Le médicament qui tue, c`est d`abord celui que l`on ne prend pas !

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Le médicament qui tue,
c’est d’abord celui que l’on ne prend pas !
Dr. Ouissam GARBAZ Pharmacien
Beaucoup de patients semblent écouter
les recommandations faites par les
professionnels de santé, mais combien les
entendent vraiment ?
Il est tout à fait normal que le grand
public n’entende jamais parler
d’observance puisqu’il s’agit d’un mot
technique, qui ne fait pas partie du
vocabulaire courant. La plupart des
patients utilisent d’autres termes pour
l’exprimer tel que « on se soigne » - « oui
je prends mes médicaments », ce qui
permet aux professionnels de santé
d’appréhender le niveau d’observance de
leurs patients. Ainsi, l’observance
correspond au niveau de concordance
entre les recommandations du médecin et
le comportement du patient. Plus
simplement : le respect, par le malade, de
son ordonnance. Et, il semblerait qu’il ne
s’agisse pas d’un problème nouveau
puisqu’ Hippocrate, considéré comme le
père de la médecine aurait dit « Les
malades mentent souvent lorsqu’ils disent
qu'ils prennent leurs médicaments (1)»
Etre observant ce n’est pas uniquement,
le fait de prendre son traitement tous les
jours, mais aussi de suivre les conseils
hygiéno-diététiques et la planification de
l’ensemble des soins : consultations,
contrôles biologiques et examens
complémentaires recommandés.
A l’inverse un patient dit « non-
observant », ne suit pas les
recommandations faites par les
professionnels de santé, et ce, de manière
volontaire ou involontaire.
Cela se traduit par une prise partielle de
son traitement, oublis ponctuels, non-
respect des modalités d’administration.
Selon plusieurs études : 15 à 25 % des
médicaments prescrits ne sont pas
achetés et ne seront jamais pris (parfois
pour des raisons financières). Dans
d’autres cas les patients achètent leurs
médicaments mais ne commenceront
jamais leurs traitements.
Dans toutes les études, il existe un
consensus autour du fait qu’un patient est
considéré comme observant, s’il prend au
moins 80 % de son traitement, ce qui est
rarement atteint malheureusement, et
parfois insuffisant pour le contrôle
optimal d’une maladie.
Le pourcentage des patients qui suivent
(«observent»), scrupuleusement les
prescriptions médicales dans les
pathologies chroniques, est beaucoup
plus bas que vous ne l’imaginez. En effet,
50% des médicaments prescrits ne sont
pas consommés par les patients atteints
de pathologies chroniques. Même les
traitements qui préviennent d’un
accident potentiellement mortel, peuvent
de pas être pris de façon rigoureuse, ce
qui peut avoir de graves conséquences
lorsqu’un patient arrête volontairement
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son traitement sans raison médicale, car
le médicament le plus dangereux c’est
d’abord celui que l’on ne prend pas.
Les conséquences de la non-
observance, ne sont pas les mêmes, et
dépendent du traitement, parfois l’oubli,
on l’a dit, peut être dramatique. En effet,
la non-observance des médicaments
immunosuppresseurs (estimée à plus de
20%) est la première cause de rejet de
greffe d’organe. Outre ses conséquences
médicales, le défaut d’observance
représente un gâchis de ressources, et les
coûts induits affectent fortement les
finances du secteur de la santé.
L’importance de ce phénomène, et la
gravité potentielle de ses conséquences,
ont abouti à plusieurs études à ce sujet,
permettant de mieux comprendre ce
comportement. Il y a quelques années on
pensait que le patient était le seul
responsable de l’inobservance. De nos
jours on remet également en cause
l’organisation du système de soins et de la
relation du médecin avec le patient. Ceci a
permis d’identifier 5 causes majeures (2) :
L’oubli : 25%
La crainte : 24%
La guérison avant la fin du traitement
: 19%
La lassitude : 14%
Cout trop élevé : 5%
L’enjeu est d’autant plus important
dans le cadre d’une maladie silencieuse
(excès de cholestérol, hypertension
artérielle, diabète), où le patient ne
perçoit que peu, ou pas de symptômes, et
ne se sent pas malade. Il se peut qu’il ait
du mal à comprendre la nécessité d’un
traitement, et dans ce cas le risque
d’inobservance est encore plus élevé.
Il est donc primordial que les médecins
fournissent des informations et
instructions précises (indication médicale
de la prescription, horaires, nombre de
comprimés, restrictions alimentaires),
informations non seulement orales, mais
aussi écrites, car habituellement les écrits
sont destinés aux autres professionnels
de santé, en particulier aux pharmaciens.
Si le traitement n'est pas respecté, les
conséquences d'une mauvaise
observance peuvent être lourdes :
hospitalisations, rejet de greffe, accident
cardiovasculaire, décès
Pour les patients, être observant améliore
leur qualité de vie au quotidien :
pathologie soignée, meilleure santé et
forme au quotidien, complications et
hospitalisation évitées.
En résumé, les conséquences de cette
non-observance sont, en deux mots, une
dégradation de l’état de santé et une
augmentation des coûts pour l’Assurance
Maladie.
Le coût engendré suite à la non-
observance des patients est estimé 2
milliards d'euros par an, et par ailleurs on
pense qu’il serait également la cause d’ un
million d’hospitalisations et 8000 décès
par an. Des chiffres qui sont
malheureusement, le reflet d’une triste
réalité que beaucoup ignorent.
A ce stade, j’imagine que vous vous dites
qu’il est impossible de ne jamais oublier
de prendre une pilule un jour, car « l’oubli
c’est la vie » comme disait Nietzsche. En
effet, il est n’est pas naturel d’être
observant, fort heureusement, il existe
des interventions relativement peu
coûteuses voire gratuites, pouvant avoir
un énorme impact notre observance.
Les rappels : afin d’éviter l’oubli, il est
recommandé, et encouragé, de créer des
rappels sur son smartphone, grâce, entre
autres, à des applications spécialisées. De
plus, il est vivement recommandé de
mettre son traitement à un endroit visible
car tout le monde le sait « pas vu, pas
pris ».
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La simplification : pour les personnes
ayant du mal à suivre leur traitement,
(surtout lorsqu’ils sont nombreux), une
bonne communication avec le médecin et
le pharmacien est essentielle pour
trouver un moyen de faciliter la prise,
notamment par le biais d’une réduction
du nombre de médicaments (fusion de 2
molécules en 1) ou du nombre de prises.
L’éducation : l’observance augmente
avec l’éducation thérapeutique. C’est
prouvé, les patients mieux informés sur
leur maladie et leur traitement suivent
davantage leur prescription.
La motivation : il arrive qu’un manque
d’observance ne soit le résultat ni d’une
mauvaise compréhension, ni d’un oubli,
mais tout simplement d’un manque de
motivation du patient à suivre son
traitement, qui est parfois contraignant.
Les programmes motivationnels sont
considérés comme efficaces dans de telles
situations.
N’oubliez pas qu’il n’est jamais trop tard
pour commencer à prendre correctement
son traitement, et il est impératif de
demander de l’aide aux professionnels de
santé ou à son entourage.
Je terminerai par une citation de Marcel
Proust, très réaliste, et qui montre à quel
point il n’est pas naturel d’être observant.
« Il me prescrit mille médicaments. Mais
l'heure de la consultation seule est venue.
Celle de l'obéissance ne viendra que plus
tard ».
Références :
(1) « Bienséances », Hippocrate, chapitre 14
(2) L’oubli, la crainte des effets secondaires et le manque d’information à l’origine de la mauvaise observance
(3) « Observance des traitements médicamenteux en France » - RAPPORT de l’Académie Nationale de Pharmacie.
Ce qu’il faut retenir
80% d’observance est considérée comme acceptable pour les maladies chroniques.
Les 5 causes de non-observance sont : l’oubli, la crainte, la guérison, la lassitude et
le coût.
L’observance peut être améliorée grâce à des rappels, une meilleure éducation
thérapeutique, la simplification du traitement et un travail de motivation.
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