Chapitre 1 Dualité dans les espaces vectoriels K désigne un corps commutatif. I. Espace dual d’un espace vectoriel - bases duales Définition.- Soit E un espace vectoriel sur K ; on appelle dual de E et on notera E ∗ l’espace vectoriel L(E, K) des applications linéaires de E dans K (ou formes linéaires sur E). Remarque. Si dim E = n et si (e1 , . . . , en ) est une base de E, donner f ∈ L(E, K) revient à donner a1 = f (e1 ), . . . , an = f (en ) et à poser : n X ∀(x1 , . . . , xn ) ∈ K n f xi ei = a1 x1 + . . . + an xn . i=1 ∗ On a bien entendu dim E = dim E. Proposition et définition.- Soit E un espace vectoriel de dimension n sur K et soit (e1 , . . . , en ) une base de E. Soit (e∗1 , . . . , e∗n ) la famille d’éléments de E ∗ définie par : 0 si i 6= j ∗ ∀(i, j) ∈ {1, . . . , n}, ei (ej ) = δij = 1 si i = j (symbole de Kronecker) Alors cette famille est une base de E ∗ . Elle est appelée base duale de la base (e1 , . . . , en ). Démonstration – Soit f ∈ E ∗ , soient λ1 , . . . , λn dans K. On a : f= n X λi e∗i n X ⇐⇒ ∀j ∈ {1, . . . , n} f (ej ) = ⇐⇒ ∀j ∈ {1, . . . , n} f (ej ) = λj . i=1 λi e∗i (ej ) i=1 On a donc, pour tout f ∈ E ∗ , une famille unique λ1 , . . . , λn dans K tel que f = n X λi e∗i . i=1 Attention ! chaque e∗i dépend de toute la famille (e1 , . . . , en ) et non seulement de ei . Remarque. 1) Si on considère l’isomorphisme : E ∗ −→ M (1 × n, K) f 7−→ f (e1 ), . . . , f (en ) = Matrice de f pour la base (e1 , . . . , en ) de E, dans cet isomorphisme la base (e∗1 , . . . , e∗n ) correspond à la base canonique de M (n × 1, K). n X 2) Pour tout x ∈ E, on a x = xi ei avec (x1 , . . . , xn ) ∈ K n et i=1 ∀j ∈ {1 . . . n} e∗j (x) = n X xi e∗j (ei ) = xj . i=1 Donc e∗j est l’application qui à x fait correspondre sa jième coordonnée dans la base (e1 , . . . , en ). 1 3) Résumé des formules à connaı̂tre E espace vectoriel de base (e1 , . . . , en ) et (e∗1 , . . . , e∗n ) base duale. Alors on a : a) ∀f ∈ E ∗ f= n X f (ei ) · e∗i i=1 b) ∀x ∈ E x= n X e∗i (x) · ei i=1 ∗ Définition.- On appelle bidual de E et on notera E ∗∗ , l’espace (E ∗ ) Proposition.- dual de E ∗ . Soit E un espace vectoriel sur K. Alors : 1) L’application E −→ E ∗∗ x 7−→ x e définie par : ∀ϕ ∈ E ∗ x e(ϕ) = ϕ(x) (canonique) est linéaire injective. 2) Si dim E est finie, l’application précédente est un isomorphisme. Démonstration – 1) Pour tout x ∈ E x fixé, l’application x e : E ∗ −→ K est linéaire. ϕ 7−→ ϕ(x) On a donc x e ∈ E ∗∗ . 2) L’application E −→ E ∗∗ est linéaire. x 7−→ x e Montrons que son noyau est nul. Soit x ∈ E \ {0}, montrons que x e 6= 0 c’est-à-dire il existe ϕ ∈ E ∗ tel que ϕ(x) 6= 0. Il existe F sous espace vectoriel de E tel que E = Kx ⊕ F . Soit ϕ ∈ L(E, K) définie par ϕ(λx + f ) = λ pour tout λ ∈ K et f ∈ F . On a ϕ(x) = 1. 3) Si dim E est finie, on a dim E ∗∗ = dim E ∗ = dim E. Donc toute application linéaire injective de E dans E ∗∗ est bijective. Corollaire.- Soit E un espace vectoriel de dimension finie. Alors toute base de E ∗ est la base duale d’une et d’une seule base de E. Démonstration – Soit (f1 , . . . , fn ) une base de E ∗ . Soit (e1 , . . . , en ) une base de E. Alors (f1 , . . . , fn ) est la base duale de (e1 , . . . , en ) si et seulement si on a : ∀i, j fi (ej ) = δi,j c’est-à-dire eej (fi ) = δi,j , ce qui signifie que ee1 , . . . , een est la base de E ∗∗ duale de la base f1 , . . . , fn de E ∗ . Comme l’application E −→ E ∗∗ est un isomorphisme, si f1∗ , . . . , fn∗ x −→ x e est la base duale de la base f1 , . . . , fn , on a ∀i ∃!ei ∈ E tel que eei = fi∗ . Alors (e1 , . . . , en ) est une base de E et c’est l’unique solution. 2 Exemples. Remarque : malgré cette proposition on peut montrer que, sauf (n = 2, K ' Z/2Z ) il n’existe pas d’isomorphisme canonique E −→ E ∗ . 1) Soit E = M (n × n, K). Si A ∈ E, soit ϕA : E −→ K on vérifie que l’application M 7−→ tr(AM ) E −→ E ∗ est linéaire injective. A 7−→ ϕA On en déduit que pour tout ψ élément de E ∗ il existe A tel que ψ = ϕA . 2) Soit (f1 , f2 , f3 ) la base canonique de R3 on pose : e1 = (1, −1, 1) e2 = (1, 0, 1) e3 = (0, 2, −1). Alors (e1 , e2 , e3 ) est une base de R3 dont on veut déterminer la base duale. Si (x, y, z) = x1 e1 + x2 e2 + x3 e3 avec ∀i ∈ {1, 2, 3}, xi ∈ R, on a : x P x2 = y z x3 x1 1 pour P = −1 1 1 0 0 2 . 1 −1 D’où : x3 = x − z ) x = x1 + x2 y = −x1 + 2x3 z = x1 + x2 − x3 et x1 = −y + 2x − 2z x2 = −x + y + 2z e∗1 (x, y, z) = x1 = (2f1∗ − f2∗ − 2f3∗ )(x, y, z) e∗2 (x, y, z) = x2 e∗3 (x, y, z) = x3 Si Q est la matrice de passage de (f1∗ , f2∗ , f3∗ ) à (e∗1 , e∗2 , e∗3 ) on a donc : 2 Q = −1 −2 −1 1 2 1 0 . −1 De façon générale on a : Proposition.- Soit E un espace vectoriel de dim n sur K de bases (f1 , . . . , fn ) et (e1 . . . en ). Soit P = Pass (fi ), (ei ) . Soit Q = Pass (fi∗ ), (e∗i ) . Alors on a Q = t P −1 . Démonstration – Posons : P −1 = ai,j i,j = Pass (ei ), (fi ) Q = bi,j i,j on a : • ∀j ∈ {1, . . . , n} e∗j = n X bij fi∗ ou encore ∀i ∈ {1 . . . n} bij = e∗j (fi ) i=1 • ∀j ∈ {1 . . . n} fj = n X aij ei ou encore ∀i ∈ {1 . . . n} i=1 3 aij = e∗i (fj ) = bji . Remarque. Si on reprend l’exemple précédent on vérifie que : 2 −1 −2 P −1 = −1 1 2 et Q = t P −1 . 1 0 −1 Proposition et définition. Soient E et F des espaces vectoriels sur K. Soit f ∈ L(E, F ). Pour tout ϕ ∈ F ∗ on pose (t f )(ϕ) = ϕ ◦ f f ϕ E −−−−→ F −−−−→ K. Alors l’application t f est une application linéaire de F ∗ dans E ∗ appelée application transposée de f (notée aussi parfois f ∗ ). Démonstration – 1) ∀ϕ ∈ F ∗ on a ϕ ◦ f ∈ E ∗ (composé d’applications linéaires). Donc t f : F ∗ −→ E ∗ . 2) t f est linéaire par définition des structures d’espaces vectoriels de E ∗ et F ∗ . Remarque. L’application L(E, F ) −→ L(F ∗ , E ∗ ) est également linéaire. f 7−→ t f Proposition. Soient E, F, G des espaces vectoriels sur K. Soient f ∈ L(E, F ), et g ∈ L(F, G) f t g E −−−−→ F −−−−→ G Alors on a t (g ◦ f ) = t f ◦ t g, t f t g f G∗ −−−−→ F ∗ −−−−→ E ∗ . (1IE ) = 1IE ∗ g ϕ Démonstration – E −−−−→ F −−−−→ G−−−−→ K. Soit ϕ ∈ G∗ . On a t f ◦ t g (ϕ) = t f (ϕ ◦ g) = ϕ ◦ g ◦ f = t (g ◦ f ) (ϕ). Proposition. Soient E et F des espaces vectoriels sur K et f ∈ L(E, F ). Soient (e1 , . . . , en ) une base de E (f1 , . . . , fn ) une base de F A = Mat f, (e∗1 , . . . , en ), (f1 , . . . , fn ) ∗ B = Mat t f, (f1∗ , . . . , fm ), (e∗1 , . . . , e∗n ) Alors on a B = t A. Démonstration – Posons A = [ai,j ], n X ∀j ∈ {1 . . . n} (t f )(fj∗ ) = bij e∗i i=1 ∀j ∈ {1 . . . n} fj∗ f (ek ) = bkj ∀k ∈ {1 . . . n} n X et fj∗ f (ek ) = fj∗ aik fi B = [bij ] on a : i=1 D’où = ajk . bkj = ajk . Remarque. Ceci permet de retrouver la proposition précédente : t (AB) = t B t A. 4 II. Orthogonalité Remarque. Soit un espace vectoriel sur K. On considère l’application b: E × E ∗ −→ K (x, ϕ) 7−→ ϕ(x). Cette application est bilinéaire, c’est-à-dire : 1) Pour tout ϕ ∈ E ∗ fixé, l’application : E −→ K x 7−→ b(x, ϕ) est linéaire (c’est ϕ). 2) Pour tout x ∈ E fixé, l’application : E ∗ −→ K ϕ 7−→ b(x, ϕ) est linéaire. • Certaines propriétés qui suivent sont des propriétés générales des applications bilinéaires qu’on retrouvera plus loin. • On note parfois ϕ(x) = < x, ϕ > qui est une notation assez usuelle pour les applications bilinéaires. Définition. Avec les notations de la remarque 1) Soient x ∈ E et ϕ ∈ E ∗ . On dit que x et ϕ sont orthogonaux pour la dualité si on a : ϕ(x) = 0. 2) Soit A ⊆ E, on pose A⊥ = ϕ ∈ E ∗ /∀a ∈ A ϕ(a) = 0 . A⊥ est l’orthogonal de A pour la dualité (noté aussi A◦ ). Soit A ⊆ E ∗ on notera ⊥ A = {x ∈ E / ∀ϕ ∈ A ϕ(x) = 0}. Exemples. 1) E = R4 ϕ ∈ E ∗ ϕ(x, y, z, t) = ax + by + cz + dt. A = (1, 0, 0, 0), (1, 2, 3, 4) . ϕ ∈ A⊥ ⇐⇒ a = 0, 2b + 3c + 4d = 0. On remarque que A⊥ est un sous espace vectoriel de dimension 2 de E ∗ . 2) Soit ϕ ∈ E ∗ alors ⊥ ϕ = Ker ϕ. Propriétés immédiates 1) Si A ⊆ B ⊆ E alors B ⊥ ⊆ A⊥ . 2) Si A ⊆ E alors A ⊆⊥ (A⊥ ). 3) Si A ⊆ E alors A⊥ = (Vect A)⊥ et A⊥ est un sous espace vectoriel de E ∗ . En particulier si F sous espace vectoriel de base e1 , . . . , er de F , et ϕ ∈ E ∗ ϕ ∈ F ⊥ ⇐⇒ ∀i ϕ(ei ) = 0 . 4) Si F et G sont des sous espaces vectoriels de E, alors on a : (F + G)⊥ = F ⊥ ∩ G⊥ . 5) Si F est un sous espace vectoriel de E, alors on a : on a F = {0} ⇐⇒ F ⊥ = E ∗ F =E ⇐⇒ F ⊥ = {0}. 1’) 2’) 3’) 4’) : propriétés analogues pour E ∗ et ⊥ ( ). Remarque. Les propriétés 1) 2) 3) 4) sont des propriétés qu’on retrouvera pour les formes bilinéaires quelconques, et sont immédiates. 5 Démonstration de 5) a) Si F = {0} on a F ⊥ = {ϕ ∈ E ∗ / ϕ(0) = 0} = E ∗ . b) Si F 6= {0}, soit x ∈ F \{0} on a donc x e 6= 0 donc ∃ϕ ∈ E ∗ tel que x e(ϕ) = ϕ(x) 6= 0. ⊥ ∗ ⊥ On a ϕ ∈ / F . Donc E 6= F . c) Si F = E on a F ⊥ = {ϕ ∈ E ∗ / ∀x ∈ E ϕ(x) = 0} = {0}. d) Si F 6= E soit x ∈ E \F , soit G un supplémentaire de F ⊕Kx. On a E = F ⊕Kx⊕G. Pour définir ϕ ∈ E ∗ il suffit de définir ses restrictions à F, G, Kx. On peut en particulier poser ϕ(λx) = λ pour tout λ ∈ K ; ϕ(f ) = 0 ∀f ∈ F . On obtient ϕ 6= 0 ϕ ∈ F ⊥ . Donc F ⊥ 6= {0}. Théorème.- On suppose E de dimension finie n. Soient F et G des sous espaces vectoriels supplémentaires de E. (On a donc E = F ⊕ G). Alors on a : 1) E ∗ = F ⊥ ⊕ G⊥ . ⊥ 2) dim F ⊥ = n − dim F dim G = n − dim G. Démonstration – Soient (e1 , . . . , er ) une base de F , et (er+1 , . . . , en ) une base de G. Soit (e∗1 , . . . , e∗n ) la base de E ∗ duale de la base (e1 , . . . , , en ) de E. n X yi e∗i avec (y1 , . . . , yn ) ∈ K n . Alors on a : Soit f ∈ E ∗ f = i=1 f ∈ F ⊥ ⇐⇒ ∀j ∈ {1, . . . , r} f (ej ) = 0 ⇐⇒ ∀j ∈ {1, . . . , r} yj = 0 ⇐⇒ f ∈ vect e∗r+1 , . . . , e∗n . De même G+ = vect{e∗1 , . . . , e∗r }. Exercice.- Montrer que la propriété 1) subsiste en dimension quelconque. Corollaire 1. On suppose E de dimension finie n. Alors, si F est un sous espace vectoriel de E ∗ , on a : dim ⊥ F = dim E − dim F. Démonstration – On applique le théorème précédent à E ∗ et à son dual E ∗∗ . On obtient : dim F ⊥ = n − dim F avec F ⊥ ⊆ E ∗∗ car l’application E −→ E ∗∗ x −→ x e F ⊥ = {α ∈ E ∗∗ / ∀ϕ ∈ F α(ϕ) = 0} = {e x / x ∈ E ∀ϕ ∈ F ϕ(x) = 0} est bijective g donc F ⊥ = (⊥ F) donc, comme l’application est un isomorphisme, on a : dim ⊥ F = dim F ⊥ = n − dim F. 6 Corollaire 2. On suppose E de dimension finie, et F sous espace vectoriel de E, on a : F = {0} ⇐⇒ ⊥ F = E F = E ∗ ⇐⇒ ⊥ F = {0}. Remarque. La première équivalence peut se démontrer directement en dimension quelconque ainsi que la partie directe de la seconde. Corollaire 3. On suppose E de dimension finie. 1) Si F est un sous espace vectoriel de E on a Si F est un sous espace vectoriel de E ∗ on a ⊥ (F ⊥ ) = F . ⊥ ⊥ F = F. 2) Si F et G sont des sous espaces vectoriels de E on a : F ⊆ G ⇐⇒ G⊥ ⊆ F ⊥ (F ∩ G)⊥ = F ⊥ + G⊥ . 3) Si F et G sont des sous espaces vectoriels de E ∗ on a : F ⊆ G ⇐⇒ ⊥ ⊥ G ⊆ ⊥F (F ∩ G) = ⊥ F + ⊥ G. Démonstration – 1) On a F ⊆ ⊥ (F ⊥ ) avec dim F = dim ⊥ (F ⊥ ) (démonstration analogue pour F). 2) F ⊆ G ⇒ G⊥ ⊆ F ⊥ et G⊥ ⊆ F ⊥ ⇒ ⊥ (F ⊥ ) ⊆ ⊥ (G⊥ ) (démonstration analogue pour F et G. | {z } | {z } F G 3) Pour montrer qu’on a (F ∩ G)⊥ = F ⊥ + G⊥ , il est donc suffisant de montrer que F ∩ G = ⊥ (F ⊥ + G⊥ ). Or on a ⊥ (F ⊥ + G⊥ ) = ⊥ (F ⊥ ) ∩ ⊥ (G⊥ ) = F ∩ G. Exercice.- Soient E et F des espaces vectoriels de dimensions finies sur K et f ∈ L(E, F ) a) Montrer que Ker t f = (Imf)⊥ . b) En déduire en utilisant le théorème Im t f = (Ker f )⊥ . III. Application aux hyperplans vectoriels Proposition.- Soit E un espace vectoriel sur K et soit H un sous espace vectoriel de E. Alors les 4 propriétés suivantes sont équivalentes : 1) dim(E/H) = 1. 2) ∀a ∈ E \ H on a E = H ⊕ Ka et H $ E. 3) ∃a ∈ E \ H tel que E = H ⊕ Ka. 4) ∃ϕ ∈ E ∗ \ {0} tel que H = Ker ϕ. Si ces conditions sont réalisées on dit que H est un hyperplan de E et que ϕ = 0 est une équation de H. Les autres équations de H sont alors du type λϕ = 0 pour λ ∈ K \ {0}. Démonstration – 1 =⇒ 2 Soit a ∈ E \ H, alors a = classe de a dans E/H est une base de E/H. On a donc : ∀x ∈ E ∃!λ ∈ K \ {0} tel que x = λ · a soit x − λa ∈ H. D’où E = Ka ⊕ H. 2 =⇒ 3. Immédiat. ∗ 3 =⇒ 4. Supposons E = H ⊕ Ka alors ∃!ϕ ∈ E tel que ∀h ∈ H, ϕ(h) = 0, ϕ(a) = 1. ϕ(λa + h) = λ si λ ∈ K, h ∈ H . On a alors Ker ϕ = H. 7 4 =⇒ 1. On applique le théorème d’isomorphisme à ϕ. On a : dim(E/H) = dim(E/Kerϕ) = dim(Imϕ). dim(Imϕ) ≤ 1 car Imϕ ⊆ K mais Imϕ 6= 0 car ϕ 6= 0 d’où dim E/H = 1. Supposons maintenant les 4 conditions réalisées et soient ϕ et ψ des éléments de E ∗ \ {0} tel que H = Ker ϕ = Ker ψ. Soit a ∈ E \ H. Soit λ ∈ K \ {0} tel que ψ(a) = λϕ(a). Pour x ∈ E il existe µ ∈ K, h ∈ H tels que x = µa + h et donc : ψ(x) = µψ(a) + ψ(h) = µλϕ(a) ϕ(x) = µϕ(a) + ϕ(h) = µϕ(a) ψ(x) = λ ϕ(x). Remarques 1) La proposition est donnée en dimension quelconque. Si dim E est finie, alors (dim E/H = 1 ⇐⇒ H = dim E − 1). 2) Soit (e1 , . . . , en ) une base de E. Alors ϕ ∈ E ∗ \ {0} s’exprime sous la forme : ∀(x1 , . . . , xn ) ∈ K n ϕ(Σxi ei ) = a1 + · · · + an xn (avec ∀i ai = f (ei )). Donc un hyperplan de E est donné par une équation du type : a1 x1 + · · · + an xn = 0 avec (a1 , . . . , an ) 6= (0, . . . , 0). 3) Utilisation des déterminants Soit (e1 , . . . , en ) une base B de E. Soit (f1 , . . . , fn−1 ) une base de H. On note (a1i , . . . , ani ) les coordonnées de fi dans la base B. Soit x ∈ E de coordonnées (x1 , . . . , xn ). Alors on a : a11 . . . a1n−1 x1 .. .. = 0. x ∈ H ⇐⇒ det ... . . an1 ann−1 xn On obtient bien, en développant le déterminant une équation de H du type : b1 x1 + · · · + bn xn = 0. Exemple. Le plan vectoriel de R3 passant par les points (1, 0, 0) et (1, 1, 1) a pour équation : 1 0 0 1 1 1 x y = 0 z − y + z = 0. Proposition. Soit E un espace vectoriel de dimension n sur K. 1) Soient H1 , . . . , Hp (p ≤ n) des hyperplans dont les équations sont données par ϕ1 , . . . , ϕp formes indépendantes. Alors on a : dim(H1 ∩ . . . ∩ Hp ) = n − p. 2) L’ensemble des hyperplans de E contenant H1 ∩ H2 . . . ∩ Hp est l’ensemble des hyperplans dont une équation est obtenue par combinaison linéaire de ϕ1 , . . . , ϕp . 3) Tout espace vectoriel de dimension n − p peut s’interprêter (de façon non unique) de la façon précédente. 8 Démonstration – 1) On a H1 ∩ . . . ∩ Hp = ⊥ ϕ1 ∩ . . . ∩ ⊥ ϕp = ⊥ vect(ϕ1 , . . . , ϕp ) de dimension n − p. 2) Soit H un hyperplan d’équation ϕ = 0. On a (H ⊇ H1 ∩ . . . ∩ Hp ) ⇐⇒ H ⊥ ⊆ (H1 ∩ . . . ∩ Hp )⊥ = vect(ϕ1 , . . . , ϕp ) ⇐⇒ ϕ ∈ vect(ϕ1 , . . . , ϕp ). 3) Soit W un sous espace vectoriel de dimension n − p de E on a : W = ⊥ (W ⊥ ) et dim W ⊥ = p W ⊥ = vect(ψ1 , . . . , ψp ) où ψ1 , . . . , ψp sont des formes indépendantes. W = K1 ∩ . . . ∩ Kp où Kj est l’hyperplan d’équation ψj = 0. Exemple Dans R3 soit la droite D d’équations : o 2x1 + x2 + x3 = 0 x1 + x3 = 0 (on obtient 1 droite car les 2 formes sont indépendantes). Alors on a (1, 0, 0) ∈ / D ; on cherche l’équation du plan contenant D et (1, 0, 0). – les plans contenant D ont des équations de types : a(2x1 + x2 + x3 ) + b(x1 + x3 ) = 0 (a, b) 6= (0, 0). – Un tel plan passe par D si a et b vérifient : 2a + b = 0. On obtient donc l’équation x2 − x3 = 0. Remarque. Si on considère la matrice A = [aij ] du système d’équations : a11 x1 + · · · + a1n xn = 0 .. . ap1 x1 + · · · + apn xn = 0 On obtient que l’espace des solutions a pour dimension n−` ou ` est le rang de l’espace engendré par les lignes de A. Ceci permet de retrouver, en utilisant la formule des dimensions sur l’application linéaire définie par la matrice, que le rang de l’espace des lignes de A est égal au rang de l’espace engendré par les colonnes de A. Exercice.- Un hyperplan affine H de E est donné dans une base (e1 , . . . , en ) par une équation du type a1 x1 + · · · + an xn + b = 0 avec a1 . . . an b fixés dans K. (a1 , . . . , an ) 6= (0, . . . , 0). Adapter le théorème aux hyperplans affines. 9 IV. Application aux calculs d’exponentielles de matrices On suppose dans le IV qu’on a K = R ou C que A ∈ M (n × n, K) est fixé et que m ∈ K[X], m unitaire, m scindé, de degré ≥ 1 tel que m(A) = 0. ` Y On pose : m(X) = (X − λi )si avec i=1 λ1 , . . . , λ ` ∀i ∈ {1 . . . `} deux à deux distincts dans K si ≥ 1. Remarque. Pour qu’on soit dans la situation précédente il faut que PA soit scindé dans K[X] (ce qui équivaut à mA scindé). On peut alors choisir m = mA ou m = PA ou tout multiple scindé de mA . Proposition 1.- Soient P ∈ K[X], Q ∈ K[X]. 1) Si on a ∀i ∈ {1, . . . , `}, ∀j ∈ {0, . . . , si − 1} P (j) (λi ) = Q(j) (λi ) alors on a P (A) = Q(A). 2) La réciproque est vraie dans le cas où m = mA . Démonstration – On a : ∀i ∈ {1, . . . , `} ∀j ∈ {0, . . . , si − 1} (P − Q)(j) (λi ) = 0 ⇐⇒ ∀i ∈ {1 . . . `} (X − λi )si divise P − Q ⇐⇒ m divise (P − Q). Proposition 2.- Soit E l’espace vectoriel sur K des polynômes de degré d◦ m, de K[X]. ◦ Alors l’application φ : E −→ K d m donnée par Q(P ) = P (j) (λi ) i∈{1,...,`} ∀P ∈ E est un isormorphisme. j∈{0,...,si −1} Démonstration – Remarquons qu’on a bien ` X si = d◦ m. L’application φ est évidemment i=1 linéaire, de plus elle est injective. En effet, en utilisant le raisonnement de la proposition 1, si φ(P ) = 0, alors m divise P , d’où P = 0 car d◦ P < d◦ m. ◦ Comme on a dim E = dim K d m = λ◦ m, elle est également surjective. Utilisation de la dualité Pour tout i ∈ {1, . . . , `} et j ∈ {0, . . . , si − 1} soit ϕi,j : E −→ K P −→ P (j) (λi ). Alors on a ϕi,j ∈ E ∗ et ⊥ ( ϕij . i ∈ {1, . . . , `} ) = {0}. j ∈ {0, . . . , si − 1} On en déduit que ϕi,j i,j base. On a donc ∀P ∈ E, forme une base de E ∗ . On notera (Pi,j ) la base de E duale de cette P = sX ` i −1 X i=1 P (j) (λi ) · Pi,j . j=0 10 Proposition 3.- Soit f : D −→ K une fonction donnée par une série entière : f (x) = ∞ X k αk (x − µ) , avec k=0 D = disque ouvert de convergence de f . On suppose ∀i, Soit R l’unique polynôme de E tel que : ∀i, j Alors on a R(A) = lim N X N −→∞ ∀k αk ∈ K µ∈D λi ∈ D. R(j) (λi ) = f (j) (λi ). αk (A − µI )k . k=0 Démonstration – Soit N ∈ N. On pose : N X f (X) = αk (X − µ)k ∈ K[X] N k=0 X (j) fN (λi ) Pi,j ∈ K[X]. RN (X) = i,j a) ∀i, j b) ∀N (j) (j) on a fN (λi ) = X RN (λi ) d’où fN (A) = RN (A) d’après la proposition 1. (j) RN (A) = fN (λi )Pi,j (A). i,j On sait que comme λi ∈ D, et par propriété des séries entières on a : (j) lim fN (λi ) = f (j) (λi ). ∀i, j N −→∞ On obtient donc : lim RN (A) = R(A). C’est-à-dire N −→∞ lim fN (A) = R(A). N −→∞ Corollaire 1. Soit R l’unique polynôme de E tel que : ∀i, j i ∈ {1, . . . , `}, j ∈ {0, . . . , si − 1} R(j) (λi ) = eλi . Alors on a : exp(A) = R(A). Exemples. 0 −1 1 ) On pose A1 = . On veut calculer exp A1 . 2 −3 Le polynôme caractéristique de A1 est m(X) = (X + 1)(X + 2). Soit R(X) = a0 + a1 X tel que : R(−1) = e−1 soit a0 − a1 = e−1 −2 R(−2) = e soit a0 − 2a1 . ◦ On obtient a0 = 2a−1 − e−2 , a1 = e−1 − e−2 et exp(A1 ) = (2a−1 − e−2 )I + (e−1 − e−2 )A1 . 3 −1 1 2◦ ) Soit A2 = 2 0 1 . On vérifie que le polynôme caractéristique de A2 est 1 −1 2 m(X) = (2 − X)2 (1 − X) (c’est aussi le polynôme minimal de A2 car A2 n’est pas diagonalisable). Soit R(X) = a0 + a1 X + a2 X 2 ∈ R[X] tel que : soit a0 + a1 + a2 = e R(1) = e R(2) = e2 soit a0 + 2a1 + 4a2 = e2 0 R (2) = e2 soit a1 + 4a2 = e2 . 11 On obtient : a0 = 4e − e2 , a1 = e2 − 4e, a2 = e d’où : exp(A2 ) = (4e − e2 )I + (e2 − 4e)A2 + eA22 . Corollaire 2. Soit t ∈ R \ {0}. Alors on a : exp(tA) = C0 (t) + C1 (t)A + . . . + Cu (t)Au (u = degré m − 1) avec C0 (t), . . . , Cu (t) des scalaires (dépendant de t) vérifiant la relation : ∀i ∈ {1, . . . , `} eλi t = C0 (t) + C1 (t)λi + . . . + Cu (t)λui ∀j ∈ {0, . . . , si − 1} tj eλi t = j!Cj (t) + . . . + u(u − 1) . . . (u − j + 1)Cu (t)λiu−j . Remarque. 1) On est amené à calculer de telles exponentielles pour résoudre des systèmes différentiels. 2) Les relations sont en fait faciles à retenir. Tout se passe comme si partant de la relation : eλit = C0 (t) + . . . + Cu λui on dérivait successivement par rapport à λi . Commençons en reprenant les exemples. 3) Calcul de exp(tA1 ). exp(tA1 ) = C0 (t)I + C1 (t)A1 −t e = C0 (t) − C1 (t) e−2t = C0 (t) − 2C1 (t) d’où C1 (t) = e−t − e−2t et C0 (t) = 2e−t − e−2t et exp(tA1 ) = (2e−t − e−2t )I + (e−t − e−2t )A1 . 4) Calcul de exp(tA2 ) m(x) = (x − 2)2 (x − 1) exp(tA2 ) = C0 (t)I + C1 (t)A2 + C2 (t)A22 on a : t e = C0 (t) + C1 (t) + C2 (t) e2t = C0 (t) + 2C1 (t) + 4C2 (t) dérivons la relation eλt = C0 (t) + λC1 (t) + λ2 C2 (A) par rapport à λ. On obtient teλt = C1 (t) + 2λC2 (t) puis remplaçons λ par 2 te2t = C1 (t) + 4C2 (t). On obtient : C0 (t) = 4et + (2t − 3)e2t C1 (t) = −4et + (4 − 3t)e2t C2 (t) = et + e2t (t − 1) puis exp(tA2 ) = C0 (t)I + C1 (t)A2 + C2 (t)A22 . Démontrons maintenant la propriété. Démonstration du Corollaire – Supposons t ∈ R \ {0} fixé. On a ` Y (tA − tλi )si = 0. i=1 On pose mt (x) = ` Y (x − tλi )si . On applique à tA le corollaire 1. i=1 On a exp(tA) = Rt (tA) avec Rt (x) = a0 (t) + a1 (t)X + . . . + au (t)xu ∈ E (j) vérifiant : ∀i, j Rt (tλi ) = exp(λi t). (j) On a : ∀i, j Ri (x) = j! aj (t) + . . . + u(u − 1) . . . (u − j + 1)au (t)xu−j on a exp(tA) = a0 (t)I + a1 (t)tA + . . . + au (t) tu Au Les relations ∀i, j soit = C0 (t)I + C1 (t)A + . . . + Cu (t)Au en posant ∀i (j) Ri (tλi t) = exp(λi t) peuvent s’écrire : Ci (t) = ti ai (t). tj exp(λi t) = j! tj aj (t) + . . . + u(u − 1) . . . (u − j + 1)tu au (t)λu−j i tj exp(λi j) = j! Cj (t) + . . . + u(u − 1) . . . (u − j + 1)Cu (t)λu−j . i 12