ACTUALITÉS EN VIROLOGIE
REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - DÉCEMBRE 2016 - N°487 // 51
dans le LCS de manière qualitative et l’on considérait que
sa présence était en faveur d’un lymphome cérébral ou
d’une exceptionnelle encéphalite à EBV. Puis les premières
quantications de l’ADN de l’EBV dans le sang périphé-
rique ont été effectuées dans le cadre du suivi des patients
greffés, en particulier des greffes de CSH, compte-tenu de
l’incidence élevée de lymphomes sur ce terrain. Désormais,
grâce à l’évolution des techniques de PCR en temps réel,
la charge virale EBV est devenue un outil incontournable en
particulier pour le suivi des patients immunodéprimés. La
quantication de l’ADN de l’EBV se fait essentiellement sur
sang total, ce qui permet de quantier le virus libre (rare) et
le virus intracellulaire. Elle est également réalisée parfois
dans le plasma, et la présence d’ADN dans cette matrice
révèle alors une réplication virale et/ou une nécrose ou
apoptose cellulaire. Ainsi, chez 33 patients VIH-séropositifs
ou atteints de lymphome B, l’ADN de l’EBV a été quantié
dans le sang total, le plasma, les cellules B enrichies, et
le surnageant de culture des lymphocytes B [21]. Il a été
montré une plus grande sensibilité de détection de l’ADN
viral dans les échantillons enrichis en cellules B ainsi que
l’absence de corrélation entre la charge virale dans les
lymphocytes B et dans le sang total. Mais ces techniques
ne sont pas applicables en diagnostic courant, et la charge
virale dans le sang total reste la technique de référence
en France. Une charge virale élevée dans le sang total est
associée à une lymphoprolifération et/ou à une réplication
virale, aucune technique simple ne permettant actuellement
de différencier ces deux états. L’étude de l’expression des
transcrits de l’EBV (transcrits de latence et transcrits du
cycle productif) pourrait faire cette distinction mais n’est
pas applicable actuellement en pratique courante.
Les principales indications de la mesure de la charge
virale EBV sont résumées comme suit. Le suivi longitudi-
nal des patients des greffés est effectué, surtout dans la
première année qui suit la greffe, à la recherche de signes
biologiques de lymphoprolifération. En cas d’élévation
importante de la charge virale, un traitement anticipé
par le MabThera© (rituximab, anticorps monoclonal anti
CD20) est mis en place pour éviter la lymphoprolifération
monoclonale. La mise sous rituximab justie également
le suivi de la charge virale pour vérier l’efcacité du trai-
tement [15-18,22]. Ce suivi longitudinal concerne égale-
ment les patients atteints de pathologies inammatoires
chroniques traités par des immunosuppresseurs (polyar-
thrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante, maladie
de Crohn, rectocolite hémorragique) pour lesquels les
mêmes indications du rituximab peuvent être proposées.
Le diagnostic de lymphome chez les patients infectés par
le VIH serait également une indication mais, à la différence
des sujets greffés, actuellement aucun suivi longitudinal
n’est systématiquement effectué même si l’intérêt de
ce suivi commence à être démontré [23,24]. La charge
virale EBV contribue aussi au diagnostic étiologique d’un
syndrome d’activation lymphohistiocytaire en gardant en
tête que 75 % de ces syndromes chez l’enfant sont liés
à ce virus. Le diagnostic et le suivi sous traitement des
patients atteints de carcinome nasopharyngé utilisent
aussi la quantication de l’ADN : elle s’effectue le plus
souvent dans le sang total et le plasma puisque les virus
sont à la fois en phase de latence et en phase productive,
la mesure dans le plasma ayant fait la preuve de son inté-
rêt dans de nombreuses publications [19,20]. Les autres
indications de la mesure de la charge virale EBV sont du
domaine de la recherche clinique, explorant par exemple
l’implication de l’EBV dans la sclérose en plaques ou la
myasthénie. Il est également parfois demandé une charge
virale pour le diagnostic de primo-infection EBV lorsque
l’interprétation de la sérologie est difcile. Dans ce cas,
on retrouve habituellement une charge virale EBV élevée
dans le sang total, le plasma, et encore plus dans la salive
dans laquelle l’ADN persiste de façon prolongée [13].
La difculté de cet examen réside dans son interpréta-
tion. La mise à disposition récente par l’OMS d’un étalon
universel de quantication permettant l’expression des
résultats en UI, facilitera un rendu homogène de ces
résultats par les différents laboratoires et l’établissement
de seuils d’alerte selon le contexte clinique [25]. Actuel-
lement, on ne peut pas encore dénir de valeur seuil
consensuelle de la charge virale EBV à partir de laquelle
on peut suspecter une prolifération maligne EBV-induite
(lympho- ou épithélioprolifération). Il est nécessaire de
connaître les valeurs seuils estimées localement par le
laboratoire qui effectue la mesure des charges virales [26].
Dans le cadre du suivi des patients greffés, on retrouve
souvent comme valeur seuil un niveau d’ADNémie EBV
supérieur à 10 000 UI/mL ou 10 000copies/mL [27].
Ainsi, les patients greffés de CSH peuvent rece-
voir un traitement anticipé par le rituximab pour des
valeurs de charge virale supérieures à 10 000 UI/mL,
mais avec le risque d’un traitement non adapté si le virus est
en phase productive et non en phase de latence. De même,
pour une valeur de charge supérieure à 100 000 UI/mL
et quel que soit le contexte (greffé ou non), on peut recher-
cher activement une lymphoprolifération. Entre 10 000
et 100 000 UI/mL, se trouve souvent une zone grise qui
nécessite des contrôles de charge virale répétés et une
confrontation clinico-virologique. Mais il n’est pas rare
de voir également, chez des patients immunodéprimés,
des valeurs persistantes de charge virale au-dessus de
10 000 UI/mL sur plusieurs mois ou années en dehors de
toute lymphoprolifération. Il faut donc savoir interpréter
l’ensemble de ces résultats avec prudence.
En dehors du sang total, l’ADN de l’EBV peut être quantié
dans le LCS, le LBA, les liquides pleuraux, péricardiques
ou péritonéaux, les biopsies médullaires ou ganglionnaires,
à la recherche de lymphoproliférations EBV-induites, voire
même dans les écouvillonnages oropharyngés dans le
cadre du diagnostic et du suivi des carcinomes naso-
pharyngés [28]. La quantication de l’EBV dans le LCS a
permis d’abolir le dogme que la présence d’ADN de l’EBV
dans ce liquide biologique était forcément associée à une
pathologie induite par ce virus. En effet, comme cela a
été constaté chez les patients infectés par le VIH, la pré-
sence d’ADN de l’EBV dans le LCS peut être associée à
d’autres pathologies cérébrales telles qu’une encéphalite à
VIH, une toxoplasmose cérébrale, une tuberculose neuro-
méningée. De ce fait, les valeurs prédictives positives et
négatives de la charge virale dans le LCS sont faibles.
Cependant une charge virale très élevée dans le LCS, a
fortiori supérieure à la charge virale dans le sang total,
est un argument en faveur d’une atteinte du SNC induite