séance du 18/9 - IMJ-PRG

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SÉANCE DU 18/9
1. Groupes topologiques
Définition 1.1. — Un groupe topologique est un groupe G muni d’une topologie telle que les deux applications :
G × G → G,
(g, h) 7→ gh
et G → G,
g 7→ g −1
soient continues (ici, G × G est muni de la topologie produit). Ceci équivaut à
la continuité de l’application (g, h) 7→ gh−1 .
Dans ce cas, tout sous-groupe H de G, muni de la topologie induite, est un
groupe topologique.
Exemples 1.2 (Groupes discrets). — Tout groupe Γ, muni de la topologie discrète, est un groupe topologique. Par exemple, Z, Z/nZ, tout groupe fini, etc.
Exemples 1.3 (Groupes additifs et multiplicatifs). — 1) (R, +) est un groupe
topologique, puisque l’application (x, y) 7→ x−y est continue. De même, (C, +)
est un groupe topologique, isomorphe à (R2 , +). Plus généralement, (Rn , +).
2) (R∗ , ×) est un groupe topologique, puisque l’application (x, y) 7→ xy −1
est continue. Il n’est pas connexe, puisque R∗+ est un sous-groupe ouvert et
fermé.
De même, (C∗ , ×) est un groupe topologique. Le cercle S1 = {z ∈ C |
zz = 1} est un sous-groupe de (C∗ , ×). On le note aussi U(1). Comme espace
topologique, il est compact. On a un isomorphisme de groupes topologiques
C∗ ∼
= S1 × R∗+ .
Exemples 1.4 (Groupes linéaires). — Soit K = R ou C. On munit Mn (K) ∼
=
2
Kn de la topologie usuelle. L’application A 7→ dét A est continue, puisque
(0)
version du 19/9/06
2
SÉANCE DU 18/9
c’est un polynôme en les coefficients ai,j de A. Donc le groupe
GLn (K) = {A ∈ Mn (K) | dét A 6= 0}
est un ouvert de Mn (K). L’application (A, B) 7→ AB est continue, puisque
chaque coefficient
n
X
(AB)i,j =
ai,k bk,j
k=1
est une fonction continue (un polynôme quadratique) en les coefficients de A et
B. Soit C(A) la matrice des cofacteurs de A, c.-à-d., C(A)i,j est le déterminant
de la matrice de taille n − 1 obtenue à partir de A en supprimant la i-ème
ligne et la j-ème colonne ; c’est un polynôme homogène de degré n − 1 en les
coefficients de A. D’après la formule
A−1 =
1 t
C(A),
dét A
où t désigne la matrice transposée, on voit que A 7→ A−1 est une application
continue. Donc GLn (K) est un groupe topologique. Le groupe
SLn (K) = {A ∈ GLn (K) | dét A = 1}
est un sous-groupe fermé. Ni GLn (K) ni SLn (K) ne sont compacts, car SLn (K)
contient, par exemple, les matrices I + xEi,j , pour i < j et x ∈ K arbitraire,
donc la fonction continue A 7→ Ai,j est non bornée sur SLn (K).
Exemples 1.5 (Groupes orthogonaux, unitaires ou symplectiques)
Ce sont les sous-groupes de GLn (K) qui préservent une forme bilinéaire
symétrique, une forme hermitienne, ou une forme bilinéaire antisymétrique
(forme alternée). En particulier, on a les deux exemples suivants.
1) On munit Rn du produit scalaire euclidien usuel, c.-à-d., si x =
(x1 , . . . , xn ) et y = (y1 , . . . , yn ), alors
sX
X
p
(x, y) =
xi yi , et kxk = (x, x) =
x2i .
i
i
Alors, on définit le groupe orthogonal
O(n) = {A ∈ GLn (R) | (Ax, Ay) = (x, y), ∀ x, y ∈ Rn }
= {A ∈ GLn (R) | t AA = I}
P
= {A = (ai,j ∈ Mn (R) | nk=1 ak,i ak,j = δi,j , ∀ i, j}.
Alors, O(n) est un sous-groupe
fermé de GLn (R) et aussi un sous-espace fermé
P 2
de Mn (R). De plus, k ak,i = 1 entraı̂ne |ak,i | 6 1 pour tout k, i ; donc O(n)
est un fermé borné de Mn (R), donc est compact.
2. INTERLUDE SUR LES REPRÉSENTATIONS DE GROUPES FINIS
3
D’autre part, comme dét(t A) = A, pour tout A ∈ O(n) on a dét(A)2 = 1,
d’où dét(A) = ±1. Ceci conduit à introduire le groupe spécial orthogonal
SO(n) = {A ∈ O(n) | dét(A) = 1}.
C’est un sous-groupe fermé de O(n), il est donc également compact. Pour
n = 2, on a
¶¯
¾
½µ
a −b ¯¯ 2
2
a +b =1 ∼
SO(2) =
= S1 .
b a ¯
2) On munit Cn du produit scalaire hermitien usuel, c.-à-d., si x =
(x1 , . . . , xn ) et y = (y1 , . . . , yn ), alors
sX
X
p
(x, y) =
xk yk , et kxk = (x, x) =
|xk |2 .
k
k
Alors, on définit le groupe unitaire
U(n) = {A ∈ GLn (C) | (Ax, Ay) = (x, y), ∀ x, y ∈ Cn }
= {A ∈ GLn (C) | t AA = I}
P
= {A = (ai,j ) ∈ Mn (C) | nk=1 ak,i ak,j = δi,j , ∀ i, j}.
Alors, U(n) est un sous-groupe
fermé de GLn (C), et aussi un sous-espace fermé
P
2
de Mn (C). De plus, k |ak,i | = 1 entraı̂ne |ak,i | 6 1 pour tout k, i ; donc U(n)
est un fermé borné de Mn (C), donc est compact.
D’autre part, l’image de U(n) par l’application continue dét est un sousgroupe compact de C∗ , donc contenu dans S1 . En fait, on peut voir que l’image
est exactement S1 . On introduit aussi le groupe spécial unitaire
SU(n) = {A ∈ U(n) | dét(A) = 1}.
C’est un sous-groupe fermé de U(n), il est donc également compact. Pour
n = 1, on a
U(1) = {z ∈ C∗ | zz = 1} = S1 .
Exemples 1.6 (Groupes p-adiques). — Soit Zp l’anneau des entiers p-adiques.
Alors (Zp , +) et (Z∗p , ×) sont des groupes topologiques compacts, voir par
exemple [Am, Chap. 1].
2. Interlude sur les représentations de groupes finis
Définition 2.1. — Soit G un groupe. Une représentation (complexe) de G
dans un C-espace vectoriel V est la donnée d’un morphisme de groupes ρ :
G → GL(V). Dans ce cas, on dit aussi que V est un G-module. Si V est de
dimension finie n, ceci équivaut à la donnée d’un morphisme G → GLn (C).
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SÉANCE DU 18/9
Définition 2.2. — 1) Soit V une représentation de V. On dit que V est irréductible si V ne contient pas de sous-espace G-stable autre que {0} et V.
Dans ce cas, on dit aussi que V est un G-module simple.
2) On dit que V est complètement réductible, ou semi-simple, si V est
somme directe de représentations irréductibles.
Si V est de dimension finie, alors tout sous-espace G-stable de dimension
minimale est un sous-module irréductible (c’est clair). C’est un problème important de comprendre toute les représentations, disons de dimension finie,
d’un groupe G. On veut d’une part classifier toutes les représentations irréductibles, et d’autre part on est content si toute représentation de G est somme
directe d’irréductibles. Ce n’est pas toujours le cas, mais c’est la cas si G est
un groupe fini.
Théorème 2.3. — Soit G un groupe fini, V une représentation de G de dimension finie. Alors V est complètement réductible.
Démonstration. — Choisissant une base de V, on identifie V = Cn . On munit
V du produit scalaire hermitien usuel, qu’on désigne par h−, −i. Pour x, y ∈ V,
on pose
1 X
(x, y) =
hgx, gyi.
|G|
g∈G
Il est clair que (−, −) est hermitien symétrique, et il est défini positif puisque
pour x 6= 0 on a
1 X
hgx, gxi > 0.
(x, x) =
|G|
g∈G
Donc (−, −) est un nouveau produit scalaire hermitien sur V. De plus, il est
G-invariant, c.-à-d., pour tout g ∈ G, et x, y ∈ V, on a
(∗)
(gx, gy) = (x, y).
En effet,
(gx, gy) =
1 X
1 X 0
hhgx, hgyi =
hh x, h0 yi = (x, y).
|G|
|G| 0
h∈G
h ∈G
On peut maintenant démontrer le théorème. Soit W un sous-espace G-stable
de V, de dimension minimale. Alors W est irréductible. De plus, on a une
décomposition orthogonale, relativement à (−, −) :
(∗∗)
V=W
⊥
L
W⊥ ,
et W⊥ est G-stable. En effet, si x ∈ W⊥ et g ∈ G alors, pour tout v ∈ W, on
a
(v, gx) = (g −1 v, x) = 0,
3. MESURE DE HAAR SUR UN GROUPE COMPACT
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d’où gx ∈ W⊥ . Alors, la restriction de (−, −) à W⊥ est encore un produit
scalaire hermitien, G-invariant, et on peut répéter le processus. Comme V
est de dimension finie, on obtient ainsi une décomposition en somme directe
orthogonale de sous-modules irréductibles :
V = W1
⊥
L
W2
⊥
L
···
⊥
L
Wr .
Le théorème est démontré.
3. Mesure de Haar sur un groupe compact
3.1. Représentations régulières gauche et droite. — Soit G un groupe
compact. On note C(G) l’espace des fonctions continues φ : G → C, muni de
la norme
kφk = sup |φ(g)|.
g∈G
C’est un espace de Banach (c.-à-d., il est complet pour cette norme), voir par
exemple [Di81, 6.1.12].
On a deux représentations de G dans C(G), notées L : g 7→ Lg et R : g 7→ Rg ,
appelées représentation régulière gauche (resp. droite), et définies comme suit.
Soit φ ∈ C(G) ; pour tout h ∈ G on pose :
(Lg φ)(h) = φ(g −1 h),
(Rg φ)(h) = φ(hg).
D’abord, Lg φ est bien continue, car c’est la composée de h 7→ g −1 h et de φ.
De même, Rg φ est continue. Pour g1 , g2 ∈ G, on a
(Lg1 (Lg2 φ))(h) = (Lg2 φ)(g1−1 h) = φ(g2−1 g1−1 h) = φ((g1 g2 )−1 h) = (Lg1 g2 φ)(h),
d’où
Lg1 ◦ Lg2 = Lg1 g2
et L : G → GL(C(G)) est bien un morphisme de groupes : c’est la raison pour
laquelle on a défini Lg φ par (Lg φ)(h) = φ(g −1 h). On vérifie de même que
Rg1 ◦ Rg2 = Rg1 g2 ,
et Lg ◦ Rg0 = Rg0 ◦ Lg .
C’est-à-dire, L et R sont deux représentations de G dans C(G), et elles commutent. En particulier, Lg ◦ Rg = Rg ◦ Lg est l’action par conjugaison, notée
Intg :
(Intg φ)(h) = φ(g −1 hg).
Remarque 3.1. — Certains auteurs (par exemple, [Ru73]) utilisent (L0g φ)(h) =
φ(gh) ; mais alors on a L0g1 ◦ L0g2 = L0g2 g1 , c.-à-d., L0 fait de C(G) un G-module
à droite...
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SÉANCE DU 18/9
3.2. Intégration invariante. — On veut définir une théorie de l’intégration
sur G qui soit invariante par translation à gauche ou à droite (en fait, on aura
les deux simultanément, ce qui est une particularité du cas compact). C.-à-d.,
pour tout φ ∈ C(G), on veut définir une intégrale
Z
M(φ) =
φ(g)dg
G
de sorte que, pour tout h ∈ G, on ait M(Lh φ) = M(φ), c.-à-d.,
Z
Z
φ(hg)dg =
φ(g)dg.
G
G
L’existence d’une telle intégrale a été démontrée en 1933 par Alfred Haar ; on
parle donc d’intégrale (ou de mesure) de Haar.
3.3. Deux résultats de compacité. Théorème du point fixe de Kakutani. —
Définition 3.2. — Soit E un espace métrique. Une partie X de E est dite totalement bornée si, pour tout ε > 0, il existe un nombre fini d’éléments
x1 , . . . , xn de X, tels que
n
[
X⊆
B(xi , ε),
i=1
où B(xi , ε) désigne la boule fermée de centre xi et de rayon ε.
Dans ce cas, il est clair que l’adhérence X est également bornée.
Lemme 3.3. — Soit X une partie fermée totalement bornée d’un espace métrique complet (par exemple, un espace de Banach). Alors X est compacte.
Démonstration. — Raisonnant par l’absurde, supposons qu’il existe un recouvrement ouvert Γ de X dont on ne puisse extraire un sous-recouvrement fini.
Par hypothèse, X est recouvert par un nombre fini de fermés de diamètre 6 1.
Donc l’un d’eux, disons X1 , ne peut être recouvert par un nombre fini d’éléments de Γ. Or X1 est lui aussi fermé et totalement borné, donc recouvert par
un nombre fini de fermés de diamètre 6 1/2. L’un d’eux, disons X2 , ne peut
être recouvert par un nombre fini d’éléments de Γ. On construit ainsi une suite
décroissante de fermés
X ⊇ X1 ⊇ X2 ⊇ · · ·
avec Xn de diamètre 6 1/2n et ne pouvant être recouvert par un nombre fini
d’éléments de Γ.
Choisissons xn ∈TXn . Alors (xn )n>1 est une suite de Cauchy, donc converge
vers un point x ∈ n Xn (car chaque Xn est fermé). Alors il existe un ouvert
U du recouvrement Γ contenant x, et donc la boule fermée B(x, 2−n ) pour un
3. MESURE DE HAAR SUR UN GROUPE COMPACT
7
certain n > 0. Alors U contient Xn , ce qui contredit l’hypothèse. Ceci montre
que X est compact.
Remarque 3.4. — (Pour la culture.) Le lemme précédent est une étape dans la
démonstration du théorème d’Ascoli-Arzela.
Théorème 3.5. — Soient V un espace de Banach, K une partie compacte, et C
l’enveloppe convexe de K, c.-à-d., l’ensemble de toutes les sommes finies
n
X
ti xi ,
où xi ∈ K, ti > 0, et
X
ti = 1.
i=1
Alors C est un convexe compact.
Démonstration. — Soit ε > 0. Comme K est compact, il existe g1 , . . . , gn ∈ K
tels que
(1)
K⊆
n
[
B(gi , ε).
i=1
Soit C1 l’enveloppe convexe des gi ; c’est l’image du compact
X
∆n−1 = {(s1 , . . . , sn ) ∈ (R+ )n |
si = 1}
par l’application
θ : ∆n−1 −→ C1 ,
(s1 , . . . , sn ) 7→
X
si gi ,
i
qui est continue, puisque
0
kθ(s) − θ(s )k 6
n
X
|si − s0i | · kgi k.
i=1
Donc C1 est compact.
Soit x ∈ C arbitraire. Alors, il existe x1 , . . . , xp ∈ K et (t1 , . . . , tp ) ∈ ∆p−1
tels que
x = t1 x1 + · · · + tp xp .
D’après (1), à chaque xi on peut associer un élément yi de S := {g1 , . . . , gn }
tel que kxi − yi k 6 ε. Posons
X
X
ti y i ,
x00 =
ti (xi − yi ).
x0 =
i
Alors
(2)
x0
∈ C et
x00
i
+ x00 , ceci montre que
[
C ⊆ C1 + B(0, ε) =
B(0, ε).
∈ B(0, ε). Comme x =
x0
c∈C
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SÉANCE DU 18/9
De plus, C1 étant compact, il existe un sous-ensemble fini F de C1 tel que
(3)
C1 ⊆ F + B(0, ε).
Donc, (2) et (3) entraı̂nent :
C ⊆ F + B(0, ε) + B(0, ε) ⊆ F + B(0, 2ε).
Comme ε était arbitrairement choisi, ceci montre que C est totalement borné.
Par conséquent, C est compact, d’après le lemme 3.3. Enfin, C est convexe
d’après le lemme 3.7 ci-dessous.
Corollaire 3.6. — Soit G un groupe compact, opérant continument et linéairement dans un espace de Banach V. Soit f ∈ V et soit C l’enveloppe convexe
de Gf . Alors C est un convexe compact stable par G.
Démonstration. — Fixons g ∈ G. Comme l’application φg : v 7→ gv est continue, φ−1
g (C) est un fermé, qui contient C et donc aussi C. Ceci montre que C
est G-stable.
D’autre part, l’application g 7→ gf est continue. Comme G est compact, il
en est de même de Gf . Donc C est compact, d’après le théorème précédent. Il
est convexe d’après le lemme 3.7 ci-dessous.
Dans la démonstration du théorème 3.5 et du corollaire 3.6, on a utilisé
(implicitement en cours) le lemme suivant.
Lemme 3.7. — Soient V un espace vectoriel normé, C une partie convexe.
Alors C est convexe.
Démonstration. — Soient x, y ∈ C et s, t > 0 tels que s + t = 1. Soit ε > 0. Il
existe x0 , y 0 ∈ C tels que
kx − x0 k + ky − y 0 k 6 ε.
Alors c = sx0 + ty 0 ∈ C et k(sx + ty) − ck 6 ε. Ceci montre que sx + ty ∈ C,
donc C est convexe.
Fin de la séance du 18/9 (en fait, avant le corollaire précédent).
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