Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 11 Valvulopathies 3
Introduction
La prévalence des maladies valvulaires dans la population générale voisine 2.5% en Europe [235]. Or
les valvulopathies sont un facteur majeur de mortalité périopératoire. En chirurgie cardiaque, la
mortalité moyenne d’un remplacement valvulaire (2% en cas de sténose aortique et 4% en cas
d’insuffisance mitrale) est deux à trois fois supérieure à celle de pontages aorto-coronariens (0.5-2%)
[301]. En chirurgie non-cardiaque, la présence d’une sténose aortique modérée multiplie le risque
opératoire par trois ; celle d’une sténose sévère le multiplie cinq à sept fois, quelle que soit la catégorie
de risque du patient ou le nombre de facteurs de risque associés [108,166].
Bien que les sténoses et les insuffisances ne se rencontrent pas toujours à l'état pur en clinique - il s'agit
souvent de maladies valvulaires à prédominance de l'une ou de l'autre – leur description séparée permet
de mieux comprendre la physiopathologie de chaque entité, ses mécanismes compensatoires et les
signes qui traduisent sa décompensation. Ces notions sont capitales pour distinguer quelles sont les
contraintes majeures au sein d’une hémodynamique complexe, car ces dernières vont déterminer le
comportement du patient et les attitudes thérapeutiques du praticien qui doit hiérarchiser ses
interventions en fonction des priorités.
Les valvulopathies chroniques sont d'évolution lente: 10 à 30 ans s'écoulent en général jusqu'au tableau
clinique complet et à la décompensation cardiaque, période pendant laquelle il n'y a pas de parallélisme
entre la sévérité des symptômes et le degré d'atteinte fonctionnelle cardiaque. Les valvulopathies aiguës
sont peu fréquentes (10 % des cas). Ce sont en général des insuffisances brutales compromettant
l'hémodynamique de manière soudaine et grave : rupture ischémique de pilier mitral, rupture de
cordages (maladie de Barlow), ou destruction infectieuse de valvules aortiques ou mitrales. La survenue
d’arythmie telle une fibrillation auriculaire (FA) paroxystique peut provoquer une décompensation
clinique par défaut de remplissage télédiastolique et accélération exagérée du rythme de base. Bien que
leur évolution puisse rester stationnaire, les valvulopathies ne guérissent jamais spontanément; seule la
chirurgie offre une possibilité de guérison. Et encore ! En fait, on échange la maladie valvulaire contre
une autre situation pathologique: avec une plastie, la valve est réparée mais anormale; avec une
prothèse, elle dépend de l'anticoagulation et de la durée de vie limitée du matériel implanté.
Au repos, le flux sanguin est physiologiquement laminaire dans les cavités cardiaques, donc silencieux.
Toute présence de tourbillon indique une accélération pathologique : sténose valvulaire, régurgitation
d'une cavité à haute pression dans une cavité à basse pression, turbulence localisée au voisinage d’une
sclérose, ou simple éréthisme cardiaque. Les vortex de ces tourbillons induisent des souffles audibles au
sthétoscope et des perturbations visibles à l’échocardiographie Doppler. Les valves cardiaques normales
peuvent accommoder des débits 5 à 7 fois supérieurs au débit de base ; une sténose doit donc être sévère
pour devenir symptomatique au repos.
Ces dix dernières années, la chirurgie valvulaire a évolué en suivant trois tendances distinctes.
Le vieillissement de la population a repoussé l’âge limite pour la réparation ou le remplacement
valvulaire, particulièrement en position aortique.
L’amélioration des résultats chirurgicaux des plasties a conduit à poser l’indication opératoire
plus tôt dans l’évolution de la maladie, donc à opérer des patients en meilleur état clinique.
Les techniques endovasculaires de remplacement ou de plastie sont passées au stade de
l’application clinique et deviennent des options efficaces dans les cas à haut risque; elles offrent
la possibilité d'appliquer des techniques d'anesthésie moins lourdes (fast-track).
Comme elle est l'imagerie de routine en salle d'opération, l'échocardiographie transoesophagienne
(ETO) sera utilisée comme principale source d'illustration des pathologies valvulaires. L'examen
échocardiographique des valves et de leur pathologie est décrit plus en détail dans le Chapitre 26 (ETO
2ème partie).