La T2A se substitue au mode de
financement par dotation globale
des hôpitaux, établissant un lien
direct entre activités médicales
pratiquées et ressources allouées.
Pourtant, depuis sa mise en place
progressive, elle ne fait pas
l’unanimité. Est-ce la bonne façon de
procéder pour aller vers un
financement transparent, simple
et équitable ?
>En théorie, la tarification à l’activité
consiste à financer les hôpitaux par
rapport à leurs activités. On tient
compte des pathologies prises en char-
ge et des différents coûts qui en décou-
lent. C’est un principe sain et la T2A
devient d’ailleurs le financement stan-
dard des hôpitaux dans les pays
européens –démarrage en Allemagne,
en place en Italie, en préparation en
Grande-Bretagne – avec des listes de
groupes homogènes de malades assez
semblables d’un pays à l’autre. Ce
changement permet de mieux suivre
l’activité, de comparer les établisse-
ments, de développer des stratégies
locales… La T2A est plus logique que le
prix de journée qui était inflationniste
et que le budget global qui est
rationnant!
Et en pratique ?
>Il faut déterminer ces fameux tarifs
nationaux par GHS. En France, nous
avons opté pour un calcul basé sur
les coûts passés et non sur les coûts
protocolés. Cela risque de poser un
problème pour le financement de l’in-
novation qui, par définition, n’est pas
prise en compte dans l’historique. Par
ailleurs, l’unicité du tarif entraîne des
redistributions entre établissements
qui n’ont pas les mêmes prix de re-
vient. La mise en œuvre de la T2A
bouleverse les modes de gestion tra-
ditionnels. Les hôpitaux retrouvent la
pratique de la facturation, perdue lors
de l’instauration de la dotation glo-
bale. Ils bénéficient en outre d’autres
dotations budgétaires, notamment
pour les Missions d’intérêt général
et d’aide à la contractualisation
(MIGAC), dont la diversité complexi-
fie la gestion hospitalière. La T2A est
un système plus performant mais plus
délicat à mettre en œuvre et à gérer.
On parle de maîtriser les dépenses
hospitalières avec la T2A, alors
que les trois quarts sont liés au
personnel. Comment peut-on
concilier baisse des dépenses
hospitalières avec revalorisation
salariale et augmentation des
effectifs ?
>Le fait que le personnel représente
70 % des coûts ne change rien à l’af-
faire. C’est le cas dans tous les pays
ayant adopté la T2A. Mais il faut être
clair : le but est de rendre le système
plus efficient, et non de réduire les dé-
penses. Pour maîtriser la dépense, le
budget global était plus efficace. Mais
pendant des années, il a amené les
établissements à sacrifier les dépenses
d’investissement au profit des dé-
penses de fonctionnement. Le plan
hôpital 2007 a aussi pour objectif
d’enrayer cette tendance.
Le plan hôpital souhaite harmoniser
les tarifs entre public et privé.
Jusqu’où est-il possible d’aller ?
>Il est vrai que le privé est sensible-
ment moins cher que le public. Lui-
même l’explique par sa meilleure pro-
ductivité tandis que le public invoque
les charges liées au service public,
telles que la permanence des soins,
l’enseignement et la recherche… En
théorie, ces charges devraient être
couvertes par le budget MIGAC. En
pratique, on constate que, malgré ce
dernier, les coûts par pathologie ne
peuvent être alignés. Peut-être ce bud-
get est-il sous-dimensionné, il est en
général plus élevé dans les autres pays
européens. Mais l’historique des deux
formes de structures, leur mode de
fonctionnement, le statut du person-
nel… empêchent la convergence et
l’application du principe : à soins
égaux, financement égal. La logique
de la T2A implique à terme que les
conditions d’environnement soient
harmonisées, mais cela risque de
prendre un certain temps !
L’harmonisation des tarifs passe
donc par l’harmonisation des modes
de gestion ?
>Oui. La T2A est en cours d’installa-
tion pour le public alors que l’inté-
gralité du privé l’a adoptée en 2005.
Dans le public, la tâche d’adaptation
est plus importante et les établisse-
ments doivent désormais apprendre à
raisonner activité par activité et non
plus globalement. Les probléma-
tiques de gestion devraient se rappro-
cher, avec sans doute une meilleure
coopération entre les deux secteurs.
La pratique de la T2A devrait conduire
à une plus grande autonomie des éta-
blissements publics et à une gestion
plus serrée de leurs ressources au
niveau de chaque GHS.
Mais ne risque-t-elle pas
d’entraîner des dérives comme
la sélection de malades pour éviter
les plus lourds ? C’est ce que
l’inspection générale des affaires
sociales et l’inspection générale des
finances ont pointé du doigt dans
un rapport*de 2005.
>Des effets pervers sont possibles
avec la T2A comme avec tout autre
système. Le choix de la classification
du séjour est crucial de même qu’un
établissement peut avoir intérêt à
multiplier les séjours pour un même
patient. C’est pourquoi des méca-
nismes de contrôle sont nécessaires.
Mais la vraie solution réside dans la
sincérité des tarifs et des MIGAC. La
tutelle doit en permanence « piloter »
le système pour éviter les distorsions
entre GHS d’une part et entre soins et
missions de service public d’autre
part. Le système est contraignant pour
tout le monde, y compris la tutelle.■
PROPOS RECUEILLIS
PAR MÉLANIE MAZIÈRE
*http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/
064000004/0000.pdf
MAI 2006 _ PHARMACEUTIQUES
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Pour
l’économiste
Claude Le Pen,
«La T2A est un
principe sain».
© PHANIE
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