
restrictive
systolique
symétrique
Type IIIb
IM restrictive
systolique
asymétrique
Insuffisance fonctionnelle (type I)
La régurgitation fonctionnelle est due à une dilatation de l’anneau, ou à des calcifications (MAC: mitral
annular calcification) qui empêchent la contraction systolique de celui-ci; le mouvement des feuillets
est normal. L’IM sur cleft du feuillet septal dans le canal atrio-ventriculaire ou l’IM sur perforation
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
107
endocarditique sont classées dans cette catégorie. La dilatation de l'anneau mitral est elle-même due à
plusieurs phénomènes [187].
 Dilatation chronique du VG sur dysfonction et défaillance ventriculaire, ou sur remodelage;
 Dilatation aiguë du VG à cause d'une surcharge de volume ou de pression; d’importance
variable, l'IM peut n’être que transitoire;
 Akinésie basale.
La dilatation de l'anneau porte essentiellement sur la partie postéro-latérale, là où il est le plus mince;
dans sa partie antérieure, l'anneau est fixé au trigone fibreux et à la valve aortique, et ne peut pas
changer de forme (voir Figure 11.1) [127]. A l'échocardiographie, ce type d'IM se caractérise par un jet
de régurgitation central dans l'OG, de symétrie circulaire, traversant plus ou moins largement la cavité
auriculaire (Figure 11.23A).
L'importance de l'IM fonctionnelle est un excellent marqueur du degré de dysfonction contractile du
VG. En sortant de CEC, par exemple, elle est un indice très sensible d'une défaillance systolique
momentanée (soutien catécholaminergique insuffisant), d'une surcharge de volume (mise en charge trop
rapide), de résistances artérielles trop élevées (excès de vasoconstricteur) ou d'ischémie aiguë (pontage
inopérant).
Prolapsus mitral (type II)
Dans le prolapsus mitral, l'amplitude du mouvement d'un ou des deux feuillets est augmentée, et la
valve souffre d'un excès de tissu. Comme on l'a déjà mentionné, l'affection prend plusieurs aspects.
 Ballonnisation d'un feuillet; une partie du corps d'un feuillet fait protrusion dans l'OG, mais le
point de coaptation est en position normale, du côté ventriculaire du plan de l'anneau mitral;
 Recul du point de coaptation de > 2 mm en arrière du plan de l'anneau mitral (défini en vue
long-axe du VG 120°, voir Figure 11.4) ;
 Flottement d'un feuillet dans l'OG (floppy valve);
 Bascule d'un feuillet (flail leaflet), lié à un allongement ou à une rupture de cordage ;
 Combinaison des éléments ci-dessus.
L'échocardiographie transoesophagienne est l'examen de premier choix pour mettre en évidence ces
différentes lésions (voir Figure 11.48 et Figure 11.51). L'aspect du jet intra-auriculaire donne une clef
sur le mécanisme en jeu [298].
 Central dans le cas d'un simple recul du point de coaptation ;
 Excentrique et oblique dans l'OG dans le cas d'un bascule ou d'une rupture de cordage; le jet est
orienté en direction opposée au feuillet atteint: en direction du septum interauriculaire en cas de
prolapsus du feuillet postérieur et direction de la paroi postéro-latérale en cas de prolapsus du
feuillet antérieur.
Insuffisance restrictive (type III)
Dans l’insuffisance mitrale restrictive, la course valvulaire est limitée et la fermeture insuffisante car les
feuillets sont retenus en dessous du plan de l’anneau mitral pendant la systole par différents mécanismes
(Figure 11.53).
 Type IIIa (systolo-diastolique): l'appareil valvulaire et l'appareil sous-valvulaire sont fibrosés et
rétractés; l'ouverture et la fermeture incomplètes de la valve sont typiques des valvulopathies
rhumatismales.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
108
 Type IIIb symétrique: la dilatation ventriculaire écarte les piliers, tire sur les cordages et
maintient les feuillets dans la cavité ventriculaire pendant la systole. La dysfonction et la
sphéricisation du VG étant homogènes, la traction sur les feuillets est symétrique; l'IM est
centrale dans l'OG.
 Type IIIb asymétrique: bien qu'opérant par le même mécanisme de traction systolique, une
dyskinésie ischémique segmentaire ne concerne qu'une partie de la paroi ventriculaire et ne
rétracte qu'une portion des feuillets. L'IM est asymétrique et son jet oblique dans l'OG.
Lors d’insuffisance ventriculaire gauche, l'IM restrictive (IIIb symétrique) est un excellent marqueur du
degré de dysfonction ventriculaire parce qu'elle traduit le degré de dilatation du VG; son augmentation à
l’effort est un bon prédicteur de mortalité [334].
Insuffisance aiguë
L’insuffisance aiguë est déclenchée par une rupture de cordage (maladie de Barlow) ou de pilier
(nécrose ischémique), par une endocardite (perforation, destruction tissulaire) et par une défaillance
aiguë du VG (sortie de CEC). Le remodelage des cavités est absent dans l’insuffisance aiguë, sauf si elle
survient en cours d'évolution d'une affection chronique. Comme l’OG n’est pas dilatée, le reflux
systolique dans les veines pulmonaires est important (disparition ou inversion de la composante
systolique du flux veineux pulmoanire) et l’onde "v" est massive sur la courbe de PAPO. La stase
gauche conduit à l'œdème pulmonaire, qui peut parfois être unilatéral si le jet de l'IM est dirigé très
obliquement à travers l'OG.
Le traitement médical ne vise qu'à la stabilisation du malade jusqu'à l'opération: vasodilatateurs
(nitroprussiate), agent inotrope (dobutamine, milrinone ± adrénaline), ventilation en pression positive et
contre-pulsion intra-aortique.
Remodelage
L'insuffisance mitrale induit une surcharge de volume puisqu’une partie du volume éjecté part dans
l’OG et revient dans le VG à la diastole suivante. Elle s'accompagne d'une dilatation de l'OG, d'une
augmentation du volume télédiastolique (Vtd) ventriculaire et d'une hypertrophie excentrique du VG,
proportionnelles à l'importance et à la durée de la maladie (Figure 11.52A). Comme le VG travaille
dans des conditions favorables (postcharge basse et précharge élevée), la fraction d'éjection est normale
ou élevée, et masque la dysfonction qui s'installe progressivement. Lorsque le patient devient
symptomatique, la fonction ventriculaire est déjà altérée de manière très significative, contrairement aux
sténoses où les symptômes apparaissent avant la dysfonction du VG. Plus l'OG est dilatée, plus le risque
de fibrillation auriculaire (FA) est grand. Le prolapsus avec IM significative présente un taux de FA, de
défaillance ventriculaire et de décès cardiaque de 51% à 5 ans [138]. Laissée à elle-même, cette IM a
une mortalité de 90% à 10 ans (7-8%/an) [199].
Dans l’insuffisance mitrale, la stase pulmonaire et l’HTAP sont moins fréquentes qu’en cas de sténose.
Cela tient à deux raisons.
 La dilatation auriculaire augmente la compliance de l’OG, donc freine l’à-coup de pression
représenté par la régurgitation ;
 L’IM est systolique ; l’augmentation de pression est brêve et ne dure pas pendant tout le cycle
cardiaque ; la POG moyenne est très inférieure à la pression du pic de l’onde "v" ; elle est plus
basse que celle qui règne dans l’OG en cas de sténose mitrale.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
109
IM et hémodynamique
Même si l’on rencontre souvent des situations où les trois types d'insuffisance mitrale se combinent,
cette classification est importante pour la clinique, car le comportement hémodynamique diffère d’une
catégorie à l’autre (Figure 11.54):
 Types I et III: la régurgitation est diminuée par la réduction du volume ventriculaire en systole,
qui permet aux feuillets de retrouver une coaptation normale; ceci se produit grâce à une baisse
de postcharge, une amélioration de la fonction systolique, ou une diminution du remplissage
[296];
 Type II (prolapsus avec recul du point de coaptation): la régurgitation est diminuée par un
agrandissement de la taille du ventricule en systole, qui tend les cordages et ramène le feuillet
prolabant vers le plan de coaptation; ceci est réalisé par une augmentation de précharge et par
une baisse de contractilité (voir Maladie de Barlow). Ce phénomène est significatif dans la
maladie de Barlow accompagnée d'une IM modérée; il ne s'applique pas aux IM sévères sur
lésions organiques graves (bascule de feuillet, rupture de cordage).
Figure 11.54 :
Comportement différent de la
régurgitation mitrale avec les
variations de volémie selon le
type d’IM.
A et B: hypervolémie; le
ventricule se dilate, son volume
télésystolique (Vts) augmente;
l'IM diminue dans le prolapsus
(A) car les cordages sont tirés
vers le bas, mais augmente dans
les types I et III (B), car la
restriction des feuillets mitraux
s'accroît.
C et D: hypovolémie; le
ventricule se rappetisse, son
volume télésystolique diminue;
l'IM augmente dans le type II
(C) car les cordages ont
davantage de course, mais
diminue dans les types I et III
(D), car la restriction diminue et
les feuillets arrivent presque à
coapter.
Hypervolémie, Vts↑
A
B
Hypovolémie, Vts ↓
C
D
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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
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Quel qu’en soit le mécanisme, la régurgitation mitrale crée une surcharge de volume pour le coeur
gauche, puisqu’une partie du volume systolique ne fait que des allers et retours entre l’oreillette et le
ventricule. Le VG est hypertrophié et dilaté, l’OG est agrandie ; la géométrie du VG se modifie: il prend
une forme plus arrondie, car la sphère offre le maximum de volume par unité de périmètre. La surcharge
de volume est illustrée par l’agrandissement et le déplacement vers la droite de la boucle pressionvolume (voir Figure 11.16 et Figure 11.55). La fuite dans l’OG maintient une postcharge constamment
basse, et la phase de contraction isovolumétrique est pratiquement supprimée parce que la régurgitation
commence dès la mise sous tension du VG, bien avant l'ouverture de la valve aortique. Etant une bonne
pompe-volume, le ventricule gauche tolère une fraction régurgitée de 40% et ne se détériore que lorsque
cette fraction dépasse 50% [238]. La boucle P/V démontre aussi la répartition du travail ventriculaire
entre le travail interne de pression (Tpr) et le travail externe d’éjection (Téj) (voir Figure 11.16D). En
cas d’IM, la majeure partie de l’énergie est consacrée au travail externe d’éjection ; le travail de pression
est réduit puisque l’insuffisance agit comme une soupape qui maintient la postcharge basse. L’efficience
énergétique (rapport Tpr/Téj) est très bonne, et la consommation d’O2 est modestement augmentée, bien
moins que dans une surcharge de pression. Par rapport à l’insuffisance aortique, la postcharge est plus
basse et la surcharge de volume se fait à une pression inférieure (POG au lieu de PAdiast) [237]. Toutefois,
la diminution de postcharge chronique, bien que favorisant l'éjection ventriculaire, réduit aussi le stress
de paroi à long terme et diminue la performance contractile des fibres myocardiques, qui involuent
progressivement [46]. Le risque ischémique n’existe que s’il survient une maladie coronarienne
concomitante.
Pression
Emax
Boucle PV
normale
Insuffisance
mitrale
Compliance
V0
Volume
VS
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Figure 11.55 : Boucle pression - volume en cas d’insuffisance mitrale chronique (IM). La pente Emax et la courbe
de compliance sont normales, mais le volume éjecté (VS, rouge) est très augmenté par rapport à la normale
(double flèche jaune). Comme la valve mitrale fuit dès que la pression monte dans le VG, la phase de contraction
isovolumétrique est quasi-inexistante et le VG régurgite dans l’OG avant même d’éjecter dans l’aorte ; c’est la
raison de la pente oblique de cette phase (flèches blanches). Le travail de pression (triangle pointillé bleu clair) est
abaissé par rapport à la normale. L’IM représente une surcharge de volume à postcharge basse, situation
énergétiquement très favorable pour le VG. Dans l’IM aiguë, la dilatation ventriculaire n’existe pas, le volume est
à la limite supérieure de la normale, mais la pression télédiastolique est très élevée.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
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Le volume régurgité dépend de la taille de l’orifice mitral en systole (> 0.4 cm2 en cas d’IM sévère) et
du gradient de pression entre le VG et l’OG. Ces deux données ne sont pas des valeurs fixes: leur
variabilité est déterminée par plusieurs phénomènes hémodynamiques.
 La postcharge du ventricule gauche: celui-ci fonctionne comme s'il avait deux issues, l'aorte et
l'oreillette gauche. L'impédance à l'éjection est évidemment plus basse dans l'OG que dans le
système artériel; les variations des résistances artérielles périphériques vont donc conditionner
la répartition des deux flux systoliques. Le volume de l’IM diminue si les résistances
systémiques baissent. L’IM est extrêmement sensible à la postcharge systémique,
particulièrement en cas d’IM fonctionnelle.
 La précharge est haute puisqu’une partie du volume systolique revient dans le ventricule à la
diastole suivante; le débit antérograde à travers la mitrale est élevé. L’hypervolémie dilate le
ventricule et augmente l’importance de l’IM. Cependant, l'inverse n'est pas vrai: l’hypovolémie
est mal tolérée, quand bien même elle diminue le volume ventriculaire. En effet, la fraction
régurgitée augmente si le volume systolique global baisse, parce que l’impédance de l’OG reste
plus basse que celle de l’aorte, surtout lorsque l’hypovolémie s’accompagne d’une
vasoconstriction artérielle. La fuite mitrale opère un phénomène de vol, et le débit systémique
baisse.
 La fonction ventriculaire est le principal déterminant du gradient de pression entre le VG et
l'OG. Si la contractilité est basse, le flux de l'IM est artificiellement diminué. La fraction
d'éjection est un piètre reflet de la fonction systolique, car l’éjection a lieu pour une bonne part
dans le système à basse pression de l’OG; le VG fonctionne dans un mode à précharge élevée et
à postcharge basse, artificiellement très favorable, et masquant son éventuelle baisse de
contractilité.
 La compliance de la cavité de réception modifie l’importance d’une régurgitation. Celle de l'OG
dépend de son volume et du tonus de sa paroi. Dans les IM chroniques, l'oreillette se dilate et
devient très mince, ce qui favorise la régurgitation et tamponne l’à-coup de pression. La
compliance auriculaire est, avec la fonction ventriculaire, le principal déterminant de l'onde "v"
générée par l'IM sur la courbe de PAPO. L'amplitude de cette onde de pression ne traduit pas
l'importance de l'insuffisance mitrale, mais la résistance opposée par l’OG au flux sanguin
régurgité en systole; elle est très prononcée dans les IM aiguës, car l’oreillette est de taille et de
compliance normales, mais modérée ou normale dans les IM de longue durée où l’OG est
distendue et très compliante (diamètre OG > 5.5 cm) [262].
 La pression moyenne de l’OG: le déclenchement de l’IM est retardé si cette pression s’élève. La
ventilation en pression positive augmente le retour par les veines pulmonaires et freine l'IM; de
plus, l'augmentation de la pression endothoracique diminue la pression transmurale des cavités
gauches et la postcharge effective du VG. Les patients souffrant d’IM tolèrent donc bien la
ventilation en pression positive.
La pression veineuse pulmonaire s’élève peu à peu au cours de la maladie et la stase interstitielle
pulmonaire s’installe. A cette élévation de la pression pulmonaire postcapillaire s’ajoute une
augmentation réactionnelle des RAP précapillaires qui contribue à l’hypertension pulmonaire.
Toutefois, la dilatation et la décompensation du coeur droit sont moins fréquents dans l’insuffisance que
dans la sténose mitrale.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
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Physiopathologie de l’insuffisance mitrale
IM de type I : insuffisance fonctionnelle, mouvement et structure des feuillets normaux ;
- dilatation de l’anneau (dilatation du VG),
- non-contraction de l’anneau (calcifications, ischémie basale).
IM de type II : mouvement excessif des feuillets, basculés dans l’OG en systole ;
- prolapsus (recul du point de coaptation > 2 mm en arrière du plan de l’anneau en vue longaxe du VG 120°),
- ballonnisation, excès de tissu et flottement des feuillets dans l’OG,
- bascule d’un feuillet, rupture de cordage ou de pilier.
IM de type III : feuillets retenus du côté ventriculaire par traction excessive sur les cordages ;
- IIIa (restriction systolo-diastolique) : rétraction des feuillets et des cordages (RAA),
- IIIb symétrique (systolique) : traction sur les cordages par déplacement apical et latéral des
muscles papillaires (dilatation du VG),
- IIIb asymétrique (systolique) : akinésie/dyskinésie de segments contigus à un pilier (ischémie).
Conditions hémodynamiques en cas d’IM :
- postcharge basse (la fuite dans l’OD débute pendant la contraction isovolumétrique),
- précharge élevée (le volume régurgité revient dans le VG à la diastole suivante),
- fonction systolique du VG facilitée malgré une baisse de contractilité (FE non discriminante),
- dysfonction ventriculaire déjà présente lorsque le patient devient symptomatique,
- compliance de l’OG élevée si OG dilatée (amortissement de pression, onde "v" modérée),
- P OG (élevée, elle retarde le déclenchement de l’IM et diminue le ΔP VG - OG).
L’importance de l’IM dépend des conditions hémodynamiques :
- IM ↑ si : RAS ↑, Vts VG ↑,
- IM ↓ si : RAS ↓, Vts VG ↓, contractilité ↑,
- IM type II : l’IM peut ↑ si Vts VG ↓.
Caractéristiques hémodynamiques de l'insuffisance mitrale
Précharge élevée (surcharge de volume du VG)
Postcharge basse (l’IM fuit dès que PVG > POG)
Dilatation du VG (diamètre télédiastolique > 7 cm ou > 4 cm/m2)
Fonction systolique altérée malgré une FE conservée
Critère de dysfonction du VG: diamètre télésystolique > 4 cm (> 2.5 cm/m2)
L’IM augmente si : RAS ↑, Vtd ↑, contractilité ↓
DC systémique dépend de RAS basses
Intolérance à l’hypovolémie
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
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Manifestations cliniques
De nombreuses années s’écoulent sans symtômes pendant que l’IM entraîne un agrandissement du VG,
un affaiblissement de sa contractilité, et une surcharge de volume dans l’OG, qui se dilate
progressivement [22]. Lorsqu’elles apparaissent, les manifestations cliniques sont gouvernées par
l’importance du volume régurgité et par la fonction ventriculaire gauche: dyspnée due à la surcharge de
pression dans les veines pulmonaires (backward failure), fatigabilité due à la baisse du débit systémique
efficace (forward failure). Si l’oreillette est très dilatée et très compliante, elle protège les poumons des
effets de l’IM et la stase est peu marquée; le patient manifeste surtout une faiblesse systémique. Mais la
dilatation de l'OG augmente le risque d'arythmies et de FA, perceptibles cliniquement sous forme de
palpitations. Si l’IM évolue rapidement (rupture de cordage, par exemple), l’OG doit accomoder le
volume régurgité sans avoir eu le temps de s’agrandir; la pression s’y élève et la stase est importante,
conduisant souvent à l'œdème pulmonaire; la dyspnée domine le tableau clinique. Il arrive que des
régurgitations très asymétriques, dirigée vers les veines pulmonaires d’un seul côté, puissent
occasionner un œdème pulmonaire unilatéral.
L’auscultation laisse entendre un souffle pansystolique apical de tonalité élevée et constante, qui irradie
selon la direction du jet de l'IM, en général vers la région axillaire gauche (Figure 11.56). Dans les
prolapsus et les ruptures de pilier, l’irradiation peut être différente selon l’orientation de l’IM. Il n’y a
que peu de corrélation entre l’intensité du souffle et la sévérité de l’insuffisance [34]. Comme le volume
régurgité revient en diastole dans le ventricule, le flux mitral antérograde est augmenté et accéléré, ce
qui se traduit souvent par un murmure diastolique de haut débit. Le pouls est vif et hyperdynamique. A
l’ECG, on note des signes d’hypertrophie ventriculaire gauche et des ondes P larges en DII, bifides en
V1.
Figure 11.56 :
Ausculatation
d’insuffisance
mitrale.
Le
souffle
est
pansystolique,
doux, régulier,
et irradie vers
la
région
axillaire.
B1
B2 B3
B1
La thérapeutique médicale est limitée dans les IM organiques; les vasodilatateurs ne sont bénéfiques que
dans les IM fonctionnelles ou ischémiques; la présence d'une FA commande une anticoagulation
systémique (dicoumarine pour INR 2-3) [23].
Examen fonctionnel
La contractilité s’altère progressivement à l’abri des conditions de charge très favorables: la fraction
d’éjection (FE), dont la mesure est particulièrement dépendante de la postcharge, est inopérante comme
élément prédicteur de la fonction postopératoire [207]. Une FE de 0.6 ne garantit nullement une
fonction conservée, et une valeur de 0.5 signe déjà une atteinte significative de la performance
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
114
systolique [91,309]. Une FE de 0.4 traduit une dysfonction grave qui a peu de chance d’être
significativement améliorée par une correction chirurgicale [79,207].
Les dimensions télésystoliques du VG offrent la meilleure corrélation avec la fonction et la survie
postchirurgicale [109]. Un volume télésystolique normal (diamètre du VG < 2.5 cm/m2, ou < 4 cm)
correspond à une bonne contractilité et à un bon pronostic postopératoire (mortalité 1%), alors qu’un
diamètre > 3.0 cm/m2 signe une dysfonction ventriculaire importante et n'assure plus une récupération
fonctionnelle après correction chirurgicale (mortalité opératoire 5-6%) [109,110,207]. Après plastie
mitrale, par exemple, l’incidence de dysfonction ventriculaire gauche est de 9% lorsque le diamètre
télésystolique du VG est < 3.7 cm mais de 33% lorsqu’il est > 3.7 cm [315a].
En résumé, les caractéristiques cliniques de l’insuffisance mitrale sont:
Caractéristiques de l'insuffisance mitrale
Précharge élevée (surcharge de volume du VG)
Postcharge basse (l’IM fuit dès que PVG > POG)
Dilatation du VG (diamètre télédiastolique > 7 cm ou > 4 cm/m2)
Fonction systolique altérée malgré une FE conservée
Critère de dysfonction du VG: diamètre télésystolique > 4 cm (> 2.5 cm/m2)
L’IM augmente si : RAS ↑, Vtd ↑, contractilité ↓
DC systémique dépend de RAS basses
Intolérance à l’hypovolémie
Indications et résultats opératoires
Le perfectionnement des techniques de valvuloplasties et de prothèses implantables a permis plus
d’agressivité dans l’indication opératoire, y compris chez le malade âgé ou en état avancé. Bien que
toute IM sévère ou symptomatique soit une indication opératoire, la pertinence de l'intervention est
déterminée par le rapport entre le risque encouru et le bénéfice attendu. L'idéal est de pouvoir corriger
l'IM avant que la situation ne se détériore, en réalisant une valvuloplastie dans un centre qui en a une
assez vaste expérience pour avoir une mortalité opératoire ≤ 1% et un taux de reprise ≤ 6% à 10 ans.
Plastie valvulaire mitrale (PVM)
Si les conditions anatomiques le permettent (feuillets valvulaires souples, longs et peu déformés,
appareil sous-valvulaire compétent, absence de calcifications), on procède à une valvuloplastie avec
annuloplastie plutôt qu'à un remplacement d'emblée par une valve prosthétique; cela est possible dans
50% à 90% des cas, toutes pathologies confondues (voir Plastie mitrale) [33]. Bien que techniquement
plus exigeante, la plastie est préférable pour plusieurs raisons [192]:
 La préservation de l’appareil sous-valvulaire maintient la géométrie du VG et assure une
meilleure fonction ventriculaire gauche postopératoire;
 La mortalité est plus basse (1-2% contre 4%);
 Les risques thrombo-emboliques et infectieux sont minimes;
 Les risques de détérioration structurelle sont quasi inexistants ;
 L'anticoagulation n'est pas requise à long-terme, mais seulement pendant les 3 premiers mois
(délai nécessaire à l'endothélialisation de l'anneau prosthétique); seule l'aspirine (75-250 mg/j)
est prescrite à vie ;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
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 Chez l’enfant et l’adolescent, la valve peut croître avec la taille du patient.
Le prolapsus et la rupture de cordage peuvent en général être réparés avec succès, mais les lésions
rhumatismales et les calcifications réduisent les chances de plastie, même entre des mains
expérimentées [23,321]. Les plasties du feuillet postérieur donnent en général de meilleurs résultats que
celles du feuillet antérieur. Si l'OG est normale, si la fonction du VG est bonne et si le patient n'a jamais
présenté de FA, l'aspirine (dose de charge 250 mg/j, entretien 75-250 mg/j) peut suffire [321]. Dans les
autres cas, on prescrit une anticoagulation pendant 3 mois en visant un INR de 2.0-2.5, suivie par
l'aspirine à vie.
Le taux de réopération après plastie est le même qu'après remplacement par une prothèse mécanique; il
est de 7-10% à 10 ans, pour un tiers dû à la progression de la maladie de base et pour deux tiers
secondaire à des problèmes techniques [123,223]. Cette incidence est inférieure au taux d'attrition d'une
bioprothèse. La mortalité est de 1-2% lorsque l'opération a lieu avant que le VG ne dilate, et de 5-6% en
cas de dysfonction ventriculaire [110,321].
La valvuloplastie mitrale percutanée est une nouvelle technique non-invasive encore au banc d’essai.
Pour l’instant, deux modalités différentes sont utilisées en clinique (voir Endoprothèses valvulaires et
Figure 11.47).
 La technique bord-à-bord consiste à clipper la partie centrale des deux feuillets pour former un
double orifice et réduire la surface de régurgitation (plastie selon Alfieri) [56].
 L’introduction d’un anneau prosthétique par le sinus coronaire permet de ceinturer la valve
mitrale ; cet anneau fonctionne comme une annuloplastie chirurgicale [325].
Ces techniques sont réservées aux malades en mauvais état général dont la mortalité opératoire serait
prohibitive. On ne dispose pas encore de résultats à long terme pour juger de la valeur de ces techniques
dont la mortalité est faible mais dont le taux de récidive est élevé.
Remplacement valvulaire mitral (RVM)
Si la valvuloplastie est impossible, une valve prosthétique est mise en place. Autant que faire se peut, on
conserve une grande partie des feuillets et on évite de réséquer l'appareil sous-valvulaire (voir Figure
11.35), car le maintien des seuls cordages de 3ème ordre ne suffit pas à empêcher une certaine
sphéricisation du VG et une altération de sa fonction systolique à long terme [261]. Lors de maladie
rhumatismale, l'appareil sous-valvulaire est raccorni et restrictif et ne peut pas être conservé; dans ce
cas, la fonction ventriculaire se détériore progressivement malgré la compétence de la prothèse, à cause
de la perte du squelette interne dynamique que représentaient les piliers et les cordages. Epargner le
tissu mitral et les cordages peut conduire parfois à une obstrcution dynamique de la CCVG par les restes
du feuillet antérieur. Les bioprothèses peuvent obstruer partiellement la CCVG par le montant situé le
plus antérieurement.
Le RVM demande une anticoagulation; celle-ci ne dure que 3 mois avec une bioprothèse, mais est
permanente lorsqu'on implante une prothèse mécanique (voir Prothèses valvulaires). Comme le risque
thrombo-embolique est plus grand en position mitrale qu'en position aortique, on recherche un INR de
3.0-3.5 indéfiniment [23]. Avec les bioprothèses, le risque de dégradation structurelle est plus rapide en
position mitrale qu'en position aortique; le taux de réopération à 15 ans est respectivement de 50% et de
29% [145].
Les résultats de la chirurgie du remplacement valvulaire mitral restent assez lourds: la mortalité
opératoire est de 2-6% [82]. La survie à 10 ans des malades symptomatiques est de 61% (> 85% après
plastie) [89]. Elle est de 76% chez les malades opérés lorsqu’ils sont encore aymptomatiques [313].
Pour les lésions post-RAA, la survie est de 70% à 5 ans [267]. Comparativement, la survie à 5 ans sans
opération oscille entre 20% et 30% [153]. Le devenir des patients à qui on implante une prothèse pour
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
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une IM pure symptomatique est moins bon que celle des malades qui souffrent d’une sténose pure ou
d’une maladie mitrale mixte, probablement parce que leur fonction ventriculaire est déjà plus gravement
atteinte lorsqu’ils deviennent symptomatiques [193].
Indications opératoires
Il est primordial d'opérer le patient souffrant d'une IM sévère avant que ne survienne une détérioration
fonctionnelle qui empèche une récupération satisfaisante après l'intervention et qui en triple la mortalité.
Avec une mortalité de 90% à 10 ans sans intervention [199], l'opération est quasiment inévitable, mais
le problème est de bien choisir le moment auquel intervenir. Ceci est délicat pour plusieurs raisons.






Le patient reste longtemps asymptomatique;
La fonction ventriculaire se détériore silencieusement;
Les indices habituels de la fonction contractile ne sont pas pertinents;
La fonction peut se détériorer en postopératoire;
Il est difficile de prédire si la valvuloplastie sera un succès;
La mortalité opératoire est significative; elle est de 1-2% pour la plastie et de 2-6% pour le
remplacement par une prothèse [301]; pour justifier une intervention précoce, la mortalité doit
être dans la fourchette inférieure de ces valeurs.
Les recommandations actuelles sont de considérer les éléments suivants comme des indications
opératoires à une IM sévère d'origine organique [23,90,159,318].
 Patient cliniquement symptomatique;
 Apparition ou présence d'un dysfonction ventriculaire (diamètre télésystolique du VG > 4 cm ou
> 2.5 cm/m2, FE < 0.6, PAPsyst > 60 mmHg à l’effort), quels que soient les symptômes;
 Fibrillation auriculaire, particulièrement si elle est d'installation récente;
 Détérioration du remodelage au suivi échocardiographique (diamètre de l'OG > 5 cm, diamètre
télésystolique du VG > 4 cm ou 2.5 cm/m2), même si le patient reste asymptomatique;
 Patient asymptomatique avec fonction ventriculaire conservée si l'orifice de régurgitation est >
0.4 cm2 et si si la probabilité de réussite d'une plastie est > 90%; ceci est justifié à cause du
risque élevé de complications dans les 5 ans [90,275]. A 7 ans, le taux de survie est de 98%
après plastie et de 85% avec un traitement médical [162].
Indications opératoires de l’insuffisance mitrale
Indications opératoires pour une IM organique sévère (orifice de régurgitation > 0.4 cm2) :
- patient symptomatique,
- dysfonction ventriculaire (Dts VG > 2.5 cm/m2),
- fibrillation auriculaire,
- détérioration au suivi échocardiographique d’un patient encore asymptomatique,
- patient asymptomatique si probabilité de plastie > 90%.
Lorsqu’elle est faisable (50-90% des cas), la plastie mitrale (PVM) est toujours préférable au
remplacement valvulaire (RVM) parce que :
- la mortalité est plus basse (1-2% versus 4%),
- la fonction du VG est mieux conservée,
- l’anticoagulation n’est pas nécessaire > 3 mois (INR 3-3.5 à vie après prothèse mécanique),
- le risque thrombo-embolique et infectieux est minime,
- le taux de reprise (7-10% à 10 ans) est le même que pour une prothèse mécanique ; il est
inférieur au taux d’attrition d’une bioprothèse.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
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Dans les insuffisances aiguës ou subaiguës, l’opération est indiquée aussi rapidement que possible si
l’hypertension veineuse pulmonaire ne peut pas être jugulée par le traitement médical: OAP persistant,
dyspnée paroxystique nocturne, bas débit systémique, élévation de la créatinine, PAP systolique > 50
mmHg au repos. Les indications particulières des IM ischémiques et des IM secondaires à une
cardiomyopathie dilatative sont présentées plus loin (voir Cas particulier II, IM ischémique et Cas
particulier III, IM sur défaillance du VG).
La personne âgée (> 65 ans) récupère beaucoup moins bien de la chirurgie mitrale que de la chirurgie
pour sténose aortique, parce que le VG est immédiatement soulagé de la postcharge excessive dans le
deuxième cas, alors qu’il échange une surcharge de volume bien tolérée contre une surcharge de
pression mal tolérée dans le premier cas. Comme la mortalité opératoire excède 14% chez ces patients,
seule une IM sévère avec symptômes de décompensation est justifiable d'une intervention chirurgicale
[23,236].
Principes pour l’anesthésie
Les différents mécanismes de l’IM déterminent la prise en charge hémodynamique. Dans le prolapsus
mitral mineur-à-modéré (IM type II), la régurgitation diminue si le ventricule s’agrandit (voir Prolapsus
mitral), alors que dans les IM de types I (fonctionnelles) et III (restrictives), elle diminue si le
ventricule se rétrécit (Figure 11.54). Lorsqu’il arrive au stade chirurgical toutefois, le prolapsus
engendre une IM massive, et le mécanisme du type II est débordé par l’importance de la régurgitation,
qui ne diminue que si le VG est moins dilaté. On peut donc dire que le risque d’une aggravation de l’IM
par la distension du VG pilote la prise en charge anesthésique de la chirurgie mitrale.
 Précharge: la volémie totale est augmentée pour maintenir un débit systémique efficace, vu la
perte de volume dans le va-et-vient entre le VG et l'OG. L’hypovolémie diminue
proportionnellement davantage le débit systémique que la fraction régurgitée, puisque la fuite
auriculaire "vole" en permanence du volume dans le système à basse pression de l’OG. La
tolérance à l’hypovolémie est faible, et la précharge doit être maintenue normale-à-élevée.
 Postcharge: le VG fonctionnant comme une cavité à deux sorties, le volume régurgité est
fonction directe de la résistance à l'éjection; les RAS doivent donc être impérativement basses.
Une vasodilatation artérielle est nécessaire (isoflurane, nitroprussiate, phentolamine).
 Contractilité: elle doit être maintenue élevée pour assurer le débit systolique antérograde. Dans
les IM chroniques, la postcharge basse et la précharge élevée masquent la contractilité réelle du
VG, dont les indices de fonction habituels traduisent mal la diminution. Il faut donc suspecter la
fonction systolique d’être abaissée, et n’utiliser que des agents inotropes dépourvus d’effet
alpha (dobutamine, isoprénaline, amrinone, milrinone). En cas de difficulté, la contre-pulsion
intra-aortique est très efficace pour soulager le VG, diminuer l’IM et améliorer la perfusion
coronarienne.
 Fréquence: elle doit rester soutenue parce que la bradycardie augmente le temps de remplissage
et le volume ventriculaire, donc fait courir le risque de dilatation aiguë du VG. L’IM ayant lieu
en systole, la variation de la fréquence modifie peu sa durée. Le maintien du rythme sinusal est
important pour autant que l’OG ne soit pas très dilatée ; dans ce cas, sa contractilité est faible et
le volume propulsé par sa contraction est négligeable.
 Résistances pulmonaires: l'hypertension pulmonaires est fréquente mais en général modérée ;
la musculature vasculaire pulmonaire est hyperréactive; éviter toute vasoconstriction
pulmonaire (hypoxie, hypercarbie, acidose, N2 O), et maintenir une hyperventilation pour un pH
de 7.5 et une PaCO2 de 32-35 mmHg.
 Ventilation en pression positive: elle améliore le débit gauche dans la mesure où le retour
veineux au coeur droit reste bien assuré. La vidange des poumons vers l’OG est accélérée, le
flux mitral antérograde est augmenté et la pression transmurale de l’oreillette diminue ; la
postcharge effective du VG s’abaisse (voir Figure 11.73 et Chapitre 5 Interactions
cardiorespiratoires, Ventilation en pression positive). L’IPPV tend donc à diminuer l’IM ;
ses effets sont transmis par le biais de la pression moyenne intrathoracique.
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L’échocardiographie transooesophagienne peropératoire est capitale pour élucider les mécanismes de
l’IM et planifier la stratégie de prise en charge [216]. Toutefois, l’évaluation d’une IM est modifiée par
l’anesthésie, qui tend à en diminuer l’importance parce qu’elle baisse la pression artérielle et le
remplissage. Ainsi l’IM s’abaisse de 1-2 degrés sur une échelle de quatre chez la moitié des patients du
simple fait d’être endormis [134]. Toute quantification de l’IM doit se faire après avoir rétabli une
hémodynamique normale (PAM ≥ 80 mmHg), au besoin par des vasopresseurs.
Le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz est très utile pour toute la chirurgie mitrale afin de régler
l’administration liquidienne, de surveiller l’évolution des pressions dans l’OG et de pouvoir évaluer le
volume systolique antérograde (VS obtenu par la thermodilution pulmonaire) ; la SvO2 permet de juger
l’adéquation du débit systémique aux besoins de l’organisme. Sur la courbe de PAPO, l’importance de
l’onde "v" n’est pas directement proportionnelle à celle de l’IM car elle dépend de la compliance de
l’oreillette ; lorsqu’elle est dilatée, l’OG absorbe l’à-coup de pression et tamponne l’onde "v". Les
mesures de débit peuvent être biaisées en présence d’une insuffisance tricuspidienne secondaire
importante. Après la CEC, la correction de la fuite mitrale impose des conditions difficiles au VG :
augmentation de postcharge, baisse de précharge. Dans ces conditions, le cathéter de Swan-Ganz est
nécessaire pour gérer le soutien hémodynamique.
Hémodynamique recherchée en cas d'insuffisance mitrale
Volémie normale à élevée
Vasodilatation systémique
Stimulation inotrope sans effet alpha (amines β, inodilatateurs)
Fréquence normale - haute
Vasodilatation pulmonaire selon HTAP
Ventilation en pression positive bénéfique
Plein - Tonique - Ouvert
Technique d’anesthésie pour la chirurgie mitrale en cas d’IM
 L’induction peut être réalisée au moyen de plusieurs agents selon le degré de dysfonction
ventriculaire gauche et d’hypertension pulmonaire :
o Etomidate : agent le plus sûr, dénué d’effets hémodynamiques ;
o Midazolam : baisse bénéfique du tonus sympathique, mais induction lente ;
o Propofol : baisse de précharge et, à un moinde degré, de postcharge ; adéquat à dosage
réduit dans les cas non-décompensés ;
o Adjonction de fentanyl ou de sufentanil pour diminuer la réponse sympathique ;
o Eviter une poussée hypertensive à l’intubation avec une anesthésie topique du larynx et
de la trachée ;
o Thiopental, kétamine : déconseillés à cause de l’effet inotrope négatif (thiopental,
kétamine) et de la stimulation sympathique avec hausse des RAS (kétamine).
o L’hypertension est plus dangereuse que l’hypotension
 Maintien de l’anesthésie :
o Préférence à l’isoflurane (↓ RAS) ; sevoflurane adéquat ;
o Perfusion de propofol ou de midazolam ;
o Desflurane : déconseillé (↑ RAS et RAP). ;
o IPPV + PEEP bénéfiques.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
119
 Maintenir les RAS basses, éviter l’hypertension artérielle (douleur, éveil).
 Maintenir le volume circulant (perfusions) et éviter la baisse de précharge (prévenir
l’hypovolémie).
 Maintenir la contractilité (la détérioration de la fonction systolique est masquée par l’IM) :
o Préférence à la dobutamine ; dopamine adéquate si dosage < 5 mcg/kg/min ;
o Milrinone (± adrénaline) si HTAP, dilatation ou défaillance chronique du VG ;
 Eviter la bradycardie (risque de dilatation du VG) ; la tachycardie n’est pas dangereuse.
 En cas de défaillance gauche, la CPIA est très efficace pour diminuer l’IM.
 Monitorage ETO :
o Mécanismes et variations de l’IM ;
o Taille et fonction du VG, fonction du VD ;
o Evaluation de la volémie ;
o Post CEC : évaluation de la plastie, diagnostic du SAM, fonction du VG.
 Cathéter artériel pulmonaire : plus utile après la CEC qu’avant à cause de la dysfonction
postopératoire du VG. Lors du positionnement en Pcap, superposer la courbe de PAP à celle de
la PA systémique de manière à différencier la PAPsyst et l’onde "v" géante par leur
synchronisation avec le pic de la PA systémique, car leur valeur peut être très voisine ; la
PAPsyst est synchrone avec le pic de PAsyst, alors que l’onde "v" est synchrone avec le
dicrotisme artériel (voir Figure 6.21B).
o PAP en cas d’HTAP ;
o PAPO (ajustement des perfusions) ;
o Mesure du VS antérograde (VS effectif) et de la SvO2 (adéquation du DC aux besoins
métaboliques) ;
o VS et DC en post-CEC ; mesure des RAS ;
 ScO2 : évaluation de la perfusion périphérique effective.
CEC et post-CEC
La baisse de contractilité intrinsèque du VG devient apparente après la correction chirurgicale de la
valve, lorsque le ventricule est dans des conditions de charge normales. Il doit alors éjecter contre
l’impédance systémique sans la soupape de pression de l’IM; le stress de paroi augmente, et sa fraction
d’éjection diminue par inadéquation à la nouvelle postcharge (afterload mismatch) [329]. En réalité, le
VG fait une mauvaise affaire : il échange une surcharge de volume bien tolérée contre une surcharge de
pression qu’il supporte mal. Sur le diagramme pression-volume (Figure 11.57), la pente ascensionnelle
de la pression intraventriculaire est maintenant verticale au lieu d’être oblique, et la phase de contraction
isovolumétrique est rétablie. Par rapport à la situation avant la CEC, le travail de pression a augmenté,
alors que le travail d’éjection a diminué ; pour le VG, le rendement énergétique est donc moins bon. De
plus, la pente de l’élastance maximale (Emax) est abaissée par plusieurs phénomènes : problèmes
mécaniques liés à la prothèse, perte de l’appareil sous-valvulaire, altérations de la contraction des
segments de la base, présence d’une cardiomyopathie inflammatoire (RAA), diminution de la
contractilité après une CEC [276]. Comme elle interfère moins avec les structures fonctionnelles, la
plastie est mieux tolérée que le remplacement valvulaire.
Un soutien inotrope est presque toujours nécessaire pour la sortie de CEC [120]. Celui-ci doit se faire au
moyen d'amines sans effet alpha ou d’inodilatateurs: dobutamine, milrinone. L'addition d'un
vasodilatateur artériel peut être occasionnnellement nécessaire lorsque les RAS sont trop hautes. Les
cavités cardiaques agrandies nécessitent des volumes de remplissage importants et une précharge
maintenue, surtout lors de rythme non-sinusal. La présence d’une hypertension pulmonaire crée un
risque de décompensation ventriculaire droite à la sortie de CEC. Comme elle diminue la postcharge
effective du VG, la ventilation en pression positive est bénéfique. Son sevrage peut être un moment
particulièrement délicat qui ne doit pas être envisagé trop tôt, mais seulement lorsque la fonction gauche
s’est stabilisée. La gestion de l’hémodynamique après correction d’une IM demande donc :
 Une précharge haute,
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
120
 Une postcharge basse,
 Une contractilité élevée.
Dans ce contexte, il faut éviter de traiter une hypotension artérielle exclusivement par des vasopresseurs,
car on ne fait qu’augmenter les difficultés du VG. Les agents alpha qui relèvent les RAS ne sont
indiqués que pour assurer la pression de perfusion coronarienne, cérébrale et rénale lorsque celle-ci est
compromise. Dans ces conditions, le plus judicieux est d’installer une contre-pulsion intra-aortique
(CPIA), de manière à soulager le VG de l’augmentation de postcharge tout en assurant une pression de
perfusion optimale.
Pression
Emax
E’max
Post
RVM
IM
Tpr
Compliance
V0
VS’
VS
Volume
© Chassot 2011
Figure 11.57 : Boucle P/V d’un patient en insuffisance mitrale avant (IM, rouge) et après remplacement valvulaire
mitral (post-RVM, jaune et vert). La compétence de la prothèse impose une phase de contraction isovolumétrique
inconnue avant l’éjection (ascension verticale au lieu d’oblique de la pente de pression systolique). Même si le
volume télédiastolique est agrandi, le volume systolique et la fraction d’éjection diminuent, comme l’illustre la
surface diminuée de la boucle P/V. La pente de l’élastance maximale (Emax) est abaissée après CEC (E’max)
parce que la contractilité est diminuée. Par rapport à la situation avant CEC, le travail de pression (surface du
triangle pointillé Tpr) a augmenté, alors que le travail d’éjection (surface du quadrilatère vert-jaune) a diminué.
Pour le VG, le rendement énergétique est donc moins bon et la situation très difficile : au handicap fonctionnel de
la CEC s’ajoute l’échange d’une surcharge de volume (bien tolérée) par une surcharge de pression (mal tolérée)
[d’après réf 276].
Chirurgie de l’IM: post-CEC
La correction de la fuite mitrale supprime la soupape de pression du VG. Celui-ci échange une
surcharge de volume à résistance basse (bien tolérée) contre une surcharge de pression (RAS sans
soupape) à volume normal (mal tolérée). La contraction isovolumétrique est rétablie (augmentation du
travail de pression). Pour le VG, la situation est donc plus difficile après la CEC qu’avant la correction.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
121
Chirurgie de l’IM: post-CEC
Prise en charge :
- soutien inotrope sans effet alpha (dobutamine, milrinone ± adrénaline),
- vasodilatation systémique (isoflurane, éventuellement vasodilatateur),
- CPIA (très performante dans le cadre d’une IM),
- ventilation en pression positive (pas d’extubation trop précoce),
- ne pas gérer l’hypotension artérielle exclusivement avec des vasopresseurs.
La plastie est fonctionnellement mieux tolérée que le remplacement par une prothèse.
Cas particulier I: IM sur maladie de Barlow
Comme déjà mentionné plus haut, la maladie de Barlow est un ensemble assez vaste, allant d’un
syndrome bénin à prédominance féminine caractérisé par des symptômes cardiaques vagues jusqu’à une
maladie structurelle grave de la valve mitrale accompagnée d’une insuffisance majeure [32]. En
Occident, la maladie de Barlow est très fréquente, puisqu’elle touche 1.7-2.4% de la population adulte
[113]. Cependant, elle n’est accompagnée d’une IM significative que dans 10-15% des cas. Cette
insuffisance se développe le plus souvent chez les hommes, et en général à partir de 50 ans; elle ne
conduit à la réparation chirurgicale que 5% des malades [10,327]. Son incidence est plus élevée dans
certaines affections comme le syndrome de Marfan, la maladie de von Willebrand, le pectus excavatum,
ou la CIA ostium secundum [23].
La maladie de Barlow peut être à l’origine d’embolie artérielle due à des dépôts de fibrine, ou de
troubles du rythme paroxystiques: FA, ESSV, tachyarythmie ventriculaire ou supraventriculaire, bloc AV. Le taux de mort subite est de 1%/an [32,339]. L’incidence d’endocardite n’est augmentée que s’il
existe des lésions anatomiques graves de la valve, mais non si les feuillets sont seulement ballonnisés ou
déplacés dans l’OG. L’antibiothérapie prophylactique n’est indiquée qu’en cas de lésions tissulaires
sévères [232,233].
Les manifestations du syndrome sont protéiformes: fatigabilité, dyspnée, angoisse, pseudo-angor et
palpitations. Lorsque l’insuffisance s’installe, les symptômes de l’IM dominent le tableau clinique. A
l’auscultation, accentuée par les manoeuvres qui diminuent la précharge, on entend un clic
mésosystolique à l'apex et un souffle télésystolique discret. Le clic est déclenché par la tension soudaine
exercée sur les cordages lorsque le prolapsus bascule dans l'OG [23]. L’ECG n’est pas spécifique.
Le prolapsus de la maladie de Barlow est une insuffisance mitrale de type II. Le recul du point de
coaptation dans l’oreillette est d’autant plus prononcé que le volume télésystolique (Vts) du ventricule
est réduit, car la course des cordages s’allonge (Figure 11.54). Contrairement aux autres types d’IM, la
régurgitation du prolapsus s’aggrave si la précharge baisse et si la contractilité augmente. L’effet de la
postcharge est ambivalent: il est bénéfique dans la mesure où elle augmente le volume ventriculaire
télésystolique, mais néfaste si elle est assez élevée pour augmenter la régurgitation. Classiquement,
l’auscultation du Barlow augmente si le patient respire du nitrite d’amyle et se lève brusquement (Vts
diminué). Toutefois, rappelons que le prolapsus arrivé au stade chirurgical engendre une IM massive.
Dans ce cas, le mécanisme du type II est débordé par les dimensions importantes de l’orifice de
régurgitation. L’IM devient alors directement dépendante d’une augmentation des RAS.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
122
Le traitement du syndrome de Barlow consiste essentiellement en β-bloqueur en cas d'arythmies et en
aspirine (75-250 mg/j) en cas de symptômes neurologiques transitoires. L'anticoagulation est
recommandée en cas d'AVC ou de thrombus auriculaire, ou s'il s'installe une FA [23].
Principes pour l’anesthésie
Les recommandations ci-après concernent exclusivement les malades souffrant de maladie de Barlow
avec une IM de degré mineur ou modéré, et opérés pour une intervention de chirurgie non-cardiaque.
Pour contrecarrer la régurgitation de la maldie de Barlow simple, il faut maintenir le ventricule
relativement dilaté. Pour ce faire, on vise les points suivants:
 Précharge: elle doit être élevée pour maintenir les volumes télédiastolique et télésystolique
agrandis: perfusions généreuses, PVC > 10 mmHg, PAPO > 12 mmHg.
 Postcharge: elle doit être maintenue normale, au moyen de vasoconstricteurs si nécessaire.
 Contractilité: elle doit être abaissée; on a recours à une anesthésie profonde, éventuellement à
un β-bloqueur (esmolol) ; le traitement β-bloqueur en cours n’est pas interrompu.
 Fréquence: un ralentissement du rythme favorise le remplissage et dilate le ventricule; à
contractilité égale, le volume télésystolique est plus grand.
En chirurgie cardiaque comme en chirurgie non-cardiaque, l’ETO est le seul moyen peropératoire
efficace pour juger l’adéquation de la volémie, la fonction ventriculaire et l’évolution de la régurgitation
chez les malades souffrant de Barlow. Le traitement pharmacologique (β-bloqueur, aspirine) est
maintenue en périopératoire.
Hémodynamique recherchée en cas de maladie de Barlow
(IM type II mineure-à-modérée)
Volémie normale à élevée
Contractilité diminuée
Postcharge élevée
Fréquence lente
Plein – Mou – Fermé
Technique d’anesthésie
 L’induction peut être réalisée au moyen de propofol, de midazolam ou de thiopental.
o Le midazolam abaisse le tonus sympathique ; il est adéquat mais de longue durée ;
o Le propofol abaisse la précharge ; il faut compenser avec des perfusions ;
o Le thiopental n’est indiqué que si la fonction ventriculaire est normale (FE ≥ 0.6) ;
o L’étomidate n’est recommandé que si la fonction ventriculaire est très diminuée.
 Pour le maintien de l’anesthésie, le sevoflurane ou le propofol sont bien adaptés ; s’il est
disponible, l’halothane est l’agent idéal car il agit comme un β-bloqueur, mais il est retiré du
marché dans la plupart des pays.
 Maintenir les résistances artérielles sytémiques (RAS) avec un vasoconstricteur, éviter toute
hypotension artérielle (pas d’isoflurane).
 Maintenir le volume circulant (perfusions) et éviter toute baisse de précharge (prévenir
l’hypovolémie).
 Freiner la contractilité (esmolol).
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
123
Cas particulier II: IM ischémique
Dans l'insuffisance mitrale ischémique, les feuillets de la valve sont normaux ; la régurgitation est la
traduction d'un problème sous-jacent dans le ventricule. Cette IM relève de plusieurs mécanismes (voir
Figure 11.49) [247].
 Restriction asymétrique de la course systolique des feuillets (IM restritive type IIIb) sur akinésie
ou dyskinésie segmentaire de la paroi ventriculaire, entraînant un déplacement latéral et/ou
apical d'un muscle papillaire.
 Restriction symétrique sur cardiomyopathie dilatative d'origine ischémique (IM restritive type
IIIb).
 Dilatation et aplatissement de l'anneau mitral sur akinésie de la paroi basale (IM type I); la
dilatation annulaire est asymétrique; elle porte essentiellement sur la partie postérieure de
l'anneau car la partie antérieure est fixée au trigone fibreux.
 Bascule d'un ou des feuillets sur ischémie ou rupture papillaire: la non-contraction d'un muscle
papillaire en systole donne trop de longueur aux cordages; le point de coaptation des feuillets
est alors éversé dans l'OG (IM type II). La rupture d’un pilier entraîne un bascule de la
commissure correspondante dans l'OG en systole (IM type II).
Les deux premières catégories représentent 76% des cas; elles sont une bonne indication à une plastie
par mise en place d'un anneau prosthétique pour diminuer la taille de la valve et permettre l'affrontement
des feuillets; il en est de même pour la dilatation de l'anneau sur akinésie basale [124]. L'ischémie et la
rupture papillaires font l'objet de réinsertions de cordages ou de plastie de pilier, mais sont le plus
souvent une indication au remplacement valvulaire. L'IM ischémique n'est pas rare: elle est présente
chez 10-30% des coronariens opérés [22]. Mais comme elle est la signature d'une lésion grave du VG,
elle péjore significativement le pronostic: la mortalité de la revascularisation coronarienne combinée à
une réparation mitrale est de 7-12% alors que celle de la revascularisation simple est en moyenne de 2%
[103,124]. En effet, la réparation mitrale est une réponse valvulaire à un problème ventriculaire !
La découverte par l’anesthésiste d'une IM modérée-à-sévère en cours de pontages aorto-coronariens
pose un difficile problème d'indication opératoire, parce que l'intervention valvulaire augmente de 3 à 6
fois la mortalité des PAC, qui peut alors s'élever jusqu'à 25% dans les mauvais cas [23,136,201].
L'indication dépend essentiellement du mécanisme de l'IM.
 L'IM sévère liée à un infarctus est une indication à une annuloplastie de restriction si l'anatomie
le permet, parce que la persistence d’une IM après revascularisation est associée à une
augmentation de mortalité.
 L'IM sévère liée à une cardiomyopathie ischémique (FE < 0.4) est également une indication à la
correction par annuloplastie; dans ce cas, le mécanisme prédominant est la dysfonction
ventriculaire, non l'ischémie.
 La rupture d'un muscle papillaire avec IM sévère est une indication à une réparation en urgence
(plastie ou le plus souvent remplacement).
 L'indication est beaucoup plus restreinte lorsqu'une annuloplastie n'est pas réalisable et que la
situation anatomique impose un remplacement valvulaire.
 Si l'IM est organique (prolapsus, rupture de cordage, dégénérescence fibro-élastique),
l'indication opératoire est celle liée à l'affection mitrale de base (voir Indications et résultats
opératoires), sachant que la combinaison PAC + RVM a une mortalité opératoire équivalente
ou supérieure à la somme de celle de chacune des deux opérations.
La situation la plus équivoque est la combinaison d'une ischémie coronarienne et d'une IM modérée. La
revascularisation coronarienne seule peut diminuer l'IM si celle-ci est liée à une ischémie aiguë ellemême guérie par les PAC. Toutefois, dans 60% des cas, les PAC ne modifient pas l'IM. Dans ce cas, la
viabilité du myocarde adjacent aux piliers et l'absence de désynchronisation entre les muscles papillaires
pourraient être des critères fiables pour prédire une réduction de l'IM par les pontages seuls, sans plastie
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
124
associée [254]. En préopératoire, la viabilité est déterminée par échocardiographie de stress, PET-scan
ou IRM; la désynchronisation des muscles papillaires est évaluée au Doppler tissulaire. Si le segment
myocardique correspondant aux piliers n'est pas viable et si la contraction des muscles papillaires est
désynchronisée, la revascularisation seule est insuffisante, et une plastie mitrale est nécessaire. Pour
avoir tout son sens, celle-ci ne devrait pas occasionner une mortalité opératoire globale > 5% [29].
La détermination du degré d'IM ischémique en peropératoire doit tenir compte de trois facteurs
importants.
 L'IM ischémique est un phénomène très dynamique qui se modifie en fonction de la postcharge,
de la taille et de la contractilité du VG.
 L'anesthésie et la ventilation en pression positive altèrent les conditions de charge et diminuent
l'importance de l'IM; il faut rétablir une hémodynamique normale (PAM ≥ 80 mmHg), au
besoin avec des vasopresseurs, avant de porter un jugement quantitatif.
 L'échelle de quantification de l'IM ischémique est plus restrictive que celle de l'IM organique
(Tableau 11.10); l'IM ischémique est considérée comme sévère si le diamètre de la vena
contracta est ≥ 40 mm (au lieu de 70 mm pour l'IM organique), si la surface de l'orifice de
régurgitation est ≥ 20 mm2 (au lieu de 40 mm2) et si le volume régurgité est ≥ 30 mL (au lieu de
60 mL) [337].
A
B
Angle du FP
Distance de tente
Surface de tente
FA
FP
© Chassot 2011
Figure 11.58 : Mesures ETO de faisabilité d’une plastie mitrale. A : en vue 3D, mesure de la distance
intercommissurale. B : éléments échocardiographiques déterminant la gravité d’une IM ischémique et ses
probabilités de plastie. La zone ischémique déplace le pilier vers l’extérieur et vers l’apex, ce qui maintient les
feuillets dans la cavité ventriculaire en systole. Le degré de remodelage induit est fonction de l’ischémie et de
l’éventuelle dysfonction ventriculaire associée ; plus ce remodelage est important, moins bons sont les résultats.
Mesures de rempdelage : dilatation de l'anneau mitral > 3.7 cm, distance de tente entre le point de coaptation et le
plan de l'anneau mitral (tenting distance) > 1.3 cm, surface de tente (tenting area) > 2.5 cm2, angle du feuillet
postérieur avec le plan de l’anneau mitral > 25°.
La correction d’une IM ischémique se fait par annuloplastie (anneau rigide standard CarpentierEdwards™ ou anneaux ETlogics™ et GeoForm™ spécifiques pour l'IM ischémique), complétée de
plusieurs possibilités: réinsertion de cordages, plastie de pilier, résection de cordages du 2ème ordre, ou
éventuellement RVM. Ces interventions tendent à améliorer la situation fonctionnelle postopératoire,
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
125
mais ne modifient guère le devenir à long terme des patients; elles n’assurent qu’une survie de 70-85% à
5 ans [161,184]. La persistance d'une IM après l'opération, que ce soit par non-correction ou par échec
de la plastie (15% des plasties), péjore sérieusement le pronostic parce qu'elle aggrave le remodelage
ventriculaire proportionnellement à son importance [122]. La survie à 5 ans avec une IM ischémique est
de 61% lorsqu'elle est mineure et de 29% lorsqu'elle est sévère [137]. Certaines données
échocardiographiques prédisent la persistence ou la récidive d'une fuite mitrale malgré l'annuloplastie
(Figure 11.58 et Figure 11.59) [122,201].







IM massive ou jets multiples;
Dilatation de l'anneau mitral (diamètre > 3.7 cm);
Distance entre le point de coaptation et le plan de l'anneau > 1 cm;
Surface de tente entre le plan de l’anneau et les feuillets mitraux (tenting area) > 2.5 cm2;
Angle du feuillet postérieur avec le plan de l’anneau mitral > 45°;
Index de sphéricité du VG (diamètre court axe / diamètre long axe) > 0.7 ;
Volume télédiastolique du VG > 145 mL, diamètre télédiastolique > 4 cm/m2.
Dans ces conditions, il est préférable de procéder à un remplacement par une prothèse en épargnant
l'appareil sous-valvulaire de manière à maintenir un maximum du squelette interne du VG et à prévenir
le remodelage sphérique ultérieur (voir Figure 11.35).
Angle FA
A
B
Ischémie du MP
surajoutée à
l’akinésie
C
Déplacement
extérieur
du MPP
Déplacement
apical
du MPA
© Chassot 2011
Figure 11.59 : Angle de fermeture du feuillet antérieur (FA) de la valve mitrale mesuré entre l’extrémité du FA et
le plan de l’anneau mitral en systole. A : l’ischémie du pilier surajoutée à celle de la paroi donne davantage de
course aux cordages et permet aux feuillets de se rapprocher de leur point de coaptation ; l’angle systolique se
referme et l’IM diminue. B : akinésie pariétale postérieure et déplacement externe du pilier postérieur ; la traction
prédomine sur les cordages de 2ème ordre parce qu’elle est désaxée vers l’extérieur ; le feuillet antérieur est angulé
en son centre et déformé en aile de mouette (flèche verte). C : akinésie pariétale antérieure et déplacement apical
du pilier antérieur ; la traction prédomine dans le sens longitudinal et tire de manière homogène sur les cordages ;
l’angle de fermeture systolique est maximal. Le pronostic est d’autant plus mauvais que l’angle est plus grand.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
126
Principes pour l’anesthésie
Il s’agit de combiner les contraintes d’une ischémie coronarienne avec celles d’une IM majeure. Tant
que la fonction du VG est préservée, ce sont les premières qui dominent le tableau ; en cas de
cardiomyopathie ischémique (FE < 0.4), l’insuffisance ventriculaire est l’élément déterminant (voir Cas
particulier III).
 Précharge: elle doit rester normale-basse ; l’hypovolémie est mal tolérée à cause de l’IM, mais
l’hypervolémie augmente le Vts (augmentation de l’IM) et le Vtd (élévation de la tension de
paroi diastolique et baisse de la pression de perfusion coronarienne).
 Postcharge: elle conditionne la taille de l’IM ; on recherche des RAS basses pour diminuer le
Vts du VG tout en maintenant une PAM > 75 mmHg pour assurer une pression de perfusion
coronarienne (PPC) adéquate ; lorsqu’on dispose d’un cathéter pulmonaire, cette dernière peut
se calculer par la formule : PPC = PAM – PAPO (mmHg). L’adéquation de la perfusion
coronarienne peut être évaluée par les éléments suivants :
o PPC ≥ 60 mmHg,
o Absence de modifications à l’ECG,
o Pas de nouvelles altérations de la cinétique segmentaire à l’ETO,
o IM stable.
 Contractilité: elle doit être maintenue à l’équilibre entre la baisse de la mVO2 favorable à
l’ischémie et l’inotropisme nécessaire à diminuer la taille du VG en télésystole. La
contrepulsion intra-aortique est la meilleure solution en cas de défaillance du ventricule, car elle
baisse la postcharge du VG, diminue l’IM, et augmente la perfusion coronaire.
 Fréquence: un léger ralentissement (55-60 batt/min) diminue la mVO2 et allonge la diastole
sans augmenter l’IM, qui a lieu en systole ; la limite est l’augmentation de taille du VG par
excès de volume télédiastolique (contrôle ETO).
 Ventilation en pression positive : elle est bénéfique pour l’IM, mais son retentissement
hémodynamique varie de cas en cas selon la fonction systolique et diastolique.
IM ischémique
L’IM ischémique relève de plusieurs étiologies.
- akinésie ou dyskinésie de segments jouxtant un muscle papillaire (type restrictif IIIb),
- ischémie ou rupture d’un pilier (type II),
- akinésie basale (type fonctionnel I),
- cardiomyopathie ischémique dilatative (type restrictif IIIb symétrique).
L’IM ischémique est très dépendante des conditions hémodynamiques. Les critères de sévéritè de l'IM
ischémique sont plus restrictifs que ceux de l’IM organique.
- diamètre de la vena contracta ≥ 40 mm (au lieu de 70 mm),
- surface de l'orifice de régurgitation est ≥ 20 mm2 (au lieu de 40 mm2),
- volume régurgité ≥ 30 mL (au lieu de 60 mL).
Indications à une réparation mitrale simultanément à une revascularisation coronarienne (mortalité de
PAC + PVM/RVM : 7 – 12%) :
- IM sévère sur ischémie segmentaire (infarctus) ou cardiomyopathie ischémique dilatative ;
- IM sévère sur rupture de pilier (partielle ou totale),
- IM sévère organique,
- IM modérée : seulement si une annuloplastie est faisable et si le myocarde concerné est infarci
(non récupération après revascularisation).
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
127
Hémodynamique recherchée en cas d'IM ischémique
Compromis entre les contraintes d’une ischémie coronarienne et celles d’une IM majeure
Volémie normale-basse
RAS basses mais maintien de PAM > 75 mmHg
Contractilité diminuée pour autant que le Vts du VG n’augmente pas
Fréquence 60 batt/min
Technique d’anesthésie
 Induction : étomidate ou midazolam.
 Pour le maintien de l’anesthésie, profiter du préconditionnement anti-ischémique offert par les
halogénés :
o L’isoflurane est le plus logique (préconditionnement et baisse des RAS) ;
o Sevoflurane adéquat (préconditionnement et RAS stables) ;
o Perfusion de propofol : perte de l’avantage du préconditionnement.
 Maintenir les RAS basses mais éviter toute hypotension artérielle (PAM > 75 mmHg) ;
équilibrer la PAM avec nor-adrénaline, nitroglycérine, isoflurane ;
 Maintenir la volémie normale-basse ;
 Monitorage particulier :
o ETO (variations de l’IM, taille du VG, cinétique segmentaire),
o Cathéter artériel pulmonaire (PAPO, PPC, volume systolique antérograde, SvO2),
o ScO2 (adéquation de la perfusion périphérique),
o Taux de lactate dans le sinus coronaire (si canulé).
Cas particulier III: IM sur défaillance du VG
Comme dans l'ischémie, la présence d'une IM restrictive (Type IIIb symétrique) en cas de défaillance du
VG est la traduction d'une maladie ventriculaire et non valvulaire:
 Traction sur les cordages prévenant l'occlusion mitrale en systole à cause de la dilatation et de la
sphéricité du VG;
 Désynchronisation de la contraction papillaire;
 Fibrose et perte de compliance du VG.
L'IM survient dans 40-60% des cas d'insuffisance ventriculaire gauche, et signe une aggravation du
pronostic [212]. Tant qu'elle n'est pas sévère, le traitement de cette IM est premièrement celui de
l'insuffisance gauche (voir Chapitre 12 Traitement insuffisance ventriculaire gauche chronique).
 Frein au remodelage: IEC, antagonistes de l'aldostérone, bétabloqueurs;
 Diminution du volume télédiastolique du VG par vasodilatation: IEC, nitroglycérine; en phase
aiguë: nitroprussiate;
 Resynchronisation par pace-maker triple chambre: réduire la désynchronisation dans la
contraction des muscles papillaires diminue l'IM jusqu'à 50% [163].
La correction de l'IM dans la cardiomyopathie dilatative n'est indiquée que si le patient reste
symptomatique et que l'IM progresse malgré un traitement maximal. Elle n'a de sens que s'il existe une
certaine probabilité de renverser le remodelage ventriculaire. Si le remodelage ou l'hypertension
pulmonaire sont irréversibles, supprimer l'IM ne modifie pas le pronostic, bien que cela réduise la
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
128
surcharge de volume du VG [79,212]. Les résultats sont donc d'autant meilleurs que les patients sont
moins avancés dans l'évolution de la maladie. Les résultats cliniques d'études récentes permettent de
résumer la situation [79].
 Dans les centres qui en ont une large expérience, la plastie mitrale par un anneau restrictif
présente une mortalité opératoire de 1.6-5%; la capacité fonctionnelle et la qualité de vie des
patients sont améliorées, mais le taux de survie est peu modifié: 70% à 2 ans, 55% à 5 ans
[204,274].
 Le taux de récidive de 20-30% est élevé parce que l'évolution de la maladie primaire n'est pas
interrompue par l'opération; certains éléments échocardiographiques sont des prédicteurs de la
récidive (Figure 11.60) [191].
o Angle de fermeture du feuillet antérieur avec le plan de l’anneau mitral > 25°;
o Distance entre le point de coaptation et le plan de l'anneau mitral 1.3 > mm;
o Surface de tente entre les feuillets et le plan de l’anneau mitral > 2.5 cm2;
o EF < 0.25;
o Vtd du VG > 250 mL.
 Le risque opératoire du RVM (6-10%) est plus élevé que celui de la plastie, mais le taux d'échec
est beaucoup plus bas; le RVM doit respecter l'appareil sous-valvulaire (Figure 11.35), car la
perte du squelette interne du VG dans le cadre d'une défaillance ventriculaire conduit à une
dilatation massive.
 La survie est meilleure (85% à 2 ans) lorsque la plastie mitrale est associée à une contention
ventriculaire comme avec le système CorCap™ (Figure 11.61) [1] ou à une résection et plastie
de la zone dyskinétique (opération de V. Dor).
Angle systolique
du feuillet
antérieur
Plan de
l’anneau
Point de
coaptation
Tenting distance
Tenting area
© Chassot 2011
Figure 11.60 : IM restrictive (Type IIIb) sur dilatation du VG. Le degré de restriction est défini par la distance du
point de coaptation au plan de l’anneau mitral (tenting distance), la surface triangulaire comprise entre les feuillets
et le plan de l’anneau (tenting area), et l’angle de fermeture du feuillet antérieur mesuré entre le plan de l’anneau
et l’extrémité du feuillet [279]. Le rapport des diamètres du VG en long axe et en court axe définit le degré de
sphéricisation de celui-ci (rapport normal long-axe / court-axe : > 1.5).
Une plastie percutanée par clippage de l'extrémité de chaque feuillet (plastie selon Alfieri) permet de
réduire l'IM avec une mortalité plus faible que celle de la chirurgie, mais avec un taux de récidive 3 fois
plus élevé et un taux de réopération 10 fois supérieur (voir Endoprothèses valvulaires) [100].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
129
Figure 11.61 : Exemple de système de contention du VG accompagnant une plastie mitrale dans les cas de
cardiomyopathie dilatative terminale du ventricule gauche (CorCap® de Acorn™).
L'IM fonctionnelle de la cardiomyopathie dilatative varie considérablement selon les conditions
hémodynamiques. L'IPPV fonctionne comme une prothèse pour le VG, et la vasodilatation systémique
améliore son éjection. Sous AG, la régurgitation tend donc à diminuer. Lorsque son évaluation a une
implication thérapeutique immédiate (mise en place non prévue d'une anneau de contention, par
exemple), il est de la plus haute importance de respecter deux conditions pour mesurer l'IM:
 Quantification par des techniques peu dépendantes de l'hémodynamique, comme le diamètre de
la vena contracta, le PISA, le calcul de l'orifice de régurgitation ou la planimètrie
tridimensionnelle [135];
 Rétablissement des conditions de base: RAS normales (bolus de phényléphrine pour PAM ≥ 80
mmHg), DC satisfaisant (perfusion de dobutamine), précharge acceptable (PAPO ≥ 15 mmHg),
apnée du ventilateur, pas de PEEP/CPAP.
Principe pour l'anesthésie
L’éjection du VG défaillant et l’IM sont tous deux diminués par la vasodilatation systémique et la
stimulation inotrope positive. Les patients sont en général sous un traitement maximal.




Frein au remodelage: IEC, bétabloqueurs;
Diminution du Vtd du VG par des vasodilatateurs : IEC, nitroprussiate, nitroglycérine;
Stimulation inotrope: dobutamine, milrinone, adrénaline;
Resynchronisation par pace-maker: la diminution de la désynchronisation dans la contraction
des piliers réduit l'IM jusqu'à 50% [163];
 En situation aiguë: contre-pulsion intra-aortique; la CPIA est particulièrement efficace pour
diminuer l’IM;
Le traitement préopératoire est maintenu jusqu’à l’intervention et continué en peropératoire
(catécholamines, CPIA). Autant que possible, il faut maintenir en fonction le pace-maker de
resynchronisation, car l’IM s’aggrave immédiatement dès son interruption [163]: utiliser une
coagulation bipolaire. Le choix des inotropes se porte de préférence sur agents inodilatateurs
(dobutamine, milrinone, levosimendan) et stimulant les récepteurs myocardiques β1, β2 et α
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
130
(adrénaline), à cause des modifications dans la population des récepteurs typique de l’insuffisance
ventriculaire (baisse des β1, augmentation des α).
 Précharge: l’hypervolémie est la règle à cause de la défaillance gauche et de la stase
pulmonaire ; il faut donc restreindre les perfusions et les apports hydro-salins puisque les
malades souffrent de rétention d’eau et de sel, et éventuellement ajouter la nitroglycérine.
 Postcharge: elle doit rester basse ; RAS diminuée par nitroprussiate, nitroglycérine, isoflurane.
 Contractilité: elle doit être épaulée par des agents inotropes positifs souvent à doses
importantes (dobutamine, milrinone + adrénaline, lévosimendan); la CPIA est très efficace pour
diminuer l’IM.
 Fréquence: maintenir 70-80 batt/min car le débit est très dépendant de la fréquence vu la fixité
du volume systolique.
 Pression artérielle pulmonaire : abaisser les RAP par hyperventilation si HTAP.
 Ventilation en pression positive : bénéfique pour la fonction du VG et la réduction de l’IM.
Insuffisance mitrale sur défailllance du VG
Dans la cardiomyopathie dilatative, l’IM est restrictive de type IIIb symétrique sur dilatation du VG (4060% des insuffisance gauche). La correction d’une IM est indiquée si :
- IM sévère dans des conditions hémodynamiques normales,
- persistance des symptômes et progression de l’IM malgré un traitement maximal,
- remodelage et HTAP potentiellement réversibles,
- annuloplastie restrictive dans un centre où la mortalité dans l’insuffisance gauche est ≤ 5%.
Le taux de récidive est élevé et la survie à long terme peu modifiée.
Hémodynamique recherchée en cas d'IM ischémique
Abaisser la précharge (hypervolémie de stase)
RAS basses
Contractilité augmentée
Fréquence 70-80 batt/min
IPPV bénéfique
CPIA efficace pour diminuer l’IM
Technique d’anesthésie
 Induction avec étomidate.
 Maintien avec isoflurane et fentanyl; autre possibilité: perfusion de midazolam.
 Restriction dans l’apport hydro-salin; en cas d’hypotension, préférence à des agents vasoconstricteurs et inotropes positifs.
 IPPV selon les besoins, pas d’extubation trop précoce après CEC.
 Monitorage particulier :
o ETO (variations de l’IM, taille et fonction du VG),
o Cathéter artériel pulmonaire (PAP, PAPO, volume systolique antérograde, SvO2),
o ScO2 (perfusion périphérique).
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
131
Sténose mitrale
La sténose mitrale de l’adulte, dont la prévalence est de 0.1-0.2%, est causée par le rhumatisme
articulaire aigu (RAA) dans 77% des cas [235,332]. Les autres étiologies sont rares : maladie
calcifiante, endocardite, affection congénitale (valve parachute), substances toxiques (méthysergide),
myxome auriculaire [34]. Au cours de la maladie rhumatismale, les remaniements subis par les
structures sont tels que la sténose pure est peu fréquente (25% des cas) et qu’elle est le plus souvent
accompagnée d’un certain degré d’insuffisance. Bien que la mitrale soit la valve la plus fréquemment
touchée, le RAA peut aussi atteindre la valve aortique.
Anatomiquement, la sténose mitrale du RAA est caractérisée par une fusion commissurale et un
épaississement de la partie distale des deux feuillets; la partie centrale du feuillet antérieur garde en
général une certaine souplesse. Des calcifications secondaires sont fréquentes chez les patients les plus
âgés. Typiquement, l’appareil sous-valvulaire est aussi touché par la maladie: les cordages sont épaissis,
fusionnés et raccourcis. Il arrive que la fibrose et les calcifications envahissent la partie basale du
myocarde ventriculaire et y altèrent la cinétique segmentaire. Les femmes sont atteintes trois fois plus
fréquemment que les hommes [22].
La silhouette cardiaque de la sténose mitrale pure est typique ; à elle seule, elle résume toute la
pathologie (Figure 11.62).
OG
OG
OD
IT
VD
VG
A
VG
B
© Chassot 2011
Figure 11.62 : Silhouette des chambres cardiaques dans la sténose mitrale. A : le VG est petit et l’OG est dilatée,
les feuillets de la valve et l’appareil sous-valvulaires sont épaissis et rétractés. B : la stase d’amont a induit une
hypertension pulmonaire postcapillaire qui est responsable d’une dilatation du VD ; une insuffisance
tricuspidienne (IT) secondaire est presque toujours présente. Le septum interventriculaire bombe dans le VG
(flèche) et en diminue encore le remplissage diastolique. Ce déplacement du septum survient à un moindre degré
en l’absence d’hypertension pulmonaire, parce que le remplissage du VG est plus rapide que celui du VD. En cas
d’insuffisance mitrale ou aortique associée, le VG conserve une taille plus proche de la norme, voire subit une
certaine dilatation.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
132

L’oreillette gauche est très dilatée: sa paroi est mince, l’appendice auriculaire est distendu ; le
septum interauriculaire bombe dans l’OD ; le débit très lent augmente le risque de thrombus.
 Le ventricule gauche est petit : de configuration et de fonction le plus souvent normales, la
masse myocardique est diminuée ; le volume télédiastolique est bas.
 La valve mitrale est épaissie, rétractée, peu mobile, plus ou moins calcifiée ; l’appareil sousvalvulaire est restrictif, certains cordages sont fusionnés.
 La taille des cavités droites est fonction du degré d’hypertension pulmonaire : hypertrophie et
dilatation du VD, insuffisance tricuspidienne et dilatation de l’OD ; le septum interventriculaire
bombe dans le VG en diastole et représente une gêne supplémentaire au remplissage de ce
dernier.
L’échocardiographie démontre cette silhouette particulière de petit VG et grande OG. La fusion
commissurale immobilise les bords libres de la valve et rétrécit son ouverture (Figure 11.63) ; cette
déformation prend l’allure d’un cône plongeant dans le VG (Figure 11.64). Comme la rigidité de la
valve l’empêche de se refermer normalement, l’insuffisance est fréquente. En cas d’IM significative, le
VG conserve une taille plus normale, ce qui est un avantage fonctionnel.
A
B
OG
VG
C
D
Figure 11.63 : Sténose mitrale (SM) lors de RAA (images ETO). A : vue 4-cavités ; l’OG est gigantesque, le VG
est petit ; la fusion commissurale retient les feuillets en diastole et l’ouverture (flèche) est minime. B : fusion
commissurale très serrée des deux feuillets. C : le corps du feuillet antérieur, resté souple dans le RAA, bombe
dans l’OG en systole. D : le corps du feuillet antérieur bombe dans le VG en diastole (déformation en canne de
hockey).
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
133
AoV
B
A
A
Figure 11.64 : Images échocardiographiques 3D de sténose mitrale. A : vue depuis l’OG ; l’ouverture est au fond
d’un cône à cause de la fusion des commissures (flèche simple), en dessous du plan de l’anneau (double flèche).
B : vue depuis le VG ; la valve est déformée en cône, l’ouverture n’est plus qu’une fente.
La surface mitrale normale est de 4 à 6 cm2, et son gradient est minime (≤ 4 mmHg). Le rétrécissement
est divisé en trois degrés (Tableau 11.11):
Tableau 11.11
Critères de quantification de la sténose mitrale
SM mineure
SM modérée
SM sévère
Paramètres structuraux
Taille de l’OG
normale
dilatée
Taille du VG
Feuillets mitraux
normale
peu déformés
normale/faible
remaniés/rétrécis
fusion commissurale
Appareil sous-valvulaire
déformé
rétrécis/épaissis
très dilatée
contraste spontané*
petite**
restrictifs
fusion commissurale
mobilité minime
restrictif/calcifié
Critères spécifiques
Gradient moyen
Temps de demi-pression
Surface
< 5 mmHg
< 150
1.6 – 2.0 cm2
6-11 mmHg
150 - 210
1.0 – 1.5 cm2
Critères d’appoint
Doppler continu
Doppler pulsé
PAP systolique
trace incomplète ou peu dense
E/A normal
< 30 mmHg
30-50 mmHg
> 12 mmHg
> 250
< 1.0 cm2
< 0.6 cm2/m2
trace dense
E > 1.2 m/s, A < E
> 50 mmHg
* Sauf si IM importante
** En l’absence de dysfonction sévère du VG ou d’insuffisance associée
Sources: références 23, 318.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
134
 Sténose mineure: surface de 1.6 - 2.0 cm2, le patient est asymptomatique.
 Sténose modérée: surface de 1.0 - 1.5 cm2, gradient moyen de 5-11 mmHg, PAPsyst 30-50
mmHg ; la symptomatologie n’apparaît qu’à l’effort.
 Sténose sévère: surface < 1.0 cm2 (< 0.6 cm2/m2), gradient moyen ≥ 12 mmHg, PAPsyst > 50
mmHg au repos ; la POG nécessaire à maintenir le débit cardiaque au repos est ≥ 20 mmHg ; en
général, la symptomatologie est présente au moinde effort ou au repos.
Une surface mitrale inférieure à 0.4 cm2 n'est pas compatible avec la survie.
Sténose mitrale
Définition des degrés de la sténose mitrale :
- sténose mineure
surface 1.6 – 2.0 cm2
- sténose modérée
surface 1.0 – 1.5 cm2
- sténose serrée
surface < 1 cm2 (0.6 cm2/m2)
ΔPmoy < 5 mmHg
ΔPmoy 6-11 mmHg
ΔPmoy > 12 mmHg
Etiologie : essentiellement RAA, caractérisé par :
- fusion commissurale, épaississement distal des feuillets, calcifications secondaires,
- fusion et restriction de l’appareil sous-valvulaire,
- dilatation majeure de l’OG, VG de taille petite ou normale.
Physiopathologie
Lorsque la surface mitrale diminue, la POG augmente progressivement, ce qui dilate l’oreillette ; cette
dilatation permet de freiner l’élévation de pression par augmentation de la compliance auriculaire. La
formule de Gorlin utilisée en cathétérisme montre que le débit et le gradient de pression à travers un
orifice sont liés de manière géométrique [128,142]:
SVM (cm2)
= K • DC / √ΔPm
où:
DC = débit cardiaque (L/min)
ΔPm = gradient de pression moyen (mmHg)
K = constante
On en déduit que le gradient de pression transvalvulaire est fonction du carré de la vitesse du flux (ΔP ≈
V2), quelle que soit la surface de la valve. C’est ce que démontre également l’équation de Bernoulli : ΔP
= 4 (Vmax)2. Doubler le débit cardiaque quadruple donc le gradient de pression, et augmente d’autant la
POG. Une sténose mitrale asymptomatique au repos devient ainsi rapidement limitante à l’effort.
L’exercice, le stress, l’hypervolémie, la grossesse ou l’hyperthyroïdisme sont responsables d’une
ascension brutale de la POG, qui induit une fuite liquidienne intersticielle pulmonaire, d’où dyspnée
aiguë et risque d’œdème pulmonaire.
Comme la tachycardie raccourcit la diastole davantage que la systole, l’accélération du rythme
cardiaque diminue le temps à disposition pour faire passer le volume de chaque cycle cardiaque à
travers la valve mitrale dont le débit est très restreint; le flux doit accélérer, donc le gradient augmente
géométriquement. Il s’ensuit une hypertension dans l’oreillette gauche, qui retentit sur les veines
pulmonaires et induit une stase pulmonaire. D’autre part, le faible remplissage et la petite taille du VG
limitent le volume systolique, qui ne peut guère augmenter lorsque la fréquence ralentit. Le débit
cardiaque est ainsi doublement limité par rapport à la fréquence :
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
135
 La tachycardie diminue le remplissage diastolique, qui est très lent ;
 La bradycardie diminue le débit, parce que le volume systolique est fixe.
Le remplissage du VG est moins dépendant de la contraction auriculaire que lors d’un défaut de
compliance ventriculaire [213]. C’est l’accélération du rythme ventriculaire global qui décompense
l’hémodynamique lors du passage en fibrillation auriculaire. Même s’il est un avantage électrique, le
rythme sinusal n’est pas forcément efficace. En effet, l’immense oreillette de la sténose mitrale, dont la
paroi dilatée est fine, n’est pas capable de générer une pression susceptible de franchir l’obstacle de la
valve. Cette dissociation éléctro-mécanique peut s’objectiver à l’écho Doppler: malgré le rythme
sinusal, on ne voit aucun flux A de contraction auriculaire en télédiastole à travers la mitrale. Dans la
cavité de l’OG, qui peut atteindre 350 ml, le flux est extrêmement lent. A l’échocardiographie, on voit
en général un lent tournoiement de la masse sanguine ressemblant à des volutes de fumée (contraste
spontané). Le risque de thrombus mural est élevé, particulièrement dans l’appendice auriculaire (AAG)
où la stase est marquée (Figure 11.65) ; l’anticoagulation est recommandée (INR 2-3), car le risque
d’embolisation artérielle est élevé.
A
B
C
D
© Chassot 2011
Figure 11.65 : Stase auriculaire gauche dans la sténose mitrale. A : contraste spontané dans l’appendice
auriculaire gauche (état préthrombotique). B : présence d’un thrombus dans l’appendice auriculaire gauche. C :
flux Doppler pulsé dans l’appendice auriculaire gauche ; à gauche, le flux normal consiste en un aller-retour rapide
pendant la contraction et la relaxation auricuaire (Vmax 0.5 m/s) ; en fibrillation auriculaire (à droite), le flux est
anarchique et de basse vélocité (Vmax 0.1-0.2 m/s). D : exemple de flux en cas de FA enregistré dans le corps de
l’appendice auriculaire gauche (même cas que la Figure B).
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
136
Le VG est en général de petites dimensions en cas de sténose mitrale pure, mais sa fonction systolique
est conservée ; la FE est normale dans 75% des patients [52]. La masse ventriculaire est normale ou
réduite. Des altérations de la cinétique segmentaire apparaissent fréquemment à la base du VG, parce
que la rigidité de la valve mitrale empêche une contraction normale des segments sous-jacents [242]. La
fonction peut être réduite par une myocardite d’accompagnement propre au RAA, qui est présente dans
20% des cas.
L’hypertension pulmonaire (HTAP) est habituelle dans la sténose mitrale parce que la pression
moyenne de l’OG reste élevée pendant tout le cycle cardiaque, alors qu’elle n’est élevée que pendant la
systole en cas d’IM. Cette élévation chronique de la POG retentit sur les veines pulmonaires et induit
une hypertension veineuse pulmonaire par stase (hypertension postcapillaire). L’accumulation de
liquide interstitiel altère les échanges gazeux, ce qui occasionne une dyspnée. Le travail ventilatoire est
augmenté. Ultérieurement se développe une augmentation réactionnelle des RAP, qui devient fixée à
long terme (hypertension précapillaire). C’est elle qui est la principale responsable de l’accroissement
de postcharge pour le VD, car elle est hors de proportion par rapport à la pression auriculaire gauche
[270]. Elle représente un phénomène adaptatif qui restreint le débit vers le cœur gauche, diminue
l’accumulation de sang dans l’OG et limite le risque d’œdème pulmonaire [23]. Il s’ensuit une cascade
de dysfonctionnements à droite: hypertrophie et dilatation du VD, insuffisance tricuspidienne, dilatation
de l’OD, et stase veineuse systémique (voir Figure 11.62). Lorsque la PAP systolique dépasse 50
mmHg au repos (PAPmoy ≥ 35 mmHg), les limites fonctionnelles du VD ne permettent plus l’effort, car
la PAP augmente alors de manière disproportionnelle. D’une manière générale, la sténose mitrale est
caractérisée par une dysfonction du VD mais par une fonction préservée du VG.
Malgré une fonction contractile conservée, le ventricule gauche ne peut guère modifier son débit car son
remplissage est limité. Il fonctionne à volume diastolique bas et fixe, et se trouve dans l’impossibilité
d’augmenter sa fréquence : s’il accélère, le remplissage diastolique devient insuffisant. Il ne dispose
d’aucune réserve de précharge pour modifier sa position sur la courbe de Starling et améliorer sa
performance systolique à l’effort : le volume systolique reste lui aussi bas et fixe. Le VG ne peut pas
non plus compenser une vasodilatation artérielle ou une hypovolémie par une tachycardie. La boucle
P/V (Figure 11.66) illustre la situation hémodynamique typique: pressions intraventriculaires normales,
volume systolique limité (< 50 mL), fraction d'éjection normale (FE 0.5 - 0.6) ; le travail d’éjection est
réduit, mais le travail de pression est normal. Le volume systolique est limité par le débit à travers la
sténose et par la durée de la systole. La pression artérielle systémique, qui correspond au produit du
débit cardiaque et des résistances artérielles systémiques (PA = DC x RAS), dépend essentiellement des
RAS, qui doivent rester élevées.
Caractéristiques hémodynamiques de la sténose mitrale
Défaut de remplissage du VG : volume systolique fixe et bas
Remplissage diastolique du VG ralenti : intolérance à la tachycardie
Intolérance à l’hypovolémie
Augmentation massive de la POG à l’effort (tachycardie) ou à l’hypervolémie
Dilatation de l’OG : risque de FA et de thrombus
Fonction systolique du VG conservée
Stase et hypertension pulmonaire : HTAP veineuse (postcapillaire) et artérielle (précapillaire)
Surcharge de pression du VD : dilatation, HVD, dysfonction, insuffisance tricuspidienne
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
137
Pression
Emax
Sténose
mitrale
Boucle PV
normale
Compliance
V0
Volume
VS
Figure 11.66 : Boucle pression-volume en cas de sténose mitrale. La restriction au remplissage ventriculaire
conduit à un tout petit volume ventriculaire placé sur des valeurs d’Emax et de compliance encore normales. Cela
n’est cependant pas toujours le cas : lors de myocardite rhumatismale, par exemple, le VG est dysfonctionnel, la
pente Emax est diminuée et la courbe de compliance est redressée. Le volume systolique (VS) et le travail
éjectionnel sont réduits, mais le travail de pression est normal.
Manifestations cliniques
La sténose est une maladie d’évolution très lente. Les symptômes se manifestent 20 à 40 ans après
l’atteinte initiale du RAA, et il faut encore une dizaine d’années pour qu’ils deviennent gênants. Ils se
manifestent sous forme de dyspnée, apparue souvent de manière brusque à l’occasion d’un effort, d’une
grossesse, ou de toute condition nécessitant une augmentation du débit et/ou de la fréquence cardiaques,
telles la thyréotoxicose, l’anémie ou le passage en FA. Par la suite, la fatigabilité, l’orthopnée et
l’hémoptysie traduisent le bas débit et la stase gauche. Ces manifestations de l’insuffisance gauche sont
progressivement complétées par celles d’une stase droite (oedèmes périphériques, ascite) au fur et à
mesure que l’hypertension pulmonaire induit une dilatation droite et une insuffisance tricuspidienne
secondaire. La présentation est alors typique: faciès mitral, extrémités oedèmatiées, froides et
cyanosées, jugulaires dilatées et pulsatiles, ascite, pouls artériel pincé et irrégulier. La dilatation et la
fibrillation auriculaires peuvent survenir chez des malades par ailleurs asymptomatiques et occasionner
des thrombo-embolies dans 14% des cas [266]. Sans traitement, la survie à 10 ans est de > 80% en
l’absence de symptômes, et de 50-60% chez les patients symptomatiques. Mais lorsque l’effort n’est
plus possible (classe NYHA III-IV), elle n’est plus que de 0-15% [23,287].
Dans le tiers-monde, les conditions économiques et sociales accélèrent l’évolution de la maladie. Dans
les pays industrialisés, la maladie n’atteint que rarement des degrés extrêmes; par contre l’incidence de
coronaropathie est significative, puisque 23% des patients présentent une ischémie plus ou moins
silencieuse [208]. Cette donnée pose le problème de la coronarographie au cours des investigations
préopératoires. La tendance actuelle est d’être d’autant plus invasif que l’association d’une
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
138
coronaropathie aggrave considérablement le pronostic de la maladie mitrale. Cependant, la combinaison
de revascularisation coronarienne et d’un remplacement mitral (RVM) a une mortalité significativement
plus élevée que celle du RVM seul : 7-12% au lieu de 3-5% [109,124].
A l’auscultation, B1 est accentué, suivi d’un claquement d’ouverture de la mitrale et d’un roulement
diastolique avec un crescendo présystolique (Figure 11.67) [34]. L’ECG montre un axe vertical, des
ondes P larges et bifides en I et II (> 0.12 sec), biphasiques en V1 et V2, des signes d’hypertrophie
ventriculaire droite en cas d’hypertension pulmonaire, et une fibrillation auriculaire dans 40% des cas.
La radiographie du thorax met en évidence la dilatation parfois gigantesque de l’OG.
Figure 11.67 :
Souffle de sténose
mitrale:
roulement
decrescendo à
renforcement
présystolique,
éclat de B1 à
l'apex,
claquement
d'ouverture après
B2.
B1
B2
B1
Il n’y a aucun traitement curatif en-dehors d’une levée mécanique de l’obstruction au flux mitral. Le
traitement médical se résume à trois éléments [23,159,318].
 Ralentissement du rythme (β-bloqueur, anti-calcique) et diminution de la stase pulmonaire
(restriction hydro-saline, diurétique, dérivés nitrés) ;
 Traitement de la FA : cardioversion électrique, amiodarone, ralentissement de la réponse
ventriculaire (β-bloqueur, digoxine) ;
 Anticoagulation (INR 2-3) en cas de FA, d’anamnèse d’AVC, de thrombus auriculaire ou de
dilatation de l’OG avec fort constraste spontané.
Clinique de la sténose mitrale
Longue évolution asymptomatique depuis l’atteinte du RAA (20-40 ans), mais survie très limitée dès
que les symptômes apparaissent : dyspnée, fatigabilité, arythmie (FA). Les manifestations apparaissent
souvent à l’occasion d’une augmentation du débit cardiaque : sport, grossesse, thyréotoxicose, etc.
Traitement médical (non curatif) :
- ralentissement du rythme ventriculaire et diminution de la stase,
- traitement de la FA,
- anticoagulation en cas de FA, d’AVC ou de risque thrombo-embolique.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
139
Examens hémodynamiques
Echocardiographie
L’échocardiographie transthoracique établit le diagnostic et fourni la plupart des renseignements
nécessaires à l’intervention, mais la voie transoesophagienne (ETO) apporte incontestablement une
meilleure définition des lésions et de l’hémodynamique mitrale. Cet examen va fournir les données les
plus importantes (voir Figure 11.72) [216].




Images bidimensionnelles classiques:
o Dilatation de l’OG, présence de contraste spontané (bas débit) et de thrombus dans
l’AAG ou dans le corps de l’OG (plus rare) ;
o Dimension réduite du VG, fonction conservée ;
o Fusion commissurale de la valve mitrale, mouvements limités des feuillets,
épaississement et rétraction de l’appareil sous-valvulaire ; mesure planimétrique de
la surface d’ouverture ;
o Dilatation et dysfonction du VD, HVD, taille de l’OD, insuffisance tricuspidienne.
Images Doppler couleur: accélération du flux diastolique à travers la valve mitrale (Figure
11.68) : zone d’accélération concentrique du côté auriculaire (PISA : proximal isovelocity
surface area), flux rapide à travers la valve (Vmax 1.5 – 2.5 m/s), turbulences côté
ventriculaire.
Présence d’une éventuelle IM associée ;
Recherche d’une maladie aortique (atteinte rhumatismale polyvalvulaire) et d’une insuffisance
tricuspidienne (en général due à la surcharge droite et à l’hypertension pulmonaire).
Figure 11.68 : Flux Doppler
couleur dans la sténose mitrale.
On voit une zone d’accélération
concentrique diastolique sur le
versant auriculaire de la valve et
un flux tourbillonnaire entre les
feuillets. Le cône formé par les
feuillets fusionnés est défini par
son
angle
α.
La
zone
d’accélération concentrique, ou
zone de convergence auriculaire,
est appelée PISA (proximal
isovelocity surface area).
OG
Zone de
convergence
auriculaire
Zone de
turbulence
α
α
VG
Gradient de pression
Comme la valve est située en face du transducteur ETO, l’axe du Doppler est bien aligné avec le flux
mitral et permet de calculer de manière précise les gradients de pression transvalvulaires en
diastole (Figure 11.69).


La vélocité maximale du flux (Vmax) permet de calculer le gradient maximal par l’équation
de Bernouilli simplifiée ΔP = 4 (Vmax)2 ; il est ≥ 20 mmHg dans la sténose serrée.
Le dessin du pourtour du flux mitral au Doppler spectral permet de calculer le gradient moyen
(ΔPmoy), qui est la moyenne des gradients instantanés enregistrés pendant la durée du flux ; il
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
140
est ≥ 12 mmHg dans la sténose serrée. Comme il est moins dépendant des conditions
hémodynamiques que le ΔPmax, le ΔPmoy est un critère plus fiable du degré de sténose.
Comme la surface valvulaire ne se modifie pas, une augmentation du débit cardiaque (effort physique,
grossesse) ou du volume diastolique (hypervolémie, transfusions, IM associée) accroît le gradient de
pression de manière géométrique.
Flux normal
Sténose mitrale
A
E
A
E
Pente de
décélération
Vmax
E
A
A
E
B
© Chassot 2011
Figure 11.69 : Illustration du flux mitral à l’échocardiographie Doppler transoesophagienne. A : flux normal.
L’onde E correspond au flux protodiastolique passif, l’onde A au flux de la contraction auriculaire. B : flux en cas
de sténose mitrale. La vélocité maximale du flux (Vmax) est élevée, mais la pente de décélération du flux est très
faible parce que la vidange de l’oreillette dans le ventricule est très lente ; le gradient de pression se modifie
lentement et reste élevé tout au long de la diastole. La valeur de la pente de décélération du flux E permet de
calculer la surface mitrale puisqu’elle est d’autant plus faible que la surface est rétrécie. En fibrillation auriculaire,
l’onde A disparaît.
Surface d’ouverture
La surface d’ouverture de la valve mitrale en diastole peut se mesurer par la pente de décélération du
flux E, par l’équation de continuité ou par planimétrie (voir Chapitre 26 Quantification de la SM).
Comme le débit à travers la valve mitrale est très lent, la POG reste élevée pendant la diastole, et le
gradient de pression entre l’OG et le VG diminue très lentement. De ce fait, la décélération du flux
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
141
mitral passif (flux E) est très progressive; sa pente est inversement proportionnelle à la surface
d’ouverture de la valve. Cette pente permet de calculer le temps de demi-pression (Pt1/2, ou pressure
half-time PHT), qui est le temps nécessaire à la pression pour diminuer de moitié (Dt), ou à la Vmax
pour diminuer à une vélocité égale au pic de vélocité divisé par √2 (= 1.4), soit à 0.71 Vmax. En effet,
puisque P est proportionnel à V2, le Pt1/2 est égal à 0.29 Dt (Figure 11.70). Dans une sténose mitrale,
un Pt1/2 de 220 ms correspond à une surface d’ouverture de 1 cm2 ; une valeur plus élevée correspond à
une surface < 1 cm2. La surface d’une sténose mitrale (Sm) est égale à 220 divisé par le Pt1/2 mesuré :
Sm = 220 / Pt1/2 (cm2). Le résultat n’est pas valide en cas d’insuffisance aortique à cause du
remplissage simultané du VG par l’IA.
A
100
B
0
E
100
0.7 Vmax
Pente de
décélération
Vmax
200
Pt1/2
Figure 11.70 : Quantification de la sténose mitrale. A : flux mitral diastolique au Doppler continu chez un malade
en FA (absence du flux A de la contraction auriculaire) ; la Vmax est 2 m/s ; la pente de décélération du flux E est
très ralentie, car le ΔP entre l’OG et le VG diminue très progressivement à cause de l’étroitesse de l’orifice mitral.
B : calcul du temps de demi-pression (Pt1/2) de la pente de décélération du flux E ; c’est le temps requis pour que
la pression diminue de moitié, ou pour que la Vmax baisse d’un facteur de 0.7 (la pression est fonction du carré de
la vélocité).
La planimétrie présente l’avantage de ne pas dépendre de l’hémodynamique comme le Pt1/2. Elle est
toutefois difficile en imagerie bidimensionnelle (Figure 11.71).
 Vue court-axe basal transgastrique 0-30° : cette vue n’est pas réalisable chez tous les malades ;
de plus, elle est inutilisable si la valve est très clacifiée. Comme la valve a une forme conique, il
n’est jamais sûr que la coupe bidimensionnelle mesure effectivement l’endroit le plus étroit ;
elle peut se trouver au milieu du cône et surestimer la dimension de la valve.
 Reconstruction tridimensionnelle (full volume) : l’imagerie 3D évite ce piège puisqu’elle
reconstruit l’ensemble des feuillets et permet de faire la mesure à l’endroit exact qui est le plus
étroit. La reconstruction 3D est actuellement considérée comme la mesure-étalon de la surface
d’ouverture de la valve lors de sténose mitrale.
Les caractéristiques de la sténose mitrale serrée sont synthétisées dans le schéma illustré à la Figure
11.72. Il est important de fonder le diagnostic sur un faisceau de preuves concordantes et non sur une
seule donnée isolée.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
142
A
B
Figure 11.71 : Planimétrie de la surface d’ouverture d’une sténose mitrale serrée. A : en vue bidimensionnelle
court-axe transgastrique 0° ; la surface mesurée est de 0.976 cm2. B : en vue tridimensionnelle depuis le ventricule
gauche. Comme la valve a une forme conique, il n’est jamais sûr que la coupe bidimensionnelle mesure
effectivement l’endroit le plus étroit ; elle peut se trouver au milieu du cône et surestimer la dimension de la valve.
L’imagerie 3D évite ce piège puisqu’elle reconstruit l’ensemble des feuillets et permet de faire la mesure à
l’endroit exact qui est le plus étroit. La reconstruction 3D est actuellement considérée comme la mesure étalon de
la surface d’ouverture de la valve lors de sténose mitrale.
Cathétérisme
Le cathétérisme n’est indiqué que si les conclusions de l’échocardiographie sont douteuses ou que ses
résultats sont discordants [23]. Il est inutile si l’échocardiographie est claire et concordante avec la
symptomatologie clinique. L’angiographie coronarienne est indiquée si l’on suspecte une maladie
coronarienne ; elle est recommandée au-delà de 45 ans chez l’homme et de 50 ans chez la femme
lorsqu’on envisage une intervention en CEC [22,34]. Le cathétérisme droit peut être nécessaire en
présence de BPCO sévère ou d’hypertension pulmonaire.
Echocardiographie en cas de sténose mitrale sévère
Silhouette bidimensionnelle caractéristique :
- immense OG avec contraste spontané, petit VG,
- appendice auriculaire gauche (AAG) dilaté, abritant fréquemment un thrombus en cas de FA,
- feuillets mitraux déformés et restrictifs avec fusion commissurale,
- appareils sous-valvulaire restrictif, épaissi et raccourci.
Au Doppler couleur :
- zone d’accélération concentrique côté auriculaire (PISA) en diastole,
- flux transmitral accéléré (Vmax 2 m/s),
- zone tourbillonnaire intraventriculaire,
Gradient moyen élevé (≥ 12 mmHg),
Temps de demi-pression (Pt1/2) > 250 ms.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
143
OG très
dilatée
OG
+ contraste
spontané
PISA
Fusion
commissurale
Flux accéléré
+ turbulences
Restriction
sous-valvulaire
ΔPm
VG
Pt1/2
AAG dilaté
+ thrombus
Vmax (ΔPmax)
© Chassot 2011
Figure 11.72 : Résumé schématique des caractéristiques échocardiographiques de la sténose mitrale sévère. La
silhouette est caractéristique : immense OG avec contraste spontané, appendice auriculaire gauche (AAG) dilaté,
abritant fréquemment un thrombus en cas de FA, petit VG, feuillets mitraux déformés et restrictifs avec fusion
commissurale, appareils sous-valvulaire restrictif, épaissi et raccourci. Au Doppler, zone d’accélération
concentrique côté auriculaire (PISA) en diastole, flux transmitral accéléré (Vmax 2 m/s) et zone tourbillonnaire
intraventriculaire, gradient moyen élevé (≥ 12 mmHg), temps de demi-pression (Pt1/2) > 250 ms.
Indications et résultats opératoires
Trois techniques sont possibles pour lever la sténose: valvuloplastie percutanée, commissurotomie
chirurgicale, ou remplacement valvulaire par une prothèse.
Commissurotomie
Si l’anatomie la permet, la commissurotomie percutanée est l'opération de premier choix. Les
indications reconnues sont les situations suivantes [23,318].
 Patient symptomatique (classe NYHA II, III et IV) avec une sténose modérée (1.0-1.5 cm2) ou
sévère (< 1 cm2) ;
 Patients asymptomatique avec une sténose modérée ou sévère et une hypertension pulmonaire
(PAPsyst > 50 mmHg au repos ou > 60 mmHg à l’effort) ;
 Morphologie favorable : feuillets souples, pas de calcifications aux commissures ni sur le corps
des feuillets, pas de fusion de cordages, appareil sous-valvulaire minimalement restrictif ;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
144
 Absence d’IM, ou IM mineure (IM modérée-à-sévère : contre-indication) ;
 Absence de thrombus auriculaire.
L’indication est posée en fonction d’un score (score de Wilkins ou de Cormier) basé sur l’épaisseur des
feuillets, leur mobilité, le degré de calcification, l’état de l’appareil sous-valvulaire et la présence d’une
IM [328]. L’intervention se pratique par cathétérisme avec contrôle radiologique et échocardiographique
transoesophagien. Un cathéter muni d’un ballon est introduit dans les cavités gauches par voie
transseptale; un ballon en forme de sablier ou, plus récemment, de verre de montre (ballon d’Inoue) est
placé à cheval sur la mitrale, qu’il déchire au moment où il se gonfle. Pour une mortalité de 0.5-2%, le
gradient est abaissé en moyenne de 10-12 mmHg et la surface utile est doublée : elle passe de 1 à 2 cm2
[250]. Le taux de succès immédiat est de 85-98% (S > 1.5 cm2, POG < 18 mmHg) [55]. Le taux
d’insuffisance mitrale résiduelle est de 2-10%. Le taux de resténose est de 15% à 5 ans et de 25% à 10
ans [55,249]. Les complications (3%) sont l’embolisation artérielle, la CIA résiduelle, la perforation
cardiaque et la régurgitation aiguë [40]. Par contre, le taux d’échec est prohibitif lorsque la valve est très
calcifiée, l’appareil sous-valvulaire très restrictif ou en présence d’une insuffisance significative (IM ≥
II).
Dans les centres peu expérimentés avec la technique de commissurotomie percutanée, il est préférable
de procéder à une commissurotomie chirurgicale par thoracotomie gauche en CEC. La valve mitrale est
décalcifiée sous contrôle de la vue, les commissures sont incisées, et les cordages fusionnées sont
séparés ; un complément de plastie est possible en cas de régurgitation. L’appendice auriculaire gauche
est réséqué ou ligaturé, et d’éventuels thrombi auriculaires sont enlevés. La mortalité opératoire est de
1-3% [93], et la survie à 15 ans sans complications de 90% [4,140].
Ces interventions retardent de plusieurs années la mise en place d'une prothèse chez les jeunes adultes et
évitent l'anticoagulation, mais elles restent des opérations strictement palliatives, car la pathologie
subsiste et le flux n’est pas normalisé. Elles sont réservées aux valves peu calcifiées et sans insuffisance.
Remplacement valvulaire (RVM)
Si la valve et l'appareil sous-valvulaire sont calcifiés ou déformés, s’il existe un thrombus auriculaire ou
si le patient souffre d'une composante de régurgitation significative, la mise en place d'une prothèse
s'impose [23]. Le RVM chirurgical est également indiqué chez les patient nécessitant simultanément des
pontages aorto-coronariens ou le remplacement d’une autre valve.
Le remplacement valvulaire chirurgical permet en outre de réduire le volume de l’OG, de réséquer ou
ligaturer l’appendice auriculaire, et de réaliser éventuellement une opération de Maze pour réduire la
fibrillation auriculaire. Dans le RVM pour sténose, il est plus difficile, voir impossible, de conserver
l’appareil sous-valvulaire pour assurer le squelette interne du VG et freiner la dysfonction à long terme
comme on le fait dans le RVM pour insufffisance. En position mitrale, la préférence va aux prothèses
mécaniques, parce qu’elles ont moins de gradient que les bioprothèses pour le même diamètre et parce
qu’elles dégagent mieux la chambre de chasse. D’autre part, le taux d’attrition des bioprothèses est plus
élevé en position mitrale qu’en position aortique.
La mortalité opératoire est de 3-5% chez l’adulte sans hypertension pulmonaire, mais s’élève jusqu’à
10-20% chez la personne âgée ou en cas d’HTAP [18]. La survie est de 80 % à 5 ans [170]. Après
RVM, l'anticoagulation est nécessaire à vie pour les valves mécaniques, mais pour 3 mois avec les
valves biologiques.
Indications opératoires
Sans intervention, la survie à 5 ans et à 10 ans est respectivement de 40% et de 10% avec une sténose
mitrale symptomatique [153,287]. L’indication doit être posée avant que la symptomatologie ne soit
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
145
sévère, ou dès que la surface est égale ou inférieure à 1 cm2/m2, et, si possible, pendant que le patient est
encore en rythme sinusal. Les indications à la correction mitrale [23,24,159,318].
 Patient symptomatique avec une sténose modérée (S = 1.0-1.5 cm2) ou sévère (S < 1.0 cm2) ;
 Patient symptomatique avec une sténose modérée ou sévère qui développe une hypertension
pulmonaire à l’effort (PAPsyst > 60 mmHg, PAPmoy > 35 mmHg) ;
 Patient asymptomatique avec une sténose modérée ou sévère qui présente une situation à haut
risque thrombo-embolique : anamnèse d’AVC, dilatation auriculaire gauche (diamètre > 5.0
cm) avec fort contraste spontané, FA paroxystique récente ;
 Patient asymptomatique avec une sténose sévère qui désire une grossesse ou qui doit subir une
intervention chirurgicale élective majeure.
Chez les patients dont le status est favorable, la commissurotomie percutanée est proposée comme
premier choix. Il n’existe pas de preuve que la commissurotonie ou le RVM soit bénéfique pour les
patients non symptomatiques porteurs de sténose modérée et ne présentant pas de facteurs de risque.
Indications opératoires de la sténose mitrale
Indications opératoires en cas de sténose sévère (S < 0.6 cm2/m2) :
- patient symptomatique,
- hypertension pulmonaire à l’effort (PAPsyst > 60 mmHg),
- patient asymptomatique si risque thrombo-embolique élevé,
- patients asymptomatique si grossesse désirée ou opération majeure élective.
Conditions pour une commissurotomie percutanée (mortalité 0.5 – 2%) :
- feuillets souples, pas de calcifications, pas de fusion ni de restriction des cordages,
- absence d’IM (ou IM mineure),
- absence de thrombus auriculaire.
Indications au RVM (mortalité 3-5%, jusqu’à 10-20% si haut risque) :
- commissurotomie non réalisable,
- opération de Maze simultanée (réduction de la FA),
- PAC ou autre intervention valvulaire simultanée.
Principes pour l’anesthésie
Que ce soit pour un RVM ou pour de la chirurgie non-cardiaque, la prise en charge d’un patient porteur
d’une sténose mitrale serrée est un défi pour l’anesthésiste, car la situation est quasi bloquée. La sténose
mitrale est la valvulopathie qui impose les contraintes maximales, parce qu’elle limite le remplissage du
VG sans qu’il soit possible de le modifier. En effet, le seul moyen d’augmenter le flux à travers une
sténose est d’augmenter la pression d’amont. Ceci est réalisable dans la sténose aortique grâce à une
hypertrophie du VG, mais est impossible dans la sténose mitrale car augmenter la POG conduit à
l’oedème pulmonaire. L’équilibre n’est concevable qu’en maintenant le débit cardiaque (DC) au
minimum compatible avec les besoins métaboliques normaux, car plus le débit et le volume sont élevés,
plus le gradient transmitral augmente, et la stase pulmonaire avec lui.
 Précharge: elle est obligatoirement élevée pour assurer un gradient suffisant à travers la valve
mitrale, mais le lit vasculaire pulmonaire est peu compliant et déjà surchargé chroniquement. En
cas d’hypervolémie ou de retour veineux augmenté (position de Trendelenburg), le risque est un
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
146





OAP floride. L’hypovolémie est très mal tolérée car le débit transmitral baisse en relation
géométrique avec la chute de la POG et ne peut pas être compensé par la tachycardie.
Postcharge: les RAS doivent être maintenues élevées pour compenser le petit volume
systolique ; la fonction éjectionnelle du VG, en général bien conservée, supporte cette
augmentation de postcharge. Eviter toute vasodilatation artérielle. Un vasoconstriceur alpha est
le meilleur moyen de maintenir la pression systémique en peropératoire.
Contractilité: la fonction du VG est conservée, mais ce dernier ne dispose d’aucune réserve de
précharge; le volume systolique est bas et fixe. Les béta-catécholamines ne sont utilisées qu’en
rapport avec une baisse excessive du DC (baisse de la SvO2), car elles ne sont pas bénéfiques au
VG pour deux raisons : 1) la tachycardie diminue le remplissage du VG, et 2) l’augmentation du
DC élève le gradient mitral et la POG. Le VD est dilaté et hypertrophié en fonction du degré
d’hypertension pulmonaire; il est insuffisant en cas d’HTAP sévère ; c’est le VD qui bénéficie
le plus de la stimulation inotrope.
Fréquence: elle doit impérativement rester basse pour permettre le remplissage ventriculaire
qui est très lent; la tachycardie implique d'augmenter le flux transmitral pour maintenir le débit
systolique, ce qui conduit à une augmentation géométrique de la POG et à une stase pulmonaire.
Si un pacing est nécessaire, prévoir un intervalle P-Q long (0.15-0.20 sec).
Pression artérielle pulmonaire : l’hypertension pulmonaire est précapillaire (vasoconstriction
artérielle) et postcapillaire (hypertension veineuse). Le risque de vasoconstriction artérielle est
accru en cas d'hypoxie, d'hypercarbie, d'acidose ou de N2 O ; une hyperventilation normobarique
(PetCO2 30 mmHg) est souhaitable, en évitant les hautes pressions de ventilation pour ne pas
augmenter la postcharge du VD. Les vasodilatateurs pulmonaires sont indiqués en fonction
d’une défaillance du VD.
Ventilation en pression positive : elle est très bénéfique pour le débit gauche dans la mesure
où le retour veineux au coeur droit reste bien assuré et où le VD n’est pas défaillant.
Comprimant les poumons comme une éponge, la ventilation en pression positive augmente le
retour à l’OG, diminue la pression transmurale de l’oreillette et améliore le flux transmitral en
diminuant la stase (Figure 11.73). Les effets de l’IPPV sont transmis par le biais de la pression
moyenne intrathoracique.
Hémodynamique recherchée dans la sténose mitrale
Précharge normale et stable
Vasoconstriction systémique
Fréquence cardiaque lente
Vasodilatation pulmonaire (+ soutien inotrope du VD)
Ventilation en pression positive bénéfique
Normovolémique – Lent - Fermé
Technique d’anesthésie pour la chirurgie mitrale en cas de SM


La prémédication doit rester légère pour éviter le risque d’hypoventilation et d’hypercapnie en
cas d’hypertension pulmonaire (HTAP). Si un anticholinergique est nécessaire, il faut éviter
l’atropine, trop tachycardisante.
L’induction doit être lente et modifier aussi peu que possible les conditions de base :
o Etomidate : seul agent dépourvu d’effets hémodynamiques ;
o Midazolam : la baisse du tonus sympathique central entraîne une légère baisse du
DC ;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
147
Propofol : il baisse la précharge et le flux mitral antérograde ; possible seulement à
dosage réduit chez des malades stables ;
o Fentanils : bénéfiques (bradycardie) ;
o Thiopental, kétamine : exclus à cause de leur tachycardie.
o Eviter une poussée tachycardisante à l’intubation avec une anesthésie topique du
larynx et de la trachée.
Maintien de l’anesthésie : éviter la baisse des RAS et l’augmentation des RAP, limiter l’apport
hydro-salin.
o Sevoflurane : agent de choix ;
o Perfusion de propofol ou de midazolam : adapter les dosages pour que
l’hémodynamique reste stable ;
o Isoflurane : déconseillé (↓ RAS et tachycardie) ;
o Desflurane : déconseillé (↑ fréquence et ↑ RAP) ;
o IPPV + PEEP bénéfiques ; l’hyperventilation diminue les RAP ;
o Hypotension systémique : ↑ RAS avec un vasopresseur alpha (phényléphrine, noradrénaline), éviter la surcharge liquidienne.
Toute tachycardie est à proscrire :
o Le thiopental, la kétamine et le pancuronium sont contre-indiqués ;
o Pas d’éphédrine ; en cas d’hypotension : phényléphrine, nor-adrénaline ;
o Pas d’atropine en cas de bradycardie excessive (réponse imprévisible) ;
o Pas de phentolamine en cas de poussée hypertensive ; préférer la nitroglycérine ;
o Après RVM, la tachycardie n’est plus dangereuse.
Gérer l’hypertension pulmonaire : hypocapnie, alcalose, prostacycline, NO•. Eviter : kétamine,
desflurane, N2 O, stress, douleur, acidose, hypoxémie, hypercapnie.
Eviter l’hypervolémie ; le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz est indispensable pour gérer
l’administration liquidienne (surveillance constante de la PAPO).
Maintenir la contractilité si nécessaire (la détérioration de la fonction systolique peut être
masquée par la faible précharge) ; en post-CEC, la tachycardie n’est plus à craindre.
o Préférence à la dobutamine ; dopamine adéquate si dosage < 5 mcg/kg/min ;
o Milrinone (± adrénaline) si HTAP.
Monitorage ETO :
o Degré de calcification, état de l’appareil sous-valvulaire (mal visible par le
chirurgien), présence de thrombus dans l’OG (AAG) ;
o Taille et fonction du VG, fonction du VD, signes d’HTAP ;
o Evaluation de la volémie ;
o Post-CEC : résultat de la commissurotomie, fonctionnement de la prothèse, fuite
paravalvulaire, adaptation du VG aux nouvelles conditions de précharge.
Cathéter artériel pulmonaire : utile dans tous les cas.
o Mesure de la PAP (HTAP) ;
o PAPO : ajustement des perfusions ; elle traduit la pression capillaire pulmonaire et
la POG mais non la pression télédiastolique du VG ;
o Mesure du VS, du DC et de la SvO2 (adéquation du DC aux besoins métaboliques) ;
ScO2 : évaluation de la perfusion périphérique.
o








Commissurotomie percutanée
L'intervention se déroule le plus souvent en salle de cathétérisme ou en salle hybride. Le confort du
patient est meilleur sous anesthésie générale pour deux raisons:


Instabilité hémodynamique et risque de réanimation,
Présence de la sonde d'échocardiographie transoesophagienne.
Hormis l'intubation et la sonde d'ETO, la stimulation est peu importante; la durée est de 1-2 heures.
Pendant la dilatation proprement dite, le ballon gonflé dans la lumière mitrale obstrue le flux: le débit
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
148
cardiaque est momantanément nul. L'extubation a lieu en fin d'intervention. Les contraintes
hémodynamiques sont les mêmes que celles de l'intervention chirurgicale.
Inspirium
IPPV
Patm
VCS
Pit +
P pulm +
VCI
Ao
OD
OG
P⇑
VD
VG
V⇑
© Chassot 2011
Figure 11.73 : Interactions cardio-respiratoires de la ventilation en pression positive (IPPV) en cas de
valvulopathie mitrale. Représentation schématique des effets de l’augmentation de la pression intrathoracique (Pit)
par l’inspirium de l’IPPV et la PEEP. L’élévation de la Pit et de la pression intrapulmonaire (flèches violettes)
augmente la postcharge du VD, le remplissage de l’OG et la précharge du VG, comprime les cavités cardiaques,
freine le retour veineux de la veine cave inférieure (VCI) et facilite l’éjection du VG puisque sa postcharge ne se
modifie pas (elle est à l’extérieur de la cage thoracique). Tant que le débit du cœur droit est compensé, la situation
est améliorée par rapport à la ventilation spontanée parce que le flux antérograde à travers la valve mitrale est
facilité et la stase pulmonaire diminuée.
CEC et post-CEC
La surface habituelle des valves prosthétiques est de 1.5 – 2.6 cm2 et leur gradient moyen de 2-6 mmHg.
La mesure du flux par ETO peropératoire peut afficher des gradients momentanément élevés après la
CEC, parce que le débit cardiaque est trop élevé (effet inotrope excessif) ou parce que la retransfusion
du volume de CEC est trop rapide.
Le changement de valve rétablit un remplissage diastolique normal du ventricule gauche, qui est petit ;
cela représente un volume télédiastolique élevé pour lui. Au sortir de CEC, il présente donc une
insuffisance fonctionnelle de type congestif (Figure 11.74). Un support inotrope est souvent nécessaire.
La tachycardie est maintenant bénéfique, car elle permet de diminuer le Vtd par le raccourcissement de
la diastole. Si la fonction du VG est satisfaisante, l’hypotension est traitée par un vasopresseur alpha.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
149
Figure 11.74 : Boucle
pression/volume lors de
sténose mitrale avant (SM,
en rouge) et après CEC
(vert et jaune, post RVM).
Le volume systolique est
augmenté mais déplacé
vers la partie redressée de
la courbe de compliance,
donc vers des pressions de
remplissage élevées ; un
Vtd normal est l’équivalent
d’une surcharge de volume
pour un VG de sténose
mitrale.
Pression
Emax
E’max
Post
RVM
SM
V0
VS
Volume
© Chassot 2011
Le rythme sinusal est avantageux pendant les premières heures et doit être maintenu autant que possible,
même chez les patients qui étaient en FA en préopératoire; ceux-ci repassent le plus souvent en FA dans
les 48 heures postopératoires. Une ablation chirurgicale des circuits de réentrée par voie endoauriculaire (opération de Maze) permet de rétablir un rythme sinusal ; associée à une plastie de réduction
de l’OG, elle a un taux de succès de 80% dans le postopératoire [229]. Même si l’hémodynamique est
améliorée par un rythme auriculaire stable, le rétablissement du rythme sinusal ne signifie pas forcément
que la contraction auriculaire soit mécaniquement performante et contribue significativement au
remplissage du ventricule ; à l’échocardiographie, on ne voit souvent pas de flux A correspondant à la
propulsion télédiastolique par l’oreillette.
Les résistances et les pressions pulmonaires diminuent pendant les premières 24-48 heures parce que la
composante postcapillaire est supprimée; toutefois, la PAP ne se normalise pas dans le postopératoire,
parce que la composante précapillaire ne se réduit que lentement. Une non-réponse de l'hémodynamique
pulmonaire indique une HTAP fixe et irréversible, de mauvais pronostic; elle est prévisible par la
réponse à un test au NO• lors du cathétérisme préopératoire. Si nécessaire, une vasodilatation
pulmonaire active doit être instituée (voir Tableau 12.5 et Tableau 12.10).
Chirurgie de la sténose mitrale : post-CEC
La levée de l’obstacle mitral provoque une surcharge relative de volume pour le VG, qui est de petite
dimension. La composante postcapillaire de l’hypertension pulmonaire diminue, mais la composante
précapillaire persiste dans le postopératoire.
Prise en charge :
- restriction du remplissage,
- soutien inotrope (dobutamine), tachycardie bénéfique,
- vasodilatation pulmonaire et traitement de l’insuffisance droite selon besoins.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
150
Maladie mitrale
Il n’est pas rare que la sténose mitrale soit accompagnée d’un certain degré d’insuffisance. Pour
l’anesthésiste et le réanimateur, il importe de déterminer quelle est l’affection prédominante, parce que
celle-ci détermine le comportement hémodynamique du patient. D’une manière générale, la sténose est
plus contraignante que l’insuffisance parce que la marge d’adaptation est plus faible ; si elle est
significative, c’est elle qui domine le tableau clinique [23]. Outre les mesures quantitatives spécifiques,
la silhouette des 4 cavités montre le remodelage subi par le coeur et permet de définir la composante
majeure (Figure 11.75).
 Si la sténose prédomine, l’OG est gigantesque et le ventricule disproportionnellement petit ; le
contraste spontané est souvent absent à cause du brassage réalisé dans l’OG par l’IM ; le septum
interauriculaire bombe dans l’OD en permanence.
 Si l’insuffisance prédomine, le VG est dilaté et hypertrophié ; l’OG est moins volumineuse, le
septum interauriculaire bombe dans l’OD en systole seulement.
Le volume régurgité en systole augmente d’autant le volume qui doit passer à travers la valve en
diastole. Cet excédent augmente le gradient et conduit à une surestimation du degré de sténose par le
temps de demi-pression. Par contre, la combinaison d’une IM et d’une SM maintient les dimensions du
VG dans des valeurs intermédiaires et limite le remodelage ventriculaire ; la présence de l’IM diminue
le risque d’hypotrophie du VG, et celle de la SM diminue le risque de dilatation. Ceci est
particulièrement bénéfique en sortant de CEC.
Hémodynamique recherchée en cas de maladie mitrale
Précharge élevée
RAS ↑ si prédominance de sténose, RAS ↓ si prédominance d’insuffisance
Fréquence normale, rythme sinusal maintenu
Soutien inotrope si dysfonction ventriculaire (Dts > 2.5 cm/m2, Dtd > 4 cm/m2)
Vasodilatation pulmonaire (RAP ↓)
Ventilation en pression positive bien tolérée
Figure 11.75 : Silhouettes
comparatives d’une insuffisance
(A) et d’une sténose mitrale
(B). Dans la combinaison des
deux pathologies caractéristique
d’une
maladie
mitrale,
l’affection prédominante est
clairement identifiable d’après
l’allure générale des cavités
gauches.
OG dilatée
OG très
dilatée
+ contraste
spontané
Jet IM
HVG
dilatative
A
B
Petit
VG
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Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
151
Sténose aortique
La sténose valvulaire aortique est la valvulopathie la plus courante de l'adulte ; sa prévalence est de 27% à partir de 65 ans [66,111,157,235]. Elle relève de plusieurs étiologies.

La cause la plus fréquente est la dégénérescence calcifiante d'une valve normale à trois
cuspides, rencontrée en général chez le patient de plus de 65 ans (Figure 11.76 et Figure
11.77). Des dépôts calcifiés en forme d’excroissances nodulaires sans fusion commissurale
rigidifient les valvules et les bloquent en position semi-fermée. Cette calcification valvulaire est
fréquemment associée à une calcification de l’anneau mitral et à une athéromatose artérielle
systémique, chez des malades qui présentent une hypercholestérolémie, une hypertension
artérielle, un diabète et un tabagisme ; la présence de processus inflammatoire dans les lésions
calcifiantes traduit la parenté entre la sténose aortique et l’athérosclérose [252].
A
B
Figure 11.76 : Images anatomo-pathologiques de sténose aortique acquise de valves tricuspides. A :
dégénérescence calcifiée de la personne âgée ; les calcifications sont situées dans le corps des feuillets. B : sténose
après RAA ; les calcifications sont moins importantes et sont situées dans les commissures qui sont fusionnées
[Extrait de : Braunwald E. Valvular heart disease. In: Braunwald E. ed. Heart disease. Philadelphia, WB Saunders
Co, 1997, 1007-76].
Ra
Calcifications
dégénératives
Bicuspidie
© Chassot 2011
Rhumatisme
articulaire aigu
Figure 11.77 : Aspect anatomopathologique des calcifications dans la sténose aortique. Les calcifications sont
situées dans le corps des cuspides lors de dégénérescence, sur le raphé (Ra) et aux commissures dans la bicuspidie,
et aux 3 commissures dans le RAA.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
152

La bicuspidie aortique congénitale (prévalence : 1-2% de la population, dont 2% développe une
sténose) [157] est identifiée par une ouverture ellipsoïde et par deux cuspides de tailles inégales,
dont la plus grande contient souvent un raphé médian (Figure 11.78). Ne pouvant pas s’ouvrir
pleinement en systole pour être parallèles au flux (voir Figure 11.9D et Figure 11.79), les bords
libres des deux feuillets sont soumis aux vibrations du flux rendu turbulent par le léger
rétrécissement de la surface aortique ; ce stress conduit à une fibrose et à une calcification
dystrophique qui survient entre 30 et 60 ans (60% des cas de bicuspidie). Les calcifications ont
un aspect en chou-fleur envahissant les cuspides et le raphé médian. L’ouverture résiduelle
prend la forme d’une fente. La bicuspidie peut être associée à une coarctation et à un anévrysme
de l’aorte thoracique.
NC
CG
CD
A
B
NC
CG
CD
C
D
Figure 11.78 : Bicuspidie aortique. A: Image échocardiographique transoesophagienne en systole; l'ouverture de
la valve est une ellipse; les feuillets coronariens droit (CD) et gauche (CG) sont fusionnés. B: image en diastole;
on aperçoit le départ du tronc commun (→) et de la coronaire droite (↑↑); NC: feuillet non coronarien. C: la flèche
indique la présence d'un raphé à l'emplacement de la fusion entre le feuillet coronarien droit et le feuillet noncoronarien; l'ouverture qui subsite est elliptique, en forme de banane (verticale sur l'image en court-axe de la
valve). D: pièce opératoire du cas illustré en C.

La lésion secondaire au RAA est plus rare actuellement dans les pays industrialisés (< 10 % des
cas). Caractérisée par une fusion commissurale, une fibrose et une néovascularisation des
cuspides, elle présente un épaississement faiblement calcifié des feuillets qui prédomine au
niveau des commissures (voir Figure 11.76B); elle est fréquemment associée à une maladie
mitrale de même origine.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
153

La sclérose aortique est un épaississement irrégulier des feuillets sans sténose ni augmentation
du gradient de pression ; elle est présente chez 25% des personnes âgées de > 65 ans ; elle est
associée à l’hypertension artérielle, à l’hypercholestérolémie, au diabète, au tabagisme et à un
risque accru d’infarctus myocardique [245].
Figure 11.79 : Formes de
bicuspidie. Dans la bicuspidie
vraie,
il
n’existe
embryologiquement que deux
bourgeons de valvules et
deux
commissures ;
la
position de ces dernières est
variable, de même que la
taille respective de chaque
cuspide. Dans la bicuspidie
acquise, la valve a demarré
dans l’embryon avec trois
feuillets et trois commissures,
positionnées à équidistance
en
triangle
équilatéral ;
secondairement, deux de ces
feuillets ont fusionné, ne
laissant qu’une trace de
l’ancienne commissure sous
la forme d’un raphé (Ra).
Comme le diamètre d’un
cercle est plus petit que la
moitié de sa circonférence,
les bords libres des cuspides
ne
peuvent
pas
être
correctement
alignés
parallèlement au flux lorsque
la valve est ouverte en
systole ; ils opèrent une
relative sténose et vibrent
dans le flux, ce qui crée un
souffle
systolique
sans
relation avec une sténose car
leur surface d’ouverture est
encore normale.
Bicuspidie
vraie
Valve tricuspide
Ra
Bicuspidie
acquise
En systole, l’ouverture
est incomplète. Le bord
libre vibre dans le flux
(souffle éjectionnel)
© Chassot 2011
En-dessous de 65 ans, la répartition des étiologies est : bicuspidie 50%, RAA 25% et dégénérescence
18%. Au-delà de 70 ans, cette répartition se modifie : dégénérescence 48%, bicuspidie 27%, RAA 23%
[111]. La sténose sur bicuspidie devient cliniquement symptomatique environ 20 ans plus tôt que la
sténose sur une valve tricupside. Au sens anatomo-pathologique du terme, on distingue deux formes de
bicuspidie (Figure 11.79).
 Bicuspidie vraie : il n’existe que 2 bourgeons embryonnaires de cuspides ; les deux feuillets de
la valve sont de taille et de proportion variables, en général légèrement inégaux ; la fente
d’ouverture est ovale et son orientation est variable.
 Bicuspidie acquise : comme il existe primitivement 3 bourgeons dont deux fusionnent
ultérieurement, on retrouve 3 commissures dans leur position normale, mais une cuspide est le
double de la taille de l’autre ; elle présente en général un raphé fibreux en son milieu, qui
marque la position de la commissure fusionnée ; l’ouverture est en forme de banane. La
bicuspidie acquise sur calcifications secondaires fait partie de cette catégorie.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
154
Bien qu'anatomiquement bien distinctes les unes des autres, les différentes étiologies de la sténose
aortique sont souvent difficiles à différencier à un stade avancé de la maladie. Il n’est pas rare que les
déformations anatomiques décrites empèchent la valve d’être étanche en diastole; une insuffisance
aortique (IA) d’accompagnement est fréquente (degré I-II sur IV), mais hémodynamiquement peu
significative. Parmi les cas congénitaux, on peut également rencontrer des valves unicuspides et des
sténoses membranaires sus- ou sous-valvulaires.
L’obstruction peut parfois se situer en-dessous de la valve, dans la chambre de chasse du VG (CCVG).
Cette sténose sous-aortique comprend deux catégories.
 Sténose fixe : membrane fibro-musculaire sous-aortique qui obstrue partiellement la CCVG ;
lésion congénitale qui s’accompagne d’une hypotrophie de la valve aortique (Figure 11.80) ;
 Sténose musculaire dynamique : occasionnée par une cardiomyopathie obstructive (CMO) ou
par une hypertrophie concentrique dans une constellation particulière d’hypovolémie, d’excès
inotrope et de basse postcharge (voir Sténose sous-aortique dynamique).
Figure 11.80 : Sténose sousaortique congénitale. Une
membrane circulaire (flèches)
rétrécit la chambre de chasse
en amont de la valve
aortique ; elle est fixée au
septum interventriculaire, au
feuillet antérieur de la valve
mitrale et à la paroi
postérieure du VG. La valve
aortique (VAo) est souvent
hypotrophique en aval de la
sténose
infundibulaire.
CCVD : chambre de chasse
droite.
OG
VAo
VG
CCVD
La surface valvulaire aortique normale est de 2.5 – 4.0 cm2 (index: 2 cm2/m2). La sténose est quantifiée
en trois degrés (Tableau 11.12) [23,318].
 Sténose mineure : surface 1.5 cm2,
ΔPmoy < 25 mmHg,
2
 Sténose modérée : surface 1.0 - 1.5 cm ,
ΔPmoy 25-40 mmHg,
 Sténose sévère : surface < 1.0 cm2,
ΔPmoy > 45 mmHg,
surface indexée : ≤ 0.6 cm2/m2
Vmax < 3 m/s ;
Vmax 3 – 4 m/s ;
Vmax > 4 m/s ;
Ces valeurs s’entendent pour une fonction normale du VG et un alignement correct de l’axe Doppler
avec le flux systolique. Le débit ventriculaire gauche est généralement maintenu jusqu'à une obstruction
critique déterminée par une surface valvulaire < 0.4 cm2/m2. En moyenne, la surface valvulaire aortique
diminue de 0.05 - 0.1 cm2 par an, et le gradient moyen augmente de 7 mmHg par an [244]. La sténose
sévère est définie par les critères suivants [238] :




Surface aortique < 1.0 cm2 (< 0.6 cm2/m2) ;
Gradient de pression (ΔP) moyen > 50 mmHg (ΔPmax > 100 mmHg) ;
Vélocité du flux aortique > 4.0 m/s ;
Rapport Vmax CCVG / Vmax VAo < 0.25 ;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
155
 Hypertrophie concentrique du VG (épaisseur paroi postérieure en diastole > 1.2 cm), cavité du
VG diminuée de taille ;
 Fonction systolique conservée ;
 Dysfonction diastolique avec agrandissement de l’OG.
La morphologie globale du coeur est modifiée: le long axe du coeur s’horizontalise sur le diaphragme
(morphologie "en sabot") et l’aorte ascendante, qui est sensiblement dilatée, est déroulée vers la droite.
Sténose de la valve aortique
Trois étiologies : dégénérescence calcifiée (la plus fréquente > 65 ans), bicuspidie (la moitié des cas <
60 ans), RAA (plus rare).
Définition des degrés de sténose (fonction VG conservée) :
- sténose mineure
surface 1.5 cm2
ΔPmoy < 25 mmHg
- sténose modérée
surface 1.0 – 1.5 cm2
ΔPmoy 25 – 40 mmHg
2
2
2
- sténose serrée
surface < 1.0 cm (0.6 cm /m ) ΔPmoy > 45 mmHg
La sténose serrée est en outre caractérisée par :
- Vmax flux aortique > 4 m/s
- Intégrale des vélocités aortique (ITVVAo) > 100 cm
- Rapport ITVCCVG / ITVVAo < 0.25
- HVG concentrique (fonction systolique conservée mais dyfonction diastolique)
Tableau 11.12
Critères de quantification de la sténose aortique
SA mineure
SA modérée
SA sévère
Paramètres structuraux
Taille de l’OG
Taille du VG
Cuspides aortiques
normale
normale
fibrosées
normale
HVG
ouverture diminuée
mobilité restreinte
dilatée
HVG, cavité petite*
ouverture minime
mobilité minime/nulle
Critères spécifiques
Vmax**
ITV
Gradient moyen***
Rapport CCVG/VAo
Surface
2.5 m/s
30 – 40 cm
< 20 mmHg
0.3 – 0.5
1.5 – 2.9 cm2
3.0 – 4.0 m/s
50 cm
25 - 45 mmHg
0.3
1.0 – 1.5 cm2
> 4.0 m/s
> 100 cm
> 50 mmHg
< 0.25
< 1.0 cm2
< 0.6 cm2/m2
Critères d’appoint
Doppler continu aortique
Doppler pulsé mitral
trace incomplète
E/A normal
trace peu dense
trace dense
E < 0.8 m/s, A > E
relax isovol > 100 ms
décélér E > 250 ms
E/E’ > 12
dilatation
Aorte ascendante
* En l’absence de dysfonction sévère du VG ou d’insuffisance associée
** Si alignement correct du Doppler et fonction VG normale
*** Si fonction VG normale. Sources: références 23, 318.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
156
Physiopathologie
L'augmentation des résistances à l'éjection entraîne une hypertrophie ventriculaire gauche (HVG)
progressive de type concentrique qui, en accord avec la loi de Laplace, permet de maintenir le stress de
paroi dans les limites de la norme (voir Adaptation aux valvulopathies, et Figure 11.15). Celle-ci
s’accompagne d’un épaississement pariétal (l'épaisseur moyenne de la paroi du VG en diastole est
supérieure à 1.2 cm), d’une augmentation de la masse ventriculaire gauche et d’un rétrécissement de la
cavité ventriculaire (Figure 11.81). L’HVG est caractérisée par une dysfonction diastolique, par une
préservation de la fonction systolique et par un risque ischémique aggravé.
Septum
OD
OG
VG
VD
VD
B
Septum
VG
A
Figure 11.81 : Images anatomo-pathologiques
d'hypertrophie ventriculaire gauche concentrique sur
sténose aortique serrée. A: coupe longiitudinale du
VG; on aperçoit une hypertrophie massive du septum
inteventriculaire; la pincette soulève le feuillet
antérieur de la valve mitrale, et la flèche souligne
l’étroitesse de la chambre de chasse. B: coupe
transverse (court-axe) du VG.
Dysfonction diastolique
Un ventricule épais et hypertrophié est peu compliant. L’effet de succion protodiastolique de la phase de
relaxation active est déficient. A l’analyse du flux mitral, l'onde E du remplissage passif est de plus
basse vélocité que l'onde A du remplissage actif de la contraction auriculaire (rapport E/A < 1); la phase
de relaxation isovolumétrique (tRI) est prolongée; la décélération de l'onde E (tDE) est raccourcie
(Figure 11.82). Le VG, très épais, réclame une pression télédiastolique élevée pour atteindre son
volume de remplissage. La POG augmente et l’oreillette se dilate.
Comme la relaxation active protodiastolique est insuffisante, la contribution de la contraction auriculaire
au remplissage ventriculaire devient de plus en plus importante (30-50% du volume télédiastolique) et
permet l'augmentation de la pression télédiastolique ventriculaire sans augmentation de la pression
auriculaire moyenne ni de la pression veineuse pulmonaire. Ceci nécessite un intervalle PR d'au moins
0.1 - 0.15 seconde pour être efficace. Sur la courbe du cathéter pulmonaire de Swan-Ganz, l'onde "a" de
la PAPO devient proéminente. La perte du rythme sinusal (rythme nodal peropératoire, passage en
fibrillation auriculaire) effondre le débit cardiaque parce que le VG perd soudainement 40-50% de son
remplissage.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
157
Figure
11.82 :
Modification du flux mitral
en
cas
d’hypertrophie
ventriculaire concentrique.
Flux mitral enregistré à
l’ETO Doppler. A gauche
(A), image du flux normal;
à droite (B), image du flux
en cas d’HVG: le flux A
est plus important que le
flux E, ce qui illustre la
dépendance
du
remplisssage ventriculaire
par rapport à la contraction
auriculaire. Le temps de
relaxation isovolumétrique
(tRi) augmente, car la
mitrale s’ouvre tardivement
en début de diastole par
défaut
de
relaxation
ventriculaire; le temps de
décélération du flux E est
raccourci.
A
E
A
tRi
A
E
B
E
A
A
E
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Fonction systolique
La valeur de la fraction d'éjection (FE) est normale ou même supranormale (FE > 0.7), parce que le
volume télésystolique est très petit. Toutefois, la performance systolique par unité de masse
myocardique n’est pas augmentée ; elle peut même être diminuée. La durée de l’éjection est prolongée
(téj > 250 msec) à cause du rétrécissement à la sortie du VG, ce qui diminue la puissance nominale du
ventricule. Les critères habituels d’évaluation de la fonction systolique étant dépendants des conditions
de charge, il est difficile de quantifier la contractilité réelle du ventricule lorsque les pressions de
remplissage sont élevées à cause de la dysfonction diastolique, et que la postcharge est très augmentée
par la résistance à l’éjection. Les dimensions ventriculaires sont un meilleur critère fonctionnel : un
diamètre télédiastolique du VG en court-axe supérieur à 4 cm/m2 signe une décompensation. A un stade
encore asymptomatique, le Doppler tissulaire met en évidence des modifications subtiles de la
contraction : réduction de la contraction longitudinale sous-endocardique, exagération de la torsion
systolique, diminution de la succion protodiastolique [125].
Le volume systolique est limité par le débit à travers la sténose et par la durée de la systole. Il est
relativement fixe, car la réserve contractile est nulle. La pression artérielle systémique, qui correspond
au produit du débit cardiaque et des résistances artérielles systémiques (PA = DC x RAS), dépend
essentiellement des RAS, qui doivent rester élevées.
Lorsqu’il est compensé, un VG de sténose aortique présente une HVG concentrique avec une cavité
ventriculaire de petite taille et une FE élevée. Il génère un gradient trasnvalvulaire élevé :
 ΔPmoy > 50 mmHg ;
 ΔPmax > 100 mmHg ;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
158
 Vélocité du flux aortique > 4.0 m/s ;
 Intégrale des vélocités (ITVVAo) > 100 cm.
Le rétrécissement au niveau de la valve aortique est responsable d’une accélération du flux sanguin.
Lorsque la sténose est serrée, la Vmax y est au moins quadruplée par rapport à celle de la chambre de
chasse : le rapport entre la vélocité dans la CCVG (VCCVG) et la vélocité à travers la valve aortique
(VVAo) est < 0.25, alors qu’il est de > 0.4 dans une sténose mineure et > 0.8 lorsque la valve est normale
[23]. On utilise le plus souvent l’intégrale des vélocité (ITV) de préférence à la Vmax, parce que la
mesure est plus fiable et moins dépendante de l’hémodynamique.
Sténose aortique serrée : ITVCCVG / ITVVAo < 0.25
Lorsque la fonction systolique du VG diminue ou que le volume systolique est plus petit (hypovolémie),
le gradient transvalvulaire est plus faible pour le même degré de sténose. Toutefois, le rapport ITVCCVG /
ITVVAo reste une évaluation fiable de la sténose car les variations de débit affectent de la même manière
les deux termes de l’équation ; le rapport ne se modifie que si la surface valvulaire fonctionnelle varie
[238]. Si le débit aortique systolique augmente, comme c’est le cas lorsqu’une insuffisance valvulaire
est associée, le gradient sera artificiellement élevé pour le même degré de sténose parce que le volume
éjecté est plus important, mais le rapport ITVCCVG / ITVVAo restera stable.
Risque ischémique
Plusieurs phénomènes entrent ligne de compte pour expliquer l’augmentation du risque d’ischémie
myocardique lors de sténose aortique (Figure 11.83) [44,129].
Figure
11.83 :
Mécanismes
de
l'ischémie dans la sténose aortique. 1:
plaque athéromateuse. 2: ischémie sousendocardique liée à l'épaisseur du muscle
à perfuser, à la compression des
vaisseaux intramyocardiques et à la
pression intracavitaire télédiastolique
élevée du VG (PtdVG). 3: une baisse de
la PA diastolique au niveau de l'aorte
(hypotension
systémique)
ne
s'accompagne pas d'une baisse de la
pression intracavitaire du VG puisque la
sténose aortique est fixe ; la pression de
perfusion coronarienne (PPC) chute. 4:
En systole, le jet éjectionnel de haute
vélocité (Vmax > 4 m/s) abaisse la
pression dans les sinus de Valsalva par
effet Venturi, et aspire le sang qui se
trouve dans les troncs coronariens; ainsi
la perfusion systolique est supprimée
(perte importante pour le VD), et la
perfusion diastolique doit commencer
par remplir les troncs épicardiques, ce
qui diminue d'autant la perfusion
intramyocardique distale. 5: La diastole
est raccourcie par rapport au temps
d’éjection qui est prolongé; de plus, le
petit volume systolique implique une
fréquence minimale pour maintenir le
débit cardiaque.
4: Jet systolique
3: PA diast aort
Sinus de Valsalva
Ptd VG
2: Sous- endocarde
1: Plaque
athéromateuse
PPC = PAM - PtdVG
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159
 Une maladie coronarienne coexistante diminue l’apport d’oxygène à cause de sténoses
cliniquement significatives ; l’association de coronaropathie et de sténose aortique calcifiée est
fréquente puisque les deux affections partagent le même terreau étiopathogénique.
 Une baisse de pression artérielle ne s'accompagnant pas d'une baisse de pression
intraventriculaire parce que la sténose aortique est fixe ; la pression de perfusion coronarienne
(PPC) chute sans compensation lorsque la PA diastolique aortique diminue, puisque PPC =
PAM - PtdVG.
 L’augmentation de la masse ventriculaire ne s’accompagne pas d’une augmentation équivalente
du réseau coronarien ; il existe un défaut relatif de réseau capillaire intramyocardique, et la
réserve coronarienne est très limitée.
 L’hypertrophie ventriculaire concentrique est défavorable à la perfusion coronarienne sousendocardique parce que la paroi est épaisse, donc longue à traverser, et parce que le muscle
comprime le réseau coronarien.
 Le ralentissement de l’éjection (300-350 msec) à travers la sténose prolonge la systole et
raccourcit la durée de la diastole ; le rapport temps systolique / temps diastolique se rapproche
de 1:1. D’autre part, le petit volume systolique éjectable implique une fréquence minimale assez
haute pour maintenir le débit cardiaque.
 L’augmentation massive du travail de pression élève la consommation d’oxygène myocardique
(mVO2) pour fournir le même travail externe d’éjection (voir Figure 11.85). Avec un ΔPmax de
100 mmHg, la pression systolique intraventriculaire doit être 200-250 mmHg pour maintenir la
pression de perfusion systémique.
 Les vortex créés à la sortie du rétrécissement valvulaire au niveau des sinus de Valsalva se
forment en regard des orifices coronariens droit et gauche. Comme ils sont des zones de
dépression, ces vortex aspirent le sang dans leur tourbillon par effet Venturi ; il peut ainsi
arriver que le flux dans les troncs coronariens s’inverse pendant la systole.
Adaptations cliniques
Pour garantir une éjection adéquate face à l’obstacle aortique, le VG utilise pleinement sa réserve de
précharge en se déplaçant vers le haut et vers la droite de la courbe de Starling ; lors de dysfonction
diastolique, cette dernière est très redressée, ce qui signifie que de petites variations de précharge se
traduisent par d’importantes variations du volume éjecté. Cliniquement, cela implique que le VG
dépend étroitement des pressions de remplissage et n’a aucune tolérance à l’hypovolémie. La baisse de
retour veineux associée à l’induction d’une anesthésie ou à l’installation d’un bloc rachidien entraîne
des chutes considérables du débit cardiaque, ce qui se traduit en pratique par des épisodes d’hypotension
sévère. Les possibilités d'adaptation aux demandes périphériques en variant le débit cardiaque sont
faibles parce que le volume systolique est relativement fixe, et parce que la tachycardie est limitée par le
ralentissement de la phase d’éjection et la durée obligatoire de la diastole pour assurer le remplissage.
La pression artérielle dépend donc étroitement des résistances périphériques (RAS)
La silhouette cardiaque est caractérisée par un ventricule gauche à la paroi très épaisse dont la cavité est
de petite taille, et par une oreillette gauche modérément dilatée à cause de l’augmentation de la PtdVG
(figure 11.84). La boucle pression-volume lors de sténose aortique pure illustre bien ces modifications
caractéristiques (Figure 11.85).
 L’augmentation de postcharge déplace la boucle PV vers le haut et vers la droite. La pente de
l’élastance maximale (Emax) est inchangée, mais la boucle devient plus étroite pour conserver
la même surface (travail externe inchangé). De ce fait, le volume systolique (VS) est plus petit.
 La pente ascentionnelle systolique (contraction isovolumétrique) est droite, indiquant une
fonction éjectionnelle conservée; lorsque le myocarde atteint ses limites fonctionnelles (pour
une pression télésystolique de 250-300 mm Hg), cette pente s’incline, la fraction éjectée baisse
et le volume systolique est encore réduit.
 La courbe de compliance diastolique est surélevée et plus inclinée; pour le même volume
diastolique, la pression de remplissage est plus élevée. La lecture de la PAPO induit donc en
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
160
erreur et sous-estime le remplissage réel du VG; un patient peut être hypovolémique avec une
PAPO normale. L’échocardiographie est un meilleur critère pour juger de la volémie, car elle
visualise directement le volume des cavités cardiaques.
 La surface du triangle compris entre la pente Emax, la courbe de compliance et la boucle P/V
représente le travail de pression (Tpr) ; cette surface est très agrandie, représentant une
augmentation massive de la mVO2, alors que le volume éjecté est diminué ; l’efficience du
myocarde (Téj/Tpr) est très faible.
Figure
11.84 :
Représentation
schématique
du
remodelage
des
cavités
gauches
lors d'une sténose
aortique
serrée.
A : cœur normal.
B:
sténose
aortique ;
l'oreillette gauche
est modérément
dilatée, le VG
subit
une
hypertrophie
concentrique, sa
paroi
est
très
épaissie mais sa
cavité est petite.
OG
OG
V Ao
V Ao
VG
A
VG
B
HVG
© Chassot 2011
Lorsque la surface valvulaire devient de plus en plus petite, l’hypertrophie ventriculaire et l’épaisseur de
paroi augmentent moins que la postcharge: la situation est dite d’afterload mismatch [278]. Comme les
possibilités de compensation sont dépassées, la fonction systolique diminue. Ceci se traduit par une
baisse des indices fonctionnels et par une progressive dilatation de la cavité ventriculaire gauche.
Lorsqu'une insuffisance aortique (IA) est associée à la sténose, une charge différente est imposée au
ventricule. L'IA est à l'origine d'une surcharge de volume, qui tend à dilater le ventricule. Par l'analyse
morphologique du ventricule à l'ETO, l'anesthésiste possède le meilleur moyen de déterminer l'atteinte
valvulaire dominante:
 Lorsque la sténose domine, la cavité ventriculaire est petite, le myocarde est très épaissi; la
dysfonction diastolique est importante, la fraction d'éjection est élevée (FE > 0.6).
 Lorsque l'insuffisance est prédominante, le ventricule gauche est dilaté et sphérique, moins
épaissi, la fonction diastolique est moins altérée, la fraction d'éjection est abaissée (FE: 0.5) à
cause de la dilatation. L’agrandissement de la cavité est défavorable au rendement énergétique,
car il contraint le VG à travailler sur un grand rayon de courbure; selon la loi de Laplace, le
stress de paroi augmente pour développer la même pression.
La présence d’une insuffisance mitrale (IM) d’accompagnement mineure-à-modérée est fréquente [222].
Elle est liée à trois phénomènes.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
161
 L’augmentation de la postcharge induit des pressions systoliques intraventriculaires auxquelles
la mitrale ne peut plus être étanche ; cette composante disparaît avec la correction de la sténose
aortique.
 La dilatation ventriculaire qui survient lorsque le VG est défaillant distend l’anneau mitral et
écarte les piliers; les feuillets mitraux ne peuvent plus se joindre en systole; cette IM signe la
décompensation ventriculaire. Elle régresse progressivement lorsque l’obstacle à l’éjection est
levé.
 La valve mitrale peut souffrir d’une pathologie propre (dégénérescence fibro-élastique,
prolapsus), ou la maladie calcifiante aortique peut s’étendre au feuillet antérieur et à l’anneau de
la valve mitrale, qui ne se contracte plus en systole ; ces éléments perturbent les mécanismes
d’occlusion. Cette composante organique ne se modifie pas avec le remplacement de la valve
aortique.
Figure 11.85 : Boucle pressionvolume en cas de sténose
aortique. L’augmentation de
postcharge déplace la boucle
PV vers le haut et vers la droite.
La
pente
de
l’élastance
maximale
(Emax)
est
inchangée, mais la courbe de
compliance est anormale. A
surface équivalente (travail
externe inchangé), la boucle est
plus étroite, donc le volume
éjecté est plus petit (VS :
volume systolique). Alors que
la performance éjectionnelle
diminue, le travail de pression
est très augmenté, comme le
montre l’augmentation de la
surface du triangle contenu
entre l’Emax, la compliance et
la boucle PV (pointillé bleu
pâle). L’efficience dynamique
est très diminuée, même si la
pression développée est plus
haute.
Pression
Emax
Sténose
aortique
Boucle PV
normale
Compliance
V0
Volume
VS
Caractéristiques hémodynamiques de la sténose aortique
HVG concentrique, fonction systolique conservée
Dysfonction diastolique du VG
Volume systolique très dépendant de la précharge
Volume systolique fixe (PA systémique dépend des RAS)
Débit cardiaque très dépendant de la fréquence et du rythme sinusal
Risque ischémique élevé
Critère de dysfonction du VG : diamètre télédiastolique > 4 cm/m2
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
162
Manifestations cliniques
La valve diminue de surface pendant une dizaine d’années avant que ne survienne la triade classique des
symptômes de la sténose aortique : angor, syncope et dyspnée. L’angor, qui est présent dans plus de
60% des cas, survient sur coronopathie, sur hypotension diastolique ou sur inadéquation du rapport
DO2/VO2 [133]. La syncope est précipitée par la vasodilatation survenant à l’effort alors que le débit
cardiaque reste fixe; elle est aussi imputée à une dysfonction des barorécepteurs [43]. La dyspnée est la
traduction de l’hypertension veineuse pulmonaire secondaire à la dysfonction diastolique. Chez la
plupart des malades, on trouve une dysfonction plaquettaire et un taux abaissé de facteur von
Willebrand ; cette anomalie se corrige avec le remplacement valvulaire [323].
Les symptômes cliniques apparaissent lorsque la réserve de précharge est épuisée, mais non parce que la
fonction contractile est défaillante. Ceci est à l’opposé de ce que l’on rencontre dans les surcharges de
volume, telles l’insuffisance mitrale ou aortique, au cours desquelles la défaillance ventriculaire peut
s’installer avant l’apparition des signes cliniques. Curieusement, l’importance des symptômes n’est pas
directement liée à la sévérité de la sténose, car il n’est pas rare de rencontrer des patients en bonne
forme malgré un gradient transvalvulaire de 150 mmHg. Mais l'importance du gradient a une valeur
pronostique: le taux d'accidents cardiaques dans les 2 ans est de 16% lorsque le gradient maxinal est
inférieur à 40 mmHg, et de 79% lorsqu'il est supérieur à 64 mmHg [244]. La maladie peut rester
longtemps asymptomatique, mais la survenue des symptômes modifie significativement le pronostic:
l’espérance de vie n’est que de 5 ans dès l’apparition de l’angor, 3 ans après celle des syncopes, et
moins de 2 ans après celle de dyspnée (Figure 11.86) [112]. L'incidence de mort subite représente 20%
des décès, mais est extrêmement rare chez les patients asymptomatiques (< 1%/an) [70]; elle fait
probablement suite à des arythmies ventriculaires.
Figure
11.86 :
Dans la sténose
aortique,
laa
survenue
des
symptômes
modifie
significativement
le
pronostic:
l’espérance de vie
n’est que de 5 ans
dès l’apparition de
l’angor, 3 ans
après celle des
syncopes, et moins
de 2 ans après
celle de dyspnée
[112].
Angor
Syncope
Survie (%)
Dyspnée
100
Début
des
symptômes
80
2
60
4
6
Années
40
20
Années
40
50
60
70
80
L’auscultation est typique: souffle éjectionnel râpeux crescendo-decrescendo avec thrill systolique,
maximum au deuxième espace intercostal droit, irradiant en direction des vaisseaux du cou, et
affaiblissement ou disparition de B2, qui est spécifique de l’immobilité de la valve aortique (Figure
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
163
11.87) [34]. Toutefois, ce souffle n’est pas proportionnel au degré de sténose, mais à l’intensité des
turbulences générées à la sortie de la valve aortique; ces vortex sont fonction du gradient de pression, de
la capacité vibratoire des cuspides aortiques et de la résonnance de la racine de l’aorte. Si la fonction
ventriculaire s’altère, le souffle diminue d’intensité. Bien que la sténose puisse n’être que modérée, un
ventricule performant et une aorte scléreuse induisent un souffle d’intensité maximale [34]. La courbe
artérielle est peu ample, et l’ascension systolique est lente (pulsus parvus et tardus) ; elle ressemble à
une courbe amortie ou à celle d’une insuffisance ventriculaire gauche (voir Figure 11.112A).
Figure
11.87 :
Auscultation
en
cas de sténose
aortique. Souffle
éjectionnel râpeux
irradiant vers les
vaisseaux du cou,
affaiblissement ou
disparition de B2
(spécifique
de
l’immobilité de la
valve aortique).
B1
B2
B1
L’ECG est dominé par les signes d’hypertrophie ventriculaire gauche: voltage élevé, orientation gauche
de l’axe du QRS, index de Sokolow > 3.5 mV, dépolarisation prolongée, décalage progressif du
segment ST et de l’onde T dans une direction opposée au QRS; un bloc de branche gauche peut être
associé. Une morphologie voisine de celle de l’ischémie peut apparaître sous forme d’anomalies du
segment ST et d’une inversion du T en V5-V6 (strain pattern) et rendre le diagnostic différentiel
difficile.
La radiographie du thorax montre un cœur habituellement de taille normale mais dont l’apex est arrondi.
Une dilatation post-sténotique de l’aorte, plus marquée dans les bicuspidies, déroule le bord droit de la
silhouette aortique. On voit parfois les calcifications de la valve.
Clinique de la sténose aortique
Longue latence avant les symptômes, mais leur apparition diminue la survie à 5 ans pour l’angor, 3 ans
pour les syncopes et < 2 ans pour la dyspnée. Les symptômes apparaissent souvent avant la dysfonction
du VG. Critère de dysfonction : diamètre télédiastolique du VG > 4 cm/m2.
Auscultation : souffle éjectionnel râpeux avec thrill systolique, B2 unique.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
164
Caractéristiques de la sténose aortique
HVG concentrique, fonction systolique conservée
Dysfonction diastolique du VG
Volume systolique très dépendant de la précharge
Volume systolique fixe (PA systémique dépend des RAS)
Débit cardiaque très dépendant de la fréquence et du rythme sinusal
Risque ischémique élevé
Critère de dysfonction du VG : diamètre télédiastolique > 4 cm/m2
Examens hémodynamiques
Comme l’importance des symptômes n’est pas directement liée à la sévérité de la sténose, les valeurs
obtenues au cours des différents examens cardiologiques doivent toujours être interprêtées dans leur
contexte clinique. L’échocardioghraphie transthoracique est la technique de premier choix, car elle
permet de mesurer la surface et le gradient de la valve aortique de manière non-invasive, d’apprécier la
fonction ventriculaire et d’explorer d’éventuelles valvulopathies associées. S'il n'y a pas lieu
d'investiguer les coronaires, on ne pratique pas de cathétérisme: les données échocardiographiques sont
suffisantes dans 85% des cas [218]. Cependant, la coronarographie reste indiquée en cas de symptômes
ischémiques ou de dysfonction ventriculaire gauche sévère, et chez les malades de plus de 45 ans chez
qui on prévoit un remplacement valvulaire aortique (RVA) en CEC.
Par cathétérisme, la surface de la valve aortique est calculée selon une formule de Gorlin simplifiée
[128]:
SVAo (cm2) ≅
DC / √ΔPm
où:
DC = débit cardiaque
ΔPm = gradient de pression moyen
Cette relation démontre que le gradient de pression varie avec le carré du débit cardiaque. Cela signifie
que le gradient est fonction de la performance systolique du VG (pression générée et vélocité de
contraction) et du volume systolique, et doit toujours être interprété en fonction de ces derniers. Lorsque
la fonction est conservée, une sténose aortique sévère crée un gradient transvalvulaire moyen supérieur
à 50 mmHg, mais lorsque la fonction ventriculaire baisse, le gradient s’abaisse, quel que soit le degré de
rétrécissement de la valve. De même, une hypovolémie diminue le gradient à travers la sténose. Au
contraire, une hypervolémie ou une hyperstimulation adrénergique augmentent le gradient, ce qui tend à
surestimer l’importance de la sténose.
Echocardiographie
En échocardiographie, la surface de la valve aortique (SVAo) est calculée par planimétrie ou par
l'équation de continuité. En ETO, la surface d’ouverture de la valve aortique est mesurée en court-axe à
40° (Figure 11.88). Cette vue offre une appréciation immédiate du degré de mobilité des feuillets et
présente l’avantage d’être indépendante des conditions hémodynamiques, mais elle a trois défauts
majeurs [151].
 Les calcifications importantes créent des échos très forts qui saturent l’image et des zones
d’ombre qui obscurcissent les structures plus éloignées ; le pourtour de l’ouverture peut être très
difficile à dessiner avec précision.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
165
 La valve peut être très déformée, au point que le court-axe échocardiographique n’est pas
perpendiculaire à l’axe du chenal tortueux entre les calcifications.
 La valve prend la forme d’un cône qui plonge dans la racine aortique ; le plan de coupe adéquat
passe à travers l’endroit le plus rétréci, qui est en général le plus distal ; mais on n’a aucune
possibilité d’exclure que le plan de coupe ne soit pas plus en amont et surestime
considérablement la taille de l’ouverture (Figure 11.88D). La reconstruction 3D offre
davantage de précision et montre que la planimétrie en 2D tend à surestimer la surface
d’ouverture réelle [73].
OG
OG
OD
OD
CCVD
CCVD
A
B
OG
FAM
Ao
CCVG
Se
C
CCVD
© Chassot 2011
Coupe 1
Coupe 2
D
Figure 11.88 : Images ETO bidimensionnelles de sténose aortique serrée et planimétrie de la surface d’ouverture
en court-axe 40° ; cette mesure est indépendante de l’hémodynamique, mais elle peut être difficile et imprécise
lorsque les calcifications sont très importantes. A : Planimétrie de la surface d’ouverture en court-axe 40° ; la
surface mesurée est 0.86 cm2. B : Planimétrie en court-axe 40° ; la surface mesurée est 1.02 cm2. C : Planimétrie
d’une sténose sur bicuspidie ; la surface est 0.78 cm2. D : schéma illustrant le problème majeur de la planimétrie
dans la sténose aortique. La valve sténosée est déformée en cône ; il est impossible de savoir à quel niveau exact
de ce cône passe le plan de coupe 2D. Selon le niveau, la surface varie du simple au double. Coupe 1 : plan de
coupe correct à l’endroit le plus rétréci. Coupe 2 : plan de coupe surestimant la surface d’ouverture de la valve.
FAM : feuillet antérieur de la valve mitrale. Se : septum interventriculaire. CCVG : chambre de chasse du VG.
Le flux à travers la sténose se mesure à l’examen Doppler par voie transgastrique, seule manière d’être
dans l’axe de la valve aortique à l’ETO (Figure 11.89) [299]. Pour que la valeur soit correcte, l’axe
d’interrogation du Doppler doit être identique à celui du flux aortique là où il est le plus rapide, c’est-à-
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
166
dire juste en aval de la sténose (vena contracta). Ceci peut être difficile par voie transgastrique, parce
que les positions du transducteur sont limitées par la mécanique de la sonde et parce que le faisceau
Doppler doit traverser la valve pour échantillonner le flux à sa sortie dans la racine de l’aorte [150]. Or
la valve est très déformée et son axe peut être dévié. Lorsque l’alignement est correct, le flux couleur
présente un PISA en amont de la valve, un flux rétréci à travers l’orifice, une vena contracta juste en
aval et une zone tourbillonnaire dans l’aorte ascendante (Figure 11.90). Plus l’axe du Doppler est
discordant de celui du flux, plus la vélocité mesurée est basse et plus le gradient est sous-estimé.
A
120°
0°
B
VG
VG
CCVG
Ao
Ao
OG
cm/s
C
D
Figure 11.89 : Flux aortique. A : positionnement de l’axe Doppler continu en vue transgastrique long axe 120°.
B : positionnement en vue transgastrique profonde 0° [16]. C : aspect spectral du flux Doppler pulsé dans la
chambre de chasse, 3-5 mm en amont de la valve aortique (Vmax 140 cm/s) ; le capteur doit être au milieu du flux.
D : aspect spectral du Doppler continu dans une sténose aortique ; la Vmax (5 m/s) représente la vélocité à travers
la valve (flèche jaune) ; l’image superposée à environ 0.8 m/s est la vélocité à travers la chambre de chasse du VG
(flèche verte).
L’équation de continuité stipule que l’énergie cinétique reste constante tout au long d’un système
vasculaire continu. Le flux par unité de temps à travers une zone large S1 est égal à celui qui traverse
une zone étroite S2, mais la vélocité (V) augmente lorsque la surface (S) diminue (Figure 11.91).
Equation de continuité :
S1 • V1 = S2 • V2
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
ou
S1 • ITV1 = S2 • ITV2
167
B
A
Axe US
CCVG
Feuillet
antérieur
valve mitrale
Septum
PISA
Flux intraventriculaire
Vena contracta
(Vmax)
Flux
CCVG
Turbulences
Ao
Flux
sténose
Figure 11.90 : Flux dans la sténose aortique serrée. A : le flux couleur doit présenter un PISA en amont de la
valve, un flux rétréci à travers l’orifice, une vena contracta juste en aval et une zone tourbillonnaire dans l’aorte
ascendante. L’axe du Doppler, qui vient depuis le VG, doit s’aligner à l’intérieur du chenal de la sténose pour
capter la Vmax à la vena contracta ; ceci n’est pas toujours réalisable. B : Image du flux spectral ; la Vmax (5.1
m/s) permet de calculer le gradient maximal (103.6 mmHg) ; l’intégrale des vélocités (ITV 129.5 cm) permet de
calculer le gradient moyen (63.7 mmHg). Les deux courbes superposées à la base de la trace représentent la
vélocité dans la chambre de chasse (aspect en dôme) et la vélocité à l’intérieur de la cavité ventriculaire
(accélération télésystolique).
Pour davantage de précision, il est préférable d’utiliser l’intégrale des vélocités plutôt que la vélocité
maximale, car elle est moins tributaire des conditions hémodynamiques momentanées. L’intégrale des
vélocités (ITV) est la dérivée première de la vitesse par rapport au temps ; c’est la distance (D en cm)
parcourue pendant le temps de la mesure par un échantillon de sang correspondant à un cylindre parfait
de surface S et de longueur D. Pour la valve aortique, on obtient:
SVAo • ITVVAo = SCCVG • ITVCCVG
SVAo (cm2) = SCCVG • ( ITVCCVG / ITVVAo )
SVAo (cm2) = d2 • 0.785 • ( ITVCCVG / ITVVAo )
où:
d2 = diamètre de la chambre de chasse du VG
ITV = intégrale des vélocités (flux à l’écho Doppler)
CCVG = chambre de chasse du VG
L'échocardiographie permet également de mesurer le gradient de pression de manière non-invasive par
une simplification de l'équation de Bernoulli:
ΔP = 4 • (V22 – V12)
ΔP = 4 • (Vmax)2
où V2 = VmaxVAo et V1 = VmaxCCVG
si V1 < 1.5 m/s
La vélocité (Vmax) normale à travers la valve aortique est de 1.0 - 1.5 m/s; le gradient physiologique est
inférieur à 7 mmHg. Le gradient est une notion dynamique qui dépend de la pression motrice et du
volume systolique. Il varie avec le carré de la vélocité (équation de Bernoulli) ou du débit cardiaque
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
168
(formule de Gorlin). Lors de sténose, il est augmenté non seulement par l'élévation de la pression
intraventriculaire (stimulation sympathique), mais encore par l’augmentation du volume systolique
(transfusions) et par la baisse de la pression en aval [99]; celle-ci peut provenir d’une baisse des
résistances systémiques (vasoplégie, choc septique) ou d’une baisse de pression dans l’aorte ascendante
due à une contre-pulsion intra-aortique (CPIA). Il arrive fréquemment que la Vmax de la CCVG
dépasse 1.5 m/s, notamment après remplacement de la valve aortique en cas d’HVG importante. Dans
ces conditions, il est capital d’utiliser l’équation de Bernoulli complète ΔP = 4 • (V22 – V12), sans quoi
on surestime grossièrement la Vmax et le gradient de la prothèse (voir Figure 11.96).
A
B
S1
S2
V2
V1
Pression
Vena
contracta
pr
Vélocité
S1 • V1 = S2 • V2
© Chassot 2011
Figure 11.91 : Illustration de l’équation de continuité. A : l’équation de continuité exprime la loi de la
conservation de l’énergie cinétique ; lorsque la vitesse accélère, la pression baisse, et inversement. La Vmax est
atteinte juste distalement au rétrécissement (appelé vena contracta) ; c’est là que la pression est la plus basse. La
pression est récupérée distalement (pressure recovery, pr) au fur et à mesure que la vélocité baisse parce que le
conduit s’élargit ; la récupération n’est pas totale à cause de la perte de charge provoquée par les forces de friction
et par la formation de tourbillons (vortex) [336]. B : L’image spectrale du Doppler continu à travers la valve
aortique en cas de sténose serrée montre une double enveloppe ; superposée à la base de la Vmax (4.7 m/s, flèche
jaune) à travers la valve apparaît l’image du flux dans la chambre de chasse (1.2 m/s, flèche verte). Ces deux
vélocités sont l’équivalent de V1 (chambre de chasse) et V2 (valve aortique) dans l’équation de continuité.
La lecture des rapports de cardiologie montre souvent des disparités dans les gradients calculés; il existe
en effet trois gradients différents (Figure 11.25B).
 Gradient pic-à-pic (cathétérisme): différence entre les pressions maximales ventriculaire et
aortique; ces deux pressions ne sont pas simultanées; ce gradient n’existe pas réellement dans la
nature.
 Gradient maximal (écho): différence de pression calculée lors de la plus grande vélocité
transvalvulaire, qui a lieu pendant l’accélération du flux en début de systole (gradient instantané
maximal).
 Gradient moyen (écho): moyenne de la somme des gradients instantanés; le gradient moyen est
une meilleure estimation du degré d’obstruction parce qu’il est moins dépendant des conditions
hémodynamiques et moins sujet à une surestimation de la sténose.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
169
Les indices habituels de fonction systolique, telle la fraction d’éjection, sont très sensibles à la
postcharge; ils sont donc peu pertinents dans le cadre de la sténose aortique. Comme la cavité
ventriculaire est de petite taille dans l’HVG concentrique, il est mathématiquement normal que la FE
soit élevée, puisqu’elle tend vers 1 (ou 100%) lorsque le volume télésystolique tend vers zéro. La
vélocité circonférentiel de raccourcissement (Vcf), par contre, est abaissée, car la vitesse d’éjection est
réduite puisque la postcharge du VG est excessive et qu’il faut du temps pour faire passer le volume
systolique à travers la sténose :
Vcf = (CTD - CTS) / CTD • téj
Où :
CTD : circonférence télédiastolique du VG en court-axe
CTS : circonférence télésystolique du VG en court-axe
Téj : durée de l’éjection (n = 220-280 msec)
L’introduction du temps dans la formule, qui est la même pour la circonférence que la fraction
d’éjection pour le volume, donne un résultat équivalent à une puissance (travail / temps). Le temps
d’éjection en cas de sténose aortique serrée est de 300-350 msec. Le critère le plus fiable de dysfonction
ventriculaire est le diamètre télédiastolique du VG en court-axe ; s’il est > 4 cm2/m2, le VG est en
insuffisance systolique. Quelle que soit la fonction inotrope, la fonction diastolique est toujours
compromise à cause de l’hypertrophie ventriculaire qui rend la cavité très peu compliante.
Echocardiographie de la sténose aortique
Caractéristiques bidimensionnelles de la SA sévère :
- faible mobilité des cuspides
- surface d’ouverture planimétrique ≤ 0.6 cm2/m2 (difficulté à mesurer l’orifice minimal)
- HVG concentrique (épaisseur du septum sous-aortique)
- dilatation de l’OG (dysfonction diastolique)
La planimétrie de la surface d’ouverture est indépendante de l’hémodynamique, mais souvent imprécise
(calcifications).
Doppler couleur (sténose serrée) :
- PISA en amont (côté CCVG)
- flux rétréci à travers la valve
- flux tourbillonnaire en aval, avec jet central dans la racine de l’aorte
- fréquente IM d’accompagnement
Vmax et gradient augmentent si : ↓ orifice systolique , ↑ contractilité VG, ↑ volume systolique,
↓ pression aortique (vasoplégie, CPIA).
Equation de continuité : S = (SCCVG • ITVCCVG) / ITVVAo
Gradient de pression : ΔP = 4 • (V2VAo - V2 CCVG)
Sténose aortique sévère
- S ≤ 0.6 cm2/m2
- Vmax > 4 m/s, ITV ≥ 100 cm, rapport VCCVG / VVAo ≤ 0.25
- ΔPmoy ≥ 50 mmHg
Sténose serrée et gradient faible
Une défaillance ventriculaire (FE < 0.25) peut abaisser le gradient moyen à < 30 mmHg alors que la
surface valvulaire est inférieure à 1.0 cm2. Mais il se peut aussi que la faible éjection ventriculaire ne
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
170
puisse pas ouvrir correctement une valve aortique simplement sclérosée, ce qui donne l’impression que
l’ouverture est plus faible qu’elle ne l’est en réalité (pseudosténose). Un écho de stress à la dobutamine
(5-10 mcg/kg/min) permet de différencier ces deux situations (Figure 11.92). Lors de sténose aortique
serrée, le gradient de pression augmente sous dobutamine (> 18 mmHg) mais non la surface valvulaire
qui reste fixe à cause des calcifications. En cas de cardiomyopathie, au contraire, la surface valvulaire
mesurée augmente parce que l’amélioration fonctionnelle du VG permet d’augmenter le volume
systolique et d’ouvrir davantage la valve, mais le gradient ne se modifie pas [190,224,260]. Le rapport
entre la vélocité dans la CCVG (ITVCCVG) et la vélocité à travers la valve aortique (ITVVAo) est < 0.25
dans la sténose aortique serrée (normal : > 0.8). Sous dobutamine, ce rapport se creuse encore dans la
sténose serrée parce que la VTIAo augmente davantage que la VTICCVG. En cas de cardiomyopathie et de
sténose fonctionnelle, au contraire, le rapport augmente parce que l’accélération est bien plus importante
dans la CCVG qu’à travers la valve ; en effet, cette dernière augmente son ouverture et s’adapte à
l’augmentation de volume systolique sans modifier son gradient [71].
A
B
FA
Ao
CC
Se
VAo: S2 x V2
VAo: S2 idem, V2
↑
CCVG: S1 idem, V1
↑
CCVG: S1 x V1
C
D
VAo: S2 x V2
CCVG: S1 x V1
VAo: S2 ↑, V2
idem
CCVG: S1 idem, V1 ↑
© Chassot 2011
Figure 11.92 : Echo de stress à la dobutamine pour différencier une sténose aortique fixe (en-haut) d’une sténose
fonctionnelle (en-bas) en cas de dysfonction ventriculaire et de faible gradient. A : le gradient transvalvulaire est
bas malgré une sténose serrée très calcifiée en planimétrie. B : lors de sténose aortique serrée, le gradient de
pression augmente de > 18 mmHg sous dobutamine, mais non la surface valvulaire qui reste fixe à cause des
calcifications. C : le gradient transvalvulaire est bas malgré une sténose serrée en planimétrie, mais la valve est
simplement sclérosée et le VG incapable de l’ouvrir correctement. D : cas de cardiomyopathie, la surface
valvulaire mesurée augmente parce que l’amélioration fonctionnelle du VG permet d’augmenter le volume
systolique et d’ouvrir davantage la valve ; la Vmax ne se modifie pas. Dans les deux cas, la surface de la CCVG ne
se modifie pas, mais sa vélocité augmente. CCVG : chambre de chasse du VG.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
171
Une augmentation de pression de < 20 mmHg et de volume éjecté de < 20% pendant le test à la
dobutamine sont de mauvais pronostic [3]. Cette réponse inotrope insuffisante stigmatise une
défaillance ventriculaire irréversible qui élève à > 20% la mortalité d’une intervention chirurgicale
[186]. L’écho de stress est utile pour démasquer les symptômes chez les porteurs de sténose serrée qui
sont asymptomatiques ou qui se dissimulent la réalité en restreignant leur activité. Par contre, il est
contre-indiqué chez les malades symptomatiques [318].
Sténose serrée et gradient faible
La sténose aortique serrée avec faible gradient de pression sur dysfonction du VG est une indication à
une épreuve de stress à la dobutamine :
- sténose fixe : Vmax ↑ dans CCVG et ↑ dans VAo, surface d’ouverture inchangée ; ad RVA.
- sténose fonctionnelle : Vmax ↑ dans CCVG, surface d’ouverture ↑, Vmax VAo inchangée ;
pas d’indication opératoire.
Indications et résultats opératoires
L'indication à un remplacement valvulaire est fonction de l'évolution clinique: tant que l'hypertrophie du
VG est compensée et que le patient est asymptomatique, une surveillance échocardiographique régulière
est suffisante. L’analyse des données actuelles semble indiquer que la mort subite soit très rare chez les
malades asymptomatiques ; son risque est inférieur à la mortalité du remplacement valvulaire
chirurgical (1-2%). Chez les patients symptomatiques, au contraire, le risque opératoire est inférieur à
celui de mort subite [173,251]. Les statines et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), qui
abaissent les lipides et freinent le remodelage de l’HVG, devraient retarder l’évolution de la sténose
aortique calcifiante [289], mais les études randomisées avec l’atorvastatine n’ont pas confirmé cette
hypothèse [59,78]. Comme la surface valvulaire décroît en moyenne de 0.1 cm2/an, et le gradient moyen
augmente de 7 mmHg/an [244], aucun traitement médical ne permet d’éviter la chirurgie. Dès que le
VG amorce une dilatation, ou que le patient devient symptomatique, l'indication est posée. Il n’y a
toutefois pas de place pour un remplacement prophylactique de la valve chez un patient asymptomatique
avec une bonne fonction ventriculaire [24,159,318].
Remplacement valvulaire aortique (RVA)
Le remplacement chirurgical de la valve, seul traitement efficace de la sténose aortique chez l’adulte
quel que soit son âge, est la deuxième opération cardiaque par ordre de fréquence, après les PAC. Il
abaisse immédiatement le stress de paroi du VG. Il est indiqué dans les situations suivantes
[23,159,318].
 Sténose serrée symptomatique dont la surface est < 0.6 cm2/m2, le gradient moyen > 50 mmHg
et le gradient maximal > 90 mmHg ;
 Sténose serrée et dysfonction ventriculaire (FE < 0.5), quels que soient les symptômes ;
 Sténose serrée chez les patients opérés en CEC pour des pontages aorto-coronariens ou une
autre valvulopathie.
Chez les patients asymptomatiques dont la surface valvulaire est < 0.6 cm2/m2, le RVA est raisonnable
lorsque la réponse au test d'effort est anormale, lorsque le VG présente une dilatation progressive,
lorsque la Vmax augmente de > 0.3 m/s par an, ou lorsque la valve est très calcifiée, parce que la
survenue de symptômes chez ces malades pénalise lourdement leur pronostic [65,318]. Mais les risques
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
172
de l’opération surpassent ses bénéfices chez les patients asymptomatiques avec une fonction
ventriculaire normale à l’effort [23].
La mortalité opératoire est de 1-3% pour les cas simples, et de 3-6% pour les interventions complexes
(pontages aorto-coronariens associés, opération de Bentall, etc) [82,171]. Bien qu’elle ne soit pas une
contre-indication à l'intervention, la défaillance ventriculaire est le principal facteur de risque: la
mortalité s'élève en effet jusqu'à 25% en cas d'insuffisance ventriculaire gauche. Le meilleur critère pour
juger de la fonction réelle du VG est la valeur des dimensions télédiastoliques ; la dysfonction est
caractérisée par un diamètre en court-axe du VG > 4 cm/m2.
Chez les personnes âgées, les résultats actuels démontrent qu’il n’est jamais trop tard pour intervenir
chez des patients symptomatiques, car leur récupération fonctionnelle est remarquable, même si la
mortalité opératoire est de 9% chez les octogénaires (Figure 11.93) [31,158,257,318]. D’autre part, la
progression de la sténose est deux fois plus rapide après 80 ans que chez les patients plus jeunes [179].
Bien que la survie à 5 ans des octogénaires (66%) soit plus faible que celle des malades de < 70 ans
(86%), elle est superposable à l’espérance de vie d’individus sains du même âge [106] (voir Chapitre 21
Chirurgie cardiaque chez le patient âgé).
Survie (%)
Figure 11.93: Survie à long
terme
des
patients
octogénaires
opérés
de
remplacement
valvulaire
aortique pour sténose serrée
[106]. Bien que la survie à 5
ans soit plus faible que celle
des malades de < 70 ans, elle
est
superposable
à
l’espérance de vie d’individus
sains du même âge. Le RVA
est donc justifié chez les
vieillards
symptomatiques
dont l’espérance de vie est de
plusieurs années, puisqu’il
assure une survie normale
pour l’âge.
100
< 70 ans
80
> 80 ans
60
Population
normale
appariée
40
p < 0.001
20
0
1
2
3
4
5
6
7
Suivi (années)
En cas de dysfonction du VG (FE < 0.25), le gradient peut être trompeusement faible : la différence
entre une sténose serrée (indication au RVA) et une cardiomyopathie avec simple fibrose valvulaire
(sans indication opératoire) ne peut se faire qu’au test d’effort (dobutamine). Lorsque le test révèle une
certaine réserve contractile, la mortalité du RVA est de 5-7% ; mais lorsque la réserve est inexistante, la
mortalité est de 22% [315]. Toutefois, même dans ce dernier cas, l’opération offre une bien meilleure
survie à long terme que le traitement médical (65% versus 11% à 5 ans) [315]. Le RVA peut être
indiqué en urgence dans les cas de décompensation gauche aiguë, si la sténose aortique est le facteur
déterminant. Comme la mortalité opératoire est élevée dans ce cas (> 20%), une perfusion de
nitroprussiate peut être une solution moins dangereuse dans le court terme pour rééquilibrer le patient et
permettre sa survie jusqu’à une intervention dans de bonnes conditions [167].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
173
Les décès sont essentiellement dus à une insuffisance cardiaque ou à un infarctus. La mortalité
directement liée à la prothèse valvulaire ne représente que 20% des cas: thrombo-embolie, endocardite,
dégénérescence de bioprothèse, dysfonction mécanique ou fuite paravalvulaire [171]. La présence d’une
coronopathie significative aggrave le pronostic postopératoire d’un remplacement valvulaire aortique
(RVA) isolé, mais l’addition d’un RVA et à des pontages aorto-coronariens (PAC) n’aggrave pas la
mortalité périopératoire en cas de maladie ischémique; il y a donc tout lieu d’être agressif dans
l’indication opératoire.
La survie globale est de 90% à 10 ans [173]. Les suites opératoires sont étonnamment simples s'il n'y a
pas de facteurs de risque associés: la levée de l’obstacle est un soulagement instantané pour le VG. Dans
la mesure où la taille de la prothèse est adéquate par rapport à celle du malade (> 0.85 cm2/m2, voir
Prothèses valvulaires, discordance patient-prothèse), la baisse de la postcharge après correction
chirurgicale permet une amélioration clinique immédiate et une récupération ultérieure importante
(Figure 11.94) ; la majorité des patients se retrouve dans la catégorie NYHA I-II. Les patients en
insuffisance congestive avant l’intervention sont subjectivement améliorés, même si leurs indices de
fonction systolique (fraction d’éjection) et la morphologie de leur ventricule (hypertrophie et dilatation)
ne sont guère modifiés [154]. La compliance et la distensibilité ventriculaires ont tendance à s’améliorer
à long terme après le remplacement valvulaire, dans la mesure où l’hypertrophie régresse pendant les 3
premiers mois [323a]. La récupération anatomique dépend de l’étendue des modifications dégénératives
déjà installées avant l’intervention. Si la pression télédiastolique gauche est encore normale au moment
de l’opération, l’hypertrophie ventriculaire régresse considérablement jusqu’à une année après
l’opération [225]; par contre, si la PtdVG était élevée ou la contractilité diminuée en préopératoire, la
réduction de la masse ventriculaire n’est que partielle. Il est donc indiqué d’intervenir préférentiellement
avant la phase de décompensation, mais l’indication opératoire reste très large, même lorsque le patient
est en insuffisance congestive, puisque l’amélioration clinique est toujours possible.
Figure 11.94 :
Représentation schématique
de l’effet de la levée de la
sténose éjectionnelle lors de
RVA au moyen de la boucle
pression/volume (P/V). La
surface de la boucle avant et
après la CEC est identique.
Pour
le
même
travail
d’éjection, représenté par la
surface de la boucle P/V, le
VG éjecte un volume
systolique supérieur (VS), à
un régime de pression
inférieur. Le travail de
pression, représenté par la
surface du triangle Tpr, est
beaucoup plus petit qu’avant
le remplacement valvulaire.
Pour le VG, l’amélioration
est immédiate.
Pression
SA
Emax
PréCEC
Post
CEC
Tpr
Compliance
V0
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
VS
Volume
174
Un bloc AV complet peut survenir à cause du voisinage de l’anneau aortique avec le faisceau de His au
niveau du septum interventriculaire : des points de fixation de la prothèse peuvent endommager les
structures conductrices. Comme le RVA est souvent pratiqué chez des patients âgés dont la valve et les
vaisseaux sont très calcifiés, le taux d’AVC postopératoire est de 3-6%, soit 2-3 fois plus élevé que la
moyenne.
Valvulotomie percutanée
Dans les cas où la valve n’est ni calcifiée ni insuffisante (biscuspidie ou monocuspidie serrée chez
l’enfant ou l’adolescent), il est possible de procéder à une valvulotomie dilatative percutanée au moyen
d’un ballon guidé par cathétérisme, manière peu invasive qui évite l’implantation de prothèse [85]. La
technique donne de bons résultats chez l’enfant et l’adolescent lorsque le gradient est > 60 mmHg et
qu’il n’y a pas d’insuffisance : 50% des cas n’ont pas de récidive à 8 ans [210] ; une bonne indication
est la sténose serrée non calcifiée avant une grossesse. Chez l’adulte plus âgé, par contre, la technique a
un intérêt limité à cause des calcifications et du risque embolique au moment du craquage de la valve ;
les résultats à long terme sont décevants : 50% de resténose à 6 mois [115,246]. La valvulotomie peut
toutefois être indiquée chez des malades à haut risque opératoire nécessitant une intervention d’urgence
ou une palliation: choc cardiogène sur sténose décompensée, sténose critique en cours de grossesse ou
lors d’intervention non-cardiaque urgente [228,318]. La technique permet d’augmenter la surface utile
de la valve de 0.5 cm2 et d’en diminuer significativement le gradient (réduction du ΔPmoy de 25
mmHg), mais les risques sont élevés (20% des cas): embolie de particules calcifiées avec déficits
neurologiques, insuffisance aortique sévère, infarctus myocardique [152]. La valvulotomie percutanée
n’est en aucun cas un substitut au remplacement valvulaire chirurgical. Chez l’adulte, elle est
progressivement supplantée par l’implantation percutanée d’endoprothèse.
RVA par prothèse endovasculaire
Une technique plus prometteuse est celle de l’implantation de prothèse biologique sans CEC, qui a été
décrite précédemment (voir Endoprothèses valvulaires). Deux types de valve aortique sont en
utilisation clinique (Corevalve™ et Cribier-Edwards™) et d’autres en essai (Figure 11.46). Il s’agit de
valves biologiques insérées dans une endoprothèse auto-expansive ou dilatée par le gonflement d’un
ballon ; elles sont placées par voie fémorale ou transapicale (mini-thoracotomie gauche). Leur surface
utile est d’environ 1.7 cm2 et leur gradient de 10-12 mmHg [286]. L’indication principale est les
situations où la mortalité du RVA chirurgical est prohibitive (> 20%), particulièrement chez les
personnes âgées.
Les deux principales complications postopératoires sont l'AVC (incidence 5%) et les lésions vasculaires
(16% par la voie fémorale) [195]. La mortalité hospitalière est 5-7%; la survie à 1 an est de 70-80%
[95,195]. L'engouement pour le RVA transcathéter et les améliorations technologiques constantes font
que, à ce jour, plus de 30'000 patients ont été opérés de cette manière. La preuve que le TAVI fait jeu
égal avec le RVA conventionnel apportée par l'étude PARTNER [295] va élargir les indications aux
populations moins malades et plus jeunes. Malheureusement, on ne dispose pas encore de données sur le
long terme pour connaître l'avenir réel des patients au-delà de 2 ans.
RVA et PAC
Le pontage aorto-coronarien (PAC) et le remplacement valvulaire aortique (RVA) étant les deux
opérations les plus fréquentes en chirurgie cardiaque, il n’est pas rare qu’elles se combinent.
L’association des deux interventions a une mortalité opératoire de 5% à 15% selon l’âge [23]. Mais ne
pas compléter un RVA par des PAC chez un malade ischémique ou laisser en place une sténose aortique
chez un coronarien opéré confèrent un pronostic postopératoire bien pire [318]. Même si la sténose n’est
que modérée (S = 1.0-1.5 cm2), il est judicieux de remplacer la valve aortique au cours des PAC, car la
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
175
mortalité opératoire d’un RVA ultérieur représente un risque opératoire additionnel qui est supérieur à
celui de l’opération combinée [255].
Indications et résultats opératoires
Lever l’obstacle aortique améliore immédiatement et définitivement le fonctionnement du VG ; les
excellents résultats du remplacement valvulaire aortique (RVA) poussent à des indications larges, quel
que soit l’âge. Indications opératoires pour un RVA :
- sténose serrée (surface < 0.6 cm2/m2) chez un patient symptomatique,
- sténose serrée et dysfonction ventriculaire (FE < 0.5),
- sténose serrée si autre opération en CEC (PAC, RVM, PVM, aorte),
- patient asymptomatique : seulement si test d’effort anormal, valve très calcifiée ou dilatation
progressive du VG (Dtd VG > 4.0 cm/m2) sur une sténose serrée.
Sténose mineure ou modérée : pas d’indications.
Mortalité du RVA : 1-3% pour les cas simples, 4-7% pour les interventions complexes.
Survie à 10 ans : 85-90%. Chez patients > 80 ans : 66% (= espérance de vie sans pathologie).
Indications à la valvulotomie percutanée (taux de récidive : 50% à 6 mois chez l’adulte) :
- patient avec valve non calcifiée ni insuffisante, trop jeune pour un RVA,
- sténose décompensée pendant la grossesse,
- sauvetage lors de choc cardiogène ou en préopératoire de chirurgie non-cardiaque vitale.
Indications à l’implantation de bioprothèse (TAVI) :
- patient à très haut risque (mortalité de RVA > 20%).
Mortalité opératoire : 5-7% ; survie à 1 an : 70-80%.
Principes pour l’anesthésie en chirurgie cardiaque
La sténose aortique impose une limitation très contraignante au débit cardiaque car le volume systolique
éjecté dépend de la durée de la systole et de la puissance du VG ; celui-ci s’hypertrophie, mais sa force
contractile par unité de masse n’augmente pas ; à long terme, il finit par défaillir face à l’excès de
postcharge. De ces données physiopathologiques, on peut extraire quelques règles simples pour
l’anesthésie.
 Précharge: la compliance du VG étant altérée par l’hypertrophie concentrique, la pression
télédiastolique est élevée. Le volume systolique est très dépendant du remplissage car la courbe
de Starling est redressée; l'hypovolémie provoque une hypotension profonde, d’autant plus que
la tachycardie compensatrice est limitée par la lenteur du débit à travers la sténose. La
curarisation et le démarrage de la ventilation contrôlée sont l’occasion de chutes de pression
considérables liées à la restriction du retour veineux systémique. La PVC ou la PAPO sousestiment le remplissage à cause de la dysfonction diastolique : à volume télédiastolique égal, la
Ptd est plus élevée ; un malade peut être hypovolémique avec une PAPO normale. La précharge
doit être maintenue par une volémie suffisante.
 Postcharge: l’élévation des RAS ne modifie guère le travail du VG, car l'obstacle représenté en
amont par la sténose est plus important, et il est fixe. Par contre, une hypotension artérielle
(RAS basses) diminue la perfusion coronarienne et augmente le gradient de pression
transvalvulaire. Comme le débit cardiaque est relativement fixe, la pression artérielle dépend
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
176




exclusivement des RAS. Les vasoconstricteurs alpha (phényléphrine, nor-adrénaline) sont le
premier choix en cas d’hypotension.
Contractilité: en général conservée, elle n’est diminuée que dans la phase de décompensation
myocardique et d’insuffisance congestive. Elle doit alors être maintenue dans les limites
imposées par l'apport d'O2 (ischémie associée) avec un agent inotrope.
Fréquence: les temps d'éjection et de remplissage sont ralentis par nécessité pour assurer le
volume systolique; la tachycardie abaisse le débit, et augmente simultanément la mVO2 .
Cependant, la bradycardie ne peut pas être compensée par une augmentation du volume
systolique, car la cavité ventriculaire est trop petite (HVG concentrique) ou le myocarde
insuffisant (phase de dilatation et de décompensation). La perte du rythme sinusal par
tachyarythmie auriculaire et/ou jonctionnelle baisse le débit de 40 à 50% ; ce risque existe avec
les agents halogénés qui dépriment la fonction du nœud du sinus. Les ESV risquent de
dégénérer rapidement en TV et en fibrillation ventriculaire.
Risque ischémique: non seulement l’association avec une coronaropathie est fréquente, mais
encore la perfusion coronarienne à vaisseaux sains est limitée par les hautes pressions
intramyocardique et intracavitaire. La pression diastolique aortique, représentée par la pression
artérielle moyenne (PAM), doit être strictement maintenue au-dessus de 80 mmHg. La pression
de perfusion coronaire (PPC) est la différence entre la PAM et la PtdVG; toute diminution de
PAM abaisse la PPC de manière équivalente parce que la PtdVG est liée à l’obstacle fixe de la
sténose aortique.
Ventilation en pression positive : la curarisation et la mise en route de l’IPPV diminuent le
retour veineux et la précharge ; elles sont responsables d’une chute du volume systolique et
d’une hypotension artérielle importantes. L’équilibration se fait en augmentant la précharge
(élévation des membres inférieurs, 500 mL de perfusat) et les RAS (phényléphrine, noradrénaline) ; l’éphédrine est un mauvais choix car elle est tachycardisante.
En fonction de ces données, le choix de la technique est guidé par des considérations cliniques, car ni
surface de la valve ni son gradient de pression ne sont des déterminants majeurs de la gravité du cas, vu
qu’on n’opère que des sténoses serrées en chirurgie cardiaque.
 Un patient de moins de 65 ans en bon état général dont les coronaires sont saines et la fonction
ventriculaire conservée est candidat à une prise en charge simple et à un circuit rapide (fasttrack): doses modérées d’opiacé, équipement avec cathéter artériel, voie veineuse centrale et
ETO, et extubation rapide.
 L’âge avancé de certains malades (> 75 ans) en fait des patients à haut risque, que des
pathologies associées soient présentes ou non. Mais la phase opératoire une fois franchie, leur
pronostic est excellent.
 L’association d’une coronopathie étendue présente toujours un risque majeur; l’intervention
combinée RVA + PAC est grevée d’une mortalité trois fois plus élevée que le RVA simple.
Toutefois, on peut considérer deux cas de figure.
o Sténose aortique serrée au cours des investigations de laquelle on découvre une sténose
coronarienne significative, asymptomatique et isolée ; le RVA + PAC simple reste un
intervention à risque faible qui peut suivre un circuit rapide ;
o Maladie coronarienne tritronculaire symptomatique et sténose aortique symptomatique
ou non. La priorité est ici dominée par la maladie ischémique, dont la prévention est
prioritaire. L’association multi-PAC + RVA fait de ces patients des cas "lourds" qui
réclament une prise en charge invasive; la prévention de l’ischémie et la stabilité
hémodynamique peropératoire priment, le délai de réveil est secondaire.
 La présence d’une insuffisance cardiaque congestive impose un monitorage invasif (cathéter
pulmonaire de Swan-Ganz) et une technique adaptée à une dysfonction systolique. Le meilleur
critère préopératoire pour juger de l’adéquation du VG est la dimension de sa cavité: lors
d’HVG concentrique, elle doit être petite; un VG de dimensions normales ou agrandies (Dtd en
court-axe > 4 cm/m2) signe une dysfonction sévère et/ou une surcharge de volume associée
(insuffisance aortique ou mitrale).
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
177
En cas de passage accidentel en tachycardie (TV) ou en fibrillation ventriculaire, une réanimation par
massage cardiaque externe est illusoire; seule une défibrillation peut rétablir le débit cardiaque. Lors de
la pose d’un cathéter de Swan-Ganz, le risque de bloc complet est significatif s’il existe un bloc de
branche gauche préalable.
Les recommandations pour l’anesthésie peuvent se résumer simplement:
Hémodynamique recherchée en cas de sténose aortique
Précharge élevée
Vasoconstriction systémique (PAM ≥ 80 mmHg)
Fréquence normale, rythme sinusal
Soutien inotrope si dysfonction ventriculaire (Dtd > 4 cm/m2)
L’hypotension est plus dangereuse que l’hypertension
Ventilation en pression positive : Pit basse
Plein – Régulier – Fermé
Technique d’anesthésie pour le RVA en cas de sténose aortique


Comme le risque d’arythmie est élevé, il faut être préparé à défibriller ou cardioverser le malade
très rapidement. Vu l’impossibilité d’assurer un débit cardiaque à travers la sténose en cas de
réanimation, le chirurgien et le perfusionniste doivent être présents dans le bloc opératoire dès
l’induction. La technique d’induction dépend du risque ischémique et de la fonction
ventriculaire.
o Etomidate : seul agent n’altérant ni la précharge, ni la postcharge, ni la contractilité,
il est recommandé dans tous les cas à haut risque ou en cas de dysfonction du VG ;
o Midazolam : adéquat, mais la baisse du tonus sympathique central entraîne une
hypotension par baisse de précharge et de postcharge ;
o Propofol : il baisse la précharge davantage que la postcharge ; possible à dosage
adapté et lent chez les malades stables, en compensant par du volume et un
vasoconstricteur ;
o Fentanils : bénéfiques (bradycardie) ;
o Thiopental, kétamine : déconseillés à cause de leur tachycardie ; le thiopental a un
effet inotrope négatif important.
o Eviter une poussée tachycardisante ou une arythmie à l’intubation avec une
anesthésie topique du larynx et de la trachée.
o L’hypotension est beaucoup plus dangereuse que l’hypertension ; administrer un
vasopresseur alpha (phényléphrine) de manière proactive, dès que la PA baisse de
quelques mmHg, pour éviter une période d’hypoperfusion coronarienne.
L’induction lors de sténose aortique se fait avec la seringue de phényléphrine dans
la main !
o En cas d’arrêt ou de dissociation électro-mécanique, le massage cardiaque est
illusoire ; la seule solution est de se précipiter en CEC aussi vite que possible.
Maintien de l’anesthésie : éviter la baisse des RAS et l’augmentation de la mVO2.
o Sevoflurane : agent de choix ;
o Perfusion de propofol ou de midazolam : adapter les dosages pour que
l’hémodynamique reste stable ;
o Isoflurane : déconseillé (↓ RAS et tachycardie) ;
o Desflurane : déconseillé (↑ fréquence) ;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
178
IPPV ± PEEP (< 8 cm H2 O) : tolérée une fois que l’hémodynamique s’est adaptée
par une augmentation de précharge et de RAS ; maintenir la pression ventilatoire
moyenne (Pit moy) aussi basse que possible.
o Hypotension systémique : ↑ RAS avec un vasopresseur alpha (phényléphrine, noradrénaline), maintenir la volémie.
Eviter la tachycardie et la perte du rythme sinusal :
o Le thiopental, la kétamine et le pancuronium sont contre-indiqués ;
o Pas d’éphédrine ; en cas d’hypotension : néosynéphrine (FC ↓), nor-adrénaline ;
o Pas d’atropine en cas de bradycardie excessive (réponse imprévisible) ;
o Après le RVA, la tachycardie n’est plus aussi dangereuse.
Maintenir la contractilité si nécessaire ;
o Dopamine adéquate si dosage < 5 mcg/kg/min ;
o Si besoin plus élevés : dobutamine + nor-adrénaline.
Monitorage ETO :
o Taille et fonction du VG, degré d’HVG, fonction du VD ;
o Evaluation de la volémie ;
o Valve aortique : calcifications, athéromes dans l’aorte, mesures de l’anneau et de
l’aorte, éventuelle IA ;
o Mesure de la CCVG : éperon septal, Vmax ;
o Si IM : mécanisme;
o Post-CEC : fonctionnement de la prothèse, fuite paravalvulaire, IM, effet CMO.
Cathéter artériel pulmonaire :
o Mesure de la PAP si HTAP ou défaillance droite ;
o PAPO : elle traduit la pression capillaire pulmonaire et la pression diastolique du
VG ; utile pour évaluer la PPC en cas d’ischémie (PPC = PAM – PAPO) mais
trompeuse en cas d’hypovolémie ;
o Mesure du VS, du DC et de la SvO2 (adéquation aux besoins métaboliques) ;
o Le risque d’arythmies graves est élevé au moment du passage à travers le VD
(tachycardie ventriculaire, bloc complet si BBG déjà présent) ; il est prudent de
laisser la Swan-Ganz en OD (housse de protection déroulée) jusqu’à l’ouverture du
péricarde ; elle est positionnée lorsque le chirurgien est prêt à poser les canules, de
manière à pouvoir partir en pompe en cas d’arythmie incontrôlable.
ScO2 : évaluation de la perfusion périphérique.
o





CEC et post-CEC
Une insuffisance aortique est souvent associée à la sténose, car la valve calcifiée ne peut plus coapter de
manière étanche. Même si elle n’a aucune signification hémodynamique tant que le coeur bat, l’IA peut
suffire à remplir et à dilater le VG lors de la cardioplégie en début de CEC. Le ventricule doit donc
toujours être surveillé attentivement.
L'hypertrophie ventriculaire rend difficile une préservation adéquate par la cardioplégie, notamment en
cas de coronopathie associée. La technique habituelle par perfusion de la racine de l’aorte peut être
complétée par une cardioplégie rétrograde via le sinus coronaire, ou remplacée par une canulation
directe des ostia coronariens (canules de Spencer) après ouverture de l’aorte. A cause de ces difficultés
de préservation, le VG peut se révéler défaillant à la sortie de pompe, même si sa fonction préopératoire
était satisfaisante. Au moment de la mise en charge, un coeur hypertrophié ischémique peut devenir
contracturé et dysfonctionnel en cas d'administration de calcium (stone heart). L’importance et la portée
de ce phénomène restent largement débattues.
Si la cardioplégie a été satisfaisante et le temps de clampage aortique assez court, la performance
myocardique s'améliore considérablement dès la levée de l'obstacle à l'éjection, parce que le stress de
paroi se normalise quasi-instantanément. Le gradient transvalvulaire est diminué, puisque la surface
utile des prothèses valvulaires est de l’ordre de 1.3 - 2.5 cm2. Pour le même travail d’éjection qu’avant
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
179
le RVA, le VG éjecte un volume systolique supérieur, à un régime de pression inférieur (Figure 11.94).
Le travail de pression, principal consommateur d’énergie, est beaucoup plus faible qu’avant le
remplacement valvulaire. Le rapport entre le travail de pression et le travail d’éjection (Tpr/Téj)
s’améliore considérablement, et l’efficience mécanique du ventricule est augmentée : il consomme
moins d’O2 pour la même performance systolique. Cette amélioration immédiate est la raison pour
laquelle on peut être très large dans les indications au RVA en cas de sténose, même chez la personne
âgée ou en mauvais état général.
Tout gradient moyen entre le VG et l’aorte supérieur à 20 mmHg doit faire suspecter une dysfonction de
la prothèse ou un défaut d’appariement entre la prothèse et le patient.
 Ailette bloquée : elle reste immobile, le plus souvent en position intermédiaire, le flux couleur
ne passe que par un seul orifice ;
 Taille de la prothèse trop petite par rapport à celle du patient : S < 0.85 cm2/m2 (voir Prothèses
valvulaires, discordance patient-prothèse).
Toutefois, plusieurs phénomènes peuvent induire un gradient trans-prosthétique faussement élevé [265].
 Episode momentané de haut volume systolique : hypervolémie, transfusion trop rapide depuis la
machine de CEC.
 Sténose sous-aortique dynamique (effet CMO) : la levée de l’obstacle à l’éjection peut amener
un ventricule hypertrophié à collaber sur lui-même en systole, car sa cavité est naturellement
petite et la chambre de chasse très musclée ; le phénomène est analogue à une cardiomyopathie
obstructive (CMO). Ce rétrécissement de la chambre de chasse en systole crée une obstruction
dynamique qui peut représenter un gradient de 25-40 mmHg (voir ci-après Sténose sousaortique dynamique). Ce gradient doit être soustrait du gradient transaortique total mesuré à
l’écho Doppler pour obtenir le gradient propre de la prothèse (Figure 11.95).
 Même sans sténose musculaire, la vélocité dans la chambre de chasse du VG peut dépasser 1.5
m/s à cause d’une stimulation sympathique importante et d’une hypervolémie passagère. Dans
ce cas, l’équation de Bernoulli doit être rectifiée en tenant compte de la Vmax dans la CCVG :
ΔP = 4 (V22 –V12), où V2 est la Vmax à travers la prothèse et V1 la Vmax de la CCVG. Le
gradient créé dans la CCVG est ainsi soustrait du gradient total pour obtenir celui qui est propre
à la prothèse (Figure 11.96).
 La récupération de pression: l'énergie cinétique se retransforme en pression au-delà de la zone
d'accélération maximale où la pression est minimale; comme l'échocardiographie mesure la
pression précisément par la vélocité maximale, elle a tendance à surestimer le gradient réel (voir
Figure 11.91).
 La présence d'une contrepulsion intra-aortique (CPIA) abaisse considérablement la pression
dans l'aorte ascendante en début de systole lorsque le ballon se dégonfle; il s'ensuit un gradient
exagéré entre le VG et l'aorte; il faut mesurer le gradient pendant un arrêt momentané de la
CPIA. Une dilatation importante de l’aorte ascendante a le même effet.
Pour autant que la fonction préopératoire soit conservée, les suites postopératoires immédiates sont
simples, même chez les patients âgés; le support inotrope peut être rapidement interrompu [171]. De
l’air ou des débris de valve peuvent aisément se fourvoyer dans les ostia coronariens, occasionnant une
image d’ischémie tronculaire avec surélévation du segment ST à la sortie de CEC. Des déficits
neurologiques sont toujours possibles par embolisation de fragments calcifiés et friables lors de
l'aortotomie et de la résection de la valve. Le taux d’AVC postopératoire est de 3-6%, soit 2-3 fois plus
élevé que la moyenne
La proximité du nœud AV avec l’anneau aortique au niveau septal peut conduire à une bloc AV complet
iatrogène après implantation de la prothèse. Si le rythme du patient doit être électro-entraîné à cause
d’une bradycardie ou d’un bloc, il est préférable de le stimuler en mode auriculo-ventriculaire (DDD)
pour pouvoir bénéficier de l’apport de la contraction auriculaire, car l’HVG ne régresse que lentement et
la dysfonction diastolique persiste dans le postopératoire. Celle-ci maintient des pressions de
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
180
remplissage anormalement élevées par rapport au volume du VG : le patient peut être hypovolémique
avec une PVC et une PAPO normales !
FA
FA
Ao
Ao
CCVG
SAM
Vmax ↑
Sep
HVG
Sep
HVG
ΔP SA
P ↑, Vmax ↓
A
ΔP RVA (V2)
ΔP CCVG (V1)
© Chassot 2011
B
OG
FA
SAM
VAo
VG
C
D
Figure 11.95 : Sténose sous-aortique dynamique après remplacement valvulaire aortique (RVA). A : avant le
RVA, la vélocité maximale (Vmax) est élevée à travers la sténose aortique (> 4 m/s), mais non dans la chambre de
chasse (CCVG) (< 1 m/s), car elle est freinée avant l’obstacle de la valve ; le VG et le septum interventriculaire
sont hypertrophiques (Sep HVG). B : après RVA, l’obstacle est levé, la Vmax à travers la valve baisse ; mais la
CCVG reste hypertrophique et peut maintenant se rétrécir excessivement au cours de la systole en cas de
stimulation sympathique puisqu’il n’y a plus d’obstacle pour y maintenir une pression élevée. La Vmax exagérée
dans la CCVG aspire le feuillet antérieur (FA) de la valve mitrale qui obstrue partiellement la CCVG (SAM :
systolic anterior motion). Cette sténose dynamique représente un gradient de pression (ΔP) significatif qui
s’additionne au ΔP propre de la prothèse lorsqu’on mesure le gradient à l’écho Doppler (flèche jaune). C : la
subocclusion dynamique de la CCVG survient dans la deuxième partie de la systole et se manifeste par une chute
du débit mais une accélération du flux ; ce phénomène s’exprime par une encoche sur la pente ascentionnelle du
flux et de la pression artérielle (déformation en dague). D : image ETO de l’aspiration du feuillet antérieur (SAM)
dans la CCVG (vue long-axe 140°).
L’apparition d’une IM après un RVA peut être liée à plusieurs phénomènes différents.
 Réouverture mésosystolique de la valve mitrale sur sténose dynamique sous-aortique (SAM) ;
même importante, cette IM est brêve et ne dure pas toute la systole ; elle est mésotélésystolique. C’est souvent le signe d’appel de l’effet CMO.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
181
 Rétraction du feuillet antérieur par des points d’ancrage de la prothèse ; la proximité de
l’anneau aortique et de l’anneau mitral au niveau du trigone fait que des points un peu larges à
cet endroit exercent une traction sur le feuillet antérieur et peuvent l’empêcher d’occlure
correctement.
 Dysfonction du VG ; l’IM est un signe d’accompagnement habituel d’une dilatation ou d’une
ischémie aiguë du VG.
 Persistence d’une IM présente avant la CEC, qu’elle soit organique (maladie calcifiante,
dégénérescence, remaniemens dus à l’âge) ou fonctionnelle (calcifications de l’anneau mitral
dysfonction ou dilatation du VG). Le plus souvent, la levée de l’obstacle à l’éjection diminue
suffisamment le stress de paroi du VG pour que l’IM soit moins importante qu’en préopératoire.
Si l’appariement de la taille de la prothèse avec celle du malade est satisfaisant, l’HVG régresse pendant
les 3 premiers mois, mais le VG ne récupère pas totalement du remodelage imposé par la sténose.
Figure 11.96 : Calcul du gradient de
pression après RVA. Au Doppler
continu, on dispose d’une double
enveloppe pour mesurer la Vmax dans
la CCVG et dans l’ensemble CCVG +
prothèse. Si l’on utilise l’équation
simplifiée de Bernoulli (ΔP = 4 •
Vmax2), on trouve un gradient de 22
mmHg. Si l’on utilise l’équation en
tenant compte de la Vmax dans la
CCVG, soit ΔP = 4 • (V22 – V12), le
gradient à travers la prothèse n’est que
de 9 mmHg. Dans le cas d’une
bioprothèse sans monture, cette
différence a un impact chirurgical
direct, car 22 mmHg est un gradient
excessif pour ce type de valve et peut
conduire à un retour en CEC qui n’est
en réalité pas justifié.
0 m/s
1 m/s
ΔP = 9 mmHg
2 m/s
ΔP = 22 mmHg
Chirurgie de la sténose aortique: post-CEC
Le RVA lève l’obstacle à l’éjection, ce qui soulage immédiatement le VG et apporte une nette
amélioration à sa fonction. La sortie de CEC est en général aisée, sauf en cas de dysfonction
ventriculaire préopératoire, d’ischémie associée ou de problème de cardioplégie. Le pronostic fonctionel
du RVA est excellent, même chez la personne âgée. Cependant, la dysfonction diastolique due à l’HVG
persiste dans le postopératoire (pressions de remplissage élevées).
Plusieurs problèmes peuvent toutefois se présenter.
- gradient excessif (ΔPmoy > 20 mmHg) : taille de la prothèse insuffisante (S < 0.85 cm2/m2),
ailette bloquée ;
- effet CMO : augmenter la précharge, vasoconstricteur, réduire les catécholamines β, esmolol ;
- IM nouvelle : dysfonction, traction sur le feuillet antérieur, SAM ;
- fuite paravalvulaire : retour en pompe si elle est majeure ;
- dysfonction VG : défaut de cardioplégie, ischémie ;
- bloc AV.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
182
Sténose sous-aortique dynamique
On réunit sous ce terme deux entités différentes présentant le même comportement hémodynamique:
 La cardiomyopathie obstructive (CMO), ou cardiomyopathie hypertrophique asymétrique, avec
prédominance de l’hypertrophie au niveau du septum interventriculaire ; c’est une maladie
primaire du myocarde qui conduit à une obstruction musculaire dynamique de la chambre de
chasse (voir Chapitre 13 Cardiomyopathie obstructive).
 L’effet CMO, ou sténose sous-aortique dynamique ; elle survient secondairement en cas
d’hypertrophie ventriculaire gauche concentrique et de conditions hémodynamiques
particulières.
Pour qu’apparaisse un effet CMO, trois conditions doivent être remplies (Figure 11.97):
 Hypertrophie ventriculaire gauche de type concentrique, avec un muscle puissant et une
chambre de chasse étroite (voir Figure 11.81) ;
 Diminution exagérée du volume télésystolique du VG, secondaire à une hypovolémie sévère ou
à une baisse drastique de a postcharge (vasoplégie, levée de l’obstacle de la sténose aortique) ;
 Stimulation sympathique excessive qui augmente la course concentrique de la paroi postérieure
en systole et rétérécit la chambre de chasse ; elle est due à une administration trop rapide de
béta-catécholamines ; elle est amplifiée par une anesthésie trop légère.
VS ↓
OG
IM
OG
Pcoapt
V Ao
V Ao
CCVG
CCVG
Ep
Ep
SAM
VG
VG
Ant
© Chassot 2011
HVG
Post
Protosystole
Ant
HVG
Post
Méso-télésystole
Figure 11.97 : Sténose sous-aortique dynamique, ou effet CMO. En protosystole, l’hypertrophie concentrique et le
rétrécissement de la cavité ventriculaire (hypovolémie, baisse de postcharge, stimulation inotrope béta) déplacent
le feuillet antérieur et le point de coaptation (Pcoapt) de la valve mitrale vers la chambre de chasse (CCVG), et
referment l’angle entre le plan de la valve aortique et celui de la valve mitrale (angle mitro-aortique : pointillé
vert). L’accélération du flux dans la CCVG crée un effet Venturi qui aspire le feuillet antérieur de la mitrale
(SAM). En mésotélésystole, le feuillet mitral contribue à l’obstruction dynamique de la CCVG; la valve mitrale
n’est plus occluse et une régurgitation mitrale (IM) apparaît dans la deuxième moitié de la systole. SAM : systolic
anterior motion. Ep : éperon septal.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
183
Dans ces conditions, la paroi postéro-basale du VG est déplacée vers l’avant et la zone de coaptation
mitrale se rapproche de la zone d’éjection. En effet, la zone postérieure de l’anneau mitral est fine et
souple, alors que sa partie antérieure est fixée au trigone fibreux, qui est le centre de gravité mécanique
du cœur sur lequel sont ancrées les valves mitrale, aortique et tricuspide. C’est donc la zone postérieure
qui va se déplacer vers l’avant si le VG se rétrécit excessivement (voir Figure 11.41). La diminution de
taille de la cavité ventriculaire se traduit donc par un déplacement antérieur des structures postérieures.
Ce mouvement a quatre effets en systole.
 Déplacement antérieur de la zone de coaptation mitrale ;
 Occlusion mitrale entre l’extrémité distale du feuillet postérieur et le corps du feuillet antérieur
et non plus bord-à-bord ;
 Augmentation de la course des cordages du pilier postérieur permettant davantage de
déplacement antérieur des feuillets ;
 Partie distale du feuillet antérieur flottant à l’intérieur de la cavité du VG en protosystole.
En systole, la pression intraventriculaire va pousser la partie distale du feuillet antérieur vers l’avant en
direction de la CCVG, où l’éjection commence (Figure 11.97A). Comme la Vmax s’élève dans la
CCVG, la partie distale de ce feuillet peut y être aspirée par effet Venturi et induire un phénomène
appelé systolic anterior motion (SAM) : le feuillet antérieur se coude et vient occlure partiellement la
CCVG. C’est l’effet CMO, par analogie au mécanisme de la cardiomyopathie obstructive (Figure
11.97B). Le SAM crée un gradient de pression important au sein de la CCVG, et le débit systolique
baisse brusquement [197]. Cette chute mésosystolique du débit se traduit par une fermeture prématurée
de la valve aortique, car le volume éjecté est soudain insuffisant pour la maintenir ouverte. Ceci n’est
pas visible lorsque la valve est remplacée par une prothèse, mais se traduit sur le flux aortique par une
déformation "en dague" du tracé Doppler spectral et par une encoche dans la partie ascendante de la
courbe artérielle (Figure 11.95C).
L'aspiration du feuillet antérieur dans la CCVG a pour effet secondaire de rouvrir la valve mitrale en
mésosystole et de provoquer une insuffisance méso-télésystolique. Cette IM fait que la PAPO lue sur le
cathéter pulmonaire est trompeusement élevée malgré l’hypovolémie ventriculaire.
Après un RVA, les conditions pour un effet CMO sont fréquemment remplies: il existe une HVG
concentrique, la postcharge a baissé parce que la sténose est levée, l’hypovolémie est banale en sortant
de CEC, et l’administration de catécholamines force la contraction de la paroi postérieure, le
rétrécissement de la CCVG et la vélocité d’éjection du sang. Le phénomène est confirmé par
l’échocardiographie: la cavité ventriculaire est de petites dimensions, la Vmax dans la chambre de
chasse est supérieure à 2.5 m/sec, le feuillet mitral se rabat dans la chambre de chasse (SAM), une
insuffisance mitrale apparaît en deuxième moitié de systole. Ce phénomène survient dans 14% des RVA
pour sténose [14].
Cliniquement, l'effet CMO se caractérise par une hypotension artérielle et un bas débit cardiaque qui ne
réagissent pas aux catécholamines. La thérapeutique consiste en:
 Diminution de contractilité: arrêt des catécholamines à effet β, éventuellement esmolol (bolus
répétés de 10 mg) ;
 Augmentation du volume ventriculaire: perfusions ;
 Augmentation de la postcharge : vasoconstricteur artériel alpha pur ;
 Approfondissement de l’anesthésie ;
 Si l’effet persiste malgré un traitement maximal : résection chirurgicale dans la musculature de
la CCVG (myectomie), notamment au niveau de l’éperon septal. A défaut, on peut procéder
ultérieurement à une embolisation alcoolique de la première artère septale pour provoquer une
nécrose partielle du muscle.
En résumé, en cas de CMO le patient doit être maintenu plein, mou et fermé.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
184
Sténose sous-aortique dynamique post-RVA
La chute de la postcharge et l’hypertrophie concentrique du VG peuvent conduire à une subocclusion
dynamique de la chambre de chasse en cas d’hypovolémie et de stimulation β excessive :
- Vmax > 2.5 m/s dans la CCVG
- suboclusion de la CCVG par le feuillet antérieur de la valve mitrale (SAM)
- IM méso-télésystolique
- déformation en dague du flux aortique et de la courbe artérielle
Traitement :
- réduire les catécholamines β, bolus d’esmolol
- augmentation de la précharge (perfusions)
- augmentation de la postcharge (vasoconstricteurs α)
- si échec : retour en pompe pour myectomie dans la CCVG
Hémodynamique recherchée en cas d’effet CMO
Précharge élevée
Contractilité diminuée (stop catécholamines β, esmolol)
Vasoconstriction systémique
Plein – Mou – Fermé
Anesthésie pour la chirurgie non-cardiaque
Evaluation préopératoire
La présence d’un souffle systolique râpeux chez la personne âgée est une découverte fréquente lors de
l’examen préopératoire pour chirurgie non-cardiaque (voir Annexe C). L’échocardiographie confirme le
diasgnostic et précise le degré de sténose. Cette situation pose deux questions essentielles (voir Figure
11.28) :
 La sténose aortique implique-t-elle un risque opératoire excessif ?
 Si la sténose est serrée (S < 0.6 cm2/m2, ΔPmoy > 50 mmHg), un RVA est-il indiqué avant
l’intervention planifiée ?
Lorsqu’elle est symptomatique (angor, syncope ou dyspnée) ou accompagnée d’une dilatation du VG
(Dtd > 4 cm/m2), une sténose aortique serrée doit être corrigée avant de procéder à l’intervention noncardiaque, quelle qu'elle soit [108,318]. Il est préférable d'utiliser une bioprothèse afin d'éviter les
problèmes d'anticoagulation.
Lorsque la sténose aortique est asymptomatique, il existe deux cas de figure [39,53,318].
 L'intervention prévue est majeure (chirurgie de l’aorte abdominale, chirurgie hépatopancréatique, etc); dans ce cas, il est prudent de prévoir un remplacement valvulaire aortique
(RVA) avant la chirurgie non-cardiaque; si le VG est dilaté et sa fonction déjà diminuée, le
RVA préopératoire est également conseillé, même si le patient est asymptomatique.
 La chirurgie prévue est de type intermédiaire ou mineur: le RVA ne se justifie pas; même si elle
est de 15-25%, la morbidité cardiaque est la même que chez les patients qui présentent une
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
185
sténose mineure-à-modérée. Toutefois, plus la sténose est serrée, plus le risque d'hypotension
peropératoire est élevé et plus le contrôle hémodynamique doit être rigoureux.
Seules des interventions urgentes et vitales ne pouvant pas souffrir de délai doivent être envisagées en
présence de sténose serrée symptomatique, parce que leur mortalité est ≥ 10%, allant jusqu’à 31%
lorsque plus de trois autres comorbidités sont présentes [53,108,166]. Dans certains cas, il est
éventuellement possible de dilater la valve en préopératoire (valvuloplastie percutanée), pour autant
qu’elle ne soit pas calcifiée ni accompagnée d’une insuffisance. Chez les patients asymptomatiques, la
sténose est un déterminant indépendant majeur de complications postopératoires : le risque d’accident
cardiaque est multiplié par un facteur de cinq (odds ratio 5.2) [166]. La présence d’une dysfonction du
VG aggrave le pronostic et renforce l’indication à un RVA préopératoire, mais cette indication est
essentiellement basée sur le bénéfice à long terme du malade, car le RVA lui-même affiche une
mortalité de 1-2% en-dessous de 70 ans et de 2-6% au dessus de 75 ans [23,24].
Technique d’anesthésie
La technique d’anesthésie et le monitorage doivent s’inspirer des recommandations faites pour
l’anesthésie cardiaque.
 Induction lente avec cathéter artériel en place ;
 Tolérance à l’IPPV jugée par une manœuvre de Valsalva avant l’induction ;
 Monitorage :
o Cathéter artériel, surveillance du segment ST ;
o ETO (fonction VG, volémie) si chirurgie majeure avec risque d’hypovolémie ; l’ETO
est le meilleur moyen de diagnostic différentiel en cas d’hypotension aiguë
(hypovolémie, dysfonction VG, ischémie, CMO) ;
o Swan-Ganz : peu informative, dangereuse (risque d’arythmies et de bloc AV complet) ;
 Agents d’induction :
o Propofol (hypotension sur baisse de précharge) ;
o Midazolam (hypotension sur baisse du tonus sympathique) ;
o Etomidate (le plus sûr pour les cas à risque) ;
o Thiopental déconseillé (hypotension et tachycardie) ;
o Curare : éviter pancuronium (tachycardie) ;
o Hypotension : vasoconstricteur alpha, pas d’éphédrine.
 Maintien de l’anesthésie :
o Halogéné : sevoflurane (préférence), desflurane (interventions courtes) ; isoflurane
déconseillé car trop vasodilatateur ;
o Propofol (perfusion), midazolam ;
o IPPV avec la PEEP minimale (Pit moy basse, maintien du retour veineux).
 Hypotension plus dangereuse que l’hypertension (risque ischémique élevé) ; maintenir la PAM
≥ 80 mmHg avec des vasoconstricteurs (phényléphrine, nor-adrénaline) ;
 Soutien inotrope si nécessaire : dopamine (effets β + α) ou combinaison dobutamine + noradrénaline (dobutamine seule : effet vasodilatateur systémique).
L’anesthésie générale est préférable à l’anesthésie loco-régionale rachidienne. En effet, le bloc
sympathique provoque une hypotension profonde, essentiellement liée à une chute de précharge, et une
tachycardie réflexe. Cette combinaison, particulièrement marquée lors de rachianesthésie, est hautement
défavorable à l’hémodynamique de la sténose aortique serrée. Bien qu’on ne dispose pas d’études de
haut degré d’évidence à ce sujet, l’anesthésie générale est habituellement recommandée comme
technique de choix en cas de sténose aortique [108]. En cas de nécessité, une anesthésie péridurale est
possible si le bloc est installé très progressivement.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
186
Anesthésie en cas de sténose aortique lors de chirurgie non-cardiaque
Indications au RVA préopératoire :
- sténose aortique serrée (< 0.6 cm2/m2) symptomatique
- sténose aortique serrée avec dysfonction (FE < 0.5) ou dilatation (Dtd > 4 cm2/m2) du VG
Sténose aortique serrée asymptomatique : pas d’indication au RVA, mais risque opératoire augmenté de
3-5 fois ; seule les opérations vitales sont envisageables.
Prise en charge anesthésique :
- ↑ précharge (hypovolémie mal tolérée) ;
- ↑ RAS (hypotension plus dangereuse que l’hypertension car risque ischémique ↑) ;
- maintenir fréquence normale et rythme sinusal ;
- monitorage : cathéter artériel ;
- IPPV avec PEEP minimale (Pit moy basse) ;
- ALR rachidienne : préférence à péridurale avec lente installation du bloc ; rachianesthésie
déconseillée (↓ brusque de précharge et postcharge).
Hémodynamique recherchée en cas de sténose aortique
Précharge élevée
Vasoconstriction systémique (PAM ≥ 80 mmHg)
Fréquence normale, rythme sinusal
Soutien inotrope si dysfonction ventriculaire (Dtd > 4 cm/m2)
L’hypotension est plus dangereuse que l’hypertension
Ventilation en pression positive : Pit basse
Plein – Régulier – Fermé
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
187
Insuffisance aortique
L’insuffisance aortique (IA) est une pathologie fréquence lorsqu’elle est mineure ; son incidence est de
5-10% dans la population générale [235]. L’IA modérée-à-sévère, plus rare (prévalence 0.5%), relève
anatomiquement de deux structures et de deux mécanismes différents (Figure 11.98).
 Dilatation de l’anneau et de la racine aortique ; les cuspides sont normales ;
 Lésions de la valve proprement dite ; la pathologie est située au niveau des cuspides.
Figure
11.98 :
Les
différents types anatomopathologiques
d’insuffisance aortique.
A : maladie annuloectasiante ; la racine de
l’aorte ascendante et
l’anneau valvulaire sont
dilatés mais les cuspides
sont normales (IA type
I) ; le jet de l’IA est
central. B : la racine de
l’aorte est normale mais
les cuspides sont lésées ;
elles
peuvent
être
prolabantes (IA type II)
ou rétractées (IA type
III). Le jet de l’IA est en
général excentrique ; il
est dirigé à l’opposé de la
cuspide prolabante ou du
côté de la cuspide
rétractée.
Ao asc
Ao asc
J sino-tub
J sino-tub
(II) (III)
(I)
A
B
© Chassot 2011
Dans le premier cas, il s’agit de la maladie annulo-ectasiante de l’aorte ascendante, qui devient de plus
en plus fréquente en Occident et représente actuellement la moitié des cas d’insuffisance aortique [66]:
la dilatation de l’anneau et de la jonction sino-tubulaire tend les bords libres des cuspides, qui sont
normales, et les empèche de coapter proprement. Cette affection relève de la médianécrose cystique de
l’aorte, isolée ou associée au syndrome de Marfan, de la dégénérescence dilatative de l’aorte liée à l’âge
(anévrysme), ou de syndromes inflammatoires systémiques (spondylite ankylosante, syndrome de Reiter
ou de Behçet, aortite syphilitique, etc). Enfin, le flap intimal d’une dissection aortique de type A peut
déstabiliser l’appareil valvulaire ou prolaber à travers la valve en diastole.
Dans le deuxième cas, l’insuffisance est due à des lésions des cuspides, qui relèvent de plusieurs
étiologies différentes :
 Lésion dégénérative : dégénérescence myxoïde ou fibro-élastique (prolapsus), calcifications (les
blocs calciques rigides dont les valvules sont infiltrées ne permettent plus l’étanchéité en
diastole) ;
 Bicuspidie: bien que cette malformation conduise le plus souvent à une sténose, il arrive qu’elle
se manifeste par une insuffisance isolée ou prédominante ; sa prévalence est de 1-2% ;
 RAA: une rétraction cicatricielle des cuspides infiltrées de tissu fibreux les empèche de coapter
en diastole ;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
188
 Endocardite: la destruction des feuillets, leur perforation, ou le prolapsus de végétations à
travers la valve, causent une fuite transvalvulaire; dans le pannus infectieux qui ceint la racine
des cuspides peut se former un abcès, le plus fréquemment à l’angle mitro-aortique ;
 Perte du support commissural : traumatisme, dissection A, CIV supracristale ;
 Toxicité médicamenteuse : méthysergide, ergotamine, pergolide, fenfluramine, phentermine,
aminorex, benfluorex (Mediator®) ; la toxicité des anorexiants est connue depuis le début des
années ‘90.
L’insuffisance aortique peut évoluer lentement et rester longtemps asymptomatique; mais elle peut
également se présenter de manière foudroyante (IA aiguë), le plus souvent suite à une dissection, une
endocardite ou un traumatisme.
Les critères définissant l’IA sévère sont (voir Tableau 11.13) [23,188,238,318]:




Volume régurgité ≥ 60 ml (fraction de régurgitation ≥ 45%) ;
PA diastolique < 50 mmHg, PA différentielle très large (> 80 mmHg) ;
Hypertrophie dilatative du VG ;
Cavité du VG de grande taille (diamètre télédiastolique > 4 cm/m2) ; ce critère est absent en cas
d’IA aiguë ;
 Jet de régurgitation s’étendant jusqu’à mi-ventricule ;
 Rapport diamètre jet de l’IA/diamètre CCVG > 0.6 ;
 Surface de l’orifice de régurgitation > 0.3 cm2.
Tableau 11.13
Critères de quantification de l’insuffisance aortique
IA mineure
IA modérée
IA sévère
Paramètres structuraux
Taille de l’OG
Taille du VG
Cuspides aortiques
normale
normale
peu déformées
normale/peu dilatée
normale/peu dilatée
normales/anormales
dilatée*
très dilatée*
anormales, prolapsus
large défaut de coaptation
Critères spécifiques
Etendue du jet couleur**
Vena contracta
Jet IA/CCVG
Orifice de régurgitation
Volume régurgité
Fraction de régurgitation
< CCVG
< 0.3 cm
< 25%
< 0.1 cm2
< 30 mL
< 30%
extrémité feuillet ant
0.3 – 0.6 cm
25 – 60%
0.1 – 0.3 cm2
30-50 mL
30-40%
cavité VG
> 0.6 cm
> 65%
> 0.3 cm2
> 60 mL
> 45%
Critères d’appoint
Pt1/2 flux IA
Reflux diastolique aorte desc
> 500 msec
absent
250 – 500 msec
absent
< 200 msec
présent holodiastole
* Absence de dilatation dans l’IA aiguë
** Dépend de l’hémodynamique et de la morphologie du jet
Sources: références 23, 188, 318 et 338.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
189
Insuffisance aortique
L’insuffisance aortique (IA) relève de deux mécanismes différents :
- dilatation de l’anneau et de la racine aortique, cuspides normales, jet central ;
- lésions des cuspides, jet excentrique.
Etiologies :
- maladie annulo-ectasiante, anévrysme, Marfan, flap d’une dissection ;
- bicuspidie, dégénérescence, RAA, endocardite, traumatisme, toxicité médicamenteuse.
Critères de définition de l’IA sévère :
- volume régurgité ≥ 60 mL, fraction de régurgitation > 45%,
- surface de l’orifice de régurgitation > 0.3 cm2,
- HVG dilatative (Dtd VG > 4 cm/m2) ; taille du VG normale en cas d’IA aiguë,
- PA diast < 50 mmHg, PAdiff > 80 mmHg.
Physiopathologie
L’insuffisance aortique représente une surcharge de volume pour le VG, que celui-ci compense par une
augmentation de son volume télédiastolique. Cette augmentation de précharge lui permet de maintenir
un volume systolique adéquat (principe de Frank-Starling); de plus, la tachycardie élève le débit
cardiaque. Pour le VG, l’augmentation de sa tension de paroi par la dilatation est l’équivalent d’une
élévation de postcharge en protosystole; elle induit une hypertrophie excentrique. A la différence de
l’insuffisance mitrale (IM), où la fuite dans l’OG maintient la postcharge basse malgré l’excès de
volume systolique, l’insuffisance aortique oblige le VG à éjecter tout le volume dans l’aorte, qui est un
système à haute pression. D'autre part, la pression d’amont de la régurgitation est la pression diastolique
aortique (40-80 mmHg), qui est bien supérieure à la pression de l’OG en systole (5-12 mmHg). Les
RAS contrôlent directement la postcharge du VG en systole et la fraction régurgitée en diastole. La
diminution des RAS est donc doublement importante pour le fonctionnement du VG:
 L’IA diminue si la PAdiast baisse;
 L’éjection du VG est améliorée si la PAsyst baisse.
Comme elle est à la fois une surcharge de volume et de pression, l’IA est moins bien tolérée que l’IM
[45]. La quantité de sang régurgitée de l’aorte dans le VG dépend de:
 La surface de l’orifice maintenu ouvert en diastole (IA sévère : > 0.3 cm2) ;
 La durée de la diastole: la bradycardie prolonge la durée de la diastole, donc le volume de la
régurgitation ;
 Le gradient de pression entre l’aorte et le VG en diastole: il dépend de la pression dans l’aorte
ascendante, des RAS et de la compliance ventriculaire.
La tachycardie raccourcit la diastole, et le volume régurgité par cycle cardiaque diminue. De ce fait, la
dilatation du VG est freinée. La bradycardie représente un danger majeur à cause du remplissage
exagéré du VG lors de longues diastoles pendant lesquelles l’IA déverse une grande quantité de sang
dans le ventricule. La fréquence optimale se situe probablement autour de 80-90 batt/minute. Il est
certainement dangereux de descendre en-dessous de 60 batt/minute.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
190
Insuffisance aortique chronique
La dilatation ventriculaire accroissant le stress de paroi (σ), le VG va s’épaissir et s’hypertrophier pour
maintenir normale cette tension (loi de Laplace : σ = (P • r) / 2h). Ceci conduit à une hypertrophie
excentrique ou dilatative par réplication en série des sarcomères et élongation des fibres [239] (Figure
11.99). La loi de Laplace implique que, pour développer la même pression systolique, le stress de paroi
est d’autant plus élevé que le ventricule est plus grand. L’IA chronique provoque le plus important
agrandissement ventriculaire de toutes les cardiopathies: la masse ventriculaire peut être imposante et
atteindre > 600 g (coeur bovin). Le débit de la régurgitation pouvant atteindre 5-8 L/min, le VG est
contraint à un débit de 10-12 L/min pour maintenir la perfusion périphérique ! L’effort physique peut
être relativement bien toléré, parce que les RAS baissent et que la tachycardie raccourcit la diastole: la
fraction régurgitée diminue [165]. Les indices habituels de fonction systolique telle la fraction d’éjection
sont en général dans les limites normales, mais, avec une utilisation maximale de la réserve de
précharge, ils ne traduisent pas la contractilité réelle du myocarde. La dimension télésystolique du VG
(diamètre > 2.5 cm/m2) est un indice plus utile pour déterminer le pronostic du patient, car elle est peu
dépendante de la précharge [30]. Le rapport entre le stress de paroi et le volume en télésystole est
l’élément qui prédit le mieux la récupération fonctionnelle après RVA [308].
Ao
(dilatée)
OG
V Ao
OG
V Ao
VG
VG
A
σ = (P • r) / 2h
B
© Chassot 2011
Figure 11.99 : Représentation schématique du remodelage des cavités gauches lors d'une insuffisance aortique
sevère. A : cœur normal. La loi de Laplace indique que le stress de paroi (σ) est proportionnel à la pression
générée et au rayon de la cavité, et inversément proportionnel à son épaisseur. B : Insuffisance aortique sévère.
L'oreillette gauche est dilatée, le VG subit une hypertrophie dilatative majeure, sa paroi est épaissie et sa cavité est
très agrandie. L'IA chronique donne lieu aux plus importantes dilatations du VG.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
191
Tant que la fonction systolique est conservée, la compliance est préservée ; le ventricule dilaté
accomode de grands volumes pour des pressions de remplissage encore normales; la surcharge
progressive de volume a déplacé toute la courbe de compliance vers la droite (Figure 11.100).
Cependant, la pente de la relation P/V diastolique est redressée à haut volume ; dans l’insuffisance
aiguë, le VG opère sur la partie ascendante de la courbe, donc à pression diastolique élevée. On voit
aussi sur le diagramme pression/volume de l’IA que le triangle Emax-compliance-boucle P/V, dont la
surface représente le travail interne de pression (Tpr), est de dimension variable. Dans la période de
compensation, le ventricule dépense davantage d’énergie en travail externe d’éjection; ce rapport est
favorable à l’efficience énergétique et à la consommation d’O2. Lorsque la dilatation s’aggrave, par
contre, la tension de paroi devient excessive et la postcharge effective du VG augmente ; le travail de
pression s’élève. Tant que la géométrie du VG est conservée, le remplacement de la valve défectueuse
permet une bonne récupération fonctionnelle, mais lorsque le VG devient sphérique, le remodelage et
les lésions fonctionnelles sont irréversibles [28]. De ce fait, la taille de VG en télésystole est le meilleur
critère prédictif de la performance ventriculaire après RVA.
Pression
Emax
Boucle
PV
normale
Insuffisance
aortique
Compliance
Volume
V0
VS
Figure 11.100 : Boucle pression-volume en cas d’insuffisance aortique (IA) chronique. La courbe de compliance
est déplacée vers la droite à cause de l’augmentation de volume diastolique due à la régurgitation qui se fait à la
pression diastolique de l’aorte, mais sa pente reste très plate car le VG est encore souple. Le volume éjecté est
immense (VS) par rapport à sa valeur normale (jaune), car l’IA provoque les plus fortes dilatations ventriculaires
que l’on rencontre en clinique (cœur bovin). Le travail de pression (triangle pointillé bleu clair) est augmenté à
cause de la tension de paroi élevée (dilatation) en protosystole. En cas d’IA aiguë, le volume du VG est à la limite
supérieure de la normale, mais n’a pas le temps de s’agrandir ; par contre, l’excès de remplissage diastolique avec
une compliance normale conduit à une augmentation très importante de la pression diastolique ; la boucle PV est
réduite, mais surélevée.
Avec le temps, la décompensation s’installe: la fonction systolique baisse, le VG se dilate davantage, sa
tension de paroi s’élève, son éjection diminue, et la fraction régurgitée augmente. Comme la compliance
diminue simultanément, les pressions diastoliques ventriculaires s’élèvent et la symptomatologie de
stase veineuse pulmonaire apparaît, d’abord à l’effort puis au repos. L’ischémie est un signe tardif, qui
survient sur plusieurs mécanismes [6,234].
 Augmentation de la demande en O2 à cause de la tension de paroi élevée ;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
192
 Diminution de l’apport d’O2, à cause de la pression diastolique aortique basse et de la pression
intraventriculaire élevée (pression de perfusion coronarienne = PAdiast – PtdVG) ;
 Masse contractile disproportionnnellement augmentée par rapport au développement du réseau
capillaire coronarien.
La souffrance ischémique altère encore la performance systolique et installe un cercle vicieux : ischémie
→ ↓ fonction systolique → ↑ IA → ↑ Vtd → ↑ tension de paroi → ↓ perfusion coronarienne →
davantage d’ischémie.
Insuffisance aortique aiguë
L'IA aiguë impose une soudaine surcharge de volume: le VG, normalement compliant, se dilate un peu,
mais sans atteindre les dimensions qu’il prend dans les cas chroniques. La pression diastolique et la
tension de paroi augmentent brusquement, parce que le volume télédiastolique correspond à la partie
redressée de la courbe de compliance (voir Figure 11.13). Ceci est d’autant plus marqué que l’IA
survient dans un cas d’HVG concentrique avec une paroi épaisse et une petite cavité comme chez un
hypertendu. La compensation physiologique est une intense stimulation sympathique qui provoque une
hypercontractilité et une tachycardie: le débit effectif est maintenu par augmentation du débit systolique
total. Malheureusement, le stress sympathique induit aussi une montée des résistances systémiques, qui
va accentuer la régurgitation diastolique. Lorsque la valve est quasi-détruite, les pressions diastolique
aortique et télédiastolique du VG s'égalisent. L'élévation de pression par remplissage rétrograde dans le
VG est si rapide, que la valve mitrale se ferme prématurément en cours de diastole [80]. Parfois, la
dilatation ventriculaire empêche la mitrale de coapter normalement, et il apparaît une IM diastolique
[92]. L’ischémie myocardique est fréquente à cause de l’effondrement de la pression de perfusion
coronarienne (PPC = PAdiast – PtdVG), de la tension sous-endocardique et de la tachycardie.
Physiopathologie de l’insuffisance aortique
L’IA augmente le Vtd du VG ; en diastole, le ventricule est rempli par la pression diastolique de l’aorte
(40-80 mmHg). La tension de paroi est élevée en protosystole, ce qui constitue une augmentation de la
postcharge effective. L’IA représente une surcharge de volume et une surcharge de pression. Elle induit
une dilatation ventriculaire majeure.
L’IA augmente lorsque les RAS s’élèvent et diminue lorsqu’elles s’abaissent. L’éjection du VG est
facilitée lorsque sa postcharge est basse parce que sa dilatation le rend très sensible au stress de paroi
systolique. La baisse des RAS est donc doublement importante:
- l’IA diminue si la pression diastolique baisse,
- l’éjection du VG est améliorée si la pression systolique baisse.
Plus la diastole est longue, plus le volume régurgité est élevé ; la tachycardie permet de le fractionner en
plus petites unités et de diminuer ainsi la fraction de régurgitation et la dilatation ventriculaire. La
tachycardie est bénéfique, alors que la bradycardie est dangereuse. Fréquence optimale : 80-90 batt/min.
L’IA induit une hypertrophie excentrique. La FE ne traduit pas la fonction réelle du VG ; les dimensions
télésystoliques sont une meilleur critère. La fonction est diminuée lorsque le Vts est > 2.5 cm/m2.
L’ischémie myocardique se développe tardivement sur trois phénomènes :
- ↑ mVO2 sur ↑ tension de paroi,
- ↓ DO2 par ↓ PAdiast et ↑ PtdVG,
- développement capillaire insuffisant par rapport à la masse contractile.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
193
L’IA aiguë provoque rapidement un choc cardiogène qui nécessite une prise en charge intensive avec
soutien inotrope (dobutamine) et vasodilatation (nitroprussiate). Les β-bloqueurs et la contre-pulsion
intra-aortique sont contre-indiqués. Le RVA s’impose en urgence.
Manifestations cliniques
Bien que la capacité à l’effort soit plus rapidement limitée dans l’insuffisance aortique que dans la
sténose, les symptômes de l’IA sont tardifs dans l’évolution de la maladie, et ne se manifestent qu’après
une période de 3 à 10 ans lorsque survient la cardiomégalie et la dysfonction ventriculaire,
habituellement entre 40 et 50 ans [26]. La symptomatologie dominante est d’emblée celle de
l’hypertension veineuse pulmonaire: dyspnée d’effort puis de repos, orthopnée, et enfin oedème
pulmonaire; l’angor est plus rare (20% des cas). Classiquement, la dyspnée et l’angor réveillent le
malade au milieu de la nuit, lorsque la baisse de la fréquence cardiaque provoque une dilatation
progressive du VG et que la pression diastolique chute considérablement (jusqu’à 30 mmHg). Souvent,
il lui suffit de déambuler pendant une demi-heure pour que la fréquence cardiaque augmente et que la
dyspnée régresse.
Le grand volume systolique, le pouls bondissant, la très grande pression différentielle et le flux
diastolique rétrograde dans l’aorte thoracique descendante sont à l’origine des signes physiques
classiques: apex arrondi et hyperdynamique, signe de Musset (hochement de tête avec chaque systole),
pouls de Corrigan (pulsus altus et celer) [34]. La courbe artérielle est très ample ; la pente ascendante
est verticale, la diastolique basse et la pression pulsée (PAsyst – PAdiast) de 80-100 mmHg (voir
Figure 11.112B). A l’auscultation, on entend un souffle diastolique decrescendo de tonalité élevée
irradiant vers l’apex, maximum au troisième et quatrième espace intercostal gauche en position
parasternale (Figure 11.101). Il est souvent accompagné d’un roulement mésodiastolique (souffle
d’Austin Flint), occasionné par la vibration du feuillet antérieur de la valve mitrale contre lequel le jet de
l’IA se réfléchit [22]. La sévérité de l’insuffisance est mieux corrélée à la durée qu’à l’intensité du
souffle [34].
Roulement
de Flint (2)
OG
Ao
FM
A
VG
3
1
2
B1
B2
B1
Figure 11.101 : Souffles d'insuffisance aortique: souffle diastolique doux et piaulant (1) ; il est accompagné du
roulement de Flint au foyer mitral (2), dont l’origine est une vibration diastolique du feuillet mitral antérieur
(FMA) sous l’effet du jet de régurgitation qui en longe la face ventriculaire; il s’y ajoute un souffle éjectionnel
aortique si le flux systolique est très élevé (3).
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
194
L’ECG affiche les signes d’une dilatation gauche: déviation gauche, Q prédominant et T pointu dans les
territoires gauches; une inversion de l’onde T et un sous-décalage du segment ST non spécifique sont
souvent visibles. La radiographie thoracique montre une cardiomégalie très prononcée.
Alors qu’il n’est que de 6%/an lorsque la fonction du VG est conservée, le taux d’apparition des
symptômes est de 25%/an lorsque le VG est défailllant et dilaté ; la mortalité est alors de 20%/an [23].
Encore une fois, c’est le diamètre télésystolique excessif du VG (> 2.5 cm/m2) qui est le meilleur
prédicteur indépendant de survie [25].
L’insuffisance aiguë se manifeste brutalement par une dyspnée grave, un collapsus cardiovasculaire et
un pré-oedème pulmonaire; le patient est tachycarde et hypoperfusé. Le souffle diastolique est moins
prononcé et moins long, car la pression intraventriculaire est élevée et le gradient aorto-ventriculaire
diminue rapidement en diastole.
Clinique de l’insuffisance aortique
Symptômes apparaissant avec la dilatation et la dysfonction du VG : dyspnée (stase pulmonaire), angor
(tardif). Signes typiques : pouls bondissant et rapide, souffle diastolique. IA aiguë : choc cardiogène.
Caractéristiques de l’insuffisance aortique
Surcharge de volume entraînant une HVG dilatative
Surcharge de pression sur augmentation de la tension de paroi (dilatation)
Fonction VG diminuée (critère de dysfonction : Dtd > 2.5 cm/m2)
Si augmentation des RAS : augmentation de l’IA et de la postcharge du VG
Bradycardie dangereuse : augmentation du volume régurgité par diastole
Examens hémodynamiques
Une coronarographie n’est pratiquée qu’en présence de symptômes ischémiques, ou au-delà de 45 ans
chez les hommes et de 50 ans chez les femmes si un remplacement valvulaire chirurgical est indiqué.
Lorsque l’échocardiographie transthoracique et transoesophagienne n’est pas suffisamment
performante, l’IRM apporte le maximum de renseignements sur l’anatomie de la valve, sur l’IA, et sur
le volume, la masse et la fonction du VG. L’IRM et le CT-scan offrent les images les plus détaillées et
les plus précises de la racine aortique.
Echocardiographie bidimensionnelle
Une insuffisance aortique mineure asymptomatique est présente chez 1% de la population jeune, 5% des
adultes et jusqu’à 13% des personnes âgées [155]. Même si elle n’a pas de signification clinique, elle
peut causer une dilatation aiguë du VG lorsque celui-ci ralentit puis cesse de battre au moment de la
cardioplégie et du clampage aortique en début de CEC. Elle est donc à rechercher systématiquement
avant toute intervention en CEC.
Par analogie à la classification des IM, on décrit 3 types d’IA (Figure 11.98) [27,84].
 Type I : cuspides normales, dilatation de l’anneau aortique ; jet central;
 Type II : excès de tissu et de mouvement d’une ou des cuspides, prolapsus ; jet excentrique;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
195
 Type III : mouvement restrictif des cuspides, calcifications ; jet variable.
La surcharge de volume au régime de pression diastolique de l’aorte entraîne une très forte dilatation du
VG (Vtd > 200 mL). L’image 2D de l’IA est caractéristique (Figure 11.102).
A
B
OG
OG
Ao
CCVG
Ao
CCVG
CCVD
CCVD
C
D
VG
Ao
Figure 11.102 : Images bidimensionnelles d’insuffisance aortique. A : hauteur normale de coaptation des cuspides
aortiques. B : prolapsus de la cuspide coronarienne droite. C : prolapsus de la cuspide non-coronaire en vue
transgastrique. D : orifice de régurgitation central lors de dilatation de l’anneau ; la surface de l’orifice (0.6 cm2)
signe une IA sévère.
 Hypertrophie dilatative et sphéricisation du VG, dilatation modérée de l’OG ;
 Dilatation de la racine de l’aorte ;
 Prolapsus ou déchirure d’une cuspide qui bombe dans la CCVG en diastole, rétraction d’une ou
plusieurs cuspides (vue long-axe 120°) ;
 Défaut de coaptation central avec orifice de régurgitation triangulaire en diastole (vue court-axe
mi-oesophage 40°) ;
 Bombement diastolique du corps du feuillet antérieur de la valve mitrale dans l’OG ; lésion de
jet (jet lesion) au point d’impact de l’IA sur ce feuillet antérieur ;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
196
 Vibration diastolique du feuillet antérieur de la valve mitrale due au jet de l’IA qui le lèche à
vélocité élevée (origine du roulement de Flint).
Echocardiographie Doppler
L’image la plus caractéristique de l’IA est la présence d’un jet diastolique tourbillonnaire dans la
CCVG, dont l’extension en direction du VG est une manière qualitative rapide d’évaluer l’importance
de la régurgitation [256]. Mais cette méthode est peu performante parce qu’elle est tributaire de
l’hémodynamique, des réglages de l’appareil et de l’angle d’analyse. L’extension du jet dépend de sa
Vmax, qui est fonction du ΔP entre l’aorte et le VG en diastole ; elle augmente ou diminue
parallèlement à la pression diastolique aortique ; elle varie également avec la compliance de l’aorte et du
VG. La morphologie du jet, par contre, est une source de renseignements considérable (Figure 11.103
et Figure 11.104) [188,338].
A
B
Aorte
Aorte
CCVG
CCVG
Jet IA central
C
Vena
contracta
Jet IA excentrique
D
CCVG
Vena
contracta
CCVG
PISA
PISA
© Chassot 2011
Figure 11.103 : Insuffisance aortique. A : jet d’IA central en cas de dilatation de l’anneau (maladie de la racine de
l’aorte). B : jet excentrique an cas de lésion d’une cuspide aortique (prolapsus). C : mesure du diamètre de la vena
contracta juste en aval de la valve. D : rapport du diamètre du jet à celui de la chambre de chasse au même niveau.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
197
 Un jet central de symétrie circulaire traduit une fuite liée à une dilatation de l’anneau sans lésion
des cuspides.
 Un jet excentrique est du à une lésion de la valve elle-même ; la fuite est dirigée à l’opposé de la
cuspide qui prolabe ou du côté de celle qui est rétractée.
 Le flux couleur comprend 3 zones : le PISA côté aortique, la vena contracta et la zone
tourbillonnaire allant s’élargissant dans la CCVG.
 Le diamètre de la vena contracta située immédiatement en aval de la valve reproduit la
dimension de l’orifice de régurgitation et ne dépend pas de l’hémodynamique ; un diamètre de >
6 mm correspond à une IA sévère.
 Le rapport entre le diamètre de la vena contracta et celui de la CCVG au même endroit est de ≥
0.6 lors d’une IA sévère.
A
B
OG
Ao
C
D
Figure 11.104 : Flux Doppler couleur dans une IA. A : IA centrale en vue long-axe de l’aorte ascendante. B : IA
centrale en vue transgastrique profonde. C : IA excentrique en vue long axe mi-oesophage. D : IA centrale en vue
court-axe.
Les mesures sont plus fiables dans les IA centrales que dans les IA excentriques. En effet, ces dernières
sont liées à une déformation de la valve et peuvent provenir d’un orifice en forme de fente situé à la
commissure entre deux cuspides. Leur dimension doit être observée dans plusieurs plans. Dans une
maladie aortique, l’axe de l’IA n’est souvent pas le même que l’axe du flux antérograde.
Le flux de l’IA enregistré au Doppler continu en vue transgastrique donne une trace spectrale dirigée
vers le capteur, dont la silhouette est caractéristique (Figure 11.105) [131, 188].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
198
 Vélocité maximale : 3-4 m/s. ; la densité de la trace est fonction de l’importance de l’IA.
 Décélération progressive au cours de la diastole ; la pente de cette décélération est directement
fonction de la vitesse avec laquelle s’égalisent les pressions entre l’aorte et le VG. Si l’orifice de
régurgitation est petit (IA mineure), le ΔP entre l’aorte et le ventricule diminue peu en cours de
diastole et la pente est faible. Si l’orifice est grand (IA sévère), le ΔP baisse rapidement au fur et
à mesure que le VG se remplit ; la pente est très forte.
 La vélocité télédiastolique permet de mesurer la Ptd du VG ; la Vmax à laquelle le flux cesse en
fin de diastole correspond au ΔP entre la pression aortique et la pression intraventriculaire (ΔP =
4 V2IA) ; en soustrayant ce ΔP de la PA diastolique, on obtient la Ptd du VG.
 La pente de décélération de l’IA permet d’en calculer le temps de demi-pression (Pt1/2), qui est
le temps nécessaire pour que la pression décroisse de 50% ou la Vmax de 0.7 [132]. Un Pt1/2 de
< 250 msec correspond à une IA sévère.
Figure 11.105 : Temps de demipression (Pt1/2) de l’insuffisance
aortique ;
c’est
le
temps
nécessaire à la pression pour
diminuer de moitié ou à la Vmax
pour diminuer par un facteur de
0.7. L’enregistrement du flux de
l’IA se fait dans une vue
transgastrique
à
0°
(vue
transgastrique profonde) ou à
120° (vue transgastrique longaxe). A : schéma d’une IA
mineure (pente de décélération
faible) et d’une IA sévère (pente
de décélération forte). B : IA
mineure ; Pt1/2 850 msec. C : IA
sévère ; Pt1/2 238 msec.
120°
A
Pt1/2
Pt1/2
Vmax
0.7
Vmax
IA
mineure
IA
sévère
B
C
VG
Ao
Lorsque l’IA fuit dans le VG, un reflux diastolique apparaît dans l’aorte. Ce flux rétrograde, qui est
proportionnel au degré de régurgitation, est visible d’autant plus loin dans l’aorte que la fuite est plus
importante [304]. En cas d’IA sévère, il est visible dans l’aorte descendante (Figure 11.106).
Les critères échocardiographiques définissant l’IA sévère sont (voir Tableau 11.13) [23,188,318]:
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
199








Hypertrophie dilatative du VG (diamètre télédiastolique > 4 cm/m2) ; absent en cas d’IA aiguë ;
Jet de régurgitation s’étendant jusqu’à mi-ventricule ;
Diamètre de la vena contracta > 0.6 cm ;
Rapport diamètre jet de l’IA/diamètre CCVG > 0.6 ;
Pt1/2 du flux diastolique < 250 msec ;
Volume régurgité ≥ 60 ml (fraction de régurgitation ≥ 45%) ;
Surface de l’orifice de régurgitation > 0.3 cm2 ;
Reflux diastolique dans l’aorte descendante.
Figure 11.106 : Flux dans l’aorte
descendante en cas d’IA sévère, avec
présence d’un reflux holodiastolique
important (flèches). Le flux est
enregistré avec l’axe du Doppler
continu le long du bord de l’écran pour
être le plus en ligne possible avec le
flux dans l’aorte descendante vue en
long axe (90-120°).
Fonction du VG
Jusqu'à la phase de décompensation, la précharge reste haute et la postcharge s’élève ; la fraction
d'éjection (FE) tend à surestimer la fonction réelle du VG, et ne traduit pas la baisse progressive de sa
contractilité. Dans ces conditions, une valeur de 0.5 signe déjà une atteinte significative. Comme c'est le
cas pour l'insuffisance mitrale, les dimensions télésystoliques sont un meilleur critère de la fonction du
VG ; la fonction est altérée lorsque le Dts est > 4 cm ou > 2.5 cm/m2, et le volume télésystolique (Vts) >
50 mL/m2. La souplesse de la paroi est assez bien conservée, mais la courbe de compliance diastolique
est redressée à cause de la tension excessive exercée sur cette paroi.
L’écho permet également de calculer des indices de contractilité qui dépendent moins des conditions de
charge et de fréquence, comme la vélocité de raccourcissement circonférentiel (Vcf) :
Vcf = (Cdiast – Csyst) / Cdiast • Téj
où :
C = circonférence
Téj = durée de l’éjection
Echocardiographie de l’insuffisance aortique
L’échocardiographie permet de définir 3 types d’IA :
- Type I : cuspides normales, dilatation de l’anneau aortique, jet central ;
- Type II : excès de tissu et de mouvement d’une ou des cuspides, prolapsus, jet excentrique ;
- Type III : mouvement restrictif des cuspides, calcifications, jet variable.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
200
Echocardiographie de l’insuffisance aortique
Toujours rechercher soigneusement une IA avant une opération en CEC, car elle peut causer une
dilatation aiguë du VG pendant la cardioplégie ou la fibrillation ventriculaire, même si elle est minime.
Signes échocardiographiques :
- dilatation et sphéricisation du VG, ± dilatation de la racine aortique ;
- prolapsus ou restriction des cuspides ;
- orifice de régurgitation central triangulaire en court-axe ;
- vibration et bombement du feuillet antérieur de la valve mitrale en diastole ;
- jet couleur diastolique ± étendu ; Vmax 3-4 m/s.
Critère de dysfonction du VG : diamètre télésystolique > 2.5 cm/m2.
Critères échocardiographiques de l’IA sévère :
- HVG dilatative (Dtd VG > 4 cm/m2) ; taille du VG normale en cas d’IA aiguë ;
- extension du jet dans le corps du VG (selon conditions hémodynamiques) ;
- vena contracta > 0.6 cm, rapport diamètre vena contracta/diamètre CCVG > 0.6 ;
- surface de l’orifice de régurgitation > 0.3 cm2 ;
- Pt1/2 flux diastolique < 250 msec ;
- volume régurgité ≥ 60 mL, fraction de régurgitation > 45% ;
- reflux diastolique dans l’aorte descendante.
Indications et résultats opératoires
Tant que l’insuffisance aortique est paucisymptomatique et que le ventricule reste compensé, l’histoire
naturelle est généralement favorable: un simple traitement médical vasodilatateur permet une survie de
85% à 5 ans et de 58% à 10 ans [25]. Ceci est vrai pour autant que la fonction ne se détériore pas. Mais
une fois que les manifestations cliniques ou la dysfonction ventriculaire s’installent, la situation se
péjore rapidement: sans intervention, la survie n’est que de 4 ans depuis l’apparition de l’angor et de 2
ans depuis celle de l’insuffisance cardiaque [176]. Le traitement médical consiste en vasodilatation
artérielle (nitroprussiate, nifédipine, hydralazine) ; le β-blocage ne doit être utilisé qu’avec une extrême
prudence, mais il est souvent prescrit à faible dose dans le traitement chronique des IA accompagnées
d’un anévrysme de l’aorte ascendante [22,24]. Cette pharmacothérapie ne remplace pas la chirurgie, qui
est la seule option curative, mais elle a deux applications : la rééquilibration en vue de l’opération,
notamment dans les IA aiguës, et la prise en charge des rares patients inopérables [23,241].
L’indication opératoire est posée dès l’instant où le patient devient symptomatique ou dès que la
dysfonction devient visible à l’échocardiographie, mais avant l’installation d’une dilatation irréversible
[24,147]. Le RVA est indiqué dans les situations suivantes [23,318] :
 IA sévère chez les patients symptomatiques, quelle que soit la fonction et la taille du VG ;
 IA sévère chez les patients asymptomatiques si la fonction du VG est diminuée ou si le
ventricule est dilaté ;
 IA sévère chez les patients opérés simultanément d’une autre valvulopathie ou de pontages
aorto-coronariens.
L’IA isolée, même sévère, chez les patients asymptomatiques et sans dysfonction ni dilatation du VG ou
de l’aorte ascendante n’est pas une indication chirurgicale. La chirurgie est recommandée dès que le
diamètre du VG mesure plus de 2.5 cm/m2 en télésystole [22,159,194]. En effet, plus longue est la
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
201
période de dysfonction préopératoire, moins le ventricule a de chance de retrouver des capacités
normales. S’il n’est pas dilaté de manière irréversible avant le RVA (Dts ≤ 2.5 cm/m2), le VG récupère
partiellement de son hypertrophie excentrique et sa masse diminue ; son volume télédiastolique tend
vers la normale durant le premier mois [28,312]. Mais 60% des patients qui présentaient une
dysfonction et une dilatation préopératoire (Dtd > 4.0 cm/m2) continuent à souffrir d’une dysfonction à
long terme après l’intervention [24,171].
La mortalité opératoire oscille entre 1.2% (patients NYHA I-II) et 10% (patients NYHA III-IV,
dilatation majeure du VG), avec une mortalité moyenne de 2-3% [301,318] et une mortalité tardive de
5-10% par année de survie [82,176]. Lorsque la chirurgie est précoce dans l’évolution de la maladie, la
survie est meilleure: 76% à 10 ans et 55% à 20 ans, au lieu de respectivement < 50% et < 20% lorsque
l’opération est tardive [317].
L’insuffisance aiguë est une indication opératoire d’urgence qui ne peut attendre que les quelques
heures nécessaires à stabiliser l’hémodynamique avec des vasodilatateurs et une assistance ventilatoire.
La contre-pulsion intra-aortique est contre-indiquée, car l’augmentation diastolique accentuerait la
régurgitation.
La bicuspidie est fréquemment associée à l’anévrysme de l’aorte ascendante, défini comme une aorte
dont le diamètre est de > 50% supérieur à la norme. La chirurgie de la valve et de la racine aortique est
indiquée si l’aorte mesure > 4.5 cm de diamètre ou s’accroît de > 0.5 cm/an [23,318]. Lorsque le
diamètre aortique au niveau des sinus de Valsalva atteint 6 cm, la mortalité annuelle sur rupture ou
dissection est de 11% [160]. La taille de l’aorte ascendante définie comme seuil pour un remplacement
est donc plus basse dans la bicuspidie (4.5 cm) que si la valve aortique est tricuspide (5.5 cm), parce que
l’évolution en est plus rapide et le risque de dissection neuf fois plus élevé.
Indications et résultats opératoires
L’indication opératoire au RVA est posée dès que le patient devient symptomatique ou que le VG
commence à dilater (Dts > 2.5 cm/m2, Dtd > 4.0 cm/m2 ) :
- IA sévère chez les patients symptomatiques, quelle que soit la fonction et la taille du VG ;
- IA sévère chez les patients asymptomatiques si la fonction du VG est diminuée ou si le VG
est dilaté ;
- IA sévère chez les patients opérés d’une autre intervention cardiaque ;
- IA sévère et diamètre de l’aorte ascendante > 5.5 cm (tricuspidie) ou > 4.5 cm (bicuspidie) ;
- IA aiguë avec choc cardiogène : RVA en urgence.
Dans ce cadre, les résultats à long terme sont d’autant meilleurs que l’intervention est plus précoce dans
l’évolution de la maladie.
La mortalité opératoire moyenne est 2-3% (1.2% si patient NYHA I-II, 10% si patient NYHA IV).
Principes pour l'anesthésie
Le VG fonctionne à très haut volume de remplissage et souffre d’une surcharge de volume et de
pression. La fraction régurgitée augmente lorsque les résistances artérielles systémiques s’élèvent et
lorsque la durée de la diastole se prolonge. L’anesthésie devra contrer ces phénomènes.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
202
 Précharge: elle doit rester élevée pour compenser le volume régurgité et maintenir le VG sur la
partie haute de la courbe de Starling, mais tout excès augmente la tension de paroi, donc
secondairement la postcharge protosystolique. La marge de manœuvre est faible, car
l’hypovolémie et l’hypervolémie sont mal supportées.
 Postcharge: la baisse des RAS est doublement importante :
o L’IA diminue si la PAdiast baisse;
o L’éjection du VG est améliorée si la PAsyst baisse.
La vasodilatation artérielle systémique est le mieux assurée par l’isoflurane, un alpha-bloqueur
(phentolamine, hydralazine) et/ou le nitroprussiate; de plus, tous trois sont tachycardisants. Les
anticalciques sont déconseilllés (effet inotrope et chronotrope négatifs). En cas d’hypotension
systémique, l’éphédrine (effets α veineux et β) et le volume (perfusions) sont adéquats, mais la
phényléphrine est contre-indiquée car elle a un effet alpha pur et provoque une bradycardie
réflexe. En diminuant les RAS, éviter une hypotension diastolique excessive qui compremettrait
la perfusion coronarienne, notamment s’il existe des signes d’ischémie ; rechercher
empiriquement le meilleur compromis pour chaque cas particulier.
 Contractilité: elle doit être maintenue ou améliorée. Les agents de choix sont des amines à effet
β pur (dobutamine, isoprénaline) et des inodilatateurs comme les anti-phosphodiestérases-3
(milrinone) ou le levosimendan. Le β-blocage est contre-indiqué en peropératoire et dans les
situations aiguës, mais il est souvent prescrit à faible dose dans le traitement chronique des IA
accompagnées d’un anévrysme de l’aorte ascendante. La FE ne traduit pas la fonction
systolique réelle à cause des contraintes de charge très spéciales ; la dimension télésystolique du
VG est un meilleur critère : le VG est dysfonctionnel lorsque son diamètre télésystolique est >
2.5 cm/m2.
 Fréquence: la tachycardie raccourcit la diastole, donc diminue le temps de régurgitation, le
volume régurgité par diastole, le Vtd et la Ptd du VG; la perfusion coronaire est améliorée. La
fréquence idéale voisine 80 batt/minute; il est l’essentiel d’éviter la bradycardie. Agents
recommandés : isoflurane, pancuronium, éphédrine.
 Résistances pulmonaires: normales tant qu'il n'y a pas d'insuffisance mitrale ni de
décompensation gauche.
 Ventilation en pression positive : elle est en général bien tolérée (baisse de la postcharge du
VG) à condition que le retour veineux soit maintenu. Pour autant que la PAP soit normale,
l’hyperventilation est à éviter, car l’hypocapnie induit une vasoconstriction systémique.
Ces principes peuvent se résumer ainsi:
Hémodynamique recherchée en cas d’insuffisance aortique
Précharge élevée
Tachycardie (fréquence 80-90 batt/min)
Vasodilatation systémique (↓ IA, ↓ postcharge VG)
Stimulation inotrope β (dobutamine) ou inodilatateur (milrinone)
Critère de dysfonction du VG : Dts > 2.5 cm/m2
IPPV : ↓ postcharge VG si retour veineux maintenu
Plein – Rapide – Ouvert
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
203
Technique d’anesthésie lors de RVA pour insuffisance aortique
 La technique d’induction dépend du degré de compensation/décompensation du VG.
o Etomidate : seul agent n’altérant ni la précharge, ni la postcharge, ni la contractilité, il
est recommandé s’il existe une dysfonction ou une dilatation du VG.
o Midazolam : adéquat, la baisse du tonus sympathique central entraîne une diminution
des RAS ; le risque est une légère bradycardie.
o Propofol : il baisse la précharge davantage que la postcharge ; possible à dosage adapté
et lent chez les malades stables, en compensant par du volume ; à éviter en cas de
défaillance du VG.
o Fentanils : administration lente à cause de la bradycardie ; fentanyl et sufentanil OK,
mais rémifentanil déconseillé.
o Thiopental, kétamine : leur tachycardie serait bénéfique mais la baisse de contractilité
(thiopental) et l’augmentation des RAS (kétamine) sont prohibitives.
o Eviter une poussée hypertensive à l’intubation avec une anesthésie topique du larynx et
de la trachée.
o Curare : pancuronium.
o La bradycardie est le risque le plus dangereux.
 Maintien de l’anesthésie : rechercher la baisse des RAS et éviter la bradycardie.
o Isoflurane : agent de choix (↓ RAS et tachycardie) ; sevoflurane : peu d’effet sur les
RAS.
o Perfusion de propofol ou de midazolam : adapter les dosages pour que
l’hémodynamique reste stable ;
o Desflurane : déconseillé (↑ RAS et RAP) ;
o IPPV ± PEEP (< 8 cm H2 O) : bénéfique pour le VG pour autant que le retour veineux
soit maintenu.
o Hypotension systémique : ↑ volume (perfusions), éphédrine ; pas de vasopresseur α.
 Eviter la bradycardie qui est le risque le plus dangereux.
 Diminuer les RAS (↓ IA), mais éviter une hypotension diastolique qui compremettrait la
perfusion coronarienne, notamment s’il existe des signes d’ischémie.
 Soutenir la performance contractile;
o Dobutamine ;
o Inodilatateur : milrinone (± adrénaline), levosimendan.
 Monitorage ETO :
o Taille et fonction du VG, degré de dilatation, cinétique segmentaire, fonction du VD ;
o Evaluation de la volémie ;
o Valve aortique : type de lésion, dilatation de la racine de l’aorte, possibilité de
conserver la valve, faisabilité d’une plastie ;
o Si IM : mécanisme;
o Post-CEC : fonctionnement de la prothèse, fuite paravalvulaire, IA résiduelle, IM.
 Cathéter artériel pulmonaire : nécessaire pour évaluer la PAPO et le VS effectif.
o PAPO : elle traduit la pression capillaire pulmonaire (stase), mais sous-estime la
pression diastolique du VG (élevée) en cas de fermeture prématurée de la valve mitrale
par la régurgitation aortique ; très utile pour évaluer la PPC en cas d’ischémie (PPC =
PAM – PAPO) ;
o Mesure du VS antérograde, du DC systémique et de la SvO2 (adéquation aux besoins
métaboliques) ;
o Mesure de la PAP si HTAP ou défaillance droite.
 ScO2 : évaluation de la perfusion périphérique.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
204
CEC et post-CEC
Dès que le coeur cesse d'éjecter en début de CEC, le risque de dilatation ventriculaire gauche est
extrême, car le VG se laisse remplir passivement à travers l'IA par le perfusat de CEC avant le clampage
aortique, et par la solution de cardioplégie après le clampage (voir Figure 11.29). En cas d’hypotension
en début de CEC, il faut éviter d’administrer des vasopresseurs, car ils ne feraient qu’augmenter la
régurgitation. Une fuite massive par l’IA contre-indique l’utilisation d’une canule de cardioplégie à la
racine de l’aorte et oblige à canuler séparément les coronaires après l’aortotomie ou à arrêter le cœur
avec une cardioplégie rétrograde par le sinus coronaire. Dans tous les cas, le VG doit être surveillé à
l’ETO pendant la période critique ; en cas de dilatation, l’opérateur arrête la cardioplégie et vidange le
ventricule.
A la sortie de CEC, le VG doit disposer d’une réserve de précharge suffisante pour fonctionner
adéquatement, car il est inefficace à bas volume de remplissage vu sa taille (Figure 11.107). Le VG
reste dilaté même si les pressions de remplissage diminuent immédiatement; il faut donc maintenir une
certaine hypervolémie et une précharge élevée. Mais un ventricule de grand diamètre est une mauvaise
pompe-pression car sa tension de paroi est plus élevée que celle d’un petit ventricule pour éjecter le
même volume systolique (loi de Laplace). Un soutien par des catécholamines béta est nécessaire, de
même qu’une vasodilatation artérielle en cas d'hypertension. Le rétablissement d'une pression
diastolique normale assure une bonne perfusion coronaire.
Pression
Emax
E’max
Insuffisance
aortique
Post
Boucle PVCEC
normale
Compliance
Volume
V0
VS
Figure 11.107 : Boucle P/V d’un patient en insuffisance aortique avant (IA, en rouge) et après (en vert et jaune)
remplacement valvulaire aortique. La compétence de la prothèse diminue le remplissage diastolique et déplace la
boucle P/V vers la gauche; la pression et le volume systoliques baissent [d’après réf 276].
Chirurgie de la valve et de la racine aortique
Les nombreuses étiologies de l’IA demandent une panoplie d’interventions différentes, et leur
association à la dilatation de la racine de l’aorte commande parfois des opérations particulières (pour les
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
205
détails sur les prothèses, voir Prothèses valvulaires ; pour les détails sur les plasties, voir Autres
plasties).
 Plastie des cuspides : préférable à une prothèse lorsqu’elle est faisable, car l’anticoagulation
n’est pas nécessaire et le taux de thrombo-embolie ou d’endocardite est très bas ; la mortalité
opératoire est d’environ 1% et le taux de succès à 10 ans de 87% ; le taux d’échec immédiat est
de 14% [2].
 Prothèse mécanique : excellents résultats à long terme, mais anticoagulation à vie (INR 3.0-3.5
pendant les 3 premiers mois, puis 2.0-3.0 avec aspirine) ; indiquée de préférence en dessous de
65 ans.
 Bioprothèse montée : après 3 mois d’anticoagulation (INR 2.0-3.0), seule l’aspirine est
nécessaire ; indiquée de préférence > 65 ans ou si contre-indication à l’anticoagulation ; 20-30%
des bioprothèses sont dyfonctionnelles à > 10 ans.
 Bioprothèse sans monture (stentless) : comme les bioprothèses montées présentent toujours un
certain degré de sténose, particulièrement dans les petites tailles, les valves stentless sont une
bonne alternative chez les patients avec un petit anneau aortique ; par contre, elles sont
techniquement plus difficiles à implanter (Figure 11.34).
 RVA + remplacement ou plastie de l’aorte ascendante, en cas de dilatation aortique sans atteinte
des sinus de Valsalva entre la valve et l’aorte (Figure 11.108).
A
B
C
ゥ Chassot 2011
Figure 11.108 : Schéma des interventions sur l’aorte ascendante. A : en cas de pathologie de l’aorte et de la
valve aortique, on peut remplacer séparément la partie tubulaire de l’aorte par un tube en Dacron™ et la valve
par une prothèse (mécanique ou biologique) ; les coronaires restent en place. Ceci n’est possible que si l’ETO
peropératoire démontre que les diamètres de l’anneau valvulaire, des sinus de Valsalva et de la jonction
sinotubulaire sont normaux. B : si la valve aortique ne fuit pas ou ne présente qu’une insuffisance mineure-àmodérée, on ne remplace que la partie tubulaire de l’aorte. C : en adaptant le diamètre de la prothèse tubulaire de
manière à ce que la jonction sino-tubulaire dilatée ait le même diamètre que l’anneau aortique, on peut
resuspendre les cuspides et les amener à une coaptation normale sans changer la valve.
 Opérations de Tirone David et de Yacoub (Figure 11.109) : plasties de resuspension de la valve
aortique par le mode d’implantation proximal de la prothèse tubulaire remplaçant l’aorte
ascendante et englobant les sinus de Valsalva ; une réimplantation des coronaires est nécessaire,
mais le maintien de la valve native supprime l’anticoagulation.
 Opération de Bentall (Figure 11.110): si l’anneau aortique, les sinus de Valsalva et la jonction
entre la valve et l’aorte sont dilatés, on procède à un remplacement en bloc de la valve et de
l’aorte ascendante, avec réimplantation des coronaires dans la prothèse ; l’anticoagulation est
requise en fonction du type de prothèse utilisée (mécanique ou biologique).
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
206
A
B
Pseudosinus
Pseudosinus
Suture
commissurale
montée
Figure 11.109 : Plastie de la valve aortique lors de dilatation de la racine aortique. A : resuspension des cuspides
aortiques par le découpage en trèfle à trois feuilles de la prothèse aortique ascendante et réimplantation coronaire
(opération de Yacoub). B : resuspension et inclusion de la valve aortique et de l’anneau dans la prothèse tubulaire,
réimplantation coronaire (opération de Tyrone David). Pour réaliser l’opération de Yacoub, le diamètre de la
racine aortique doit mesurer < 3 cm.
Figure 11.110 : Dans l’opération de Bentall,
la prothèse comprend, d'un seul tenant, une
valvle prosthétique mécanique ou biologique
et un tube. L'intervention consiste à
remplacer la valve aortique et l'aorte
ascendante, et à réimplanter la coronaire
droite et le tronc commun dans la prothèse.
Lors de lésion anévrysmale de la racine
aortique, la partie tubulaire de la prothèse est
courte, ; l’anastomose distale a lieu au milieu
de l’aorte ascendante. Dans le cas présent,
l'anastomose distale est réalisée sur la partie
proximale de la crosse ; elle a lieu à clamp
ouvert en arrêt circulatoire pour permettre un
matelassage de l'orifice de la crosse et une
suture de la paroi aortique et de la membrane
d’une dissection.
© Chassot 2011
 Conduit valvé VG – aorte descendante : en cas de réopérations multiples, il est possible de
court-circuiter la racine aortique au moyen d’un tube en Dacron muni d’une prothèse
valvulaire ; le système est implanté dans l’apex du VG et anastomosé en termino-latéral sur
l’aorte descendante ; l’opération se pratique par thoracotomie gauche [62].
 Homogreffe : valve aortique avec manchon d’aorte ascendante prélevée sur un cadavre humain
et conservée dans l’azote liquide (- 196°C). Bien qu’elle ait un taux d’attrition accéléré, elle a
un excellent profil hémodynamique, cause peu d’embolie et est résistante aux infections ; elle
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
207
est particulièrement indiquée en cas de remplacement valvulaire pour endocardite [164]. Elle
peut être utilisée comme valve en position sous-coronarienne, implantée à l’intérieur des sinus
de Valsalva s’ils sont modérément dilatés (mini-root replacement), ou en remplacement de la
racine de l’aorte avec réimplantation des coronaires (full-root replacement).
 Opération de Ross (Figure 11.111): transposition de la valve pulmonaire en position aortique
(avec réimplantation des coronaires) et mise en place d’une homogreffe ou hétérogreffe en
position pulmonaire. Cette technique, complexe et difficile, évite l’implantation d’une prothèse
mécanique, donc l’anticoagulation ; chez l’enfant, elle permet la croissance de la valve jusqu’à
une taille adulte. La mortalité opératoire est de 3% et la mortalité à long-terme < 1%/an ; le taux
de détérioration de l’autogreffe aortique est de 1%/an, mais celui de l’homogreffe/hétérogreffe
de la voie droite est plus élevé (2-3%/an) [306]. L’intérêt de cette stratégie est d’avoir une valve
native en position aortique. Lorsque l’homogreffe/hétérogreffe dégénère, la voie pulmonaire
peut accomoder une insuffisance, même importante ; si l’homogreffe souffre de sténose, on peut
la dilater par cathétérisme sans risque d’embolie systémique. Les mêmes lésions d’usure en
position aortique imposeraient la mise en place d’une prothèse. Les contre-indications à
l’opération sont une IA avec dilatation de la racine aortique, une valve pulmonaire bicuspide et
une discordance de > 3 mm entre le diamètre de l’anneau aortique et celui de l’anneau
pulmonaire. Après la CEC, la néo-valve aortique doit être compétente (IA tolérée : degré ≤
I/IV), coapter au niveau de l’anneau (pas de prolapsus) sur une hauteur de > 4 mm, et avoir un
gradient maximal < 20 mmHg ; si ces conditions ne sont pas remplies, un retour en pompe
s’impose. Les anti-hypertenseurs diminuent le stress sur la néo-valve aortique et un traitement
anti-inflammatoire prolonge la survie de l’homogreffe pulmonaire [306].
Chirurgie de l’insuffisance aortique
Risque majeur de dilatation aiguë du VG lors de la bradycardie, de la fibrillation ventriculaire et de la
cardioplégie en début de CEC ; surveillance attentive du volume du VG à l’ETO. Avant le clampage
aortique, ne pas utiliser de vasopresseurs alpha en cas d’hypotension (augmentation de l’IA).
Opérations selon l’étiologie de l’IA et la dilatation de la racine aortique :
- plastie des cuspides ou remplacement par une prothèse (RVA),
- resuspension de la valve par la prothèse de l’aorte ascendante,
- plastie ou RVA + remplacement de l’aorte ascendante,
- remplacement en-bloc de la valve, de la racine de l’aorte et de l’aorte ascendante (Bentall),
- autotransplantation de la valve pulmonaire en position aortique (opération de Ross).
Post-CEC : la grande taille du VG contraint à maintenir une précharge élevée et un soutien inotrope
(dobutamine) ; éviter l’hypertension artérielle (excès de postcharge).
Dans toutes ces interventions, l’ETO peropératoire est de la plus extrême importance pour évaluer l’état
de la valve et de la racine aortique, afin de décider quel type d’intervention est le plus approprié à
chaque cas. Il faut répondre à plusieurs questions essentielles.





L’IA est-elle secondaire à une affection des cuspides ou de la racine aortique ?
Peut-on conserver la valve et n’en resuspendre que les commissures ?
Si les feuillets sont atteints ou en cas de bicuspidie, peut-on procéder à une plastie ?
Peut-on conserver les sinus de Valsalva et la jonction sino-tubulaire ?
La dilatation de la racine aortique et la pathologie en cause nécessitent-elles de remplacer enbloc la valve et l’aorte ascendante (Bentall) ?
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
208
Alors qu’elle donne de très mauvais résultats en cas de lésion calcifiée, dégénérative ou rhumatismale,
la plastie de la valve aortique est une excellente technique pour l’IA liée à une bicuspidie ou à un
prolapsus. La technique est réservée à des centres spécialisés car elle demande une bonne expérience de
cette chirurgie, mais elle permet de conserver la valve native, d’éviter l’anticoagulation et de minimiser
les risques infectieux et thrombo-emboliques. Le taux de réopération à 10 ans est de 13-15% [220].
A
B
2
Ao
1
AP
CCVD
C
D
E
CCVG
Ao
CCVD
Figure 11.111 : Opération de Ross. Après excision de la valve aortique, la valve pulmonaire du patient est
prélevée avec un manchon de chambre de chasse droite ; elle est transplantée en position aortique (autogreffe) et
les coronaires y sont réimplantées. La valve pulmonaire est remplacée par une homogreffe ou une hétérogreffe. A :
illustration de l’opération. 1 : autogreffe et néovalve aortique. 2 : homogreffe pulmonaire. B : hauteur de
coaptation satisfaisante de la valve pulmonaire (flèche jaune). Le prélèvement du manchon de chambre de chasse
implique de disséquer longitudinalement le septum interventriculaire ; l’examen pré-CEC doit en mesurer
l’épaisseur en dessous de la valve pulmonaire (flèche rouge, 1.6 cm) pour indiquer au chirurgien la profondeur à
laquelle il peut inciser le septum sans risque de créer une communication avec la chambre de chasse droite (CIV).
Le section de la première artère septale, qui passe à ce niveau, peut entraîner une nécrose du septum et une CIV
postopératoire. C : flux néo-aortique après mise en charge (ΔPmax 18 mmHg). D : flux néo-pulmonaire après
CEC à travers l’hétérogreffe (ΔPmax 8 mmHg). E : vue long axe de la néovalve pulmonaire ; le résultat est
insatisfaisant car les cuspides prolabent dans la chambre de chasse en dessous du plan de l’anneau (pointillé) et la
hauteur de coaptation est inférieure à 1 mm.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
209
Maladie aortique
L’association d’une sténose et d’une insuffisance aortiques augmente considérablement le travail
cardiaque: le VG subit à la fois une surcharge de volume et de pression. L'hypertrophie est très
importante, à prédominance excentrique ou concentrique selon l'effet hémodynamique le plus marqué.
La décompensation est rapide et l'angor fréquent, car la consommation d'O2 est très élevée. Lorsqu'elle
évolue progressivement, la maladie se comporte hémodynamiquement comme une sténose aortique
parce que la restriction est la pathologie la plus contraignante [23].
Principes pour l'anesthésie:




Précharge élevée;
Fréquence normale;
Contractilité: soutien nécessaire, mais risque d'angor si mVO2 trop élevé;
Résistances systémiques: basses si prédominance d'insuffisance (rare), maintenues ou élevées si
prédominance de sténose (habituel);
 Résistances pulmonaires: normales ;
 Tolérance à l’IPPV : tester avec une manœuvre de Valsalva avant l’induction.
A l'induction d'un patient souffrant de maladie aortique, le problème le plus délicat pour l'anesthésiste
est de déterminer comment gérer une hypotension. Un vasoconstricteur alpha s'impose si la sténose
prédomine, mais il peut décompenser une insuffisance; remplissage et effet béta sont recommandés pour
l'insuffisance, alors que l'accélération du rythme est néfaste à la sténose. A l'induction d'une opération
de remplacement aortique, la non-réponse à la néosynéphrine (2-3 bolus successifs de 100 mcg) doit
immédiatement faire suspecter une composante d'insuffisance significative. Comme les examens
figurant dans le dossier du malade ne permettent pas toujours de déterminer l'affection dominante,
l'analyse de la courbe de pression artérielle est un bon indice (Figure 11.112):
 En cas de sténose, le dP/dt est diminué, éventuellement angulé au cours de son ascension à
cause de l'ouverture limitée de la valve, le pic est plutôt arrondi, et l'amplitude du pouls est
faible (pulsus parvus et tardus);
 En cas d'insuffisance, le dP/dt est plus raide, la courbe est pointue, le dicrotisme diastolique est
absent et la pression diastolique est très basse (< 50 mmHg); l'amplitude du pouls est très
grande (pulsus altus et celer).
C'est évidemment l'échocardiographie qui apportera la réponse la plus pertinente en visualisant la valve,
les flux et le remodelage des cavités gauches: petit ventricule hypertrophié dans la sténose, grand
ventricule dilaté dans l'insuffisance. Dans les examens déjà subis par le malade, la recherche de la taille
du ventricule gauche est l'élément le plus pertinent pour déterminer la contrainte majeure (Figure
11.113).
Hémodynamique recherchée en cas de maladie aortique
Précharge élevée
Maintenir la fréquence spontanée
RAS élevées si prédominance de sténose
RAS basses si prédominance d’insuffisance
PAdiast selon le risque ischémique
Stimulation inotrope β (dobutamine)
Critère de dysfonction : dilatation du VG (Dtd > 4.0 cm/m2, Dts > 2.5 cm/m2)
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
210
A
B
dP/dt
dP/dt
Dicrotisme
PAdiast
Angulation
Dicrotisme
© Chassot 2011
Figure 11.112 : Modifications de la silhouette de la courbe artérielle en cas de prédominance de sténose ou
d'insuffisance aortique. A: sténose dominante; le dP/dt est diminué, angulé, le pic est arrondi, l'amplitude est
faible. B: insuffisance dominante; le dP/dt est redressé, le pic pointu, le dicrotisme diastolique absent, la pression
diastolique basse; l'amplitude du pouls est très grande.
A
B
OG
OG
VG
VG
© Chassot 2011
Figure 11.113 : Modifications de la silhouette du coeur à l’échocardiographie en cas de maladie aortique à
prédominance de sténose (A) ou d’insuffisance (B). A: HVG concentrique, petite cavité ventriculaire, OG dilatée
(dysfonction diastolique). B: HVG dilatative, grande cavité ventriculaire, OG modérément agrandie.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
211
Pathologie tricuspidienne
Les trois feuillets de la valve tricuspide sont de tailles inégales : le feuillet antérieur est le plus grand, le
feuillet postérieur est de taille moyenne, et le feuillet septal est plus petit et plus restrictif ; ses attaches
sur le septum interventriculaire limitent ses mouvements. L’anneau fibreux tricuspidien est incomplet ;
il ne s’étend pas à la partie postéro-latérale, raison pour laquelle il s’agrandit dans cette direction
lorsqu’il se dilate (voir Figure 11.11 et Figure 11.114). Comme l’anneau mitral, il a une forme en selle
avec les points surélevés en position antéro-postérieure ; sa surface se rétrécit de 30% en systole [273].
Mesuré en vue échocardiographique 4 cavités, le diamètre normal est de 2.8 ± 0.5 cm ; la dilatation est
significative lorsqu’il est ≥ 3.5 cm (2.1 cm/m2) [187,291]. La dilatation de l’anneau tricuspidien et de la
paroi libre du VD entraîne une insuffisance tricuspidienne (IT) parce que les feuillets antérieur et
postérieur ne peuvent plus se rejoindre en systole (Figure 11.115).
OG
F Ant
OD
F Sept
VG
VD
F Post
A
© Chassot 2011
B
Figure 11.114 : Valve tricuspide et mesures du diamètre de l’anneau tricuspidien. A : schéma de la valve vue
depuis l’OD ; le septum est sur la gauche de l’image. Les trois feuillets de la valve tricuspide sont de tailles
inégales : le feuillet antérieur est le plus grand, le feuillet postérieur est de taille moyenne, et le feuillet septal est
plus petit et plus restrictif. L’anneau fibreux tricuspidien (en jaune) est incomplet ; il ne s’étend pas à la partie
postéro-latérale. Lors de dilatation, la valve s’agrandit dans la direction postéro-latérale (flèches bleues). B: vue
échocardiographique transoesophagienne en 4-cavités; le diamètre normal est de 2.8 ± 0.5 cm ; la dilatation est
significative lorsqu’il est ≥ 3.5 cm [187]; ces images bidimensionnelles sous-estiment le diamètre anatomique réel.
Dans le champ opératoire, le diamètre est mesuré entre la commissure antéro-septale et la commissure antéropostérieure (double flèche bleue en A). On voit bien le décalage d’environ 1 cm qui existe entre l’insertion septale
de la valve tricuspide et celle de la valve mitrale.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
212
OG
OD ↑
OG
OD
IT
IT
VG
VG
VD
VD ↑
A
HVD
Apex: VD
B
© Chassot 2011
Figure 11.115 : Insuffisance tricuspidienne sur dilatation et dysfonction du VD. A : le VD est dilaté et
hypertrophié (HVD) ; le septum interventriculaire bombe dans le VG et en restreint le remplissage diastolique. La
dilatation de l’anneau tricuspidien entraîne une régurgitation (IT) ; l’OD est dilatée, le septum bombe fortement
dans l’OG. L’apex du cœur est constitué par le VD et non par le VG comme normalement. B : vue ETO 4-cavités
lors d’un épisode d’embolie pulmonaire aiguë chez un patient dont le VD est hypertrophié sur hypertension
pulmonaire chronique.
Insuffisance tricuspidienne
La grande majorité des insuffisances triscuspidiennes n’est pas liée à une pathologie de la valve, mais
est secondaire à une dilatation du ventricule droit et de l’anneau tricuspidien :
 Valvulopathie gauche on insuffisance du VG entraînant une hypertension pulmonaire
postcapillaire ;
 Hypertension pulmonaire, quelle qu’en soit la cause ;
 Dysfonction du VD ( insuffisance, cardiomyopathie, ischémie ou infarctus).
La lésion primaire des feuillets tricuspidiens est une affection plus rare (25% des cas opérés), qui relève
de nombreuses étiologies (Figure 11.116 et Figure 11.117) [36,168,273].
 Maladie d'Ebstein: les feuillets postérieur et septal sont bas-insérés et se retrouvent en position
intraventriculaire; la cavité du VD est rétrécie, toute sa portion basale étant "atrialisée" ; le
feuillet antérieur peut être insuffisant pour permettre l’occlusion ou redondant et basculer dans
l’OD ; dans les deux cas, l’IT est importante.
 RAA: encore fréquent dans les pays non-industrialisés, la maladie conduit à une combinaison
d’insuffisance et de sténose par restriction et fibrose des feuillets et des cordages.
 Dégénérescence myxoïde (Barlow) et bascule de feuillet : en général associée à un prolapsus
mitral.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
213
 Fibro-élastose endomyocardique : rétraction des feuillets et des cordages, fréquente en Afrique
tropicale.
 Traumatisme: rupture de pilier ou déchirure de feuillet. Lors de traumatisme thoracique, la
tricuspide et la paroi libre du VD sont les parties les plus antérieures du coeur, donc les plus
exposées au choc; un traumatisme thoracique fermé est souvent rencontré dans l’anamnèse des
patients présentant une IT isolée [117].
 Endocardite: incidence particulièrement élevée chez les toxicomanes et les porteurs de cathéter
implanté (pace-maker).
 Syndrome carcinoïde : dépôts de plaques fibreuses, épaississement et restriction des feuillets.
 Iatrogénie : une sonde de pace-maker / défibrillateur ou un cathéter artériel pulmonaire
empêchent l’occlusion des feuillets et provoquent une IT bénigne.
 Toxicité médicamenteuse: méthysergide, ergot de seigle, fenfluramine, phentermine, aminorex,
benfluorex, pergolide.
A
B
OG
OD
VG
VD
C
D
OD
SC
OD
VD
VD
Figure 11.116 : Images ETO d’insuffisance tricuspidienne (IT) de différentes étiologies. A : maladie d’Ebstein ;
les feuillets septal et postérieur de la valve sont bas-insérés à l’intérieur de la cavité ventriculaire (flèches jaunes) ;
leur insertion normale serait au niveau localisé par les flèches vertes. Le volume situé entre les flèches jaunes et
vertes est la zone d’atrialisation du VD. Les feuillets ne se rejoignent pas en systole (double flèche rouge), ce qui
génère une IT sévère. B : IT modérée-à-sévère sur RAA en vue 4-cavités 0°. C : vue 4-cavités (position en bas
oesophage) d’une insuffisance tricuspidienne massive lors de syndrome carcinoïde ; les feuillets sont épaissis,
restrictifs, et ne coaptent pas en systole. SC : sinus coronaire. D : Vue identique avec le flux Doppler couleur ; la
vena contracta est large (> 1 cm) ; il existe un PISA important.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
214
A
B
OG
OD
OG
VG
VG
OD
VD
VD
C
D
OG
OD
OD
VD
VG
VD
Figure 11.117 : images ETO d’insuffisance tricuspidienne (IT) de différentes étiologies. A : rupture traumatique
de cordages entraînant un bascule du feuillet antérieur. B : même cas, avec le jet massif de l’IT, dirigé vers le
septum interauriculaire. C : IT sur hypertension pulmonaire ; le VD et l’OD sont dilatés. D : bascule du septum
interauricuaire qui est tendu dans l’OG ; c’est souvent le premier élément qui frappe à l’écran lorsqu’on surveille
le cœur en 4-cavités et que survient une défaillance droite aiguë.
Physiopathologie
Comme le coeur droit fonctionne à un régime de pression physiologiquement très bas, la valve
tricuspide n’est pas construite pour être aussi étanche que la mitrale. Une insuffisance mineure est
banale et ne présente aucune conséquence, car elle n’entraîne qu’un faible volume de régurgitation dans
un système qui peut accommoder de larges variations de volume. Elle est présente chez près de 75% de
la population à partir de 50 ans [187]. Même lorsqu’elle est plus importante, la lésion est en général bien
tolérée par le VD, qui est une excellente pompe-volume. Lorsque la postcharge du VD est trop élevée
(HTAP, stase gauche), l’éjection rétrograde de l’IT fonctionne comme une soupape de pression et
abaisse la tension de paroi ventriculaire. Dans les cas où la fraction régurgitée est très importante, le
débit antérograde pulmonaire peut diminuer. Cette situation est défavorable à la précharge du ventricule
gauche pour deux raisons:
 Le débit pulmonaire limité diminue le retour à l’OG;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
215
 La dilatation du VD fait bomber le septum interventriculaire vers la gauche en diastole et limite
le remplissage du VG: c’est l’effet Bernheim (voir Figure 11.14 et Figure 11.115).
Lorsqu’elle est importante, l’IT représente une surcharge de volume pour le VD ; ce dernier tend à se
dilater, ce qui agrandit l’anneau tricuspidien et augmente l’IT. Il se crée ainsi un cercle vicieux lié à la
souplesse des structures droites. La silhouette de celles-ci varie selon la durée de l’IT.
 IT aiguë : dilatation modeste de l’OD et du VD, septum interauriculaire basculé et tendu dans
l’OG, PVC très augmentée, onde"v" massive ;
 IT chronique : dilatation sévère de l’OD et du VD, HVD dilatative, empiètement du septum
interventriculaire dans le VG, jet d’IT large à sa base, onde"v" variable car tamponnée par la
dilatation de l’OD.
L’apparition ou l’amplification d’une IT est un bon marqueur de décompensation droite ou
d’hypertension pulmonaire momentanée: infarctus ou défaillance du VD, embolie pulmonaire,
surcharge aiguë de volume, administration de protamine après la CEC, PEEP excessive, etc. En effet,
l’importance de l’IT est directement proportionnelle aux résistances artérielles pulmonaires : elle
augmente lorsque les RAP augmentent. A l’ETO, c’est souvent le bascule soudain du septum
interauriculaire tendu et bombé dans l’OG qui attire l’attention en premier lieu (voir Figure 11.117D).
Manifestations cliniques
La symptomatologie clinique de l’IT est liée à la stase systémique en amont et/ou à ses étiologies en
aval : hypertension pulmonaire, maladie mitrale ou insuffisance du VG. L'oreillette droite étant très
compliante, la pression n'y augmente que lorsque la régurgitation est massive ou soudaine. L’onde "v"
devient proéminente sur la courbe de PVC ; elle est mésosystolique, alors que son pic est normalement
télésystolique. Dans ce cas, la courbe de PVC ressemble à celle du VD: la descente "x" s’efface et la
courbe est dominée par l’onde "v", qui est plus précoce que normalement, avec une descente "y" très
ample [141]. L’importance de l’onde "v" n’est pas proportionnelle à celle de l’IT à cause de la
compliance de l’OD : lorsqu’elle est dilatée, celle-ci absorbe le volume régurgité sans grande
modification de pression (compliance élevée) ; l’onde est surtout visible dans les cas aigus où la
compliance de l’OD est normale. Si la pression en OD devient supérieure à celle de l'OG, un shunt D G cyanogène peut s'installer par la réouverture du foramen ovale s’il n’était pas fusionné avec le
septum; ceci peut également survenir lors de manoeuvres de Valsalva ou de ventilation contrôlée avec
PEEP [63].
Les arythmies sont fréquentes, car elles sont liées à la dilatation de la cavité : tachy-arythmies susjonctionnelles (dilatation de l’OD), tachy-arythmies ventriculaires (dilatation du VD).
Echocardiographie
Les images échocardiographique de l’IT sont typiques (Figure 11.117 et Figure 11.118). Le Doppler
couleur est un moyen pratique de diagnostiquer la présence d’une IT et d’en évaluer grossièrement
l’importance, mais il n’est pas une technique adéquate pour une quantification précise, car il dépend de
la force de contraction du VD, des RAP et de la PVC [187]. Les critères d’une insuffisance
tricuspidienne sévères sont cliniques et échocardiographiques (Tableau 11.14) [187,238,314]:






Stase veineuse systémique, oedème périphérique, hépatomégalie, ascite, pulsatilité jugulaire ;
PVC élevée avec présence d’une importante onde "v" mésosystolique ;
Dilatation de l’OD (diamètre ≥ 5 cm), débord droit de la silhouette radiologique ;
Dilatation du VD et de l’anneau tricuspidien (diamètre > 3.5 cm en vue 4-cavités) ;
Dilatation du sinus coronaire ;
Bombement du septum interauriculaire dans l’OG ;
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
216
 Non-coaptation centrale des feuillets ;
 Jet de l’IT occupant plus du tiers de l’OD (dépend des conditions hémodynamiques) ; Vmax 2-3
m/s (dépend de la fonction du VD) ;
 Orifice de régurgitation ≥ 0.4 cm2, volume de régurgitation ≥ 45 mL ;
 Diamètre du jet > 0.7 cm ;
 Inversion du flux systolique dans la VCI et la VCS, qui sont dilatées et pulsatiles ; l’absence de
cette inversion n’exclut pas une IT sévère.
OD
VD
A
B
Figure 11.118 : Quantification d’une insuffisance tricuspidienne sévère. A : très large vena contracta (2.2 cm) lors
d’une IT massive sur RAA (vue 4-cavités). B : planimétrie du jet couleur (11.5 cm2) et mesure du diamètre de la
vena contracta (0.8 cm) en vue transgastrique (vue admission du VD 100°).
Tableau 11.14
Critères de quantification de l’insuffisance tricuspidienne
Paramètres structuraux
Taille de l’OD
Taille du VD
Veine cave inférieure
Feuillets tricuspidiens
Critères spécifiques
Etendue du jet couleur**
Vena contracta***
PISA (rayon 1er aliasing)****
Reflux systolique V sus-hép
Orifice de régurgitation
Volume régurgité
IT mineure
IT modérée
IT sévère
normale
normale
normale
normaux
normale/peu dilatée
normale/peu dilatée
normale/peu dilatée
remaniés
dilatée*
dilatée*
dilatée
non-coaptation
prolapsus, rupture de
cordage/MP
< 4 cm2
5-10 cm2
< 0.6 cm
0.5-0.9 cm
flux amorti
0.2 – 0.3 cm2
< 40 mL
> 10 cm2
> 0.7 cm
> 0.9 cm
présent
> 0.4 cm2
> 45 mL
absent
absent
* En l’absence d’autres raisons d’une dilatation; dilatation modérée en cas d’IT aiguë
** Dépend de l’hémodynamique et de la morphologie du jet; échelle couleur de 0.5 m/s
*** Valeur pour une échelle couleur de 0.5 m/s
**** Valeur pour une échelle couleur de 0.3 m/s
MP: muscle papillaire. Sources: références 23, 187, 318 et 338.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
217
Caractéristiques de l’insuffisance tricuspidienne
Surcharge de volume du VD (bien tolérée)
IT augmente si RAP augmentent
Faible tolérance du VD dilaté à une augmentation de postcharge
Stase systémique
Si l’IT est secondaire à une HTAP ou à une pathologie gauche, celles-ci dominent l’hémodynamique
IT primaire (25% des cas) : maladie organique des feuillets
IT secondaire (75% des cas) : due à dysfonction VD, HTAP, valvulopathie gauche, dysfonction VG
Critères de l’IT sévère :
- stase systémique
- PVC ↑ (onde v ↑)
- dilatation de l’OD et du VD, diamètre anneau tricuspidien > 3.5 cm
- bombement du septum interauriculaire dans l’OG
- large jet d’IT (diamètre > 0.7 cm)
- orifice de régurgitation ≥ 0.4 cm2, volume régurgité > 45 mL
ΔP = 4 (Vmax)2
ΔP = 4 (VIT)2
PAPs = 4 • 2.52 + POD
PAPs = 35 mmHg
OD
VD
Figure 11.119 : Calcul de la pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs) par la vélocité du flux de
l'insuffisance tricuspidienne. L'équation de Bernouilli simplifiée stipule que le gradient de pression entre deux
cavités est égal à 4 fois le carré de la vélocité maximale du flux sanguin entre ces deux cavités: ΔP = 4 (Vmax)2.
En systole, l'IT est fonction du ΔP entre le VD et l'OD. En l'absence de pathologie sur la valve pulmonaire
(rarissime chez l'adulte), la PAPs est donc la somme du ΔP VD - OD et de la pression moyenne de l'OD. Celle-ci
est estimée par le degré de collapsibilité des veines caves ; les valeurs utilisées sont 5 mmHg en hypovolémie, 10
mmHg en normovolémie et 15 mmHg en hypervolémie. Dans ce cas, la Vmax de l’IT est 2.5 m/s (flèche jaune)
sur l’affichage du Doppler spectral ; on estime la POD à 10 mmHg ; le calcul donne une PAPsyst de 35 mmHg.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
218
La présence d’une IT permet de calculer la PAP systolique par le truchement de l’équation simplifiée de
Bernoulli (voir Chapitre 25, Equation de Bernoulli). Cette équation stipule que le gradient de pression
entre deux cavités est égal à 4 fois le carré de la vélocité maximale du flux sanguin entre ces deux
cavités: ΔP = 4 (Vmax)2. En systole, la Vmax de l'IT est fonction du ΔP entre le VD et l'OD. En
l'absence de pathologie sur la valve pulmonaire (rarissime chez l'adulte), la pression pulmonaire
systolique (PAPs) est donc la somme du ΔP VD - OD et de la pression moyenne de l'OD. (Figure
11.119).
PAPs = (4 • V2IT) + POD
La POD est mesurée par la PVC ou estimée par le degré de collapsibilité des veines caves ; les valeurs
utilisées sont 5 mmHg en hypovolémie, 10 mmHg en normovolémie et 15 mmHg en hypervolémie.
Cette technique de calcul de la PAPsyst tend en général à surestimer légèrement la pression pulmonaire.
Indications et résultats opératoires
Une insuffisance organique sévère symptomatique est une indication chirurgicale. Mais dans 75% des
cas, la thérapeutique de l’insuffisance tricuspidienne est d’abord celle de la défaillance droite (voir
Tableau 12.5), de l’hypertension pulmonaire (voir Tableau 12.10), et des pathologies gauches. Bien
que l’on ait longtemps considéré que ce traitement suffise à diminuer la régurgitation à des valeurs sans
signification clinique, il s’est avéré que la persistence d’une IT significative après chirurgie mitrale, lors
d‘HTAP ou lors d’insuffisance droite péjore considérablement le pronostic, même si le patient est
asymptomatique [36,231,273,291] ; de plus, l’IT tend à s’aggraver avec le temps [81,231]. L’attitude
chirurgicale est donc devenue plus interventioniste ces dernières années. Les indications actuellement
reconnues sont les suivantes [23,81,291,318].
 IT sévère symptomatique d’origine organique ou fonctionnelle, IT sévère avec symptômes
d’insuffisance droite ;
 IT sévère chez les malades requérant une chirurgie mitrale ;
 Dilatation annulaire (D > 3.5 cm en 4-cavités) chez les malades requérant une chirurgie
mitrale et souffrant d’HTAP, quelle que soit l’importance de l’IT ;
 IT sévère traumatique, même si asymptomatique (non en urgence) ;
Une plastie est préférable à un remplacement valvulaire, sauf dans les cas où les feuillets sont trop
déformés ou trop restrictifs. En l’absence de pathologie gauche, une IT sévère chez un patient
asymptomatique n’est pas une indication opératoire, même en cas de dysfonction du VD ; l’IT sévère
post-traumatique est une exception à cette règle.
Lorsqu’elle est secondaire, l’insuffisance tricuspidienne évolue parallèlement à la taille de l’anneau
[187]. La mesure du diamètre de celui-ci est souvent préférable à l’évaluation de l’IT par le jet couleur,
car elle n’est pas dépendante des conditions hémodynamiques comme le sont les mesures Doppler.
L’ETO peropératoire est un guide nécessaire pour juger du mécanisme, de l’indication et du résultat de
la valvuloplastie.
Plusieurs techniques de correction sont à disposition de l’opérateur (Figure 11.45 et Figure 11.120).
 Annuloplastie par sutures de rétrécissement (plastie selon DeVega) ;
 Plastie par insertion d'un anneau de Carpentier ; cet anneau est interrompu au niveau septal
pour éviter les lésions du noeud auriculo-ventriculaire et du faisceau de His ;
 Réimplantation de cordages en cas de rupture ; résection de prolapsus ;
 Remplacement de la valve par une prothèse ; on implante une bioprothèses plutôt qu’une
prothèse mécanique car leur survie est identique ; en effet, le stress est moins important dans le
cœur droit que dans le cœur gauche, raison pour laquelle les bioprothèses ont une durée de vie
plus longue en position tricuspidienne qu’en position mitrale ou aortique [72,180]. D’autre part,
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
219
les prothèses mécaniques ont un taux de thrombose beaucoup plus élevé parce que le flux est à
un régime de pression très basse.
 Chez les malades qui ont un bloc de conduction, on implante une électrode épicardique en
même temps que la prothèse tricuspidienne, car il sera ultérieurement impossible ou contreindiqué de passer une électrode de pace-maker à travers celle-ci.
B
A
OG
OD
VD
C
OD
VD
Figure 11.120 : Chirurgie de la valve
tricuspide. A : IT résiduelle mineure après une
plastie selon De Vega pour RAA ; la valve
mitrale a été remplacée par une prothèse
mécanique (flèche jaune). B : anneau de
Carpentier (flèche jaune) et réimplantation de
cordage
(flèche
verte)
pour
rutpture
traumatique du feuillet antérieur (même cas que
Figure 11.117A et 117B). C : remplacement de
la tricuspide par une bioprothèse, dont voit bien
l’anneau (flèches) et deux feuillets.
Le taux d’échec moyen des plasties est de 14% [273]. Les résultats fonctionnels sont meilleurs et la
survie à 15 ans doublée avec un annuloplastie par rapport à une plastie selon De Vega [307]. Mais la
plastie est toujours préférable au remplacement valvulaire, car les résultats de ce dernier sont inférieurs :
taux d’insuffisance droite postopératoire plus élevé (28% versus 9%), mortalité augmentée (11% versus
4-7%), anticoagulation, risque de thrombose (1%/an) [293,307]. La prothèse représente un élément
mécanique rigide qui bloque la contraction circulaire de la base du VD et limite sa contraction
longitudinale [273]. Or la dysfonction ventriculaire droite est le déterminant majeur de la mortalité
postopératoire ; elle a davantage de poids que l’hypertension pulmonaire [291].
Les critères de réussite d’une plastie sont plus souples qu’après une correction mitrale, car une fuite
résiduelle est bien tolérée [12,181,307] :




IT résiduelle mineure (degré < II/IV) ;
ΔPmax < 4 mmHg ;
Vena contracta < 0.3 cm ;
Absence de PISA et de reflux systolique dans la VCI et les veines sus-hépatiques.
Après la correction d’une IT, il faut s'attendre à des suites immédiates difficiles, car le VD rencontre les
RAP comme entière postcharge et ne bénéficie plus de la soupape de pression que représentait la fuite
tricuspidienne. La défaillance droite est courante, et nécessite l'utilisation immédiate de catécholamines
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
220
béta (dobutamine), d’inodilatateurs (milrinone) et de vasodilatateurs pulmonaires, ainsi que de noradrénaline pour maintenir la perfusion coronaire (voir Tableau 12.5 et Tableau 12.10).
Le traitement chirurgical de l’endocardite bactérienne aiguë que l’on rencontre chez les toxicomanes
consiste en une ablation de la valve. Il est parfois recommandé de ne pas implanter de prothèse
valvulaire dans ce milieu septique. L’hémodynamique est alors analogue à celle d’un Fontan: le
remplissage du VD est passif et dépend uniquement de la PVC, qui doit rester haute; la ventilation
spontanée est l’idéal pour assurer le débit pulmonaire [5]. Dans un deuxième temps (6-9 mois), la
tricuspide peut être remplacée par une prothèse si cela s’avère nécessaire.
Indications opératoires de l’insuffisance tricuspidienne
L’indication est fonction du degré de dilatation du VD, de l’origine et du contexte chirurgical.
- IT sévère symptomatique
- IT sévère ou dilatation annulaire (D > 3.5 cm en 4-cavités) au cours d’une intervention sur une
valvulopathie gauche
- IT sévère traumatique (électif)
La plastie est aisée, mais le remplacement entraîne des suites postopératoires très difficiles. Mortalité
opératoire : 1-2% pour la plastie d’accompagnement, 4-7% pour la plastie isolée, 11% pour le
remplacement.
Principes pour l’anesthésie en cas d’IT sévère
La prise en charge hémodynamique est déterminée par le degré de dysfonction droite. Le but est
d’abaisser la postcharge du VD pour faciliter son éjection antérograde et diminuer la fraction régurgitée.
En cas d’IT secondaire, la prise en charge est guidée par la thérapeutique des lésions gauches, le plus
souvent une maladie mitrale. Les recommandations ci-dessous ne concernent que l’IT sévère isolée.
 Précharge: l'augmentation de précharge est le moyen physiologique du VD hypertrophié pour
améliorer ses performances systoliques en utilisant le phénomène de Starling ; mais lorsque la
défaillance a déjà entraîné une dilatation ventriculaire et une stase en amont avec insuffisance
tricuspidienne, il faut au contraire diminuer cette précharge (dérivés nitrés, diurétiques, position
de contre-Trendelenburg). Le remplissage doit être réglé en fonction de l’hémodynamique
droite: PAP et débit cardiaque par le cathéter pulmonaire, fonction systolique du VD à l’ETO,
variations de l’IT. La PVC est un critère peu fiable de la volémie et de l’insuffisance
tricuspidienne, parce que l’OD est très compliante et accepte de grands volumes avec de faibles
variations de pression.
 Résistances systémiques: vu le risque d'ischémie du VD en cas d'hypotension systémique, les
RAS doivent être maintenues par une perfusion de nor-adrénaline pour assurer la perfusion
coronarienne. Le lit vasculaire pulmonaire étant très pauvre en récepteurs alpha, il n’y a pas de
risque d’augmentation significative des résistances pulmonaires.
 Résistances pulmonaires: l’importance de l’IT est directement proportionnelle à celle des
RAP. D’autre part, le VD supporte d’autant plus mal une augmentation de postcharge qu’il est
déjà dilaté par la surcharge de volume. Les RAP doivent donc être abaissées par les techniques
habituelles : hyperventilation normobarique, NO, prostacyclines, etc (voir Tableau 12.10).
Eviter toute vasoconstriction pulmonaire (hypercapnie, acidose, hypoxie, N2 O, desflurane,
protamine, stress, douleur, hypothermie).
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
221
 Contractilité: soutien inotrope nécessaire par des amines béta (dobutamine) et des inhibiteurs
des phosphodiestérases-3 (amrinone, milrinone). Si nécessaire, non-fermeture du péricarde et du
sternum pour éviter la compression du VD dilaté et diminuer l’interférence interventriculaire
avec le VG.
 Fréquence : la tachycardie est bénéfique : baisse du volume télédiastolique du VD ; maintenir
le rythme sinusal.
 IPPV: l'IPPV et la PEEP peuvent provoquer une décompensation droite si les pressions
générées sont excessives; l’hyperventilation nécessaire à diminuer les RAP doit se faire à la
pression intrathoracique moyenne (Pitmoy) la plus basse possible.
Hémodynamique recherchée dans l’insuffisance tricuspidienne sévère
Précharge droite élevée si HVD
Précharge droite diminuée si insuffisance congestive du VD
Tachycardie modérée
Vasodilatation pulmonaire (baisse des RAP)
RAS élevée (perfusion coronarienne droite)
Stimulation inotrope β (dobutamine) ou inodilatateur (milrinone)
Ventilation spontanée ou IPPV à basse pression
Si associée, la valvulopathie gauche est dominante
RAP basses – Soutien inotrope du VD – Pit basse
Ventilation et dysfonction droite
Les effets de la ventilation en pression positive (IPPV) sont délétères sur la fonction ventriculaire droite:
baisse de la précharge, gène à l'expansion diastolique, augmentation de la postcharge. Le rétablissement
de la performance du VD nécessite en général une augmentation du volume circulant et une baisse des
pressions de ventilation (Pitmoy basse). En cas d’insuffisance droite, la situation peut évidemment être
très difficile. Cependant, il faut distinguer trois cas de figure différents s’accompagnant tous
d’insuffisance tricuspidienne.
 Insuffisance ventriculaire droite sur dysfonction myocardique (infarctus droit, cardiomyopathie
arythmogène du VD, défaillance droite aiguë post-CEC) ;
 Insuffisance ventriculaire droite sur excès aigu de postcharge (embolie pulmonaire, protamine);
 Hypertrophie ventriculaire droite sur HTAP chronique : maladie mitrale, insuffisance VG,
BPCO sévère, syndrome d’Eisenmenger, etc.
Dans les deux premier cas, le but recherché est quadruple : 1) maintenir optimale la précharge du VD, 2)
diminuer sa postcharge le plus bas possible, 3) soutenir sa fonction avec un agent inotrope (dobutamine,
milrinone), et 4) assurer la perfusion coronarienne droite maximale (nor-adrénaline pour élever la
pression aortique). Le remplissage est adapté à la situation : la PVC doit être suffisante, mais il faut
l’abaisser si le VD est congestif (nitroglycérine, diurétique, position en anti-Trendelenburg). La
tolérance à la ventilation en pression positive est très faible en cas de dysfonction du VD, car le
ventricule défaillant peut décompenser sur l’augmentation de postcharge que représente l’IPPV. Dans le
cas d’une défaillance sur excès de postcharge, la situation est complexe, car l’IPPV ajoute peu à la
postcharge déjà très élevée, mais cette petite aggravation peut occasionnelleent être suffisante pour
déclencher la décompensation. Ces deux catégories de patients bénéficient davantage de la respiration
spontanée ; lorsqu’elle est requise, la ventilation mécanique doit maintenir la Pitmoy la plus basse
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
222
possible en réglant adéquatement le respirateur et en évitant la PEEP. La tolérance à l’IPPV peut être
testée en préopératoire en faisant faire au malade une manœuvre de Valsalva et en observant son
retentissement sur la pression artérielle (cathéter en place).
Dans le troisième cas, une pathologie vasculaire pulmonaire chronique a entraîné une hypertrophie du
VD, et la situation est très différente. Le VD hypertrophié fonctionne comme le VG : son débit est
dépendant de la précharge (courbe de Starling redressée) ; il a besoin d’une PVC élevée. En ce qui
concerne la ventilation, quatre phénomènes entrent en ligne de compte.
 Dans le BPCO, les pressions de ventilation sont mal transmises par le parenchyme pulmonaire
peu compliant; la Pit engendrée est inférieure à la pression ventilatoire, et la postcharge droite
est moins augmentée que ne le laisse supposer les pressions respiratoires.
 En cas d'hypertension pulmonaire chronique (PAPmoy > 30 mmHg), l’augmentation de Pit par
l’IPPV représente une faible proportion de la pression de perfusion pulmonaire habituelle ; une
Pitmoy de 12 mmHg, par exemple, ne représente qu’un accroissement d'un quart de l’impédance
à l'éjection du VD lorsque celui-ci travaille face à une HTAP chronique de 70/35 mmHg, alors
que cela double la postcharge pour un VD normal. L’IPPV est mieux supportée en cas d’HTAP
qu’en cas de PAP normale.
 Lors d’HTAP chronique, les parois artérielles sont épaissies, muscularisées et fibrosées ; elles
résistent à la compression par la pression ventilatoire, ce qui n’est pas le cas d’artères
pulmonaires normales.
 Même en cas d’HTAP, la réactivité des artérioles à l’acidose et à l’hypocapnie persiste ; la PAP
peut encore s’élever en cas d’hypoventilation. L’IPPV peut donc baisser les résistances
pulmonaires par hyperventilation (hyperoxie, hypocarbie et alcalose).
Les patients souffrant d’HTAP chronique bénéficient donc clairement de la ventilation mécanique en
pression positive.
Technique d'anesthésie
Le type d’anesthésie dépend essentiellement de la fonction du VD et, le cas échéant, des pathologies
gauches. Il s’agit ici de recommandations pour l’anesthésie en cas d’IT sévère isolée ; lorsque l’IT est
associée à une valvulopathie mitrale, c’est cette dernière qui commande la technique d’anesthésie.
 Induction : choisir des substances sans effets significatifs sur la fonction du VD ni sur les RAP.
o Etomidate : ne modifie ni la précharge, ni la postcharge, ni la contractilité du VD.
o Midazolam : adéquat, la baisse du tonus sympathique central diminue les RAP.
o Propofol : il baisse la précharge davantage que la postcharge ; possible à dosage adapté
et lent chez les malades stables, en compensant par du volume ; à éviter en cas de
défaillance du VD.
o Fentanils : administration lente à cause de la bradycardie.
o Thiopental, kétamine : l’augmentation des RAS (kétamine) et des RAP (thiopental,
kétamine) sont prohibitives ; l’effet inotrope négatif du thiopental est excessif.
 Maintien de l’anesthésie : rechercher la baisse des RAP et le maintien des RAS ; éviter la
bradycardie.
o Sevoflurane : peu d’effet sur les RAS et les RAP.
o Perfusion de propofol ou de midazolam : adapter les dosages pour que
l’hémodynamique reste stable ;
o Desflurane : déconseillé (↑ RAP) ;
o Ventilation à Pit basse, pas de PEEP ; trouver le meilleur compromis entre
l’hyperventilation nécessaire à abaisser les RAP et la Pit moyenne la plus basse
possible ; en cas d’HVD et d’HTAP chronique, l’augmentation de la Pit est sans effet
significatif sur la postcharge du VD ;
o Hypotension systémique : vasopresseur α.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
223
 Soutenir la performance contractile du VD.
o Vasodilatation pulmonaire (hyperventilation normobarique, NO•, prostacyclines,
magnésium, anesthésie profonde, fentanils) ;
o Optimalisation de la précharge ;
o Soutien inotrope (dobutamine, milrinone ± adrénaline) ;
o Maintien de la perfusion coronarienne (nor-adrénaline).
 Monitorage : même s’il est utile à la mesure de la PAP, le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz
donne des valeurs incorrectes du DC, qui est faussé par le flux rétrograde de l’IT ; il est très
difficile à flotter à travers la tricuspide à cause de la régurgitation et gène l'opérateur lors de la
plastie (il faut alors retirer le cathéter en VCS) ; son utilisation est impossible en cas de
remplacement valvulaire. Alternatives :
o Mesure du VS et DC par un système PiCCO ou analogue ;
o Cathéter placé chirurgicalement dans la chambre de chasse du VD si la mesure de la
PAP est nécessaire.
 Monitorage ETO :
o Taille et fonction du VD, degré de dilatation, mesure de la PAP par la Vmax de l’IT ;
o Surveillance de la fonction du VG ;
o Evaluation de la volémie ;
o Evaluation et mécanisme de l’IT ;
o Post-CEC : résultat de la plastie.
CEC et post-CEC
La correction de l’insuffisance tricuspidienne correspond à la perte d’une soupape de pression pour le
VD. Celui-ci doit éjecter contre les RAP, ce qui représente une augmentation de sa postcharge. La
dysfonction droite est habituelle en sortant de CEC, et sa persistance est de mauvais pronostic. De ce
point de vue, une fuite résiduelle à travers une plastie est un avantage hémodynamique, alors que
l’étanchéité d’une prothèse représente une augmentation de travail. D’autre part, la prothèse présente un
gradient qui limite la précharge télédiastolique, et une rigidité qui contrecarre la contraction basale
péristaltique du VD. Traitement de la défaillance droite (voir Tableau 12.5) :





Vasodilatation pulmonaire (hyperventilation normobarique, NO•, prostacyclines, magnésium) ;
Optimalisation de la précharge ;
Soutien inotrope (dobutamine, milrinone ± adrénaline) ;
Maintien de la perfusion coronarienne (nor-adrénaline) ;
Non-fermeture du péricarde et du sternum; ils seront refermés à 48-72 heures.
Syndrome carcinoïde
La prise en charge d’une plastie ou d’un remplacement tricuspidien dans le syndrome carcinoïde est
dominée par les symptômes liés à la sécrétion de sérotonine et d’agents vasodilataeurs comme le VIP
(vasoactive intestinal peptide). Les crises se caractérisent par des flush cutanés, de la diarrhée, une
vasoplégie et un bronchospasme. Lorsque les signes cardiaques apparaissent sur la valve tricuspide et/ou
pulmonaire, la tumeur a déjà métastasié dans le foie. La mortalité opératoire est élevée (18%), et la
survie est de l’ordre de 50% à 1-2 ans [50,57].
L’intervention est dominée par deux risques majeurs : 1) la crise sérotoninergique, et 2) l’insuffisance
droite. Comme toutes deux se caractérisent par une hypotension sévère, l’ETO et le cathéter pulmonaire
sont nécessaires pour faire le diagnostic différentiel. Le traitement sélectif de la crise carcinoïde
périopératoire consiste à administrer un analogue de la somatostatine comme l’octréotide ou le
lanréotide, associé à un vasoconstricteur alpha (phényléphrine, nor-adrénaline) ou un anti-NO (bleu de
méthylène). L’octréotide (Sandostatine®) est administré en perfusion continue (50-100 mcg/h,
maximum 300 mcg/h) additionnée de bolus selon les besoins (20-100 mcg) [50]. Les médicaments les
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
224
plus sûrs pour l’anesthésie sont l’étomidate, le midazolam, les fentanils, le sevoflurane, le vecuronium et
le rocuronium. La crise peut être déclenchée par les substances histamino-libératrices et par les
catécholamines. L’hyperglycémie est en général prononcée.
Sténose tricuspidienne
La sténose tricuspidienne est due essentiellement au RAA, le plus souvent associé à des lésions
valvulaires gauches. Elle peut aussi être congénitale ou survenir dans le syndrome carcinoïde (associée à
une lésion de la valve pulmonaire) et dans l’endomyofibrose (associée à une dysfonction systolodiastolique). La valve présente des fusions commissurales et un aspect restrictif avec des mouvements
limités ; elle prend la forme d’un dôme en diastole (doming) ; l’appareil sous-valvulaire est raccourci et
épaissi (voir Figure 26.46). L’OD est dilatée (diamètre > 5 cm) de même que la veine cave inférieure (>
2 cm) et les veines sus-hépatiques. Alors que la surface normale de la tricuspide est de 5-7 cm2, la
sténose correspond à une surface < 2 cm2. Le gradient moyen, normalement inférieur à 2 mmHg, est
alors supérieur à 5 mmHg; ce sont les valeurs auxquelles apparaissent les symptômes de stase
systémique [318]. Il existe trois degrés de sténose tricuspidienne :
 Sténose mineure
 Sténose modérée
 Sténose sévère
ΔPmoy 2-3 mmHg
ΔPmoy 4-6 mmHg
ΔPmoy > 7 mmHg
S 1.5 – 2.0 cm2
S 1.0 – 1.5 cm2
S ≤ 1 cm2
Hémodynamiquement, l’affection se traduit par une PVC élevée avec une onde "a" prédominante. La
pression pulmonaire est normale, sauf en cas de valvulopathie mitrale associée, mais le débit pulmonaire
est limité ; il ne peut pas augmenter à l’effort. En cas d’augmentation de la VO2 de l’organisme (stress,
douleur), une hypoxémie apparaît très rapidement.
Le traitement médical est celui de la stase systémique (oedèmes, ascite, hépatomégalie) : restriction
hydro-sodée, diurétiques. Le traitement chirurgical consiste en une valvulotomie à ciel ouvert en fendant
les commissures situées de chaque côté du feuillet septal, une valvuloplastie en cas d’insuffisance
associée, ou très rarement un remplacement valvulaire [72].
Principes pour l’anesthésie en cas de sténose tricuspidienne
La précharge (PVC) doit rester élevée pour maintenir un flux minimal à travers la sténose. La fréquence
cardiaque doit rester lente pour permettre une longue diastole; la survenue de toute tachy-arythmie (FA)
effondre le débit à travers la sténose et doit être corrigée immédiatement (cardioversion, amiodarone).
En l’absence de pathologie gauche associée, la fonction du VD et la pression pulmonaire sont normales,
mais le débit pulmonaire est bas, donc le risque d’hypoxémie est élevé. En cas d’hypotension artérielle,
le choix se porte sur un vasoconstricteur alpha (phényléphrine, nor-adrénaline) pour augmenter les RAS.
Le passage d'un cathéter de Swan-Ganz est quasi-impossible et de toute manière gène l'opérateur. Le
monitorage consiste en un cathéter artériel, une voie veineuse centrale (PVC), un système d’analyse de
la courbe artériel (type PiCCO) et l’ETO. Un cathéter auriculaire gauche introduit en peropératoire peut
guider le monitorage du VG, mais il présente des risques hémorragiques lors de son ablation dans le
postopératoire.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
225
Hémodynamique recherchée en cas de sténose tricuspidienne
Précharge droite élevée et stable
Vasoconstriction systémique
Fréquence cardiaque lente, normocardie
Ventilation en pression positive tolérée si le retour veineux droit est maintenu
Plein – Lent - Fermé
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
226
Pathologie de la valve pulmonaire
Chez l’adulte, les pathologies situées au niveau de la chambre de chasse droite (CCVD) et de la valve
pulmonaire sont extrêmement rares, et sont dans 95% des cas d’origine congénitale. Seuls le syndrome
carcinoïde et le RAA peuvent occasionner une sténose pulmonaire, mais toujours en association avec
une autre atteinte valvulaire. La valve pulmonaire est fine, peu échogène et très antérieure, ce qui rend
sa visualisation difficile en ETO (voir Figure 26.50).
Insuffisance pulmonaire
La prévalence d’une petite insuffisance pulmonaire (IP) est de 30-75% dans la population générale
[175,337]. Une IP significative est en général liée à une hypertension pulmonaire avec dilatation de
l’anneau, de l’artère pulmonaire et de la CCVD. Une IP sévère est liée à une anomalie structurelle de la
valve, d’origine congénitale (monocuspidie, bicuspidie, Marfan), acquise (carcinoïde, endocardite), ou
iatrogène (secondaire à une valvulotomie ou au patch d’une correction de tétralogie de Fallot). L’image
ETO est caractéristique (Tableau 11.15) [188].
 IP mineure : petit jet coloré fin et bref (protodiastolique), issu d’une commissure ou de la
coaptation centrale de la valve, dirigé dans l’axe de la CCVD en télédiastole, très variable avec
la respiration ; étendue du jet < 1.0 cm (Figure 11.121A).
 IP modérée : diamètre de la vena contracta 2-5 mm ; étendue du jet > 2.0 cm (tributaire de la
PAP et de la Ptd VD) ; flux holodiastolique de Vmax > 1.5 m/s.
 IP sévère : dilatation du VD, de la CCVD et de l’AP ; la rapide égalisation des pressions entre
l’AP et le VD fait que le jet ne dure pas toute la diastole ; la Vmax est souvent basse (flux
couleur sans turbulences) parce que l’orifice est large ; le reflux diastolique dans l’AP est massif
(Figure 11.121B).
Tableau 11.15
Critères de quantification de l’insuffisance pulmonaire
IP mineure
IP modérée
IP sévère
Valve pulmonaire
Taille du VD
normale
normale
normale/anormale
normale ou dilatée
remaniée ou opérée
dilatée
Dimension du jet couleur*
minime, < 1 cm
1-3 cm
Vélocité du jet
Pente décélération (DC)
basse
faible
2-3 m/s
variable
Reflux diastolique en AP
Flux systolique en AP
absent
normal
présent
± augmenté
étendue
diamètre > 0.5 cm
protodiastolique
turbulences variables
basse
très raide**
interruption du flux
massif
très augmenté
* Valeur pour une échelle de couleur de 0.5 m/s
** Non spécifique
DC: Doppler continu. DP: Doppler pulsé. Sources: références 23, 188, 318 et 338.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
227
Lorsque l’IP est sévère, le VD est dilaté (Vtd > 160 mL/m2, Vts > 80 mL/m2) par la surcharge de
volume et les arythmies ventriculaires sont fréquentes. La symptomatologie est celle d’une insuffisance
droite ; l’ECG montre un QRS élargi. Une augmentation des RAP ou de la postcharge droite (IPPV)
augmente la fraction régurgitée et diminue le flux pulmonaire antérograde. Les indications opératoires
en cas d’IP sévère sont :
 IP sévère symptomatique (insuffisance droite, arythmies) ;
 IP sévère et dilatation du VD, avec agravation de l’IT ;
 IP sévère simultanément à une autre intervention cardiaque.
L’intervention consiste en un remplacement de la valve, en général par un conduit valvé biologique
(homogreffe ou hétérogreffe) [23].
Hémodynamique recherchée en cas d’insuffisance pulmonaire
Précharge droite adaptée à la fonction du VD
Vasoconstriction systémique (RAS ↑)
Vasodilatation pulmonaire (RAP ↓)
Fréquence plutôt élevée, normocardie
Soutien inotrope au VD (dobutamine, milrinone ± adrénaline)
Ventilation en pression positive mal tolérée (IP ↑)
Soutien inotrope - Fermé en systémique - Vasodilaté en pulmonaire
A
B
VD
Ao
AP
Figure 11.121 : Flux de régurgitation en cas d’insuffisance pulmonaire (IP). A : IP mineure dans la CCVD en vue
ETO transgastrique (flèche verte). B : flux dans l’AP en cas d’IP sévère; le reflux diastolique est massif (flux en
dessous de la ligne de base, flèche verte) par rapport au flux antérograde (flux au-dessus de la ligne de base, flèche
jaune).
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
228
Sténose pulmonaire
La sténose pulmonaire (S < 2 cm2/m2), rare chez l’adulte, est en général congénitale (fusion
commissurale, monocuspidie, bicuspidie) ou secondaire à un carcinoïde ; la valve prend une forme
conique. Une sténose peut aussi survenir 10-15 ans après après la correction d’une tétralogie de Fallot
par patch pulmonaire, si l’élargissement n’était pas suffisant. Alors que la Vmax normale à travers la
valve est 0.5 – 1.0 m/s, la sténose se caractérise par des flux accélérés en protosystole [36] :
 Sténose mineure :
 Sténose modérée :
 Sténose sévère :
Vmax < 2 m/s
Vmax 2.5 – 4 m/s
Vmax > 4 m/s
ΔP max < 30 mmHg
ΔP max 35-60 mmHg
ΔP max > 60 mmHg (S ≤ 0.5 cm2/m2)
Le VD est sévèrement hypertrophié, parfois dilaté en cas de défaillance ; l’OD est dilatée (Figure
11.122). Le tronc de l’AP est dilaté au-delà de la sténose. Lorsqu’il s’hypertrophie, le VD ressemble de
plus en plus au VG : son débit devient davantage dépendant de la précharge mais moins dépendant de la
postcharge. La pression élevée à l’intérieur du VD comprime la couche sous-endocardique dont la
perfusion coronarienne est compromise. Il est donc important d’assurer une perfusion coronarienne
suffisante en maintenant la pression artérielle systémique élevée (augmentation des RAS avec une
perfusion de nor-adrénaline). La ventilation en pression positive ne modifie pas la performance du VD,
qui est déterminée par la sténose pulmonaire et non par les RAP distales à celle-ci.
Un ΔPmax ≥ 50 mmHg est une indication opératoire à une valvulotomie percutanée
remplacement valvulaire [23,36]. L’intervention consiste en un remplacement de la valve, en
par un conduit valvé biologique (homogreffe ou hétérogreffe) [23]. Dans une homogreffe
hétérogreffe pulmonaire, on tolère un ΔP maximal jusqu’à 20 mmHg lorsque le VD est
(opération de Ross) et de 30-40 mmHg en cas d’HVD (variable selon le gradient préopératoire).
A
ou au
général
ou une
normal
B
OG
OG
OD
VG
VD
CCVG
AP
VD
Figure 11.122 : Sténose pulmonaire. A : hypertrophie massive du VD. B : sténose pulmonaire complexe en vue
mi-oesophage 90° par rotation horaire de la sonde à partir d’une vue 2-cavités du VG (cas de tétralogie de Fallot
adulte). La chambre de chasse droite est étroite et hypertrophiée (flèche), la valve pulmonaire sténosée est mal
discernable dans le rétrécissement proximale de l’artère pulmonaire ; le VD est hypertrophié.
La chambre de chasse du VD est plus richement doté en récepteurs β que le corps du ventricule. En cas
de stimulation catécholaminergique, sa réponse inotrope est plus importante que celles de la paroi libre
et de la chambre d’admission. Elle peut être à l’origine d’une obstruction dynamique (effet CMO droit),
qui est fréquente après remplacement de la valve pulmonaire pour sténose si le VD est très hypertrophié.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
229
La Vmax dans la CCVD est de 2-2.5 m/s, le gradient est > 20 mmHg [75]. Le traitement est une
réduction des catécholamines β, une hypervolémie, une relative hypoventilation (augmentation des
RAP) et un β-bloqueur (esmolol en bolus).
Hémodynamique recherchée en cas de sténose pulmonaire
Précharge droite élevée et stable
Vasoconstriction systémique
Postcharge du VD = sténose pulmonaire fixe, non les RAP
Ventilation en pression positive bien tolérée
Fréquence normale, normocardie
Soutien inotrope du VD (dobutamine, milrinone ± adrénaline)
Plein - Normocarde - Fermé
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
230
Polyvalvulopathies
L’atteinte complexe de plusieurs valves est le domaine par excellence où les recettes ne sont plus
applicables. En premier lieu, il s’agit de déterminer quelle est la pathologie la plus contraignante, ce que
les examens préopératoires ne permettent pas toujours de saisir. L’échocardiographie
transoesophagienne peropératoire apporte souvent la réponse, mais malheureusement après l’induction
(voir Figure 11.12). Ensuite, la prise en charge est guidée par la physiopathologie de l’affection
dominante, qui va aussi conditionner la sortie de CEC et la période postopératoire immédiate. En règle
générale, les lésions sténosantes sont plus contraignantes que les insuffisances. D’autre part, la
symptomatologie clinique est dominée par la lésion la plus proximale en suivant le flux sanguin, par
exemple la pathologie mitrale dans la combinaison de valvulopathie mitrale et aortique [22]. Les
Tableaux 11.16 (page 234) et 11.17 (page 235) résument l'attitude conseillée dans les valvulopathies
isolées ; on pourra s’en inspirer pour la prise en charge clinique en fonction de la lésion dominante, mais
il est difficile de fixer des recommandantions dans les polyvalvulopathies car chaque cas doit être
analysé de manière individuelle.
Certaines combinaisons de valvulopathies peuvent être bénéfiques pour la fonction ventriculaire en
limitant le remodelage de la cavité. Toutefois, plus encore que lors de valvulopathie isolée, la
quantification de la fonction systolique traduit mal la performance myocardique réelle et doit être
interprétée dans le contexte de la maladie. La fraction d’éjection est particulièrement mal adaptée à
l’évaluation de la performance systolique du VG. Les dimensions du ventricule sont un meilleur critère
de ses capacités contractiles. Les valeurs au-delà desquelles sa fonction est réduite sont [23] :
 Diamètre télésystolique (court-axe) ≥ 2.5 cm/m2 si prédominance d’insuffisance,
 Diamètre télédiastolique (court-axe) ≥ 4.0 cm/m2 si prédominance de sténose.
Les insuffisances mitrales et tricuspidiennes mineures ou modérées sont souvent des affections
d’accompagnement qui s’évaporent avec la correction de la lésion principale. Les affections
systémiques ont plus de probabilité de toucher plusieurs valves, tels le rhumatisme articulaire aigu, la
maladie calcifiante, ou les maladies du tissu conjonctif.
Un des problèmes majeurs à l’induction est la tolérance du patient à la curarisation et à l’installation de
la ventilation en pression positive. Alors qu’elle est relativement prévisible dans les valvulopathies
simples, la réponse hémodynamique à l’IPPV est complexe dans les valvulopathies. Le meilleur moyen
de prévoir ce qui va se passer est de faire faire au patient une manœuvre de Valsalva pendant 20
secondes une fois le cathéter artériel en place. La variation de la PA est une bonne approximation de ce
qui va se passer lors du démarrage de la ventilation contrôlée. La non-réponse de la pression artérielle à
un vasoconstricteur alpha (2-3 bolus iv de 100 mcg de phényléphrine) doit faire suspecter la présence
d’une insuffisance aortique ou mitrale significative.
Insuffisance et sténose de la même valve
Le comportement hémodynamique est déterminé par le mécanisme dominant (voir Maladie mitrale et
Maladie aortique) (voir Figure 11.75, Figure 11.112 et Figure 11.113). Le type de remodelage du VG
et de l’OG à l’échocardiographie donne en général la réponse : le VG est dilaté dans les insuffisances et
restrictif dans les sténoses. Lorsque les deux sont sévères, la sténose est le phénomène prioritaire. Le
volume régurgité augmente le flux antérograde à travers la valve (en systole dans l’IA, en diastole dans
l’IM) ; cette situation tend à surestimer le degré de sténose à l’échocardiographie Doppler. Toutefois, le
degré de perturbation hémodynamique est plus important que lors du même degré de sévérité pour une
pathologie isolée ; de ce fait, l’indication opératoire est en général posée sur la symptomatologie du
malade à l’effort plutôt que sur les valeurs calculées.
Dans la maladie mitrale, le temps de demi-pression est utilisable pour mesurer le degré de sténose. Dans
la maladie aortique, il est préférable d’utiliser l’équation de continuité avec la CCVG [23].
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
231
Hémodynamique recherchée en cas d’insuffisance et de sténose de la même valve
A équivalence de gravité, la sténose prédomine
Précharge élevée
Fréquence basse si sténose dominante, élevée si insuffisance dominante
Contractilité maintenue (agent inotrope selon le degré de dilatation du VG)
RAS élevées si sténose dominante, basses si insuffisance dominante
RAP normales (abaissées si HTAP)
Insuffisance aortique et insuffisance mitrale
Cette combinaison est fréquente. Les conditions hémodynamiques idéales pour chacune des lésions sont
assez voisines, quelle que soit la lésion dominante. Le plus souvent l’insuffisance aortique est la lésion
majeure, car l’IA représente une surcharge de volume à haute pression (PAdiast), alors que l’IM est une
surcharge de volume à basse pression (POD). La dilatation du VG est un phénomène grave qui entraîne
une dysfonction sévère, alors que celle de l’OG est bénigne. D’autre part, l’IM peut être secondaire à la
dilatation du VG sur l’IA (IM fonctionnelle). La fraction régurgitée globale élevée oblige à un volume
circulant augmenté. Le débit antérograde dépendant des résistances périphériques; il augmente si la
postcharge est basse.
Les valves cardiaques peuvent être lésées par certains médicamentsqui induisent une fibrose et une
rétraction des feuillets, notamment l’adriamycine, le méthysergide, l’ergotamine, le pergolide et certains
anorexigènes (fenfluramine, phentermine, aminorex, benfluorex). L’atteinte valvulaire conduit à des
insuffisances, le plus souvent aortique mais aussi mitrale, accompagnées de régurgitation tricuspidienne.
Des régurgitations valvulaire minimes (degré I) sont fréquentes dans la population normale,
particulièrement à partir de 60 ans. Au-delà de 65 ans, leur incidence dans une population occidentale
normale est de 11% pour la valve aortique, de 48% pour la valve mitrale et de > 75% pour la valve
tricuspide [23,238]. Elles sont sans signification clinique et ne nécessitent aucune couverture
antibiotique prophylactique.
Hémodynamique recherchée en cas d’insuffisances aortique et mitrale
A équivalence de sévérité, l’IA est la composante la plus grave
Précharge élevée
Fréquence élevée
Contractilité maintenue
RAS basses
RAP normales
Insuffisance aortique et sténose mitrale
Cette combinaison présente l'avantage de maintenir des dimensions ventriculaires gauches
satisfaisantes: à défaut de remplissage diastolique antérograde (sténose mitrale), le VG se remplit par le
reflux aortique et conserve un volume adéquat.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
232
L'évaluation et les manifestations cliniques préopératoires doivent permettre de déterminer quelle est la
lésion la plus significative hémodynamiquement; en général, il s’agit de la sténose mitrale. A
l’échocardiographie, la dimension du VG (petit en cas de sténose mitrale, agrandi en cas d’insuffisance
aortique), celle de l’OG (immense en cas de sténose mitrale), et les flux Doppler à travers les deux
valves apportent une réponse plus pertinente que la symptomatologie, qui est en général dominée par la
lésion proximale, laquelle masque l’importance de la lésion distale. Toutefois, le calcul de la surface
mitrale par le temps de demi-pression (Pt1/2) est faussé par le remplissage simultané du VG par l’IA ;
seule la planimétrie (si possible en 3D) permet une mesure précise. L’indication opératoire est en
général fondée sur la présence d’une hypertension pulmonaire.
Hémodynamique recherchée en cas d’insuffisances aortique et de sténose mitrale
A équivalence de gravité, la sténose mitrale prédomine
Précharge élevée
Fréquence normale (éviter la tachycardie)
Contractilité maintenue
RAS basses
RAP basses (HTAP fréquente)
Sténose aortique et sténose mitrale
Ici aussi, l'effet hémodynamique de la sténose mitrale domine le tableau, car elle est le premier barrage
rencontré par le flux sanguin. La symptomatologie est dominée par la stase et l’hypertension
pulmonaires. Le ventricule gauche est petit, peu compliant et présente une hypertrophie concentrique.
Le débit cardiaque est bas, sans possibilité réelle d’être augmenté; le volume systolique est fixe et bas.
La sténose aortique est de ce fait facilement sous-estimée par la mesure des gradients systoliques
transvalvulaires (situation de bas débit / bas gradient).
L’origine de la double sténose est en général rhumatismale. Dans la dégénérescence calcifiée, la sténose
aortique domine le tableau ; la sténose mitrale est moins importante et fait partie d’une combinaison
avec une IM de degré variable. Alors qu’un double remplacement valvulaire est nécessaire dans le
RAA, il est habituellement possible de se contenter d’un RVA dans la dégénérescence calcifiée, parce
que la valve mitrale présente des lésions modérées et qu’une double intervention présente un risque
excessif chez les personnes âgées.
Hémodynamique recherchée en cas de sténoses aortique et mitrale
Précharge élevée
Fréquence basse
Contractilité maintenue
RAS élevées (car VS fixe et bas)
RAP basses (HTAP fréquente)
Post-CEC : le volume systolique reste très limité
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
233
Sténose aortique et insuffisance mitrale
En présence d’une IM, le VG fonctionne avec deux sorties pour l’éjection : la valve aortique
(antérograde) et la valve mitrale (rétrograde). La sténose aortique augmente donc la fraction régurgitée
et potentialise l’IM. La dilatation de l’OG diminue la précharge nécessaire à maintenir le volume
systolique à travers la sténose. Agrandi par la surcharge de volume, le VG doit éjecter contre une
postcharge élevée alors qu’il travaille sur un grand rayon de courbure, ce qui est mécaniquement très
défavorable. Comme elle favorise l’éjection du VG, l’IM induit une sous-estimation de cette
dysfonction ventriculaire ; la FE est très optimiste par rapport à la réalité fonctionnelle du VG. A
l’échocardiographie, le VG est plus grand que dans la sténose aortique pure. La combinaison SA + IM
est en général due au RAA, mais se rencontre aussi dans la dégénérescence calcifiée de la personne
âgée ; dans ce cas, l’IM est secondaire à une calcification des feuillets et de l’anneau mitral. L’IM peut
aussi n’être que fonctionnelle, liée à la surcharge de pression et à la dysfonction du VG ; dans ce cas, les
feuillets sont normaux et l’insuffisance est modérée.
Les conditions idéales pour chacune des deux pathologies paraissent contradictoires; en effet, les RAS
devraient être élevées à cause de la sténose aortique pour assurer la perfusion coronarienne et basses
pour limiter l’IM. En réalité, l’augmentation de postcharge est liée à la sténose aortique, qui est fixe,
bien plus qu’aux RAS qui sont distales à la valve aortique. On peut donc maintenir les RAS avec un
vasopresseur en fonction des besoins liés à la perfusion myocardique.
Lorsque l’anatomie le permet, la stratégie opératoire de choix est un remplacement valvulaire aortique
et une plastie mitrale. Comme le flux antérograde est diminué à cause de la fraction régurgitée, le
gradient aortique sous-estime le degré de sténose ; dans cette combinaison, l’indication opératoire est
posée dès que le gradient aortique moyen est > 35 mmHg (18). Lorsque l’IM est fonctionnelle et
modérée, la levée de l’obstacle à l’éjection par le RVA suffit à la faire diminuer à des valeurs
négligeables.
Hémodynamique recherchée en cas de sténose aortique et d’insuffisance mitrale
La composante la plus dangereuse est la sténose aortique
Précharge élevée
Fréquence normale à basse
Contractilité maintenue (soutien inotrope nécessaire)
RAS maintenues (pression artérielle diastolique)
RAP basses
Valvulopathie gauche et insuffisance tricuspidienne
Cette combinaison traduit la présence d’une hypertension pulmonaire importante. Si l’IT est modérée et
la valve tricuspide de configuration normale, la baisse de l’HTAP avec la correction de la valvulopathie
gauche suffit à diminuer l’insuffisance tricuspidienne. Par contre, seule une correction chirurgicale
diminuera l’insuffisance si :




IT sévère et symptomatique,
Dilatation de l’anneau tricuspidien (D > 3.5 cm),
Défaillance du VD,
Pathologie organique de la tricuspide (RAA, prolapsus, endocardite, etc).
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
234
Dans ces conditions en effet, l’IT traduit une maladie tricuspidienne évolutive qui s’aggravera
progressivement et péjorera le pronostic du malade. Elle impose une correction simultanée à
l’intervention sur la valve gauche (plastie de De Vega ou annuloplastie) [23].
Tableau 11.16
Les sténoses valvulaires
Caractéristiques
Hémodynamique à rechercher
Sténose aortique
Sténose aortique
HVG concentrique
Fonction systolique conservée
Dysfonction diastolique
VS fixe, dépendant de la précharge
PA systémique dépend des RAS
DC dépendant de la fréquence + rythme sinusal
Risque ischémique élevé
Précharge élevée
Vasoconstriction systémique (PAM ≥ 80 mmHg)
Fréquence normale, rythme sinusal
Soutien inotrope si Dtd VG ≥ 4.0 cm/m2
Hypotension plus dangereuse que l’hypertension
Ventilation en pression positive: Pit basse
Plein – Régulier – Fermé
Sténose sous-aortique dynamique
Sténose sous-aortique dynamique
Rétrécissement excessif du Vts VG
HVG concentrique
Hypovolémie
Stimulation béta-adrénergique
Baisse de postcharge (vasoplégie)
Précharge élevée
Contractilité diminuée
Vasoconstriction systémique
Chirurgie: myectomie VG ou re-plastie mitrale
Plein – Mou – Fermé
Sténose mitrale
Sténose mitrale
Volume systolique fixe et bas
Intolérance à la tachycardie et à l’hypovolémie
VG: fonction conservée, remplissage ralenti
POG élevée, stase pulmonaire et HTAP
Dysfonction VD si HTAP
Précharge normale et stable
Vasoconstriction systémique
Fréquence cardiaque lente
Vasodilatation pulmonaire (+ soutien inotrope du VD)
Ventilation en pression positive bénéfique
Normovolémique – Lent – Fermé
Note: DC : débit cardiaque. D : diamètre. ts: télésystolique.
td: télédiastolique. HVG : hypertrophie ventriculaire gauche.
HTAP: hypertension artérielle pulmonaire. PAM: pression
artérielle moyenne. PA: pression artérielle. Pit: pression
intrathoracique. RAS: résistances artérielles systémiques.
RAP: résistances artérielles pulmonaires. VS : volume
systolique.
Règle générale pour les sténoses
Précharge et RAS élevées
Fréquence cardiaque basse
Corrections valvulaires multiples
Le risque d’un remplacement valvulaire multiple est significativement plus élevé que celui d’une pose
de prothèse isolée; la mortalité opératoire oscille entre 5 et 10%, et la survie est de 60-80% à 5 ans
[172]. La combinaison d’une prothèse aortique et d’une plastie mitrale a un meilleur pronostic que
l’implantation de deux prothèses. La moins bonne survie de toutes les combinaisons est celle de
l’association IM - IA, probablement à cause des dégradations irréversibles subies par le VG dans cette
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
235
pathologie lorsque le patient devient symptomatique. On reste donc très conservateur dans l’indication
opératoire d’une double valve.
Tableau 11.17
Les insuffisances valvulaires
Caractéristiques
Hémodynamique à rechercher
Insuffisance aortique
Insuffisance aortique
HVG excentrique
Surcharge de volume (VG très dilaté)
Surcharge de pression (↑ stress de paroi)
Fonction VG diminuée (Dts > 2.5 cm/m2)
Si RAS ↑: IA ↑, postcharge VG ↑
Bradycardie dangereuse (↑ volume régurgité)
Précharge élevée
Tachycardie (80-90 batt/min)
Vasodilatation systémique
Stimulation inotrope du VG (sans effet alpha)
Dysfonction VG: Dts > 2.5 cm/m2
Plein – Rapide – Ouvert
Insuffisance mitrale
Insuffisance mitrale
Précharge du VG élevée
Postcharge du VG basse
HVG excentrique (Dtd > 4 cm/m2)
Fonction systolique altérée malgré FE conservée
IM ↑ si : RAS ↑, Vtd ↑ ou contractilité ↓
DC dépend de RAS basses
Intolérance à l’hypovolémie
Précharge élevée
Vasodilatation systémique
Stimulation inotrope (sans effet alpha)
Fréquence normale – haute
Vasodilatation pulmonaire selon RAP
Ventilation en pression positive bénéfique
Plein – Tonique – Ouvert
Insuffisance tricuspidienne
Insuffisance tricuspidienne
Surcharge de volume du VD
IT augmente si RAP augmentent
VD dilaté: intolérance à élévation de postcharge
Stase systémique
Si IT secondaire: valvulopathie gauche prédominante
Précharge haute si HVD, abaissée si congestion
Fréquence élevée
Vasodilatation pulmonaire, Pit basse en IPPV
Vasoconstriction systémique
Stimulation inotrope VD
RAP basses – VD tonique – Pit basse
Note: DC : débit cardiaque. D : diamètre. ts: télésystolique.
td: télédiastolique. FE: fraction d’éjection. HVG/D :
hypertrophie
ventriculaire
gauche/droite.
HTAP:
hypertension artérielle pulmonaire. IA: insuffisance
aortique. IT: insuffisance ricuspidienne. RAS: résistances
artérielles systémiques. RAP: résistances artérielles
pulmonaires. VS : volume systolique.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
Règle générale pour les insuffisances
Précharge élevée, RAS abaissées
Fréquence élevée
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Conclusions
Certains éléments de cardiologie sont indispensables pour une gestion adéquate de l’hémodynamique
dans les différentes valvulopathies. A défaut de recettes, ce chapitre a tenté de clarifier quelques points
importants:
 La physiopathologie de chaque maladie valvulaire;
 Les conditions hémodynamiques idéales à rechercher en clinique;
 Les différentes opérations, plasties et prothèses réalisées couramment en chirurgie cardiaque,
leurs indications et leurs résultats;
 La technique d’anesthésie la plus adaptée à chaque pathologie;
 Les différences de prise en charge avant et après correction chirurgicale;
 L’évaluation des valves en échocardiographie transoesophagienne peropératoire.
Un document séparé (Annexe C) résume ces différentes données d’une manière tout particulièrement
orientée vers la prise en charge des patients en chirurgie non-cardiaque. Enfin, les Tableaux 11.16
(page 234) et 11.17 (page 235) font la synthèse des caractéristiques et de l’hémodynamique à rechercher
dans les principales valvulopathies.
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies
237
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Auteurs
Pierre-Guy CHASSOT
Ancien Privat-Docent, Faculté de Biologie et de Médecine,
Université de Lausanne (UNIL), CH-1005 Lausanne
Ancien responsable de l’Anesthésie Cardiovasculaire, Service
d’Anesthésiologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
(CHUV), CH - 1011 Lausanne
Dominique A. BETTEX
Privat-Docente, Faculté de Médecine, Université de Zürich
Cheffe du Service d’Anesthésie Cardiovasculaire,
Institut für Anästhesiologie, Universitätspital Zürich (USZ),
CH - 8031 Zürich
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