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Les cinq leçons de sagesse
de Matthieu Ricard
pour mieux aimer
PROPOS RECUEILLIS PAR ELISABETH MARSHALL ET ANNE-LAURE FILHOL
1er octobre 2013
Dans son dernier livre, Plaidoyer pour l'altruisme, la force de la
bienveillance (Editions du Nil), Matthieu Ricard explore les différentes
facettes de l'amour, de l'empathie à la compassion, de l'oubli de ses
propres intérêts au don de soi. D'après le moine bouddhiste, nous avons
tous ce potentiel d'amour altruiste en nous, telle « une pépite d'or »
enfouie et parfois ignorée. Ses conseils pour la faire fructifier.
1. Cultiver l'amour altruiste
Nous avons tous ce potentiel altruiste en nous, comme un pauvre qui a une pépite d'or
enfouie juste sous sa cabane et qui l'ignore. Les dernières connaissances en
neuroplasticité du cerveau ont montré comment l'activité neuronale se réorganise quand
on développe l'attention ou la compassion. L'amour et la compassion se cultivent. On
devrait l'enseigner dans les écoles de médecine !
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« Il est plus facile de commencer à nous entraîner en pensant à quelqu'un qui nous est cher, imaginons un
jeune enfant qui s'approche de nous et nous regarde joyeux, confiant et plein d'innocence... Nous le
contemplons avec tendresse et le prenons dans nos bras (...) Demeurons quelques instants dans la pleine
conscience de cet amour, sans autre forme de pensée. Etendons ensuite ces pensées bienveillantes à ceux que
nous connaissons moins (...) allons plus loin, incluons dans cette bienveillance ceux qui nous ont fait du
tort et ceux qui nuisent à l'humanité en général (...) Portons sur eux le regard d'un médecin sur ses
patients les plus gravement atteints. Enfin embrassons la totalité des êtres sensibles dans un sentiment
d'amour illimité (...) Nous pouvons à tout moment, souhaiter intérieurement à ceux que nous croisons
dans la vie quotidienne d'être heureux et libérés de toute souffrance. Ainsi, graduellement, l'amour
altruiste, la compassion... seront pleinement intégrées à notre manière d'être. » (Plaidoyer pour l'altruisme,
p.300)
2. Dépasser l'émotion
L'empathie sans le discernement et la connaissance, est comme une pompe électrique à
eau... sans eau : elle brûle. Livrée à elle-même, elle peut même avoir des conséquences
néfastes. Ainsi des chercheurs se sont intéressés à l'épuisement émotionnel, le burn out des
travailleurs sociaux ou des soignants, ces personnes qui prennent constamment soin de
ceux qui souffrent. Etre quotidiennement en résonance affective avec des malades peut
conduire à l'épuisement. Mais considérer ses malades comme des « clients » et s'endurcir
pour ne pas craquer n'est pas non plus une solution. En cultivant l'amour, on peut sortir
de l'émotion qui fait mal, être une personne au grand coeur sans souffrir. Pour cela, il faut
faire la distinction en soi entre altruisme, compassion et empathie. Lorsque la
bienveillance inconditionnelle est confrontée à la souffrance, donc alertée par l'empathie,
cela devient de la compassion.
3. Développer bienveillance et sagesse
La première chose est de travailler à développer en soi une bienveillance et une sagesse
qui ne se troublent pas parce que l'autre ne se comporte pas selon vos plans ou que le
projet n'avance pas assez vite. Sans amour et sans sagesse, l'action humanitaire ne mène à
rien. Et nous voyons très bien les grains de sable qui l'enrayent, comme les conflits d'ego.
Si vous vous lancez dans une action humanitaire de manière prématurée, vous risquez de
succomber à des émotions destructrices - la haine devant des massacres par exemple - et
vous ne contribuerez alors que très peu à résoudre les maux qui ont suscité en vous
l'indignation initiale.
4. Chercher le remède à la souffrance
Aimer un oppresseur n'est pas excuser ses comportements ni faciliter ses actes funestes,
c'est souhaiter du fond du ur que la haine, l'indifférence, la cruauté qui font de lui un
dictateur cessent d'être. On peut prendre comme repère l'oeil du médecin. Face à un
patient fou et dangereux, il ne va pas le tabasser mais chercher les remèdes les plus
puissants et les plus appropriés pour, d'abord, l'empêcher de nuire et ensuite commencer
à le soigner. La compassion consiste à remédier aux causes de la souffrance, quelles
qu'elles soient et où qu'elles soient.
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5. Développer la coopération
Nous sommes arrivés à l'âge de la coopérationla croissance de l'altruisme devient une
nécessité, dans notre vie personnelle comme pour la société ou l'environnement. Pour
que la vie soit harmonieuse en ville comme dans une entreprise, rien ne peut fonctionner
sans coopération. L’altruisme est ce fil d'ariane qui permet de relier le court terme de la
prospérité, le moyen terme de l'épanouissement d'une vie et le long terme de
l'environnement et, sur un plan plus profond et spirituel, de se relier à Dieu ou à la nature
de Bouddha. Avec l’égoïsme, nous perdons tous alors qu'avec la coopération
bienveillante, au final, tout le monde est gagnant !
« A l'école, l'éducation coopérative consiste à former des groupes composés d'enfants de niveaux différents, de sorte
que les plus avancés puissent aider ceux qui sont en difficulté. Dans ce cas, on observe que les enfants qui
apprennent facilement, au lieu de se sentir supérieurs aux autres (comme c'est le cas dans un système d'évaluation
constante au moyen d'interrogations écrites notées) se sentent investis de la responsabilité d'aider ceux qui ont plus
de mal à comprendre. De plus, l'esprit de camaraderie du groupe et l'absence de jugements intimidants de la part
des autres inspirent confiance aux enfants et les incitent à donner le meilleur d'eux-mêmes. (Plaidoyer pour
l'altruisme p.612)
Il faut oser dire qu'on doit enseigner l'altruisme dans les écoles, de façon purement laïque, qu'on
peut l'introduire dans l'économie, qu'il ne s'agit pas d'une utopie naïve.
Pour aller plus loin
Abreuvés d’images violentes, confrontés à une société en crise, nous n’imaginons pas la force
qu’une véritable attitude altruiste peut avoir sur nos vies. Au carrefour de la philosophie, de la
psychologie, des neurosciences, de l’économie, de l’écologie, Plaidoyer pour l’altruisme est la somme
d’années de recherches, de lectures, d’expériences, d’observation et de réflexion. Avec le sens de
la pédagogie qui le caractérise et toujours en s’appuyant sur des exemples très concrets, l’auteur
démontre point par point que l’altruisme n’est ni une utopie ni un vœu pieux, mais une nécessité,
voire une urgence.
(928 pages, 23 euros)
Relayé par METIS DELTA
Copyleft 2013
Reproduction et diffusion libres, à condition qu’elles soient fidèles, dans le texte et dans l’esprit.
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