Le don peut-il être désintéressé ?
Supports de réflexion
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Le don c’est découvrir l’autre
La découverte de l'altérité est celle d'un rapport, non d'une barrière. Elle peut brouiller les
perspectives, mais elle élargit les horizons. Si elle remet en question l'idée qu'on se fait
de soi et de sa propre culture, c'est précisément, parce qu'elle nous fait sortir du cercle
restreint de nos semblables.
Claude Lévis-Strauss (1908 - 2009)
Race et histoire
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Solidarité
Les membres du corps eux-mêmes se portent assistance lorsque l’un d’entre eux est
malade. Il n’y a que l’homme orgueilleux qui dédaigne de porter assistance à son
semblable.
Catherine de Sienne (1347 - 1380)
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Dépasser l’intérêt individuel
L’altruisme ce n’est pas agir sans mobiles, mais faire en sorte que les mobiles de
son action ne soient plus son seul intérêt. L’altruisme est une façon de faire
prévaloir un intérêt supérieur à soi, voir universel. Cette notion est soulignée par le
texte suivant de Montesquieu :
Si je savais quelque chose qui me fût utile, et qui fût préjudiciable à ma famille, je la
rejetterais de mon esprit. Si je savais quelque chose utile à ma famille et qui ne le fût pas
à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais quelque chose utile à ma patrie, et qui
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fût préjudiciable à l’Europe, ou bien qui fût utile à l’Europe et préjudiciable au genre
humain, je la regarderais comme un crime.
Montesquieu (1689-1755)
Esprit des lois
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Il y a toujours des raisons en nous
J’ai acquis l’impression de ce que la théorie de l’inconscient se heurtait principalement à
des résistances d’ordre affectif qui s’expliquent par ce fait que personne ne veut connaître
son inconscient, et partant trouve plus expédient d’en nier tout simplement la possibilité.
Sigmund Freud (1856-1939)
Le Mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient
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L’altruisme, une propriété émergente de l’évolution humaine ?
Dans ce cas, les comportements altruistes et solidaires seraient aussi naturels à l’être
humain que les comportements égoïstes et prédatoriaux. L’orientation tantôt dans un sens
tantôt dans un autre dépend dès lors de la construction de l’individu, de l’environnement
social et de ses propres choix, car si au final l’altruisme et la solidarité sont favorables
pour les intérêts des groupes humains, il n’est pas évident que ces intérêts soient attirants
à court terme pour tous les individus.
Publiée en 1871, La Filiation de l'Homme, de Darwin, établit qu'un renversement s'est
opéré, chez l'homme, à mesure que progressait le processus de civilisation. La marche
conjointe du progrès (sélectionné) de la rationalité et du développement (également
sélectionné) des instincts sociaux, l'accroissement corrélatif du sentiment de sympathie,
l'essor des sentiments moraux en général et de l'ensemble des conduites et des
institutions d'assistance permettent à Darwin de constater que la sélection naturelle n'est
plus, à ce stade de l'évolution, la force principale qui gouverne le devenir des groupes
humains, mais qu'elle a laissé place dans ce rôle à l'éducation. Or, cette dernière dote les
individus et les groupes de principes et de comportements qui s'opposent, précisément,
aux effets anciennement éliminatoires de la sélection naturelle, et qui orientent à l'inverse
une partie de l'activité sociale vers la protection et la sauvegarde des faibles de corps et
d'esprit, aussi bien que vers l'assistance aux déshérités. La sélection naturelle a ainsi
sélectionné les instincts sociaux, qui à leur tour ont favorisé des dispositions éthiques ainsi
que des dispositifs institutionnels et légaux antisélectifs et anti-éliminatoires.
Ce faisant, la sélection naturelle a travaillé à son propre déclin (sous la forme éliminatoire
qu'elle revêtait initialement), en suivant le modèle même de l'évolution sélective. A
l'ancienne forme, qui a dépéri, s'est substituée une forme nouvelle : en l'occurrence, une
compétition dont les fins sont de plus en plus la moralité, l'altruisme et les valeurs de
l'intelligence et de l'éducation. Sans rupture, Darwin, à travers cette dialectique évolutive
qui passe par un renversement progressif que nous avons nommé l'effet réversif de
l'évolution, installe toutefois, entre biologie et civilisation, un effet de rupture qui interdit
que l'on puisse rendre son anthropologie responsable d'une quelconque dérive en
direction des désastreuses «sociologies biologiques». Il s'oppose ainsi expressément au
racisme, au malthusianisme et à l'eugénisme, contrairement à l'erreur courante qui lui
attribue la justification de ces trois systèmes de prescriptions éliminatoires. Cette
remarquable dialectique du biologique et du social, qui se construit pour l'essentiel entre
les chapitres III, IV, V et XXI de La Filiation et qui, en plus de s'opposer à toutes les
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conduites oppressives, préserve l'indépendance des sciences sociales en même temps
qu'elle autorise, et même requiert le matérialisme éthique déductible d'une généalogie
scientifique de la morale, n'a été reconnue dans toute sa force logique qu'à partir du début
des années 1980.
Patrick Tort
Directeur de l'Institut Charles Darwin International
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Considérer l’autre
Si deux hommes désirent la même chose alors qu’il n’est pas possible qu’ils en jouissent
tous les deux, ils deviennent ennemis : et dans leur poursuite de cette fin (qui est,
principalement, leur propre conservation, mais parfois seulement leur agrément), chacun
s’efforce de détruire ou de dominer l’autre. Et de vient que, l’agresseur n’a rien de
plus à craindre que la puissance individuelle d’un autre homme, on peut s’attendre avec
vraisemblance, si quelqu’un plante, sème, bâtit, ou occupe un emplacement commode, à
ce que d’autres arrivent tout équipés, ayant uni leurs forces, pour le déposséder et lui
enlever non seulement le fruit de son travail, mais aussi la vie ou la liberté. Et l‘agresseur
à son tour court le même risque à l’égard d’un nouvel agresseur.
Du fait de cette défiance de l’un à l’égard de l’autre, il n’existe pour nul homme aucun
moyen de se garantir qui soit aussi raisonnable que le fait de prendre les devants,
autrement dit, de se rendre maître, par la violence ou par la ruse, de la personne de tous
les hommes pour lesquels cela est possible, jusqu’à ce qu’il n’aperçoive plus d’autre
puissance assez forte pour le mettre en danger. Il n’y a rien de plus que n’en exige la
conservation de soi-même, et en général on estime cela permis. [...]
Il apparaît clairement par qu’aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir
commun qui les tienne tous en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre,
et cette guerre est guerre de chacun contre chacun.
Thomas Hobbes (1588 - 1679)
Léviathan
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L’altruisme, un passage de la conscience de l’intérêt du “je”
à la conscience de l’intérêt du “nous”
Il faut que chacun des hommes devienne un être social... Il faut apprendre aux enfants et
aux hommes qu'ils doivent se considérer non plus comme des isolés, comme des
individus ayant le droit de mettre en eux-mêmes le but de leur propre existence, mais
comme des associés membres de fait et de droit d'une société toutes les
responsabilités sont mutuelles; qu'ils doivent prendre désormais conscience de la
conscience commune et juger leurs actes particuliers du point de vue nouveau de cette
conscience sociale.
Léon Bourgeois (1851 - 1925)
Solidarité
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Le don est-il une forme d’échange désintéressé ?
Si c’est l’intérêt et un vil calcul qui me rendent généreux, si je ne suis jamais serviable que
pour obtenir en échange un service, je ne ferai pas de bien à celui qui part pour des pays
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situés sous d’autres cieux, éloignés du mien, qui s’absente pour toujours ; je ne donnerai
pas à celui dont la santé est compromise au point qu’il ne lui reste aucun espoir de
guérison ; je ne donnerai pas, si moi-même je sens décliner mes forces, car je n’ai plus le
temps de rentrer dans mes avances. Et pourtant (ceci pour te prouver que la bienfaisance
est une pratique désirable en soi) l’étranger qui tout à l’heure s’en est venu atterrir dans
notre port et qui doit tout de suite repartir reçoit notre assistance ; à l’inconnu qui a fait
naufrage nous donnons, pour qu’il soit rapatrié, un navire tout équipé. Il part, connaissant
à peine l’auteur de son salut ; comme il ne doit jamais plus revenir à portée de nos regards
il transfère sa dette aux dieux mêmes et il leur demande dans sa prière de reconnaître à
sa place notre bienfait ; en attendant nous trouvons du charme au sentiment d’avoir fait un
peu de bien dont nous ne recueillerons pas le fruit. Et lorsque nous sommes arrivés au
terme de la vie, que nous réglons nos dispositions testamentaires, n’est-il pas vrai que
nous répartissons des bienfaits dont il ne nous reviendra aucun profit ? Combien d’heures
l’on y passe ! Que de temps on discute, seul avec soi-même, pour savoir combien donner
et à qui ! Qu’importe, en vérité, de savoir à qui l’on veut donner puisqu’il ne nous en
reviendra rien en aucun cas ? Pourtant, jamais nous ne donnons plus méticuleusement ;
jamais nos choix ne sont soumis à un contrôle plus rigoureux qu’à l’heure où, l’intérêt
n’existant plus, seule l’idée du bien se dresse devant notre regard.
Sénèque, Les Bienfaits (61-63), traduction, 1914.
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Pour approfondir ce sujet
- Antimanuel de philosophie, Michel Onfray, Breal
- Éloge de la philosophie antique, Pierre Hadot, Allia
- La philosophie comme manière de vivre, Pierre Hadot, Lgf
- Qu'est-ce que la philosophie antique ?, Pierre Hadot, Gallimard
- Présentation de la philosophie, André Comte-Sponville, Lgf, poche
- Le monde de Sophie, Jostein Gaarder, Seuil, 1995
- L'étonnement philosophique, Jeanne Hersch, Gallimard, 1995
- Éloge de la philosophie, Maurice Merleau-Ponty, Gallimard, 1979
- Introduction à la philosophie, Karl Jaspers, 1950
- Pour une réforme de la philosophie, Ludwig Feuerbach (1841), Éditions Mille et une
nuits, 2004
- Contre la philosophie universitaire, Schopenhauer (1851), Coll. Rivages poche
- Le discours de la méthode; Dioptrique, René Descartes (1637), Gallimard, 1991
- Consolation de la philosophie, Boèce, Rivages-poche
- Pensées pour moi-même, suivies du manuel d'Epictète, Marc Aurèle, Flammarion, 1992
- Le banquet, Platon, Librio, 1992
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