Médicaments génériques en sortie d`hospitalisation

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Synthèse
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2014 ; 12 (1) : 13-9
Médicaments génériques en sortie
d’hospitalisation : évaluation dans
un service de gériatrie
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Generic drugs at hospital discharge: assessment in geriatrics
Hugues Michelon1
Julie Marcel2
Mathieu Coudert3
Kim Juillard4
Laurence Pochat4
Christine Fernandez5
Marc Verny6
Marie Antignac5
1 Service de pharmacie, Hôpital
Raymond Poincaré, Hôpitaux
universitaires Paris Ile de France Ouest,
Assistance Publique - Hôpitaux de Paris,
France
<[email protected]>
Résumé. Objectifs. Évaluer l’impact de la sensibilisation des médecins gériatres à la promotion de prescription de médicaments génériques en sortie d’hospitalisation. Méthodes.
Analyse des prescriptions de sortie avant et après intervention pharmaceutique auprès des
cliniciens. Chaque médicament a été classé selon son libellé de prescription (Dénomination
commune internationale (DCI), Générique ou Princeps). Le critère principal de jugement est
défini par le taux de médicaments prescrits en DCI ou en générique. Résultats. Le nombre
de médicaments prescrits est de 351 médicaments dans le groupe « avant intervention »
et 301 dans le groupe « après ». Le nombre moyen de médicaments prescrits par patient
est identique entre les 2 groupes soit 9,5 médicaments/patient. La prescription de médicaments en DCI ou en générique a été augmentée de 19,7 % à 24,3 % entre les 2 périodes
(p = 0,27). L’intervention a eu un impact significatif chez les internes, ayant permis une augmentation de la prescription de médicaments substituables (DCI ou génériques) de 17,6 %
à 31,4 % entre les 2 périodes (p = 0,006). Conclusion. L’intervention auprès des médecins a permis une augmentation significative de la proportion de prescription en DCI ou en
générique en sortie d’hospitalisation chez les internes en médecine.
2 Service de pharmacie, Groupe
Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Assistance
Publique – Hôpitaux de Paris, France
Mots clés : médicaments génériques, personnes âgées, prescription électronique, coûts
de santé
3 Unité de recherche clinique, Groupe
Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Assistance
Publique – Hôpitaux de Paris, France
Abstract. Objectives. To assess the impact of physician awareness to promote the prescription and the dispensing of generic drugs at hospital discharge. Methods. The study
consisted in a Before/After Study design including the analysis of medical prescriptions
at hospital discharge, after a pharmaceutical intervention to physicians in a geriatric ward.
Each drug was classified according to its terms of prescribing (International Nonproprietary
Name (INN), Generic or Trade Name). The primary endpoint defined is the rate of medication
prescribed by INN or generic. Statistical analysis was performed on all medicines and according to the prescribers’ status (junior/senior). Results. Three hundred and fifty one drugs
were prescribed in the group “before intervention” versus 301 in the group “after”. The
average number of drugs prescribed per patient was similar between the two groups (9.5
drugs/patient). A generic prescription has been improved by 5% between the two periods
(19.7% “before” vs 24.3% “after”, p=0.27). Analysis on prescriber status indicates that the
pharmaceutical intervention had a significant impact on junior physicians, which resulted
in improved prescribing of drug (INN or generic) from 17.6% to 31.4% between the two
periods (p=0.006). Conclusion. The pharmaceutical intervention to physicians has led to an
improvement of drug prescription (INN or generic) at hospital discharge. This awareness
has affected mainly junior prescribers hence the need to extend this type of intervention to
all prescribers of our establishment.
4 Échelon local du Service médical de
Paris (Assurance Maladie), Paris, France
5 Service de pharmacie, Hôpital
Saint-Antoine, Hôpitaux universitaires
Est Parisien, Assistance Publique –
Hôpitaux de Paris, France
6 Centre de gériatrie, Groupe Hospitalier
Pitié-Salpêtrière, Assistance Publique –
Hôpitaux de Paris, Université Pierre et
Marie Curie – Paris 6, France
Tirés à part :
H. Michelon
doi:10.1684/pnv.2014.0457
Key words: generic drugs, elderly, prescription, education
C
es dernières années, de nouvelles réglementations
ont eu pour objectifs d’améliorer la qualité des
soins et de maîtriser l’évolution des coûts de notre
système de santé.
Parmi les nombreux secteurs d’activité impliqués dans
ce dispositif, l’hôpital en est un qui constitue un potentiel
majeur d’économie et qui fait l’objet de plusieurs disposi-
tions visant à responsabiliser l’ensemble des professionnels
médicaux [1-3].
Le montant des dépenses (hors taxe) des spécialités
remboursables pour les officines de ville et pour les établissements de santé s’élève en France à près de 26 milliards
d’euros (20,2 et 5,8 respectivement [4]). Depuis ces dix
dernières années (1999-2009), la part de l’hôpital dans le
Pour citer cet article : Michelon H, Marcel J, Coudert M, Juillard K, Pochat L, Fernandez C, Verny M, Antignac M. Médicaments génériques en sortie
d’hospitalisation : évaluation dans un service de gériatrie. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2014; 12(1) :13-9 doi:10.1684/pnv.2014.0457
13
H. Michelon, et al.
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marché pharmaceutique français n’a cessé d’augmenter
(taux de croissance moyen annuel de 8,8 % par an contre
4,5 % par an pour les pharmacies d’officine) [4].
En Ile de France, 0,5 milliard d’euros de médicaments
prescrits par les médecins hospitaliers sont dispensés aux
malades hospitalisés [4]. Une somme comparable (506
millions) correspond à des médicaments prescrits par des
médecins hospitaliers de l’AP-HP (Assistance Publique Hôpitaux de Paris) mais dispensés aux patients ambulatoires par les pharmacies de ville. Il peut s’agir de
prescriptions réalisées aux urgences, en polyclinique, en
consultation externe ou lors de la sortie des patients, après
une hospitalisation traditionnelle, de jour, ou de semaine.
Bien qu’elles soient toutes issues de l’hôpital, ces prescriptions dispensées par les pharmacies de ville suivent, de fait,
les règles de substitution pour les médicaments génériques
accordées aux pharmaciens d’officine selon l’article L.512523 du Code de la santé publique (CSP) [5]. Le montant des
dépenses (hors taxe) correspondant à des médicaments
génériques remboursables s’élève en France à 2 milliards
d’euros en 2009 dont 93 millions pour le marché hospitalier
[4]. Le médicament générique d’une spécialité de référence
(princeps) est un médicament qui a la même composition qualitative et quantitative en principe actif, la même
forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec le
princeps a été démontrée par des études de biodisponibilité appropriées (article L.5121-1 du CSP) [6]. Ayant les
mêmes exigences de qualité, de sécurité et d’efficacité,
le médicament générique représente un axe fort dans la
régulation des dépenses des médicaments. En effet, du fait
d’un développement moins coûteux (données non cliniques
et cliniques disponibles dans le domaine public), le dossier
d’Autorisation de mise sur le marché est moins onéreux,
ce qui explique un prix public de vente en moyenne 30 %
moins cher que celui du princeps.
La maîtrise médicalisée des prescriptions hospitalières
dispensées en ville, dont un des volets est l’utilisation
des médicaments génériques - soit par la prescription en
Dénomination commune internationale (DCI) (obligation de
délivrer en générique si possibilité), soit par la prescription
dans le répertoire des médicaments génériques de l’ANSM
(autorisant la substitution par le pharmacien) - constitue
un enjeu majeur d’économie de santé publique. Depuis
2006, l’Assurance-maladie a donc une attention croissante
pour ces prescriptions hospitalières délivrées en ville via
la signature de conventions de partenariats avec les établissements de santé dont l’AP-HP, afin de développer la
prescription de médicaments en DCI ou au sein du répertoire de l’ANSM, par les médecins hospitaliers. Au-delà
d’une dynamique de maîtrise médicalisée de l’évolution
14
des dépenses de santé, ces partenariats s’inscrivent dans
une démarche d’amélioration de la qualité des soins, de
promotion du bon usage et de sécurisation du circuit du
médicament.
Cependant, et malgré des efforts constants, force est
de constater aujourd’hui que les pharmacies de ville d’Ile
de France, ont moins tendance à substituer les médicaments génériques lorsqu’ils sont issus d’une prescription
hospitalière (61 % de substitutions), alors qu’ils les substituent plus facilement (70 % de substitution) quand ils sont
prescrits sur une ordonnance issue d’un médecin de ville.
À titre d’exemple, sur l’année 2009 à l’échelle du Groupe
hospitalier Pitié-Salpêtrière (AP-HP), sur 656 537 boîtes de
médicaments prescrites, 61,2 % ont été délivrées en génériques au sein du répertoire. Pour les ordonnances issues
de l’AP-HP un taux de substitution identique aux taux observés pour les ordonnances de ville permettrait de faire une
économie pour la sécurité sociale de l’ordre de 5 millions
d’euros par an.
Face à de tels constats et dans la poursuite des actions
de maîtrise des dépenses médicalisées en partenariat avec
le service médical de Paris (Assurance-maladie), nous avons
souhaité, au sein de notre établissement (Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP), sensibiliser les médecins
prescripteurs (médecins seniors et internes en médecine)
sur cet enjeu et évaluer l’impact d’une intervention pharmaceutique d’information auprès des médecins sur la
proportion des médicaments génériques prescrits lors de
la sortie d’hospitalisation.
Cette étude a été réalisée dans le service de gériatrie du
groupe hospitalier en raison d’une forte intégration des pharmaciens (seniors, internes, étudiants en pharmacie) dans
ce service clinique (analyse pharmaceutique des prescriptions, participation aux visites médicales, information aux
professionnels de santé sur le médicament) et d’une forte
implication des gériatres sur le thème de la qualité de prescription et de la réduction des dépenses de santé.
Méthodes
Il s’agit d’une étude prospective de type avant/après une
intervention pharmaceutique réalisée de décembre 2010 à
mai 2011 dans le service clinique de gériatrie du groupe
hospitalier Pitié-Salpêtrière (AP-HP).
L’intervention, organisée par le service de pharmacie,
en partenariat avec le service médical de Paris (Assurancemaladie), avait pour but de sensibiliser les médecins sur les
enjeux de la maîtrise médicalisée des prescriptions hospitalières exécutées en ville et de rappeler les différents outils
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n ◦ 1, mars 2014
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Médicaments génériques en sortie d’hospitalisation
mis à leur disposition pour favoriser, dans la mesure du possible, la prescription de médicaments substituables par des
génériques en sortie d’hospitalisation :
– mise à disposition de fiches « mémo » répertoire des
génériques par classe pharmacologique et sensibilisation à
certaines classes telles que les inhibiteurs de la pompe à
protons ;
– rappel des fonctionnalités du logiciel informatique de
prescription permettant la prescription automatique en DCI
(fonction « ordonnance de sortie ») ou, à l’inverse, la fonction « non substituable » pour éviter la substitution en cas
de besoin.
L’étude a porté sur l’analyse des prescriptions médicamenteuses de sortie (prescriptions informatisées, logiciel
Phedra® ) avant et après l’intervention pharmaceutique faite
auprès des médecins du service. Chaque prescription de
sortie a été évaluée avec le compte rendu d’hospitalisation
du patient afin d’obtenir le contexte clinique se rapportant à
la prescription médicamenteuse. Nous avons recensé, pour
chaque médicament prescrit, la façon dont était libellé le
médicament par le médecin : en DCI, en générique (soit DCI
+ nom du laboratoire, soit nom fantaisie + suffixe « Gé ») [7]
ou en princeps. Le critère principal de jugement défini est
la proportion de médicaments prescrits en DCI ou en générique. Pour chaque prescription, nous avons considéré que
lorsque le médicament était prescrit en générique ou en
DCI, sans la mention « non substituable », le pharmacien
d’officine délivrerait un générique référencé au répertoire
des médicaments génériques de l’ANSM (base légale pour
la substitution).
Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du
logiciel SAS version 9.2. Une analyse descriptive a été réalisée sur l’ensemble de la population incluse (un patient
correspond à une prescription) puis en sous-groupe suivant
la période d’étude (sous-groupe « avant » et sous-groupe
« après » l’intervention). Les variables qualitatives ont
été décrites par leur fréquence et leur pourcentage, les
variables quantitatives ont été décrites par leur moyenne,
écart type, médiane et valeurs extrêmes. Une comparaison
a été effectuée, afin de vérifier l’homogénéité des deux
sous-groupes sur l’âge, le sexe, le motif d’hospitalisation
et le nombre de médicaments prescrits par patient. Les
variables qualitatives ont été comparées par le test du
khi-deux et les variables quantitatives ont été comparées par le test t de Student (risque ␣ = 0,05). L’effet
de l’intervention a été analysé par le modèle d’équations
d’estimations généralisées (GEE). Un total de 60 prescriptions (30 patients avant et après) a été jugé nécessaire pour
mettre en évidence une amélioration du taux de prescription de médicaments en DCI ou en générique de 30 % après
l’intervention pharmaceutique (puissance 80 %). L’analyse
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n ◦ 1, mars 2014
statistique a été effectuée de façon globale (toutes prescriptions confondues), puis stratifiée selon le statut du
prescripteur (senior ou interne).
Résultats
Caractéristiques des prescriptions
et de la population étudiée
Au total, 69 prescriptions ont été analysées sur
l’ensemble des deux périodes (tableau 1). Les patients
inclus ont un âge moyen de 85 ans [72 ; 99 ans] avec
un sexe ratio égal à 0,53 (45 femmes/24 hommes). Les
deux principaux motifs d’hospitalisation relevés sont les
malaises/chutes et les troubles d’origine neurologique.
Le nombre moyen de médicaments prescrits par patient
est identique entre les 2 sous-groupes soit 9,5 médicaments/patient (p = 0,95). Ces prescriptions sont rédigées
par les internes en médecine dans plus de 60 % des cas.
Au total, 351 médicaments ont été prescrits dans le groupe
« avant » intervention contre 301 dans le groupe « après ».
Les principales classes pharmacologiques prescrites appartiennent au groupe des médicaments du système
digestif/métabolisme, du système nerveux et du système
cardiovasculaire de la classification ATC (tableau 2).
Effet de l’intervention pharmaceutique auprès
des médecins
La prescription de médicaments en DCI ou en génériques a été améliorée de 5 % entre les 2 périodes (19,7 %
dans le groupe « avant » contre 24,3 % groupe dans le
groupe « après », p = 0,27) (tableau 3). La stratification sur le
prescripteur montre que l’intervention a eu un impact significatif chez les internes en médecine, avec une amélioration
de la prescription de médicaments en DCI ou en génériques
de 17,6 % à 31,4 % dans le groupe « après » (p = 0,006).
Aucune différence significative n’a été mise en évidence
pour les prescripteurs seniors avec, à l’inverse, une tendance à une diminution des prescriptions de médicaments
substituables entre les deux périodes (tableau 4).
Discussion
Ce travail a été initié dans le but de sensibiliser les médecins hospitaliers sur le poids des prescriptions hospitalières
dans les dépenses de soins de ville afin de favoriser la prescription et la dispensation de médicaments génériques en
sortie d’hospitalisation. Cette étude pilote qui a été réalisée
à l’échelle d’un service clinique de gériatrie montre que la
15
H. Michelon, et al.
Tableau 1. Description des patients et des prescriptions analysées.
Table 1. Description of the patients and the analyzed pescription.
Total
Avant
Après
p-value
n
N
%
n
69
%
n
37
%
32
Sexe
0,5667
Femme
45
65,2
23
62,2
22
68,8
Homme
24
34,8
14
37,8
10
31,3
Chute/malaise/fracture/traumatologie
25
36,2
13
35,1
12
37,5
Trouble neurologique
13
18,8
5
13,5
8
25,0
Altération état général
7
10,1
3
8,1
4
12,5
Infection
5
7,3
4
10,8
1
3,1
Autre
19
27,5
12
32,4
7
21,9
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Motif hospitalisation
0,4879
Prescripteur
0,4802
Interne
44
63,8
25
67,6
19
59,4
Senior (PH ou CCA)
25
36,2
12
32,4
13
40,6
Nombre médicaments prescrits (moyenne ± DS)
9,5
2,9
9,5
2,6
9,5
3,4
0,9502
PH : praticien hospitalier ; CCA : chef de clinique assistant.
Tableau 2. Type de médicaments prescrits d’après le 1er niveau de la classification ATC.
Table 2. Type of medicine precribed according to the first level of ATC classification.
Total
1er niveau ATC (groupe anatomique)
n
Avant
%
n
Après
%
351
n
p-value
%
N
652
A (système digestif, métabolisme)
183
28,1
99
28,2
301
84
27,9
0,5155
B (sang et organes hématopoïétiques)
70
10,7
39
11,1
31
10,3
C (système cardiovasculaire)
121
18,6
58
16,5
63
20,9
N (système nerveux)
183
28,1
98
27,9
85
28,2
Autres
95
14,6
57
16,2
38
12,6
Tableau 3. Pourcentage de médicaments substituables observé relevé dans les prescriptions au cours des deux périodes d’étude.
Table 3. Percentage of substitutable medicine observed found in the prescriptions during two periods of study.
Avant (n = 351)
Après (n = 301)
n
%
n
%
DCI
44
12,5
65
21,6
Générique
25
7,1
8
2,7
Princeps
282
80,3
226
75,1
Spécialité (non substituable)*
0
0,0
2
0,7
* : Spécialité prescrite avec la mention « non substituable » ; DCI : dénomination commune internationale.
sensibilisation des médecins a permis une amélioration de
5 % de la prescription des médicaments substituables (DCI
et/ou génériques) en sortie d’hospitalisation. Même si cette
augmentation n’est pas significative sur un plan statistique,
celle-ci souligne l’intérêt d’une telle intervention auprès des
16
cliniciens dans la mesure où, à l’échelle d’un service clinique de 30 lits d’hospitalisation, une amélioration de 5 %
pourrait contribuer à une économie potentielle théorique de
25 millions d’euros sur les dépenses ambulatoires en Ile de
France.
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n ◦ 1, mars 2014
Médicaments génériques en sortie d’hospitalisation
Tableau 4. Proportion de médicaments substituables et évaluation selon le statut du prescripteur.
Table 4. Percentage of substitutable medicine and evaluation according to the physician status
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Avant
Après
p-value
n
%
n
%
Internes
N
DCI
Générique
Spécialité
Spécialité (non substituable)*
DCI ou générique
239
23
19
197
0
42
9,6
7,9
82,4
0,0
17,6
172
52
2
118
0
54
30,2
1,2
68,6
0,0
31,4
0,0056
Seniors
N
DCI
Générique
Spécialité
Spécialité (non substituable)*
DCI ou générique
112
21
6
85
0
27
18,7
5,4
75,9
0,0
24,1
129
13
6
108
2
19
10,1
4,7
83,7
1,6
14,7
0,1681
112
129
* Spécialité prescrite avec la mention « non substituable » ; DCI : dénomination commune internationale.
La sensibilisation de la communauté médicale hospitalière s’avère donc importante à mettre en œuvre, en
particulier dans un contexte où l’influence hôpital-ville joue
un rôle important, notamment pour les médicaments en
situation de concurrence. En effet, dans le cadre des procédures d’achats de médicaments par appel d’offres (code
des marchés publics hospitaliers), certains médicaments
peuvent être concédés à des prix de vente extrêmement
faibles (voire plus compétitifs que certains génériques)
pour les établissements de santé en comparaison aux
tarifs appliqués en ambulatoire [8]. Cette constatation est
d’autant plus préoccupante que le phénomène de diffusion de l’hôpital vers la ville est important et qu’en
matière d’instauration de traitement, l’hôpital fait souvent référence. Ce phénomène repose essentiellement sur
l’influence qu’ont les médecins hospitaliers sur les prescriptions de leurs confrères de ville et/ou sur les pharmaciens
d’officine qui sont souvent plus hésitants à modifier ou à
substituer une prescription initialisée par un spécialiste à
partir du livret thérapeutique de son établissement [8]. Pour
ne pas perturber son patient, un médecin de ville reconduira
généralement, lors d’un renouvellement d’ordonnance, les
médicaments prescrits à l’hôpital. Ainsi, si le praticien hospitalier prescrit lui-même un générique, le médecin de
ville ou le pharmacien d’officine suivra plus facilement
cette démarche effectuée auprès du patient. Ce type de
pratique a aussi valeur d’exemple pour les internes en
médecine, afin d’acquérir ce réflexe dès leur formation.
Aussi l’impact des marchés hospitaliers est donc très important. Le prix de ville des médicaments devrait être pris en
compte dans le choix du médicament référencé. En d’autres
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n ◦ 1, mars 2014
termes, il conviendrait de tenir compte du coût global
d’un médicament pour l’Assurance-maladie, de l’hôpital à
la ville. Les intérêts financiers des hôpitaux sont cependant
fréquemment en contradiction avec l’intérêt des dépenses
publiques. L’hôpital préférera référencer un médicament
pour lequel un prix très bas lui est proposé par le laboratoire
pharmaceutique mais cher en ville, plutôt qu’un générique
au prix moyen mais dont le prix en ville est inférieur au
princeps.
De plus, la prescription de médicaments génériques en
sortie d’hospitalisation peut parfois s’avérer difficile pour
le praticien hospitalier qui doit s’adapter non seulement à
des contraintes scientifiques (evidence based medecine),
économiques, mais doit également tenir compte de l’état
du patient (conséquences sur l’observance et la iatrogénie médicamenteuse) [9-11]. Cet équilibre peut donc parfois
s’avérer problématique pour le médecin hospitalier qui, pour
des raisons de sécurité, considérera que la prescription
d’un médicament générique n’est pas adaptée pour un
patient, surtout lorsqu’il s’agit d’un traitement chronique
[9]. Le médecin craint aussi la diminution de l’observance
chez les patients âgés qui se verraient délivrer en ville une
fois le princeps, la fois suivante un générique lambda puis
la fois d’après un autre générique dont les présentations
peuvent varier. En effet, une même molécule, exploitée par
plusieurs laboratoires de génériques différents, peut être
conditionnée avec plusieurs couleurs ou formes différentes
à l’origine de confusions et d’une mauvaise observance
chez la personne âgée dont le nombre de médicaments
prescrits par patient augmente avec l’âge [9-11]. La diversité dans la dénomination (DCI + nom du laboratoire ou
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H. Michelon, et al.
nom fantaisie + suffixe « Gé »), dans la forme et la couleur des médicaments génériques est susceptible d’être
un facteur de mauvaise observance responsable d’effets
indésirables et d’hospitalisations en gériatrie. Ce risque est
majoré en cas de troubles cognitifs [12]. Ce phénomène
pourrait expliquer en partie l’amélioration non significative
de la prescription de médicaments génériques (+ 5 %)
observée dans cette étude qui a été réalisée dans un service
de gériatrie chez des patients fragiles avec, fréquemment,
des troubles cognitifs associés. En effet, il est à noter que,
quelle que soit la période d’étude, le prescripteur a privilégié
au cas par cas la prescription de médicaments en DCI ou
en spécialités (non substituables) disponibles dans le livret
thérapeutique, au lieu d’avoir recours aux fonctions spécifiques du logiciel informatique permettant la prescription
automatique en DCI de toute l’ordonnance ou la mention
« non substituable ».
L’impact de notre intervention a eu essentiellement un
effet sur les internes en médecine, chez qui la prescription
de médicaments substituables a été augmentée de 14 %
tandis qu’aucune amélioration (voire une tendance à une
diminution de la fréquence des prescriptions en DCI ou
en génériques) n’a pu être observée sur les pratiques des
médecins seniors. Un tel paradoxe pourrait laisser penser
que la population étudiée soit différente selon le statut du
prescripteur (peu d’arguments en faveur d’un biais de recrutement), soit que l’intervention pharmaceutique ait soulevé
auprès des médecins seniors des problèmes potentiels liés
à la prescription de médicaments génériques chez leurs
patients, d’où un effet « inverse » de celui attendu ici.
Cette différence internes/seniors peut s’expliquer également par une expérience clinique plus faible des internes
en médecine en comparaison aux médecins seniors qui,
du fait de leur ancienneté, peuvent être plus attentifs ou
plus sensibles à l’intérêt et à l’impact de la prescription
d’un médicament générique chez leur patient. À l’inverse,
on peut faire l’hypothèse que de par leur statut de praticien en formation, les internes sont souvent plus réceptifs
aux messages qui leur sont communiqués et donc plus à
même de modifier leurs pratiques de prescription que les
médecins seniors.
Références
1. Loi n◦ 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’Assurance-maladie, version consolidée au 26 février 2010 (NOR : SAN0400122L). Journal officiel
de la République française, no 190 du 17 août 2004.
2. Loi n◦ 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de
la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Journal
officiel de la République française. no 0302 du 30 décembre 2011.
18
Points clés
• La maîtrise médicalisée des prescriptions hospitalières dispensées en ville - dont un des volets est
l’utilisation des médicaments génériques - constitue un
enjeu majeur d’économie de santé publique.
• La sensibilisation pharmaceutique faite auprès des
médecins a permis une amélioration non significative de
la prescription de médicaments en DCI ou en génériques
de 5 %, avec un impact significatif chez les internes en
médecine.
• La prescription de médicaments génériques en gériatrie s’avère souvent difficile pour le praticien hospitalier
qui doit s’adapter non seulement à des contraintes
scientifiques (evidence based medecine), économiques,
mais doit également tenir compte de l’état cognitif du
patient, pouvant expliquer les résultats observés dans
cette étude.
Malgré des limites méthodologiques liées au faible
nombre de prescriptions analysées et à la population choisie, cette étude tend à montrer l’intérêt qu’il pourrait y
avoir à étendre ce type d’intervention pharmaceutique à
l’ensemble des médecins prescripteurs de notre établissement. Cette sensibilisation pourrait être proposée de façon
semestrielle à l’arrivée des nouveaux internes, en particulier
dans les services ayant un faible taux de prescriptions seniorisées, ce qui rendrait d’autant plus sensible la démarche au
niveau de l’établissement.
Suite à cette étude, la mise en place d’une analyse pharmaceutique anticipée des prescriptions de sortie dans le
service de gériatrie, devrait également contribuer à cette
amélioration.
Ainsi, la sortie du patient fait partie intégrante de la
chaîne du soin : la qualité de sa préparation doit contribuer
aux actions de prévention et d’éducation pour le patient,
mais également participer à la maîtrise des dépenses de
santé grâce à une collaboration étroite entre pharmaciens
et cliniciens.
Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien
d’intérêt en rapport avec cet article.
3. Caisse nationale d’Assurance-maladie des Travailleurs salariés.
Maîtrise des dépenses de santé à l’hôpital : l’Assurance-maladie et
les établissements s’engagent. Point d’information mensuel, 18 janvier
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4. Agence française de sécurité sanitaire des médicaments et produits
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