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qu’un traitement maximaliste n’apporte pas
grand chose, et qu’un traitement un peu moins
fort, en dehors du fait d’être moins toxique, n’a
pas de raison de ne pas être aussi efficace.
Il me semble indispensable également de
revoir le concept d’observance thérapeutique
et d’adhésion aux traitements. Nous restons
toujours bloqués sur l’étude de Paterson, qui
indique qu’il faut plus de 90 ou 95 %
d’observance thérapeutique pour que le
traitement soit efficace. Cette étude a été
réalisée en 2000, avec des molécules qui sont
anciennes et donc moins efficaces que les
combinaison que nous utilisons aujourd’hui.
Ce qui, à mon avis, n’est donc plus tout à fait
exact en terme de pourcentage d’efficacité.
Une autre étude, réalisée en 2008, visant à
mesurer l’efficacité instantanée des
différents drogues, c’est à dire la puissance
antivirale de chacune des drogues, a
démontré que les drogues récentes, comme
le Darunavir, ont une efficacité assez
importante, alors qu’une molécule comme le
raltégravir a un potentiel d’inhibition virale
instantanée relativement faible. Cela va dans
le même sens que ce que nous avons pu
observer chez nos patients. Les résultats
d’une étude “Artémis” font également
apparaître que les patients qui sont peu
adhérents et qui sont sous Kalétra
(lopinavir/ritonavir), sous Lopinavir ont un
pourcentage d’échec plus important, alors
que les patients avec des molécules plus
récentes comme le Darunavir, même s’ils
sont peu adhérents, ont une efficacité
maintenue. Preuve que les 90 % ou 95 %
nécessaires selon Paterson, ne sont pas
indispensables.
Une autre étude intéressante est celle de la
cohorte REACH, une cohorte de traitement de
patients sans domicile fixe en Californie. Ces
patients, qui ont une observance souvent
assez difficile, du fait de leurs conditions
sociales, et qui ont une adhérence mesurée de
50 à 74 % (c’est à dire qu’ils prennent entre la
moitié et les trois-quarts des médicaments qui
leur sont prescrits), ont au cours du temps,
une proportion d’échec qui diminue et qui n’est
pas très importante. Enfin, une dernière étude
va dans ce sens là. Il s’agit de l’étude de
Parienti, qui présente 72 patients exposés aux
non-nucléosidiques, en particulier l’éfavirenz.
Dans cette étude, les patients qui sont en
échec sont des patients qui ont eu des
interruptions qui atteignaient parfois 16 jours,
alors que les patients qui sont en succès n’ont
pas eu d’interruption supérieure à 1,5 jour. Ce
qui signifie que pour être en échec, il faut
arrêter le traitement franchement et
longtemps, et que lorsque le traitement est
interrompu sur des périodes courtes, il n’y a
pas de risque de réactivation du virus.
C’est pour cela que nous souhaiterions
proposer l’essai ICCARRE : Intermittents, en
Cycles Courts, les Anti Rétroviraux Restent
Efficaces. Un essai qui permettrait d’évaluer
scientifiquement cette stratégie de réduction
hebdomadaire de prise, afin de diminuer
l’exposition aux médicaments et donc leur
toxicité, pour une meilleure tolérance ; afin
de proposer également une stratégie de
réduction du coût, ce qui est important pour
nous, mais aussi et surtout, pour les pays du
sud. Il faut traiter tout le monde, et de plus en
plus tôt, ce serait donc très intéressant de
pouvoir utiliser moins de médicaments, sur le
plan individuel comme sur le plan collectif.
Cet essai est très simple. Le principe est
d’inclure des personnes qui sont sous
traitement efficace, avec une charge virale
indétectable depuis un an, des T4 à plus de 200
depuis au moins six mois, un virus sensible,
sans antécédent de résistance et une
combinaison d’antiviraux acceptable suivant
notre stratégie (c’est à dire notamment sans
raltégravir, pour que ce soit efficace). Il
s’agirait ensuite de randomiser entre la
poursuite de la prise à l’identique sept jours
par semaine et la prise quatre jours par
semaine ; d’évaluer les choses à 48 semaines,
puis à deux ans ; en ayant des critères assez
stricts de l’échec, c’est à dire qu’une charge
virale contrôlée une deuxième fois à plus de 50
copies serait considérée comme un échec.
Cette étude serait programmée avec 220
patients au total, 110 par groupe.
En plus de l’étude de la charge virale et de la
détection de l’échec, nous souhaiterions
étudier dans cet essai: l’observation de la
qualité de vie chez les patients, la tolérance,
les risques de résistance en cas d’échec dans
les deux bras, la restauration immunitaire ou
le maintien de la restauration immunitaire ;
et éventuellement dans des sous-études, une
évaluation pharmacologique éventuellement
dans des compartiments, y compris dans le
sperme, ainsi qu’une étude immunologique