La prescription inappropriée de médicaments chez la personne âgée ne semble pas exceptionnelle Les complications iatrogéniques sont monnaie courante en gériatrie, les deux principales causes susceptibles d’être corrigées étant les prescriptions inappropriées et les effets indésirables des médicaments. Des études d’observation réalisées en Grande Bretagne ont estimé la prévalence des effets secondaires des substances médicamenteuses à 6,5%. Leur coût peut être évalué en terme de surmortalité pour le patient (estimée à 0,15%), d’utilisation des capacités hospitalières avec une durée médiane d’occupation de lit de 8 journées (soit 4% des capacités des hôpitaux) ainsi qu’en termes financiers avec une dépense annuelle estimée pour le système de santé à 847 millions d’euros. Compte tenu de leur susceptibilité aux effets secondaires des médicaments en raison des différences pharmacodynamiques et pharmacocinétiques ainsi que de la polypathologie fréquente, les dangers des prescriptions inappropriées chez les sujets âgés ont été bien identifiés par les gériatres. En raison d’altérations homéostatiques, les effets indésirables sont plus fréquents et plus sévères chez ces patients que chez les sujets plus jeunes. L’enseignement de la gérontopharmacologie est un moyen de diffusion des mises en garde lors de la prescription chez les seniors. La liste de médicaments publiée par Beers recense par ailleurs ceux qui devraient être évités chez ces patients. Bien que cette liste ne soit pas de type « evidencebased », puisque les études randomisées et contrôlées permettant d’établir l’innocuité ou les dangers des substances sont rares dans cette population, elle constitue néanmoins une base de travail raisonnable. Un groupe d’investigateurs a analysé les prescriptions d’une très vaste cohorte de patients américains (âge moyen 73,7 ± 6,5 ans) non hospitalisés. L’analyse a porté sur plus de 750 000 sujets provenant des 50 états des Etats-Unis. Les informations concernant les prescriptions ont été obtenues à partir d’une base de données informatisée censée contenir 98% d’entre-elles, ce qui laisse envisager une extrapolation des résultats à l’ensemble de la population. Les informations ne concernent pas la prise de médicaments hors prescription ni l’adhésion au traitement, mais reflète bien les habitudes de prescription des praticiens. Les résultats montrent clairement que 21% des patients ont reçu un médicament pouvant être la cause de problèmes selon la liste établie par Beers et près de 16%, soit 25 550 sujets, se sont vu prescrire 2 de ces substances. Des exemples type de ces prescriptions inappropriées sont présentés dans le tableau ci-dessous. Cette étude d’observation n’est toutefois pas une preuve de la mise en danger ou d’une relation causale; des analyses complémentaires seraient nécessaires pour en établir les liens. L’utilité des bases de données informatisées de prescriptions apparaît ici, et laisse penser que de telles bases pourraient permettre d’aider à réduire le nombre d’anomalies. Malgré l’existence de cette liste de Beers et plusieurs décades d’éducation par les gériatres, on peut être déçu de constater que les habitudes de prescription n’aient pas été modifiées de façon plus importante. Une approche plus didactique faisant appel aux technologies de l’information serait peut-être nécessaire. Des essais qui permettraient d’établir des données basées sur les preuves (« evidence based ») en gérontopharmacologie seraient de toute évidence les bienvenus. L’industrie pharmaceutique semble cependant hésitante dans ce domaine pour diverses raisons plus ou moins évidentes. S. Conroy University of Nottingham, UK · Amitriptyline · Diazépam · Dicyclomine · Chlodiazépoxide · Doxépine · Cyclobenzaprine · Hydroxyzine · Oxybutynine · Prométhazine · Indométhacine Principes actifs de la liste de Beers les plus fréquemment prescrits chez les patients âgés américains Curtis LH, Østbye T, Sendersky V, Hutchison S, Dans PE, Wright A, Woosley RL, Schulman KA. Inappropriate prescribing for elderly americans in a large outpatient population. Arch Intern Med. 2004;164:1621-1625 ©2004 Successful Aging SA Af 275-2004