Bisphosphonates : traitements de l`ostéoporose et cancer du sein

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DOSSIER THÉMATIQUE
Os et cancer du sein
Bisphosphonates :
traitements de l’ostéoporose
et cancer du sein
Bisphosphonates: osteoporosis treatment
and breast cancer
Pierre Khalifa*
L
e cancer du sein est la première cause de
mortalité par cancer chez la femme. Son
pronostic a largement bénéficié de son dépistage précoce et des progrès thérapeutiques, des traitements adjuvants notamment, qui permettent de
guérir plus de 3 femmes sur 4 quand la maladie
reste localisée.
Les bisphosphonates (BP) ont une place importante
dans la prise en charge de ce cancer, pour réduire
à la fois la perte osseuse liée aux traitements adjuvants, chimiothérapie et/ou hormonothérapie par
agoniste de la LH-RH ou inhibiteur de l’aromatase,
mais aussi l’incidence des événements osseux liés
à la maladie métastatique.
Bisphosphonates en prévention
de la perte osseuse et de
l’ostéoporose chez les patientes
recevant un traitement
adjuvant du cancer du sein
Les traitements adjuvants du cancer du sein ont un
impact osseux qui expose les patientes à un risque
accru d’ostéoporose et de fractures, à bien distinguer
des complications osseuses, notamment fracturaires, observées en présence ou non de métastases
osseuses.
Impact osseux des chimiothérapies
et bisphosphonates
* Ancien chef de clinique assistant des
hôpitaux de Paris (ACCA), Paris.
La chimiothérapie (agents alkylants, taxanes, anthracyclines), si elle améliore la survie sans récidive et la
survie globale, a une toxicité gonadique responsable
d’une aménorrhée, le plus souvent irréversible, qui
conduit à une ménopause prématurée dans 70 %
à 90 % des cas après 40 ans et 10 à 40 % des cas
avant. Elle est responsable d’une perte osseuse
rapide et importante, 2 à 3 fois plus forte que lors
d'une ménopause naturelle, plus modeste quand les
règles persistent ou en situation de carence estrogénique postménopausique.
L’intérêt d’un BP pour prévenir la perte osseuse dans
cette situation n’a fait l’objet que de rares études. Dans
une étude menée chez 112 femmes traitées par une
chimiothérapie adjuvante, la densité minérale osseuse
(DMO) lombaire à 1 an a augmenté de 1,1 % sous acide
zolédronique en i.v. (4 mg tous les 6 mois) et baissé de
7,5 % dans le groupe contrôle (p < 0,001) [1]. L’intérêt
d’un traitement précoce ressort d’une étude incluant
439 patientes traitées par chimiothérapie, dont 56 %
ont vu les sécrétions ovariennes s’arrêter plus de
3 mois. Lorsque le traitement par acide zolédronique
en i.v. (4 mg tous les 3 mois) a été commencé dans
les 3 premiers mois suivant la randomisation, la DMO
lombaire à 1 an a augmenté de 1,2 %, et quand il a
été mis en route après 1 an, la DMO a baissé de 6,7 %
(p < 0,001) [+1,0 % versus –0,5 % respectivement, à
3 ans ; p = 0,019] (2).
Impact osseux des traitements
hormonaux adjuvants et
bisphosphonates
Une hormonothérapie est préconisée en traitement
adjuvant du cancer du sein hormonodépendant,
avec récepteurs RE+.
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Points forts
Mots-clés
»» Les bisphosphonates ont une place essentielle dans la prise en charge des patientes atteintes d’un cancer
du sein. Ils sont indiqués pour réduire la perte osseuse et le risque de fractures, liés à la carence estrogénique
induite par les traitements adjuvants chimiothérapiques ou hormonaux, par agoniste de la LH-RH ou inhibiteur
de l’aromatase. Ils sont également intéressants, en traitement adjuvant, dans la maladie métastatique, pour
réduire les événements osseux, et dans les formes avancées de cancer du sein.
»» Traitement de première intention de l’ostéoporose postménopausique, les bisphosphonates pourraient,
mais cela reste à confirmer, réduire l’incidence du cancer du sein.
Bisphosphonates
Cancer du sein
Ostéoporose
Inhibiteurs de
l'aromatase
Keywords
Bisphosphonates
Breast cancer
Osteoporosis
Aromatase inhibitors
◆◆ Tamoxifène
Il inhibe l’action des estrogènes en saturant les
récepteurs RE. Il a montré son efficacité en termes de
délai avant la récidive, de risque métastatique et de
survie. Avant la ménopause, c’est l’hormonothérapie
de référence. Il se comporte comme un anti-estrogène et provoque une baisse, modérée, de la DMO,
ne nécessitant pas de prévention de l’ostéoporose.
Après la ménopause, son action estrogénique faible
permet le maintien de la masse osseuse.
◆◆ Agonistes de la LH-RH
Ils sont indiqués chez la femme non ménopausée,
supprimant le caractère pulsatile de la sécrétion
de la LH-RH par l’hypothalamus et, consécutivement, la sécrétion hypophysaire de FSH et de LH
et la production d’estrogènes. Une revue Cochrane
de 2009, portant sur 14 études randomisées et
13 000 femmes non ménopausées, montre qu’ils
font, en monothérapie, aussi bien que la chimiothérapie et le tamoxifène seuls, en termes de survie
sans récidive et de survie globale. L'association avec
le tamoxifène fait mieux que le tamoxifène, l’agoniste ou la chimiothérapie seuls. L'association à la
chimiothérapie fait mieux que la chimiothérapie
seule (3). Son impact osseux est supérieur à celui
de la chimiothérapie : une baisse significative de la
DMO a été notée à 2 ans chez 53 femmes traitées
par la goséréline comparées à 43 femmes traitées par
chimiothérapie (–10,5 % et –6,4 % versus –6,5 % et
–4,5 %, au rachis et au col fémoral ; p = 0,0005 et
p = 0,04 respectivement). À l’arrêt de la goséréline,
la DMO a récupéré partiellement, avec le retour de la
fonction ovarienne chez la majorité des patientes, sans
différence significative entre les 2 groupes à 3 ans (4).
➤➤ En pratique, avant la ménopause, les patientes
recevant une chimiothérapie et/ou un agoniste de
la LH-RH devraient être averties du risque d’arrêt
des règles et de perte osseuse et devraient subir une
ostéodensitométrie. Celles ayant un Z-score inférieur
à –2 déviation standard (DS) ou inférieur ou égal à
–1 DS et une baisse annuelle supérieure à 5 % de la
DMO relèvent, pendant la durée du traitement, d’un
BP (prise orale ou en i.v.), en association avec des
apports suffisants de calcium et de vitamine D (5).
Highlights
◆◆ Inhibiteurs de l’aromatase
Ils sont, après la ménopause, le traitement adjuvant
de première ligne en raison de leur efficacité et de leur
tolérance à court terme supérieures à celles du tamoxifène. Ils réduisent la production résiduelle d’estrogènes
en inhibant l’enzyme qui aromatise les androgènes des
surrénales et des ovaires, de façon réversible (environ
80 à 90 %) pour l’anastrozole et le létrozole, irréversible
et forte (environ 98 %) pour l’exémestane.
La chute importante et rapide de l’estradiolémie
explique l’évolution de la DMO (tableau I) et le
risque accru de fractures (tableau II) observés avec
ces traitements (6). Les résultats à 100 mois de
l’étude ATAC, après 4 ans en moyenne d’arrêt de
l’anastrozole, rassurent cependant sur la réversibilité de l’impact osseux du traitement.
Les BP, essentiellement par voie i.v., sont largement
préconisés dans la prévention et le traitement de la
perte osseuse induite par les inhibiteurs de l’aromatase.
»» Bisphosphonates play a
crucial role in the treatment of
breast cancer patients. Their use
is indicated to reduce bone loss
and the risk of fractures associated with oestrogen deficiency
induced by adjuvant chemotherapy or hormonal therapy,
through the LH-RH agonist and
the aromatase inhibitor. They
are also of interest as adjuvant
treatment in patients with metastatic disease, to reduce bonerelated adverse events and to
treat advanced breast cancer.
»» Used as first-line treatment
of postmenopausal osteoporosis, bisphosphonates may
decrease breast cancer incidence; however, this hypothesis
remains to be confirmed.
◆◆ Étude ABCSG/ARNO
Il s'agit d'une étude ouverte, randomisée, menée
chez 1 803 patientes ayant un cancer du sein RE+
Tableau I. Perte osseuse sous inhibiteurs de l’aromatase.
Étude
Traitement
n
Perte osseuse
lombaire à 2 ans
Perte osseuse
fémorale à 2 ans
p
ATAC
Anastrozole versus
tamoxifène
308
–4 %
+1,9 %
–3,2 %
+1,2 %
< 0,0001
IES
Exémestane versus
tamoxifène
206
–1 %
–0,8 %
0,003
Létrozole versus
placebo
226
–5,35 %
–0,7 %
–3,6 %
–0,71 %
MA17
Tableau II. Fractures sous inhibiteurs de l’aromatase.
Traitement
n
Durée du suivi
(mois)
Fractures
p
Anastrozole
versus tamoxifène
6 241
68
11 %
7,7 %
< 0,0001
Létrozole versus
tamoxifène
8 010
35,5
5,7 %
4,0 %
< 0,001
IES
Exémestane
versus tamoxifène
4 274
58
7 %
5 %
0,003
ABCSG/ARNO
Anastrozole
versus tamoxifène
3 224
28
2,4 %
1,2 %
NR
Létrozole versus
placebo
2 383
60
5,2 %
3,1 %
0,02
Étude
ATAC
BIG1-98
MA17
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DOSSIER THÉMATIQUE
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months results of the ZO-FAST
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Os et cancer du sein
de stade 1-2, qui a comparé les effets sur la DMO
de l’anastrozole (1 mg/jour) ou du tamoxifène
(20 mg/jour) associé à la goséréline (3,6 mg tous
les 28 jours) selon que les patientes reçoivent ou non
de l’acide zolédronique en i.v. (4 mg tous les 6 mois).
La perte osseuse était plus importante sous anastrozole
que sous tamoxifène (–16 % versus –8 %) et la DMO est
restée stable chez les patientes recevant l’acide zolédronique alors qu’elle a baissé significativement en l’absence
d’acide zolédronique (–12 % à 24 mois ; p < 0,001) [7].
◆◆ Études Z-FAST (n = 602) et ZO-FAST (n = 1 066)
Ces 2 études (8, 9) avaient pour objectif d’évaluer le
moment optimal du traitement préventif de la perte
osseuse sous létrozole (2,5 mg/jour) par l’acide zolédronique en i.v. (4 mg tous les 6 mois). Dans ces 2 études,
la DMO lombaire a augmenté de 4,4 % et de 5,3 % à
1 an et de 6,7 % et de 9,3 % à 3 ans, respectivement,
dans les groupes traités dès la mise en route du traitement par létrozole comparés aux groupes traités de
façon retardée, en cas de T-score inférieur à –2 DS ou
de fracture. La DMO fémorale n’a augmenté que dans
les groupes traités dès la mise en route du traitement.
◆◆ Étude IBIS II
Randomisée, en double aveugle contre placebo, elle
avait pour but d’évaluer l’efficacité du risédronate
per os (35 mg par semaine) en prévention de la perte
osseuse sous anastrozole, chez 87 femmes préalablement traitées par chimiothérapie. Les DMO lombaire
et fémorale à 1 an ont augmenté, respectivement, de
1,2 % et de 1,3 % sous risédronate et baissé de 0,9 %
et de 0,8 % sous placebo (p < 0,01) [10].
Bisphosphonates en traitement
adjuvant du cancer du sein
Cet effet adjuvant des BP, qui dépasse largement le
cadre de cet exposé, doit être pris en compte dans la
mise en route d’un traitement préventif de la perte
osseuse liée aux traitements adjuvants chimiothérapiques ou hormonaux. Il résulte des études
précliniques montrant un effet direct des BP sur la
prolifération cellulaire tumorale et métastatique.
Ingérés par les ostéoclastes, les BP inhibent la résorption osseuse et le relargage de facteurs de croissance.
Ils modulent l’expression génique de macromolécules de la matrice extracellulaire (intégrines,
protéoglycanes, hyaluronanes, métalloprotéases
et inhibiteurs de métalloprotéases). Ils inhibent ainsi
l’adhésion, la prolifération, la migration et l’invasion
de la matrice osseuse par les cellules tumorales.
L’effet antitumoral pourrait également passer par
la réduction du nombre de cellules tumorales circulantes, un facteur pronostique de récidive et de survie
du cancer du sein métastatique ou avancé.
L’effet adjuvant des BP dans la prise en charge du
cancer du sein a fait l’objet d’une revue Cochrane
récente portant sur 34 essais cliniques randomisés.
Les BP (acide zolédronique 4 mg, pamidronate 90 mg
et ibandronate 150 mg, par voie i.v., toutes les 3 ou
4 semaines) sont efficaces dans la prévention et le
traitement des événements osseux liés au cancer
du sein (métastases, fractures pathologiques,
compression médullaire, hypercalcémie) et dans la
survie sans récidive, mais non dans la survie globale,
en cas de cancer métastatique, de cancer avancé
➤➤ En pratique, après la ménopause, les femmes recevant un traitement inhibiteur de l’aromatase devraient
être averties du risque d’ostéoporose et devraient bénéficier, à l’instauration du traitement, d'une évaluation
du risque, clinique (âge de la ménopause, spontanée ou induite ; évolutivité du cancer ; hérédité ; antécédent
fracturaire ; indice de masse corporelle [IMC] ; tabagisme ; corticothérapie) et densitométrique, et d’un dosage
de la calcémie, de la 25-hydroxy-vitamine D et de l’hormone parathyroïdienne (PTH).
Le traitement préventif de l’ostéoporose induite nécessite, dans tous les cas, des apports suffisants en calcium
et en vitamine D (et une supplémentation en cas d’apports insuffisants), la pratique d’un exercice physique
régulier et l’arrêt du tabac.
Un BP (alendronate, risédronate ou acide zolédronique) est recommandé par l’American Society of Clinical
Oncology (ASCO) à toutes les femmes ostéoporotiques (T-score inférieur à –2,5 DS) et, au cas par cas, en cas
d’ostéopénie (T-score entre –1 et –2,5 DS) [11].
Un traitement par un BP par voie i.v. (acide zolédronique, 4 mg tous les 6 mois) ou par voie oral (risédronate
35 mg par semaine) ou par le dénosumab (60 mg par voie sous-cutanée tous les 6 mois) est recommandé par
l’European Society for Clinical and Economic Aspects of Osteoporosis and Osteoarthritis (ESCEO) :
– en cas de T-score lombaire ou fémoral inférieur à –2,5 DS ou de facture prévalente de fragilité ;
– chez toutes les femmes âgées de 75 ans et plus, quelle que soit leur DMO ;
– en cas de T-score inférieur à –1,5 DS + 1 facteur de risque d’ostéoporose ou inférieur à –1 DS + 2 facteurs de risque ;
– chez les femmes ayant une probabilité de fracture fémorale à 10 ans évaluée par le FRAX® supérieure ou
égale à 3 % (12).
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DOSSIER THÉMATIQUE
sans métastase, chez les femmes âgées entre 60 et
65 ans et plus, ménopausées depuis plus de 5 ans
mais aussi, avant la ménopause, chez les femmes
ayant des taux bas d’estrogènes après suppression
ovarienne. Les BP semblent inefficaces, en traitement
adjuvant, dans le cancer du sein à un stade précoce
et, avant la ménopause, en l’absence de suppression
ovarienne (13).
Bisphosphonates,
traitement de l’ostéoporose
postménopausique et
antécédents de cancer du sein
Il est fréquent, avec l’augmentation de l’espérance de
vie de ces patientes, d’avoir à traiter une ostéoporose
à distance de la prise en charge d’un cancer du sein
considéré comme guéri, dans le but de réduire le
risque de fractures. Les BP, qui ont fait la preuve de
leur efficacité en prévention des fractures vertébrales
et non vertébrales, sont proposés en première intention par les nouvelles recommandations françaises
de 2012 (14).
Les BP – l’alendronate 70 mg et le risédronate
35 mg, en 1 prise orale hebdomadaire, l’acide
zolédronique en 1 perfusion annuelle de 5 mg –
sont préconisés en cas de fracture majeure non
traumatique (fracture de l’extrémité supérieure
du fémur, de l’extrémité supérieure de l’humérus,
du fémur distal et du tibia proximal, fracture de
3 côtes simultanément ou fracture du bassin),
quel que soit l’âge (après une ostéodensitométrie
s’il existe un doute sur les conditions de survenue
de la fracture).
En cas de fracture non majeure ou en l’absence de
fracture, la décision de traiter est en fonction du
T-score (traitement si inférieur ou égal à –3 DS)
et, si le T-score est supérieur ou égal à –3 DS,
c'est est en fonction de la valeur du FRAX® pour
le risque de fracture majeur à 10 ans.
Bisphosphonates,
traitement de l’ostéoporose
postménopausique et risque de
cancer du sein
Certaines études observationnelles suggèrent que les
BP administrés dans la prévention et le traitement
de l’ostéoporose postménopausique pourraient
réduire significativement le risque de cancer du
sein. Une méta-analyse des études publiées jusqu’en
juin 2011 portant sur 84 931 patientes traitées par
BP et 15 363 cancers du sein montre une réduction
de 15 % du risque de cancer du sein (p = 0,03) et de
32 % du risque de cancer invasif (p < 0,001) chez
les femmes traitées par BP comparées à celles non
traitées par BP avec un effet dose-réponse significatif et une réduction du risque de 8 % par année de
traitement supplémentaire (p = 0,001) [15].
Tolérance des bisphosphonates
et cancer du sein
La tolérance générale des BP per os ou en i.v. est
bonne, et leur toxicité dominée par le risque d’insuffisance rénale et d’hypocalcémie. Dans une étude
rétrospective portant sur 181 cancers du sein métastatiques, une toxicité rénale de stade 1-2 ou de stade 3
est notée chez respectivement 3,9 % et 0,7 % des
patientes traitées par BP et une hypocalcémie chez
29 patientes (16 %), le plus souvent lors des traitements prolongés plus de 2 ans (16).
La prévalence des ostéonécroses de la mâchoire
sous BP (acide zolédronique et/ou pamidronate dans
tous les cas) en cas de cancer du sein a été estimée à
2,8 % (69 cas) dans une méta-analyse récente (17).
La prévalence des fractures fémorales atypiques est
plus rare, estimée à 1 pour 1 000 années-patientes,
corrélée au nombre de cures de BP par voie i.v. et
à la durée médiane du traitement dans une métaanalyse récente (18).
Avant chaque perfusion de BP par voie i.v., il est
conseillé de vérifier la clairance de la créatinine
et de s’assurer de l’absence d’hypocalcémie et
de baisse du taux de 25-hydroxy-vitamine D.
Un suivi dentaire régulier et une parfaite hygiène
bucco-dentaire sont nécessaires pour prévenir et
dépister à temps une éventuelle ostéonécrose
de la mâchoire.
En cas de douleurs fémorales inexpliquées, des
radiographies doivent être pratiquées au moindre
doute, pour éliminer une fracture fémorale
atypique.
Sans négliger le risque d’ostéonécrose de la
mâchoire et de fractures fémorales atypiques,
le rapport bénéfices/risques reste en faveur de
l’utilisation des BP.
■
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