Dossier
La dépression de l’enfant
Yves Gloanec , Nicole Garret-Gloanec
Service de pédopsychiatrie 2, CHU de Nantes, 11-13, rue du Douet-Garnier, 44000 Nantes
Résumé
Les travaux concernant les symptômes dépressifs des enfants prépubères re-
montent aux années 1970. La dépression doit être replacée dans une compré-
hension globale du développement de l’enfant incluant des moments dépressifs
limités dans le temps. Quelques modèles de compréhension seront proposés.
Elle reste un diagnostic fréquent dans les consultations pédopsychiatriques
même si la prévalence se situe sous les 3 % pour les 6-12 ans. Outre la
description clinique de la dépression de l’enfant, des précisions seront appor-
tées sur les places conjointes de la psychothérapie et des traitements médica-
menteux. Leur bonne connaissance de l’histoire d’un enfant et de sa famille met
le médecin traitant et le pédiatre dans une situation privilégiée pour le repérage
des premiers symptômes dépressifs. Une symptomatologie persistante justifiera
alors le recours à un pédopsychiatre.
Mots clés : dépression de l’enfant, trouble dépressif majeur, évolution, épidémiologie,
traitement
Considérations
générales
L’enfant a toujours à faire avec la
dépression dans la mesure où les phé-
nomènes dépressifs s’inscrivent dans
le développement (séparations, per-
tes, déconvenues, manque d’espoir).
La dépression est un diagnostic fré-
quent dans le cadre des consultations
pédopsychiatriques (> 10 %) et sa re-
connaissance a été renforcée par
l’augmentation de ce motif de consul-
tation (supérieur à la prévalence) ainsi
que par la demande d’aide de l’enfant
et de ses parents pour ce type de souf-
france.
Les pédopsychiatres constatent
que beaucoup d’enfants sont passés
par des épisodes dépressifs et pour
certains par plusieurs épisodes.
La comorbidité associe à la dé-
pression anxiété et troubles comporte-
mentaux. Le suicide est rare avant
10 ans mais les idéations suicidaires
sont cependant à rechercher.
L’existence des troubles de l’hu-
meur chez l’enfant est reconnue de-
puis longtemps (Maudsley en 1867
décrit la mélancolie et la manie chez
l’enfant), mais peu d’écrits psychiatri-
ques sont publiés à ce propos pendant
100 ans. La réticence des adultes à
admettre qu’un enfant puisse être dé-
primé a souvent été évoquée pour ex-
pliquer ce temps très long avant la
reconnaissance de ce diagnostic
Est-il possible que cet âge joyeux
soit frappé du plus redoutable fléau
qui puisse atteindre l’être pensant »,
Moreau de Tours 1885).
Suite aux conséquences de la Se-
conde Guerre mondiale, la littérature
a plutôt étudié les effets de la sépara-
tion chez l’enfant (A. Freud et D. Bur-
lingham) et le nouveau-né (Spitz,
Bowlby).
L’intérêt pour la dépression chez
l’enfant apparaît dans les années 1960
m
t
p
Tirés à part : Y. Gloanec
doi: 10.1684/mtp.2008.0161
mt pédiatrie, vol. 11, n° 2, mars-avril 2008
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(Toolan 1962, Dugas 1966, Frommer 1968, Glaser 1967)
et en 1971, le 4
e
Congrès de l’Union Européenne des
Psychiatres à Stockholm prend pour thème : « États dé-
pressifs dans l’enfance et l’adolescence » (Annel 1972) et
précise que celle-ci est un trouble important et relative-
ment répandu dans l’enfance et l’adolescence. Les Amé-
ricains reconnaissent son existence chez l’enfant dans les
années 1970.
En 1980, M. Dugas et MC. Mouren publient Les Trou-
bles de l’humeur chez l’enfant de moins de 13 ans [5] et
animent en 1983 un symposium sur : La Dépression chez
l’enfant : théories et réalités.
La première conférence de consensus à ce propos
remonte à 1995 [3], mais, depuis, très peu de publica-
tions, sinon celles concernant la dépression des mères, les
troubles bipolaires et les antidépresseurs, ce conjointe-
ment à l’importance des études sur l’hyperactivité, les
troubles des conduites et le lien entre stress post-
traumatique et dépression.
L’étude 2002 de l’Inserm [6] avance l’augmentation
des phénomènes dépressifs dans la génération d’après-
guerre.
Ainsi, depuis les années 1970, les dépressions de
l’enfant sont reconnues mais difficilement classables ; ma-
ladie ou réaction, lutte chronique identique à celle de
l’adulte ou située dans des tableaux symptomatiques di-
vers. On retrouve la dépression comme position existen-
tielle, symptôme, syndrome ou entité morbide. Restent
des difficultés à préciser la place du processus, des défen-
ses, de la spirale auto-aggravante, des surinvestissements
(le sport), du degré de structuration.
Les cadres cliniques moins solidement établis de la
pédopsychiatrie, sa résistance à la prescription médica-
menteuse, le poids de l’évolutif, du maturatif, de la ré-
ponse familiale, et l’absence de continuité entre les entités
de l’enfant et celle de l’adulte expliquent les différences
d’approches des psychiatres d’enfants et d’adultes.
La réflexion actuelle aborde avec beaucoup d’incerti-
tudes les liens entre certaines composantes comportemen-
tales prévalentes et les nouvelles formes de dépression, le
poids des évènements de la vie sur d’éventuelles modifi-
cations biologiques, les risques dépressifs pour les enfants
précoces.
Modèles de compréhension
Modèle des carences affectives
Sptiz décrit la « réaction anaclitique » (manque d’ap-
pui) du nourrisson de6à18mois lors d’une séparation
maternelle brutale pour un environnement défavorable,
suivie du retournement des décharges agressives contre
lui-même.
Ses observations ont amené à prendre en compte la
dimension carentielle lors du placement de jeunes enfants
dans des institutions et les études actuelles se sont dépla-
cées au sein des familles (hospitalisme intrafamilial).
Bowlby a observé les effets d’une séparation prolongée
chez des enfants âgés de 5 mois à 3 ans décrivant la
séquence comportementale de la prostration au détache-
ment. Il retient l’effet traumatique des séparations et caren-
ces maternelles comme cause de la pathologie dépressive.
En ce qui concerne les conséquences de la dépression
parentale, de nombreuses études ont révélé la grande
fréquence des troubles psychiques chez les enfants mais
pas forcement dans la lignée dépressive.
Modèle psychanalytique
Ce modèle est intéressant pour apprécier les éléments
de continuité et de discontinuité entre les variations de la
normale et le trouble mais aussi pour comprendre les
différences d’expression selon l’âge.
Le concept psychanalytique de « position dépressive »
(M. Klein) précise que la maturation progressive du bébé
amène celui-ci à percevoir la globalité de l’être humain
mais aussi à craindre de perdre ses objets d’attachement
avec le souci constant de la réparation suite à ses attaques
agressives. Ce « premier vécu dépressif » servira de mo-
dèle à ses futures expériences de recherche de liens avec
ses proches. Très tôt l’enfant développe des sentiments de
toute puissance, de maîtrise, de déni de sa propre dépen-
dance pour éviter de ressentir des sentiments dépressifs
(défenses maniaques) [4, 20].
Normalement, l’enfant répare les fautes réelles et ima-
ginaires par les voies de la sublimation. Il peut cependant
garder une crainte excessive de rétorsion et maintenir une
vigilance agressive qui l’épuise.
Pour J. Sandler et WG. Joffe, la réponse dépressive est
une réaction affective de base identique à l’anxiété et non
nécessairement une dépression vraie.
Modèle des évènements de vie
L’existence d’une perte ou d’une séparation réelle est
fréquente sinon constante dans l’histoire (séparation du
couple parental, décès ou éloignement d’un parent, mise à
distance de l’enfant, moindre disponibilité psychique des
parents). Cependant la majorité des enfants qui ont vécu de
tels événements ne développent pas de trouble dépressif.
L’événement est d’autant plus traumatisant que l’en-
fant a un âge critique (6 mois à 5 ans) et qu’aucun repère
permanent ne persiste.
La séparation peut être temporaire mais susciter une
angoisse d’abandon qui persiste bien au-delà du retour à
la situation normale.
Modèle génétique
Les études de jumeaux et la prédominance de troubles
dépressifs chez les enfants de parents maniaco-dépressifs
sembleraient plaider pour une participation génétique.
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Les conclusions restent cependant prudentes dans la me-
sure des faibles cohortes et du poids des interactions avec
le parent malade [22].
Des différences existent ainsi entre les modèles, selon
l’importance accordée à la séparation, au processus nor-
mal de maturation, à la réponse affective de base à l’éla-
boration psychique ou au modèle éthologique.
Description clinique de la dépression
de l’enfant
La clinique du trouble dépressif est fonction de la
maturation affective et cognitive de l’enfant et de la diffé-
renciation de son appareil psychique.
La tristesse, qui est un sentiment normal, n’est un
critère de définition de dépression qu’associée à des
symptômes secondaires comme l’inhibition ou des méca-
nismes défensifs comme l’état maniaque. On parle de
trouble dépressif lorsque celui-ci est durable (> à 2 semai-
nes) et qu’il interfère avec le fonctionnement familial et
social.
La symptomatologie est à recueillir auprès de l’enfant
mais aussi de son entourage.
Le trouble dépressif majeur
Il marque une rupture par rapport à un état antérieur.
Véritable « noyau dur » de la dépression, il associe : hu-
meur dépressive, ralentissement psychomoteur, inhibition
intellectuelle et troubles somatiques.
Habituellement, l’enfant éprouve un sentiment d’en-
nui, d’infériorité, d’échec, ainsi qu’un moindre intérêt
pour ses activités habituelles. Il s’isole, devient fatigable,
souvent irritable et agité. Sa tristesse est durable, sa mimi-
que pauvre avec des pleurs pour des motifs futils. Son
rendement scolaire ralentit. Les plaintes somatiques
concernent plutôt le sommeil que l’alimentation. La cul-
pabilité est excessive et inappropriée et les idées suicidai-
res sont toujours à rechercher.
La tristesse ou l’humeur dépressive n’est en général pas
exprimée même quand elle existe ; elle est remplacée par
un visage souvent sérieux ou un air absent, les traits de la
physionomie étant peu mobiles. L’enfant, irritable, est
généralement qualifié de « méchant, coléreux ou ner-
veux » ou encore les parents disent de lui : « Il n’est jamais
content, il n’est jamais d’accord, il dit toujours non, on ne
peut jamais lui faire plaisir. »
La perte d’intérêt et de plaisir devient de plus en plus
évidente avec l’âge de l’enfant mais plus celui-ci est jeune,
plus l’irritabilité et la décharge pulsionnelle s’expriment
dans des jeux où l’excitabilité devient débordante et ou
l’épuisement est recherché ; « il s’énerve pour un rien »,
disent les parents. Ils se plaignent encore qu’« il ne peut
pas rester en place », expression habituelle de l’agitation
ou de l’instabilité.
Quant au sentiment d’indignité, de dévalorisation, de
perte d’estime de soi, il se traduit chez l’enfant par les
expressions « je suis nul, j’y arrive pas, je suis bon à rien ».
Des expressions comme « mes parents ne m’aiment pas »
montrent le sentiment de dévalorisation et de culpabilité.
L’expression consciente du sentiment de culpabilité prend
volontiers la forme de « je suis méchant »,« je suis pas
gentil avec mes parents » mais peut aussi s’exprimer direc-
tement par « c’est de ma faute ».
La difficulté à penser, à être attentif au travail et à se
concentrer entraîne souvent une fuite, un évitement ou un
refus du travail scolaire, appelé volontiers « paresse » par
les parents mais aussi par l’enfant lui-même, et aboutissant
à l’échec scolaire. Dans quelques cas, l’enfant passe au
contraire de longues heures, tous les soirs, sur ses livres et
cahiers mais il est incapable d’apprendre et plus encore de
mémoriser.
Parmi les troubles de l’appétit, plutôt un comporte-
ment anorectique dans la petite enfance et un comporte-
ment de boulimie ou de grignotage chez le grand enfant
ou le préadolescent. Le sommeil est plutôt marqué par des
oppositions au coucher qui amplifient le conflit avec les
parents qui peuvent susciter des mesures punitives et
accentuent l’irritabilité des uns et des autres. Les cauche-
mars participent de la composante anxieuse de même que
les peurs fréquentes, en particulier celles d’accidents chez
les parents. Maux de ventre et maux de tête fréquents sont
la jonction des problématiques anxieuse et dépressive.
Il n’est pas rare que les idées de mort ou de suicide
soient exprimées par une lettre écrite aux parents dans
laquelle l’enfant déclare « qu’il n’est pas aimé et qu’il va
mourir ou se tuer ». Cette lettre ou cet aveu a souvent été
le motif déclenchant la consultation.
Quand l’enfant déprimé est seul avec le consultant, il
répète volontiers en particulier devant la feuille blanche :
« je sais pas »,« j’y arrive pas », etc. L’ébauche d’un
dessin s’accompagne souvent de commentaires négatifs :
« c’est raté, c’est pas bien, c’est pas beau ». On note une
sensibilité exacerbée aux imperfections ou aux objets
cassés : « c’est cassé ».
Et bien entendu la thématique de l’échec, de l’incapa-
cité à réaliser le dessin, la tâche, le jeu entrepris, reste au
premier plan.
Ces constatations avec l’enfant seul renforcent les don-
nées de l’entretien avec les parents et confirment la pro-
babilité diagnostique.
Le trouble dysthymique
Ce trouble chronique de l’humeur à type d’humeur
dépressive ou d’irritabilité (DSM-IV) est présent la majorité
du temps pendant au moins une année [1].
La symptomatologie reste cependant assez peu dis-
tincte de la dépression majeure et réunit, outre l’humeur
dépressive, deux critères minimum parmi les 6 suivants :
La dépression de l’enfant
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perte de l’appétit, insomnie, fatigue, faible estime de soi,
difficultés de concentration, sentiment de perte d’espoir.
L’âge de début serait plus précoce, la durée plus lon-
gue et le fonctionnement scolaire moins bon que dans la
dépression majeure.
Les troubles bipolaires précoces
Ce diagnostic est rarissime chez l’enfant et l’adoles-
cent et la prévalence selon la littérature internationale de
1 % [13, 19].
Les jeunes dépressifs pouvant développer un trouble
bipolaire précoce montreraient une hypersensibilité et
une labilité émotionnelle importante.
Le taux de récidive est fréquent dans les deux ans avec
accès brefs de désinhibition et d’hypersociabilité.
L’accès d’allure maniaque peut être évoqué sur une
symptomatologie variée : familiarité excessive, agitation
motrice, mégalomanie, pulsions addictives et sexuelles
incontrôlées.
Distinction des états dépressifs
de l’enfant dans la classification
CFTMEA
Cette classification française des troubles mentaux de
l’enfant et de l’adolescent reste très utilisée en France dans
les secteurs de pédopsychiatrie [17].
La clinique névrotique associe tristesse, anxiété, inhi-
bition, symptômes phobiques, manifestations somatiques,
une souffrance de l’enfant reconnue par ses parents et une
efficacité de la psychothérapie seule.
La dépression chronique d’une pathologie narcissique
est marquée par le passage à l’acte fréquent lié à une
intolérance constante à la frustration, des difficultés sco-
laires, des discontinuités de soins parentaux dans la petite
enfance ainsi que l’ambivalence des parents à la réponse
thérapeutique avec rupture fréquente de celle-ci.
Le tableau dépressif est moins typique dans la « dé-
pression réactionnelle », avec une bonne adaptation anté-
rieure et l’amélioration rapide par l’intervention du pé-
dopsychiatre.
Les « mouvements dépressifs », représentent des états
assez isolés, d’intensité variable, sans facteur déclenchant
précis, dans un environnement parental plutôt positif.
La dépression psychotique associe l’humeur dysphori-
que, des sentiments d’incapacité importants et le repli
schizoïde.
Comorbidité
Les dépressions de l’enfant sont rarement isolées et
s’accompagnent d’un ou de plusieurs troubles. Ces com-
binaisons formeraient des tableaux assez spécifiques.
L’état dépressif majeur peut associer des troubles an-
xieux (30-50 %) et du comportement (jusqu’à 25 %) ou
même les caractéristiques symptomatologiques de la dys-
thymie.
La dépression est fréquemment associée aux troubles
hyperkinétiques (30 à 50 %). Pour les troubles obsession-
nels compulsifs, il est difficile de savoir s’il s’agit d’un
trouble associé ou d’une conséquence de l’épuisement de
l’enfant.
Les états dysthymiques surajoutent très fréquemment
dans les 5 ans de leur suivi un état dépressif majeur, des
troubles anxieux (40 %), des troubles des conduites
(30 %), de l’hyperactivité (25 %), de l’énurésie et de l’en-
coprésie (15 %) [14].
Un enfant psychotique ou autiste peut présenter des
épisodes dépressifs, soit à certaines périodes de son évo-
lution, y compris positive, soit en réaction à certains
évènements ou contextes particuliers (séparation, change-
ment).
Les troubles comorbides augmentent la potentialité
suicidaire et le handicap social [7], et les troubles des
conduites l’abus de substances toxiques (sous-groupe dis-
tinct dans la CM10) [2].
Formes cliniques selon l’âge
Au-delà d’un an, les manifestations cliniques sont va-
riées mais le retrait reste l’élément central avec isolement,
tristesse, absence de jeu, et parfois attitudes autocalman-
tes. L’instabilité peut remplacer l’inhibition et l’intégration
dans les groupes reste très difficile à la crèche ou en
maternelle.
Pour les manques affectifs partiels, plus l’enfant est
jeune, plus la symptomatologie s’inscrit dans des condui-
tes psychosomatiques, anorexie et troubles du sommeil
étant les plus fréquentes.
3à5ans
Pratiquement toute la sémiologie dépressive apparaît.
Le plus caractéristique serait la notion d’un changement
marqué par rapport au comportement et au mode relation-
nel antérieurs, l’association et la persistance de cinq ou six
signes habituellement décrits, et la coloration bien parti-
culière de ce que l’enfant peut communiquer de sa souf-
france à travers sa façon d’être, son discours, ses dessins...
Les perturbations comportementales sont au premier
plan : agitation, conduites auto/hétéroagressives, aspect
chaotique de l’état affectif. Les acquisitions sociales sont
troublées : il ne joue pas avec les autres enfants et a peu
d’autonomisation. Les perturbations somatiques sont aussi
fréquentes : difficultés de sommeil, troubles de l’appétit,
énurésie. La sensibilité est extrême à la séparation avec
l’adulte, la quête relationnelle intense.
6à12ans
Tristesse, ralentissement, attitude de retrait sont plus
marqués et les troubles du comportement restent majeurs :
instabilité, agressivité, allure euphorique.
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On ne note pas de différence significative de fréquence
et de sévérité entre les prépubères et les adolescents sinon
quelques nuances symptomatiques (apparence plus dépri-
mée et plaintes somatiques pour les prépubères, désespoir
et abus de drogues ou d’alcool pour les adolescents) [21].
Quelques épisodes dépressifs majeurs avec hallucina-
tions (surtout auditives) seraient notés chez l’enfant.
Évolution
La durée de l’épisode dépressif majeur va de 1 mois à
4 ans (M. Dugas et MC. Mouren) et la disparition des
troubles du sommeil ainsi que la reprise de l’intérêt pour
les jeux sont les premiers indices d’une évolution favora-
ble.
Les enquêtes épidémiologiques montrent un risque
évolutif non négligeable, avec à court terme :
une chute de l’efficience scolaire qui s’inscrit dans
une dynamique de stratégies défensives contre l’envahis-
sement dépressif, qui détourne l’énergie psychique de
secteurs tels que l’apprentissage ou de façon plus générale
les champs intellectuels et artistiques ;
les troubles anxieux, qui seraient liés à l’inquiétude
envers des schémas de pensée négatifs instaurés depuis
peu, qu’il ne connaît pas et qui le rendraient anxieux. La
comorbidité serait de 30 à 75 % pour D. Marcelli [15,
16] ;
le risque suicidaire : onze fois plus élevé chez l’en-
fant présentant un trouble dépressif plutôt qu’un autre
trouble,5à10%dessuicides surviennent dans les 15
années suivant le premier épisode dépressif. Les facteurs
de risques à évaluer sont les antécédents suicidaires, le
degré de désespoir, la présence d’un trouble psychotique,
les traits d’impulsivité, l’abus de substance, une famille
peu soutenante ;
les troubles des conduites, estimés à 20 %, plus
fréquents chez les garçons, et persistants pour certains
après la résolution de l’épisode dépressif ;
la consommation toxicomaniaque de produits et les
troubles des conduites alimentaires apparaissent en géné-
ral à la préadolescence (11-13 ans) ou à l’adolescence ;
le trouble bipolaire : 20 à 30 %.
Le taux de rechute est important, estimé à 45 % dans
les deux ans, ce qui rejoint les chiffres des adultes. De
façon générale, la dépression chez l’enfant et l’adolescent
augmente le risque de dépression à l’âge adulte, sachant
que la corrélation entre épisode dépressif majeur à l’âge
adulte et antécédent dépressif dans l’enfance est plus forte
quand l’épisode dépressif est apparu après la puberté.
Épidémiologie
Diversité des populations étudiées
Les recherches épidémiologiques sont relativement
récentes et avant tout de langue anglaise.
À partir des années 1970 beaucoup de psychiatres
américains ont spéculé sur une augmentation de la dé-
pression du fait de l’accroissement du nombre de patients
reconnus tels dans les services hospitaliers et avec un âge
plus bas que supposé. Au début des années 1980, le
DSM-III avance une catégorie spécifique pour les troubles
affectifs et la CIM-10 pour les troubles de l’humeur.
Cependant, l’hétérogénéité des populations étudiées
entraîne une variabilité des résultats rendant difficile les
comparaisons.
La diversité des méthodologies employées repose en
grande partie sur des différences d’objectifs selon que l’on
recherche des troubles de l’humeur ou un syndrome dé-
pressif. Mais que ce soit en population générale ou en
population traitée, toutes les enquêtes ont montré l’exis-
tence de troubles dépressifs chez l’enfant et même chez le
jeune enfant.
La dépression en tant que plainte de l’individu dans un
auto-questionnaire est trop courante pour discriminer un
déprimé d’un non déprimé [8]. De fait, plus rigoureuse et
systématique est la définition de la dépression, moins
fréquente elle apparaît.
Les questionnaires standardisés proposés aux ensei-
gnants orientent les réponses plus sur les troubles de
conduites que sur la tristesse ou le retrait, alors que les
parents avec les mêmes questionnaires ont tendance à
surestimer les symptômes dépressifs que ce soit en popu-
lation générale ou en population qui consulte [11]. Les
pourcentages relevés par les cliniciens se situent, pour les
moins de 10 ans, autour de 1 à 2 % en population géné-
rale et de 4 % pour ceux pris en charge [11] tout en
précisant un probable sous-enregistrement durant l’en-
fance. En population générale, D. Kashani et al. [12] qui
n’avaient pas observé plus de 2 % de déprimés chez les
moins de 12 ans, révèlent un pourcentage de 8 % chez les
14-16 ans. Ils estiment que la prévalence élevée des trou-
bles dépressifs dans ces tranches d’âge peut expliquer la 2
e
cause de mortalité par suicide, la perte d’intérêts et l’arrêt
des études pour les étudiants.
Différence par sexe
La surreprésentation des femmes, constante chez les
adultes, n’est pas retrouvée avant 14 ans et au-delà de cet
âge les résultats ne sont pas concordants.
La plupart des auteurs soulignent que la différence par
sexe moins grande avant 13 ans croît à partir de 14 ans.
Pour Kashani [17], il n’y a pas de prédominance d’un sexe
à 9 ans.
Troubles associés
L’importance des troubles psychiatriques associés (an-
xiété, phobies, plaintes somatiques) est fréquemment no-
tée et justifie la demande de consultation spécialisée
(problèmes de comportement.)
La dépression de l’enfant
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