
CORRIGE DE L’EPREUVE DE FRANCAIS
La publicité, puissant miroir de la société
Faire rire ou rêver avec le handicap ? Peugeot, Orangina, Adia et Thierry Mugler ont
relevé le défi avec succès
« Allez Oscar, allez ! » Chez Thierry Mugler, les employés sont plus habitués au podium des
mannequins qu'à ceux des athlètes. Mais ce soir-là, au Stade de France, ils sont venus nombreux
applaudir les exploits de la nouvelle icône d'A*Men, un parfum maison : Oscar Pistorius, alias
« Blade Runner » - le coureur aux lames. Un jeune Sud-Africain de 24 ans amputé des deux
pieds, qui court le 200 mètres et le 400 mètres à l'aide de « lames » en carbone ressemblant à
des skis tordus.
Un handicapé fer de lance d'un produit de luxe ? (…) Aimée Mullins, mannequin sans demi-
jambes, a été intronisée à Cannes égérie de L'Oréal France. La jolie blonde vient de poser pour un
fond de teint. Avec ses prothèses. Mais deux personnes handicapées sous les feux de la rampe ne
suffisent pas. En réalité, la publicité n'offre pas au handicap la place qui est la sienne. (…)
Les choses semblent évoluer. Lentement mais sûrement. « C'est plus qu'une mode. Depuis
la loi Handicap de 2005, on met en avant de façon faussement indifférente les minorités visibles,
dont les handicapés. Au final, c'est une bien-pensance positive », souligne Antoine Vaccarro,
président du Centre d'étude et de recherche sur la philanthropie. Cela ne gêne pas Thierry Nouvel,
directeur général de l'Unapei : « Bien sûr, c'est de la com, mais au moins on sort du message
caritatif. »
II n'y a pas si longtemps encore, les personnes handicapées étaient confinées aux
publicités associatives ou gouvernementales. L'apparition plus fréquente de stars, accessoirement
handicapées, marque une nouvelle étape. Ray Charles au volant d'une Peugeot 306 en 1994,
Jamel Debbouze buvant un Orangina en 2003 ou plus récemment Gilbert Montagne pour Huis
clos, un vendeur de fenêtres en 2008.
La troisième marche sera franchie lorsque des handicapés lambda apparaîtront
régulièrement à l'image. Pour l'instant, chez nous, les exemples sont rares. « Dans les pays
anglo-saxons, c’est pourtant monnaie courante. En France, nous sommes vraiment des
handicapés sociaux en la matière » sourit Ryadh Sallem, multi-appareillée et responsable d’une
association handisport. (…)
Adia, une société d'intérim, avait pourtant ouvert le bal des handicapés anonymes dès
2003. Son slogan? « Ne vous fiez pas aux apparences, fiez-vous aux compétences ». Et des
affiches représentant les « minorités visibles », comme on les appelle maladroitement, dont une
juriste dépourvue d'avant-bras.
Le succès d'Adia n'a visiblement pas fait trop d'émules. Utiliser l'image du handicap pour
vendre est un art délicat, difficile à répéter. Les publicités sont conçues pour faire rire ou rêver, ce
qui n'est pas réellement l'apanage du handicap. « Dans une publicité, il est interdit de se moquer
et de porter atteinte à la dignité. Après, l'humour n'est pas interdit, mais constitue un exercice
complexe : il est toujours difficile de savoir comment va être perçu un message », avertit
Stéphane Martin, directeur général de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité, le
gendarme de la publicité, qui distille ses autorisations de diffusion au cas par cas.
Pour éviter les polémiques, les annonceurs demandent au préalable l'avis des associations
concernées. Ainsi, Simyo, un opérateur mobile qui s'est offert les services de Pascal Duquenne,
l'acteur trisomique du Huitième Jour, s'est rapproché de l'Unapei pour faire « valider » son spot.
Reste un dernier obstacle, plus prosaïque. « Mettre un handicapé dans un groupe, pas de
problème. Lui donner le rôle principal, c’est une autre histoire. En fait, on ne trouve pas
beaucoup d'acteurs handicapés capables de le faire » explique un responsable de production d'une
grande agence pub parisienne. En tournage, les rôles des handicapés sont d'ailleurs souvent joués
par des valides. Ryadh Sallem a déjà prêté plusieurs fois ses prothèses, pour satisfaire les
besoins de réalisateurs désireux de doubler les rôles d'acteurs valides ; Comédien, métier d'avenir
pour les personnes handicapées ?
Julien Dupont- Calbo
Le Monde, Dossiers et documents (n°411, septembre 2011)