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150 •Soctal n°64
Haldane acquit la notoriété –qui fit de lui un des piliers de la théorie de la bio-
logie –enpubliant dix articles mathématisant les débats sous le titregénérique
AMathematical Theory of Natural and Artificial Selection et en les déclinant selon une
vaste palette de conditions environnementales – structures de population, systèmes
génétiques, etc. L’importance du travail d’Haldane provient du fait que dans les
années 1920-1930 un grand débat agitait furieusement le milieu des biologistes :
soit on était du côté des scientifiques qui prétendaient que l’évolution était organisée
par la sélection naturelle qui agissait lentement et méthodiquement, soit on défen-
dait avec les mendéliens3la position selon laquelle elle agissait par sauts brutaux sur
des échelles importantes.
Si,initialement, il était impossible de distinguer laquelle des deux approches avait
été suivie par la nature, au fur et à mesure que les données s’accumulaient, la balance
penchait de plus en plus en faveur de la sélection naturelle.
Malencontreusement, jusqu’aux contributions d’Haldane,iln’y avait aucune théorie
mathématique capable d’expliquer comment pouvait opérer un processus aussi lent
que celui conçu par les théoriciens de la sélection naturelle.C’est à cette occasion
qu’il intervint dans le débat sur les causes de l’altruisme.L’argument d’Haldane peut
être exposé comme suit :supposons que vous possédiez le gène de l’altruisme.Alors,
il y a une chance sur deux que vous l’ayez légué à votre enfant. En revanche,votre
neveu ou nièce – le fils ou la fille de votre frère ou de votre sœur – n’a qu’une chance
sur quatre de posséder ce gène dans la mesure où votre frère ou sœur n’a qu’une
chance sur deux de l’avoir et une chance sur deux de le transmettre à son enfant.
Supposons qu’onvous appelle pour sauver un enfant de votre famille dans des cir-
constances telles que vous ayez une chance sur cent d’y perdre la vie et que cette
circonstance se reproduise dix fois de suite pour des enfants différents. En moyenne,
vous échangerez donc la perte d’un gène contre la survie de cinq gènes si ces enfants
sont vos enfants et la survie de deux gènes et demi si cet enfant est le fils de votre
frère ou de votre sœur.Par conséquent, sauver vos enfants procure à votre gène un
gain net de quatre et sauver les enfants de votre frère ou de votre sœur lui procure
un gain net de un et demi. Si vous ne savez pas de qui il s’agit, votre gain net est de
deux. Ces gains étant positifs, Haldane démontre qu’il est intéressant de sacrifier sa
vie pour les personnes avec lesquelles le patrimoine génétique partagé est proche.
Mais Haldane ne s’intéressa pas à construire une équation qui permette de calcu-
ler la balance coût-bénéfice.Il ne chercha pas non plus à comprendre comment la
sélection naturelle agit de manière à maximiser les règles de distribution des actes
d’altruisme entre parents.
3. Quiseréclament de la théorie de l’hérédité développée par Gregor Mendel.