REVUE MÉDICALE SUISSE Double antiagrégation plaquettaire pour le traitement et la prévention secon­daire de la maladie coronarienne Indications, modalités et durées de traitement Drs SOPHIE DEGRAUWE a et JUAN F. IGLESIAS a Rev Med Suisse 2016 ; 12 : 1022-34 Le choix et la durée optimale de la double antiagrégation plaquettaire (DAPT) pour le traitement de la maladie coronarienne constituent un dilemme dans la pratique clinique. La stratégie de traitement antiplaquettaire est déterminée par le contexte clinique, les comorbidités et la stratégie de prise en charge globale du patient. Si l’aspirine constitue le pilier de la prévention secondaire de la maladie coronarienne, la DAPT est associée à une ­réduction significative du risque d’événements ischémiques au détriment d’une augmentation du risque d’hémorragie majeure. Une approche individualisée, basée sur l’évaluation des risques ischémique et hémorragique du patient, est actuellement préconisée. Cet article propose une revue sur l’évidence actuelle dans le domaine de la DAPT pour le traitement et la prévention secondaire de la maladie coronarienne. Dual antiplatelet therapy for treatment and secondary prevention of coronary artery disease : indications, modalities and duration The choice and optimal duration of dual antiplatelet therapy (DAPT) for the treatment of coronary artery disease (CAD) represent a chal­ lenging clinical dilemma. Antiplatelet treatment strategies are de­ termined by the clinical setting, patient comorbidities and manage­ ment strategy. While aspirin remains the cornerstone for secondary prevention of CAD, DAPT significantly reduces recurrent ischemic adverse events at the expense of an increased risk of major bleeding complications. A tailored approach based on individual ischemic and hemorrhagic risk assessment is currently recommended. This review aims to provide a contemporary overview on the current body of evidence concerning DAPT for treatment and secondary prevention of CAD with practical emphasis on current indications, choice, combination and optimal duration of antiplatelet therapy. Introduction Les patients avec une maladie coronarienne (MC) demeurent à risque élevé d’événements cardiovasculaires majeurs (MACE) récurrents sur le long terme, incluant la mortalité cardiovas­ culaire (CV), l’infarctus du myocarde (IM) ou l’accident vas­ culaire cérébral (AVC).1 Les agents antiplaquettaires (AAP) constituent un pilier important du traitement et de la pré­ vention secondaire de la MC. L’antiagrégation plaquettaire PRINCIPAUX AGENTS ANTIPLAQUETTAIRES Les plaquettes sont les acteurs principaux de l’hémostase et jouent un rôle important dans le développement et la pro­ gression de la maladie athérothrombotique. La progression incontrôlée des processus pathophysiologiques d’activation et d’agrégation plaquettaires conduit à la formation d’un throm­ bus intracoronaire résultant en une occlusion, complète ou partielle, responsable d’une ischémie ou d’un infarctus myo­ cardiques. Les AAP actuellement disponibles interfèrent avec les différentes étapes des processus d’activation et d’agréga­ tion plaquettaires. Les caractéristiques, mécanismes d’action et indications des principaux AAP utilisés pour le traitement et la prévention secondaire de la MC sont résumés dans le tableau 1. Compte tenu de leurs différents mécanismes d’action, la combinaison de plusieurs agents permet d’augmenter leur efficacité et, par conséquent, le bénéfice clinique. L’aspirine et le clopidogrel ont été évalués dans tout le spectre clinique de la MC alors que les nouveaux AAP inhibant le récepteur plaquet­ taire P2Y12 (prasugrel, ticagrelor) n’ont été évalués à l’heure actuelle que dans des études incluant des patients avec un SCA. DOUBLE ANTIAGRÉGATION PLAQUETTAIRE Bien que plusieurs combinaisons soient possibles, le terme de « DAPT » se réfère communément à l’association entre a Service de cardiologie, CHUV, 1011 Lausanne [email protected] | [email protected] 1022 14_26_39268.indd 1022 est associée à une réduction significative des événements isché­miques récurrents pour les patients avec une maladie coronarienne stable (MCS) ou un syndrome coronarien aigu (SCA) en comparaison du placebo.2 Si l’intensification de ­l’inhibition plaquettaire par une double antiagrégation plaquet­ taire (DAPT) permet une réduc­tion significative du risque d’événements thrombotiques après une intervention coro­ narienne percutanée (PCI) ou un SCA en comparaison de la monothérapie antiplaquettaire (AP), elle est associée à une augmentation du risque d’hémorragie majeure potentielle­ ment fatale.3-6 Les stratégies de traitement AP dépendent du contexte clinique, des comorbidités et de la stratégie de prise en charge globale du patient. Le choix des indications, des modalités et de la durée de traitement AP constitue un di­ lemme dans la pratique clinique. Cet article propose une ­revue sur l’évidence actuelle concernant la DAPT pour le trai­ tement et la prévention secondaire de la MC. WWW.REVMED.CH 25 mai 2016 19.05.16 10:17 Cardiologie Principaux agents antiplaquettaires pour le traitement et la prévention secondaire de la maladie coronarienne Tableau 1 AIT : accident ischémique transitoire ; AVC : accident vasculaire cérébral ; BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive ; PCI : intervention coronarienne percutanée. Aspirine Clopidogrel Prasugrel Ticagrelor Molécule / classe chimique Acide acétylsalicylique Thiénopyridine Thiénopyridine Cyclopentyl-triazolo­pyrimidine Voie d’administration Orale Orale Orale Orale Mécanisme d’action Inhibition de la cyclo­ oxygénase-1 Inhibition du récepteur P2Y12 Inhibition du récepteur P2Y12 Inhibition du récepteur P2Y12 Dosage 150-300 mg PO ou 80-150 mg IV, puis 75-150 mg / jour PO 300-600 mg PO, puis 75 mg / jour 60 mg PO, puis 10 mg / jour 180 mg PO, puis 90 mg 2 x / jour Action antiplaquettaire Irréversible Irréversible Irréversible Réversible Activation Promédicament, hydrolyse par une estérase Promédicament, métabolisme hépatique variable Promédicament, métabolisme hépatique prédictible Médicament actif avec métabolite actif additionnel Entrée en action après la dose de charge 30-40 minutes 2-6 heures 30 minutes 30 minutes Durée de l’effet 5 jours 3-10 jours 7-10 jours 3-5 jours Arrêt avant une chirurgie Pas d’interruption si possible, 5 jours si opération à haut risque hémorragique 5 jours 7 jours 5 jours Demi-vie plasmatique de la substance active 2-3 heures 30-60 minutes 30-60 minutes 6-12 heures Inhibition de la recapture de l’adénosine Non Non Non Oui Indications • • Syndrome coronarien aigu traité par PCI Syndrome coronarien aigu Maladie coronarienne stable après un infarctus du myocarde • Contre-indications Maladie coronarienne stable Syndrome coronarien aigu • Maladie coronarienne stable Syndrome coronarien aigu • • Saignement actif Hypersensibilité à l’aspirine • Insuffisance hépatique sévère Saignement actif Insuffisance hépatique sévère Saignement actif Antécédent d’AIT ou AVC • Insuffisance hépatique sévère (Child-Pugh C) Saignement actif Antécédent d’hémorragie intracrânienne • Insuffisance hépatique modérée à sévère • Coadministration d’inhibiteurs puissants du cytochrome CYP3A4 • Insuffisance hépatique sévère • Insuffisance rénale sévère • Insuffisance cardiaque décompensée sévère • Interaction avec les anti­ inflammatoires non stéroïdiens • Combinaison avec le méthotrexate • Purpura thrombotique thrombocytopénique • AVC ischémique récent (< 7 jours) • Métaboliseurs lents du cytochrome CYP2C19 • Insuffisance rénale • Intolérance au galactose • Administration concomitante d’oméprazole ou d’ésoméprazole • Age ≥ 75 ans et / ou poids < 60 kg : 5 mg / jour • Purpura thrombotique thrombocytopénique • Intolérance au galactose Bradycardies Asthme et / ou BPCO • Insuffisance rénale modérée à sévère • Administration concomitante d’antagonistes du récepteur de l’angiotensine • Hyperuricémie ou arthrite goutteuse • Néphropathie urique • Coadministration de simvastatine ou lovastatine > 40 mg / jour • Coadministration de digoxine • • Précautions d’emploi • • • • • • • • • (Adapté de réf.3-6). l­ ’aspirine et un inhibiteur du récepteur P2Y12 (clopi­dogrel, pra­ sugrel ou ticagrelor). L’intensification de l’inhibition plaquet­ taire par une DAPT réduit de manière significative la survenue d’événements ischémiques récurrents dans certains sousgroupes de patients avec une MC, mais elle est associée à une augmentation du risque de saignement majeur par rapport à la monothérapie AP. Le choix de l’inhibiteur du récepteur P2Y12 associé à l’aspirine et de la durée optimale de la DAPT est déterminé par le contexte clinique au sein du spectre de présentation de la MC (MCS ou SCA), les comorbidités du ­patient et la stratégie de prise en charge (traitement médical conservateur (PCI), ou revascularisation coronarienne chi­ rurgicale (CABG)).3-6 Une approche individualisée, basée sur www.revmed.ch 25 mai 2016 14_26_39268.indd 1023 l’évaluation des risques ischémique et hémorragique du pa­ tient, est actuellement préconisée afin de maximiser l’effica­ cité de la thérapie AP et de réduire le risque d’hémorragie.3-6 MALADIE CORONARIENNE STABLE L’antiagrégation plaquettaire par aspirine constitue la pierre angulaire du traitement et de la prévention secondaire des pa­ tients avec une MCS, indépendamment de la stratégie de trai­ tement (traitement médical conservateur, PCI ou CABG). Dans une méta-analyse incluant six études de prévention primaire (95 000 patients) et seize études de prévention secondaire 1023 19.05.16 10:17 REVUE MÉDICALE SUISSE (17 000 patients), une antiagrégation plaquettaire par aspirine à faible dose (75-150 mg / jour) réduit l’incidence des MACE de 33 % pour les patients avec une MCS et de 53 % après une PCI.2 Pour les patients avec un antécédent d’IM, l’aspirine réduit l’incidence de la mortalité CV, de l’IM et de l’AVC, au détri­ ment d’une augmentation du risque de saignement majeur.2 En prévention secondaire, l’aspirine est associée à une réduc­ tion du risque absolu annuel de mortalité de 34 % et d’IM de 66 %.2 Sur la base des données disponibles, la dose optimale d’aspirine con­fé­rant une protection maximale contre les évé­ nements ischémiques et minimisant le risque hémorragique (en particulier gastro-intestinal) se situe entre 75 et 150 mg / jour.3,6 maladie vasculaire périphérique (94 % des patients sous aspi­ rine) entre le vorapaxar (2,5 mg / jour) et un placebo. Si TRA 2P-TIMI 50 montre une réduction significative de 13 % des MACE à trois ans en faveur des patients traités par le vora­ paxar, l’étude a dû être interrompue prématurément en rai­ son d’une augmentation significative du risque d’hémorragies modérées / sévères et intracrâniennes par rapport au place­ bo.10 De manière similaire, l’analyse du sous-groupe de 17 779 patients avec un antécédent d’IM montre que le vorapaxar en prévention secondaire est associé à une réduction significative de 20 % des événements ischémiques au prix d’une augmenta­ tion des hémorragies modérées / sévères et intracrâniennes par rapport au placebo.11 Traitement médical conservateur Une combinaison d’AAP ne peut actuellement pas être re­ commandée de routine pour les patients avec une MCS et sans antécédent de SCA, de PCI ou de CABG dans les douze mois précédents (classe III).6 Les données de l’étude CHARISMA suggèrent toutefois le bénéfice potentiel d’une DAPT combi­ nant aspirine et clopidogrel par rapport à une monothérapie par aspirine, dans un sous-groupe de patients avec une MCS stable et à haut risque d’événements CV 9 (figure 1). L’étude CAPRIE a évalué le bénéfice d’une monothérapie par clopidogrel (75 mg / jour) par rapport à l’aspirine (325 mg / jour) dans une population de 19 185 patients avec une maladie CV (AVC ou IM récents, maladie vasculaire périphérique).7 L’étude montre que la monothérapie par clopidogrel au long cours (suivi médian : deux ans) est associée à une réduction significative du risque annuel de MACE par rapport à l’aspi­ rine, sans augmentation du risque d’hémorragie intracrânienne ou gastro-intestinale. Au contraire de leur supériorité démon­ trée pour les patients avec un SCA, le bénéfice clinique des nouveaux inhibiteurs du récepteur P2Y12 (prasugrel, ticagre­ lor) n’a pas été évalué dans le cadre d’études randomisées incluant des patients avec une MCS et sans antécédent récent d’IM. Aucune évidence ne permet donc de soutenir actuelle­ ment le bénéfice d’une inhibition plaquettaire avec le prasu­ grel ou le ticagrelor pour les patients avec une MCS, traités de manière conservative. En l’absence de contre-indications, les recommandations pré­ conisent une monothérapie par ­aspirine à faible dose au long cours pour tous les patients avec une MCS (classe de recommandation I),3,6 le clopidogrel (75 mg / jour) pouvant être considéré comme une alternative en cas d’intolérance à l’aspirine (classe I).3 En cas d’hypersensibilité / allergie à l’aspirine, l’alternative d’un traitement de désensibi­ lisation rapide à l’aspirine peut également être envisagée. L’étude CHARISMA a évalué le bénéfice d’une DAPT par aspi­ rine et clopidogrel par rapport à une monothérapie par aspi­ rine (75-162 mg / jour) pour la prévention secondaire chez 15 603 patients avec une maladie CV ou de multiples facteurs de risque CV.8 L’étude ne montre pas de différence significa­ tive entre les deux thérapies sur l’incidence des MACE dans la population totale après un suivi médian de 28 mois. Cepen­ dant, une analyse secondaire du sous-groupe de 9478 patients avec un antécédent d’IM, d’AVC ischémique ou de maladie vasculaire périphérique suggère un bénéfice de la DAPT au long cours, avec une réduction significative de 17 % des MACE et de 14 % des hospitalisations pour une ischémie myocardique, sans augmentation de l’incidence des saignements sévères par rapport à la monothérapie par aspirine, mais au détriment d’une augmentation significative de 60 % du risque de saigne­ ments modérés.9 Le bénéfice d’une combinaison entre l’aspirine et le vorapaxar, un antagoniste du récepteur plaquettaire PAR-1 à la throm­ bine, a été évalué dans l’étude TRA 2P-TIMI 50, qui a rando­ misé 26 449 patients avec un antécédent d’IM, d’AVC ou de 1024 14_26_39268.indd 1024 Revascularisation coronarienne percutanée L’intensification de l’inhibition plaquettaire après la mise en place d’un stent endocoronaire permet de réduire le risque d’événements ischémiques et de la thrombose de stent (TS). La durée de la DAPT est déterminée par le type de stent et le risque hémorragique individuel du patient.3,4,6 Si une durée minimale d’un mois de DAPT est actuellement recommandée après la mise en place d’un stent non actif (BMS),3,4,6 la durée optimale de la DAPT après un stent actif (DES) demeure controversée. La nouvelle génération de DES, caractérisée par une épaisseur des mailles plus fine, un composant poly­ mérique biocompatible ou biodégradable et une concentra­ tion réduite en agent antiprolifératif favorisant une endothé­ lialisation précoce, permet actuellement de réduire le risque de TS et de limiter l’importance d’une inhibition plaquettaire prolongée après une PCI. Plusieurs études randomisées et méta-analyses, parues au cours des dernières années, ont remis en question le dogme de la DAPT minimale de douze mois après un DES.12-27 De manière générale, la tendance actuelle s’oriente vers un raccourcissement de la durée de DAPT, mais plusieurs études ont également suggéré le bénéfice potentiel d’une prolongation de la durée de DAPT au-delà de douze mois dans un sous-groupe de patients à haut risque CV.3-6 Cinq études randomisées, évaluant le bénéfice clinique d’une courte durée (3-6 mois) de DAPT après un DES par rapport à une durée standard de douze mois dans une population à faible risque d’événements CV,12-16 ont montré la non-infério­ rité d’un raccourcissement de la DAPT sur l’incidence des événements ischémiques incluant la TS, et une diminution ­significative de l’incidence des complications hémorragiques majeures.12-16 Au contraire, six autres études randomisées ont comparé une durée prolongée (18-48 mois) de DAPT après un DES par rapport à une durée standard (6-12 mois) afin d’évaluer le bénéfice potentiel d’une prolongation de la DAPT pour la prévention des événements CV associés à la progres­ sion de la maladie athérosclérotique et l’incidence de la TS (très) tardive.17-23 Ces études montrent que la prolongation de WWW.REVMED.CH 25 mai 2016 19.05.16 10:17 Cardiologie fig 1 Recommandations sur le choix et la durée de la double antiagrégation plaquettaire pour les patients avec une maladie coronarienne stable ATCD : antécédent ; BMS : stent non actif ; CABG : revascularisation coronarienne chirurgicale ; CV : cardiovasculaire ; DAPT : double antiagrégation plaquettaire ; DES : stent actif ; IM : infarctus du myocarde ; PCI : intervention coronarienne percutanée. * ≥1 critère de haut risque : âge ≥ 65 ans, diabète, second infarctus du myocarde, atteinte coronarienne multitronculaire ou insuffisance rénale chronique. Maladie coronarienne stable Traitement médical Pas ATCD IM, PCI ou CABG 0 mois 1 mois CABG PCI ATCD IM récent et haut risque CV* DES BMS Classe I : min. 1 mois (clopidogrel) Classe III : pas de bénéfice Classe IIb : durée 12 mois, peut être considérée (clopidogrel) 3 mois Pas de risque élevé d’hémorragie, pas d’hémorragie significative sous DAPT Classe I : min. 6 mois (clopidogrel) Risque élevé d’hémorragie, ou hémorragie significative Classe IIb : arrêt après 3-6 mois, peut être considéré Classe IIb : > 1 mois, peut être considéré 6 mois Pas de risque élevé d’hémorragie, pas d’hémorragie significative sous DAPT 12 mois Classe IIb : > 6 mois, peut être considéré Classe IIb : poursuite DAPT peut être considérée (ticagrelor) (Adaptée de réf.3-6). la durée de DAPT est associée à une réduction de l’incidence de l’IM et de la TS, au détriment d’une augmentation signifi­ cative du risque hémorragique. L’étude DAPT a comparé l’efficacité et la sécurité d’une DAPT prolongée (30 mois) par rapport à une durée standard (douze mois) dans une population de patients à faible risque throm­ botique et hémorragique. Après une DAPT de douze mois par aspirine et une thiénopyridine (clopidogrel ou prasugrel) après un DES, 9961 patients ont été randomisés entre une poursuite de la DAPT pendant dix-huit mois ou une monothérapie par aspirine seule. Les résultats de l’étude montrent que la durée de DAPT de 30 mois est associée à une réduction significative des MACE, de la TS et de l’IM, par rapport à la durée de douze mois, au détriment d’une augmentation significative des sai­ gnements modérés ou sévères.17 Le suivi des patients durant les trois mois suivant l’arrêt du traitement randomisé suggère un effet rebond après l’arrêt de la DAPT, caractérisé par une augmentation du risque d’IM et de la TS qui semble plus élevé lorsque la DAPT est interrompue à douze mois plutôt qu’à 30 mois. Les données de l’étude doivent toutefois être contreba­ lancées par l’augmentation significative du risque de mortalité globale en cas de prolongation de la DAPT, malgré un risque de mortalité CV similaire. Une analyse post-hoc des causes de décès démontre que l’excès de mortalité non CV dans le groupe des patients avec une DAPT prolongée n’est pas secondaire à une augmentation des hémorragies fatales mais de la morta­ lité résultant de cancers, essentiellement préexistants au mo­ ment de la randomisation.24 Cependant, la prolongation de la www.revmed.ch 25 mai 2016 14_26_39268.indd 1025 DAPT n’est pas associée à une augmentation de l’incidence de nouveaux cancers diagnostiqués au cours de l’étude. Les résultats contradictoires des nombreuses études rando­ misées évaluant la durée optimale de DAPT après un DES ont récemment été combinés dans quatre méta-analyses, incluant pour certaines onze études randomisées et plus de 33 000 ­patients (environ 50 % des patients avec une MCS).25-28 Les données de ces méta-analyses montrent qu’en comparaison d’une durée de DAPT de douze mois après un DES : • le raccourcissement de la durée de DAPT (3-6 mois) est as­ socié à une réduction significative d’environ 40 % du risque d’hémorragie majeure, alors qu’aucune différence signifi­ cative n’est constatée sur les événements CV ischémiques et la TS. • La prolongation de la durée de DAPT (> 12-48 mois) est as­ sociée à une réduction significative d’environ 50 % du risque d’IM et 70 % du risque de TS, au détriment d’une augmen­ tation significative du risque d’hémorragie majeure et de la mortalité globale, alors qu’aucune différence n’est consta­ tée sur la mortalité CV. Par conséquent, la décision d’une prolongation de la durée de DAPT (18-48 mois) nécessite une évaluation individuelle de la balance entre le bénéfice ischémique (réduction de l’incidence de l’IM et de la TS) et le risque hémorragique (augmentation du risque de saignement majeur et de mortalité non CV).28 Un score clinique a récemment été développé à partir des données de l’étude DAPT (score DAPT) pour faciliter l’iden­ 1025 19.05.16 10:17 REVUE MÉDICALE SUISSE tification des patients susceptibles de bénéficier d’une pro­ longation de la durée de DAPT sur la base d’une évaluation ­individuelle du risque ischémique et hémorragique.29 Les dernières recommandations pour les patients avec une MCS, traités par PCI, préconisent une DAPT associant l’aspi­ rine (75-150 mg / jour) (classe I) et le clopidogrel (75 mg / jour) (classe I) pour une durée minimale d’un mois après un BMS (classe I) et de six mois après un DES (classe I).4,6 En l’absence de données, l’administration de prasugrel ou de ticagrelor ne peut actuellement pas être recommandée pour les patients à bas risque lors d’une PCI élective (classe III),3 mais elle peut être envisagée comme une alternative pour les patients avec un antécédent de TS sous une DAPT avec le clopidogrel (classe IIa) et dans certaines situations à haut risque de TS (PCI du tronc commun, diabète) (classe IIb).3 Au-delà de la période de DAPT, une monothérapie par aspirine à faible dose (75-150 mg / jour) est actuellement recommandée à vie (classe I).3,4 En cas d’intolérance à l’aspirine, une monothérapie par clopidogrel peut être envisagée comme alternative (classe I).3 Une prolongation de la DAPT peut être considérée pour les patients à haut risque ischémique et à faible risque hémorra­ gique, qui ont toléré la période initiale de DAPT sans compli­ cation hémorragique (classe IIb) 4,6 (figure 1). Revascularisation coronarienne chirurgicale Une antiagrégation plaquettaire par aspirine est associée à une amélioration de la perméabilité des pontages veineux (en particulier durant la première année après l’intervention) et à une réduction de l’incidence des MACE après un CABG.6 Plusieurs études ont évalué le bénéfice d’une DAPT par aspi­ rine et clopidogrel par rapport à une monothérapie (aspirine ou clopidogrel) sur la perméabilité des pontages après un CABG, et ont démontré des résultats contradictoires.6 Dans la plus grande méta-analyse, incluant cinq études randomisées et six études observationnelles (25 728 patients),30 la DAPT est associée à une réduction significative de 41 % de l’incidence des occlusions des pontages veineux et de la mortalité à 30 jours par rapport à la monothérapie, au détriment d’une augmenta­ tion des saignements majeurs. Les résultats suggèrent un bénéfice plus important de la DAPT dans le sous-groupe des patients après un CABG à cœur battant, avec une réduction de 68 % du risque d’IM et de 55 % du risque d’occlusion des pontages veineux par rapport aux patients après un CABG sous circulation extracorporelle. Dans une autre méta-ana­ lyse de cinq études randomisées incluant 958 patients,31 la DAPT par aspirine et clopidogrel est également associée à une diminution significative de l’incidence des occlusions de pon­ tages veineux à une année, au détriment d’une augmentation du risque de saignement majeur par rapport à la monothéra­ pie (aspirine ou clopidogrel). Cependant, aucun bénéfice cli­ nique n’est observé sur la perméabilité des pontages artériels. Le bénéfice clinique d’une DAPT (aspirine et clopidogrel) sur la perméabilité des pontages 32 et le pronostic clinique 33 pour les patients avec un CABG à cœur battant a récemment été confirmé dans des études observationnelles monocentriques 33 et une étude randomisée.32 Les recommandations préconisent une monothérapie par aspirine à faible dose (75-150 mg / jour) à vie pour les patients avec une MCS (classe I) 3,4 et de considérer une DAPT associant 1026 14_26_39268.indd 1026 aspi­rine et clopidogrel (débutée précocement après l’inter­ vention) pendant une durée de douze mois pour les patients avec une MCS après un CABG pour améliorer la perméabilité des pontages veineux (classe IIb).6 Une DAPT pour les pa­ tients avec une MCS et sans antécédent de SCA, de PCI ou de CABG dans les douze mois précédents n’est pas recomman­ dée (classe III).6 Pour les patients traités par CABG après une PCI élective récente, les recommandations proposent de re­ prendre le traitement par inhibiteur du récepteur P2Y12 après le CABG de manière à compléter la durée prévue de DAPT (classe I) 6 (figure 1). SYNDROME CORONARIEN AIGU L’antiagrégation plaquettaire par aspirine constitue le pilier du traitement pharmacologique des patients avec un SCA, in­ dépendamment du contexte clinique (angor instable, IM sans (NSTEMI) ou avec (STEMI) élévation du segment ST) et de la stratégie de prise en charge (traitement médical conserva­ teur, PCI ou CABG).5,6 Plusieurs études randomisées évaluant l’administration de l’aspirine par rapport à un placebo ont dé­ montré une réduction > 50 % du risque absolu de mortalité CV et d’IM dans le groupe des patients avec un SCA traités par as­ pirine.7 Dans l’étude CURRENT-OASIS 7, aucune différence significative n’est constatée entre une haute dose (300-325 mg / jour) et une faible dose (75-100 mg / jour) d’aspirine en termes de MACE à 30 jours, dans une population de 25 086 patients avec un SCA, indépendamment de la stratégie de traitement (traitement conservateur ou PCI).34,35 Cependant, la faible dose d’aspirine est associée à une diminution significative du risque de saignement gastro-intestinal majeur, suggérant une balance entre le risque ischémique et hémorragique en faveur d’une faible dose quotidienne d’aspirine pour les patients avec un SCA.34 Par ailleurs, des données récentes suggèrent une inter­ action significative entre la dose d’aspirine et l’efficacité du ticagrelor, avec une réduction moins importante des MACE pour les patients traités avec des hautes doses (≥ 300 mg / jour) par rapport à des faibles doses (≤ 100 mg / jour) d’aspirine.36 Traitement médical conservateur L’étude CURE a évalué le bénéfice clinique d’une DAPT par aspirine et clopidogrel pendant 3-12 mois par rapport à une monothérapie par aspirine, dans une population de 12 562 ­patients avec un NSTEMI (64 % traités de manière conser­ vative). L’étude montre que la DAPT est associée à une ré­ duction significative de 20 % de l’incidence des MACE et une augmentation signi­ficative du risque d’hémorragie majeure, mais pas d’hémor­ragie fatale ou d’AVC hémorragique, par rapport à la monothérapie.37 L’étude randomisée TRILOGY ACS a comparé l’efficacité d’une DAPT associant l’aspirine et le prasugrel par rapport au clopi­ dogrel, dans un collectif de 7243 patients avec un SCA traités de manière conservative.38 L’étude ne montre pas de différence significative entre une DAPT avec le prasugrel ou le clopido­ grel sur l’incidence des MACE et des hémorragies majeures. A l’inverse, l’analyse du sous-groupe de 5216 patients (28 %) de l’étude PLATO traités de manière non invasive 39 montre que la DAPT avec le ticagrelor est associée à une réduction significa­ tive de 15 % de l’incidence des MACE et de 20 % de la mortalité WWW.REVMED.CH 25 mai 2016 19.05.16 10:17 REVUE MÉDICALE SUISSE totale malgré une augmentation non signi­ficative du risque d’hémorragie majeure par rapport au clopidogrel. Ces résul­ tats confirment la supériorité clinique d’une intensification de l’inhibition plaquettaire par le ticagrelor, et non par le pra­ sugrel, pour les patients avec un SCA pris en charge de ma­ nière conservative et sans stratégie invasive. En l’absence de contre-indication, les recommandations ac­ tuelles pour les patients avec un SCA traités de manière conservative (pas de PCI ou fibrinolyse) proposent une DAPT combinant l’aspirine à faible dose (75-100 mg / jour) et un ­inhibiteur du récepteur P2Y12 (clopidogrel ou ticagrelor) pour une durée de douze mois (classe I).5,6 Si l’utilisation préféren­ tielle de ticagrelor par rapport au clopidogrel paraît raison­ nable (classe IIa),6 l’utilisation de prasugrel n’est pas recom­ mandée (classe III).5 Une prolongation de la DAPT au long cours peut être envisagée pour les patients qui ont toléré la DAPT pendant douze mois sans complication hémorragique (classe IIb) 6 (figure 2). Revascularisation coronarienne percutanée L’intensification de l’inhibition du récepteur P2Y12 pour les patients avec un SCA traités par PCI est associée à une amé­ lioration significative du pronostic clinique dans les études randomisées comparant une DAPT avec le clopidogrel (durée 9-12 mois) par rapport à un placebo, 40 et le prasugrel (durée médiane 14,5 mois) 41 ou le ticagrelor 42 (durée médiane 9,2 mois) par rapport au clopidogrel. fig 2 L’étude PCI-CURE a évalué le bénéfice d’une DAPT par ­aspirine et clopidogrel par rapport à une monothérapie par aspirine, dans un sous-groupe de l’étude CURE incluant 2658 patients avec un NSTEMI traités par PCI.40 L’étude montre que la DAPT est associée à une réduction significative de 31 % des MACE (mortalité CV, IM) à 30 jours, sans augmentation du risque de saignement majeur. L’étude TRITON-TIMI 38 a comparé le bénéfice clinique du prasugrel par rapport au clo­ pidogrel en association avec l’aspirine pendant une durée de 6-15 mois, dans une population de 13 608 patients traités par PCI.41 La DAPT avec le prasugrel est associée à une réduction significative de 19 % de l’incidence des MACE par rapport au clopidogrel à douze mois, à la faveur d’une réduction signifi­ cative de 24 % du risque d’IM. Le prasugrel est également as­ socié à une réduction de 52 % du risque de TS et de 34 % du risque de revascularisation urgente, au détriment d’une aug­ mentation significative du risque de saignement majeur et ­fatal, et d’une absence de bénéfice significatif en termes de mortalité. Une analyse post-hoc de l’étude démontre l’absence de bénéfice clinique du prasugrel par rapport au clopidogrel, pour les patients ≥ 75 ans, avec un poids < 60 kg ou avec un antécédent d’événement cérébrovasculaire, pour lesquels une réduction de la dose (5 mg / jour) devrait être considérée. L’étude PLATO a évalué le bénéfice potentiel du ticagrelor par rapport au clopidogrel en combinaison avec l’aspirine pen­ dant une durée de douze mois, dans une population de 18 624 patients avec un SCA (61 % traités par PCI).42 La DAPT avec le ticagrelor est associée à une diminution significative de 16 % du risque de MACE et d’IM, de 22 % du risque de mortalité Recommandations sur le choix et la durée de la double antiagrégation plaquettaire pour les patients avec un syndrome coronarien aigu ATCD : antécédent ; BMS : stent non actif ; CABG : revascularisation coronarienne chirurgicale ; DAPT : double antiagrégation plaquettaire ; DES : stent actif ; STEMI : infarctus du myocarde avec élévation du segment ST ; NSTEMI : infarctus du myocarde sans élévation du segment ST ; PCI : intervention coronarienne percutanée ; SCA : syndrome coronarien aigu. SCA (NSTEMI / STEMI) Traitement médical CABG PCI (BMS ou DES) Classe I : minimum 12 mois (ticagrelor > clopidogrel) Classe I : reprise de l’inhibiteur du récepteur P2Y12 après CABG, pour 12 mois de DAPT (ticagrelor > prasugrel ou clopidogrel) Classe I : minimum 12 mois (ticagrelor ou prasugrel > clopidogrel) 0 mois 6 mois Risque élevé d’hémorragie ou hémorragie active Classe IIb : un arrêt après 3-6 mois peut être considéré 12 mois Pas de risque d’hémorragie, et pas d’hémorragie active Classe IIb : > 12 mois peut être considéré (Adaptée de réf.4-6). 1028 14_26_39268.indd 1028 WWW.REVMED.CH 25 mai 2016 19.05.16 10:17 Cardiologie globale et de 21 % du risque de mortalité CV. Alors qu’aucune différence significative n’est observée sur l’incidence globale des saignements majeurs, le traitement par ticagrelor est ­associé à une augmentation significative du risque d’hémor­ ragie majeure non CABG. Aucune étude n’a comparé de ma­ nière directe les nouveaux inhibiteurs du récepteur P2Y12, (prasugrel et ticagrelor) pour le traitement des patients avec un SCA. Les données de méta-analyses suggèrent toutefois une efficacité et une sécurité similaires, avec toutefois une ­diminution de l’incidence de la TS suggérée avec le prasugrel au détriment d’une augmentation du risque de saignement par rapport au ticagrelor. Les différences importantes de ­designs entre les études TRITON-TIMI 38 41 et PLATO 42 limitent cependant l’interprétation de ces résultats. En l’absence de contre-indication, les recommandations pro­ posent une DAPT combinant l’aspirine à faible dose (75-100 mg / jour) au long terme et un inhibiteur du récepteur P2Y12 (clo­ pidogrel, ticagrelor ou prasugrel) pour une durée minimale de douze mois, indépendamment du type de stent implanté (BMS ou DES) (classe I).5,6 L’utilisation préférentielle des nouveaux inhibiteurs du récepteur P2Y12, ticagrelor (patients à risque modéré à élevé d’événements ischémiques, incluant les pa­ tients prétraités par clopidogrel) ou prasugrel, doit être privi­ légiée au détriment du clopidogrel (patients ne pouvant rece­ voir ni le ticagrelor ni le prasugrel, ou avec indication à une anticoagulation orale, ACO).5,6 Le prasugrel ne doit pas être utilisé avant que l’anatomie coronarienne ne soit connue 5 et pour les patients avec un antécédent d’accident ischémique transitoire ou d’AVC (classe III).5,6 Pour les patients à risque hémorragique élevé, une interruption prématurée de la DAPT après trois 5 ou six 5,6 mois peut être envisagée (classe IIb). Une prolongation de la DAPT au long cours peut être considérée pour les patients qui ont toléré la période de DAPT de douze mois sans complication hémorragique (classe IIb) 6 (figure 2). Revascularisation coronarienne chirurgicale L’évidence sur le bénéfice d’une DAPT associant l’aspirine et un inhibiteur du récepteur P2Y12 pour les patients avec un SCA, traités par CABG, est limitée. Dans l’étude CURE,37 la ­réduction des événements ischémiques pour les patients avec une DAPT par aspirine et clopidogrel et traités par CABG est similaire au bénéfice documenté dans la population totale par rapport au placebo.43 L’évidence concernant les nouveaux in­ hibiteurs du récepteur P2Y12 est limitée à des analyses posthoc d’études randomisées. Dans une analyse rétrospective de 346 patients traités par CABG en urgence dans l’étude TRITONTIMI 38, la DAPT avec le prasugrel est associée à une réduc­ tion significative de 74 % de la mortalité totale à 30 jours par rapport au clopidogrel, au détriment d’une augmentation des hémorragies opératoires, transfusions plaquettaires et réexplo­ rations chirurgicales.44 L’analyse du sous-groupe de 1261 pa­ tients de l’étude PLATO traités par CABG, qui ont reçu un in­ hibiteur du récepteur P2Y12 (clopidogrel ou ticagrelor) < 7 jours avant la chirurgie, montre que la réduction de l’incidence des événements ischémiques pour les patients avec une DAPT par aspirine et ticagrelor est similaire au bénéfice observé pour la population totale, avec une réduction significative de 51 % de la mortalité totale et de 48 % de la mortalité CV par rapport au clopidogrel, sans augmentation du risque de saignement ma­ jeur en lien avec le CABG.45 Pour les patients avec un SCA trai­ www.revmed.ch 25 mai 2016 14_26_39268.indd 1029 tés par CABG, les recommandations proposent de reprendre le traitement avec un inhibiteur du récepteur P2Y12 après le CABG de manière à compléter la durée de DAPT recomman­ dée de douze mois après un SCA (classe I) 4-6 (figure 2). POPULATIONS PARTICULIÈRES Patients avec un antécédent d’infarctus du myocarde et à haut risque cardiovasculaire Les patients avec un antécédent récent d’IM demeurent à risque élevé de MACE au cours des années suivantes. Le béné­ fice d’une DAPT au long cours pour la prévention des événe­ ments CV chez les patients avec un antécédent d’IM et à haut risque CV reste matière à débat. Une analyse post-hoc de l’étude CHARISMA avait suggéré un bénéfice de la DAPT au long cours avec l’aspirine et le clopi­ dogrel dans un sous-groupe de patients avec un antécédent d’IM, d’AVC ischémique ou de maladie vasculaire périphérique, avec une réduction significative des événements ischémiques, au prix d’une augmentation significative du risque de saigne­ ment modéré.9 L’étude PEGASUS-TIMI 54 a évalué le béné­ fice d’une DAPT au long cours pour la prévention secondaire des patients avec un antécédent d’IM en randomisant 21 162 patients avec une MCS (IM entre 1-3 ans avant l’inclusion) et à haut risque CV (≥ 1 critère de haut risque : âge ≥ 65 ans, dia­ bète, second IM, atteinte multitronculaire ou insuffisance ré­ nale chronique, IRC) entre une monothérapie par aspirine ou une DAPT associant l’aspirine et le ticagrelor (60 mg ou 90 mg 2 x / jour).46 Après un suivi médian de 33 mois, PEGASUS-TIMI 54 montre que la DAPT par aspirine et ticagrelor est associée à une réduction significative de l’incidence des MACE au dé­ triment d’une augmentation significative du risque de saigne­ ment majeur, proportionnelle à la dose de ticagrelor utilisée. La DAPT diminue de manière significative le risque d’IM, de mortalité CV et d’AVC en comparaison de la monothérapie par aspirine, sans augmenter l’incidence des hémorragies intra­ crâniennes. Une analyse post-hoc de l’étude suggère que le bénéfice de la DAPT prolongée est plus important dans le sousgroupe des patients poursuivant le ticagrelor sans interrup­ tion après la période de DAPT de douze mois après l’IM, ou débutant le ticagrelor après une brève interruption du traite­ ment, par rapport aux patients stabilisés (absence d’événe­ ment CV pendant > 2 ans après un IM) ou sans traitement par un inhibiteur du récepteur P2Y12 depuis plus d’une année.47 Les résultats de PEGASUS-TIMI 54 sont confirmés par une récente méta-analyse de six études randomisées incluant 33 435 patients avec un antécédent d’IM, qui montre une ré­ duction du risque de MACE, de mortalité CV, d’IM, d’AVC et de TS après un suivi médian de 31 mois, sans augmentation significative du risque de mortalité totale et CV.48 Le bénéfice ischémique de la DAPT est toutefois associé à une augmenta­ tion du risque d’hémorragie majeure, mais pas d’hémorragie fatale.48 Dans l’attente de nouvelles études et d’outils cliniques per­ mettant une sélection optimale des patients pouvant bénéfi­ cier d’une extension de la durée de DAPT, les recommanda­ tions proposent de considérer une prolongation de la durée de la DAPT au-delà de six mois après la mise en place d’un DES pour les patients à haut risque ischémique et à faible risque 1029 19.05.16 10:17 REVUE MÉDICALE SUISSE hémorragique (classe IIb).4,6 L’administration d’un inhibiteur puissant du récepteur P2Y12 (ticagrelor, de préférence 60 mg 2 x /jour) en plus du traitement par aspirine peut être considé­ rée au-delà d’une année après un IM sur la base d’une évalua­ tion individualisée des risques ischémique et hémorragique du patient (classe IIb).5,6 une DAPT d’un mois semble attractive pour les patients à haut risque de saignement, son bénéfice net doit être contre­ balancé par un taux élevé de TS avérées / probables (2 %).49 Dans l’attente d’autres études ciblées sur cette population de patients à haut risque, les recommandations proposent de considérer un raccourcissement de la durée de DAPT à 3 5-6 4-6 Patients à haut risque hémorragique Les patients à haut risque de saignement (âge ≥ 75 ans, ACO au long cours, anémie, antécédents d’AVC, d’hémorragie intra­ crânienne ou de saignement majeur, indication à une chirur­ gie majeure, IRC, insuffisance hépatocellulaire sévère, throm­ bocytopénie ou non-compliance, entre autres) représentent une population importante (≥ 20 %) et croissante de patients candidats à une PCI.49 Des méta-analyses incluant > 12 000 pa­ tients ont démontré que la survenue d’une hémorragie majeure après une PCI est associée à une augmentation significative (x 4) de la mortalité à court 50 et long 51 termes. La prise en charge optimale des patients à haut risque hémorragique reste controversée, en particulier concernant le type de stent (BMS vs DES) et la durée de DAPT. En l’absence d’évidence, la stra­ tégie préconisée a longtemps consisté en l’utilisation préfé­ rentielle d’un BMS avec une durée de DAPT limitée à un mois, au détriment d’une augmentation du risque de resténose intrastent et de revascularisation par rapport à un DES. ­ ­L’avènement récent d’une nouvelle génération de DES plus biocompatibles limitant le risque de TS et la durée potentielle de DAPT a ouvert la voie à l’utilisation récente de DES en combinaison avec une durée réduite de DAPT. L’étude ZEUS a évalué le bénéfice et la sécurité d’un DES as­ socié à une durée courte de DAPT pour les patients tradition­ nellement non candidats à un DES, en randomisant 1606 pa­ tients avec un haut risque hémorragique ou thrombotique, ou un faible risque de resténose, entre une PCI avec un BMS ou un DES de dernière génération.52 Sur l’ensemble de la popula­ tion, 5 % des patients n’ont jamais reçu de DAPT, 44 % et 63 % ont interrompu la DAPT à un et deux mois respectivement, et seulement 25 % sont restés sous DAPT au-delà de six mois après le DES. A une année, l’incidence des MACE est signifi­ cativement plus faible pour les patients traités avec un DES, en raison d’une réduction du risque de revascularisation, d’IM et de TS avérée / probable. Dans une analyse post-hoc incluant 828 patients à haut risque hémorragique,53 l’utilisation d’un DES de dernière génération combinée à une DAPT d’un mois est associée à une réduction de 25 % de l’incidence des MACE et de 58 % des TS avérées / probables, confirmant l’efficacité et la sécurité d’utilisation d’un DES de dernière génération com­ binée à une durée très courte de DAPT pour les patients à haut risque hémorragique. L’étude LEADERS FREE est la première étude randomisée conçue pour évaluer l’efficacité et la sécurité d’une durée courte de DAPT (un mois) après un nouveau DES sans poly­ mère par rapport à un BMS, dans une population de 2466 pa­ tients à haut risque hémorragique. Si l’étude confirme l’effica­ cité clinique supérieure du DES avec une réduction de 50 % du risque de revascularisation, elle montre également une sécurité supérieure du DES avec une réduction de 29 % des MACE in­ cluant la TS. L’étude LEADERS FREE montre que si l’utilisation d’une nouvelle génération de DES sans p ­ olymère combinée à 1030 14_26_39268.indd 1030 Tableau 2 Score CHA2DS2-VASc Evaluation du risque thromboembolique d’accident vasculaire cérébral en cas de fibrillation auriculaire non valvulaire Caractéristiques cliniques Points C Insuffisance cardiaque ou dysfonction ventriculaire gauche ≤ 40 % 1 H Hypertension artérielle (> 140 / 90) ou hypertension artérielle traitée 1 A2 Age ≥ 75 ans 2 D Diabète sucré 1 S2 Antécédent d’accident vasculaire cérébral, accident ischémique transitoire ou événement thromboembolique 2 V Maladie vasculaire (infarctus du myocarde, artériopathie périphérique, plaque aortique) 1 A Age 65-74 ans 1 Sc Sexe féminin 1 Total 9 Tableau 3 Score HAS-BLED Evaluation du risque hémorragique. ALAT : alanine aminotransférase ; ASAT : aspartate aminotransférase ; INR : International normalized ratio. Caractéristiques cliniques Points H Hyper­ tension Hypertension (pression artérielle systolique > 160 mmHg) A Abnormal renal and liver function Anomalies de la fonction rénale (dialyse chronique, transplantation rénale, créatinine sérique ≥ 200 µmol / l) ou hépatique (pathologie hépatique chronique (par exemple, cirrhose)) ou évidence biochimique d’anomalie hépatique significative (par exemple, bilirubine 2 x la limite supérieure de la normale avec ALAT / ASAT / phosphatase alcaline 3 x la limite supérieure de la norme) (1 point pour chacun des 2) 1 ou 2 S Stroke Antécédent d’accident vasculaire cérébral 1 B Bleeding Hémorragie (antécédent d’hémorragie et / ou prédisposition au saignement, par exemple : diathèse hémorragique, anémie) 1 L Labile INRs INR labile (INR instables ou élevés, anticoagulation orale dans l’intervalle thérapeutique < 60 % du temps) 1 E Elderly Age > 65 ans D Drugs or alcohol Drogues ou alcool (utilisation concomitante d’agents antiplaquettaires, anti­ inflammatoires non stéroïdiens, abus d’alcool) (1 point pour chacun des 2) Total 1 1 1 ou 2 9 WWW.REVMED.CH 25 mai 2016 19.05.16 10:17 Cardiologie mois après un DES pour les patients à haut risque hémorra­ gique (IIb). La durée de la TTA doit être limitée à la période la plus courte possible afin de réduire le risque hémorragique potentielle­ ment fatal qui dépend de la durée et de l’intensité de l’ACO. Le choix de l’ACO comprend un AVK (INR cible 2-2,5 à l’ex­ ception des patients avec une valve prothétique mécanique en position mitrale ; temps d’ACO dans la fenêtre thérapeu­ tique > 70 %) ou un NOAC à la dose la plus faible évaluée pour la prévention de l’AVC. L’utilisation d’un NOAC reste cepen­ dant contre-indiquée pour les patients avec une valve prothé­ tique mécanique, en raison de l’absence de données avec les inhibiteurs oraux du facteur Xa et des résultats négatifs de l’étude RE-ALIGN, dans laquelle l’administration de dabiga­ tran, un inhibiteur direct de la thrombine, est associée à une augmentation du risque thromboembolique et d’hémorragie majeure par rapport à un AVK.55 L’utilisation de prasugrel ou de ticagrelor dans le cadre de la TTA doit être évitée en l’ab­ sence de données démontrant l’efficacité et la sécurité d’utili­ sation des inhibiteurs puissants du récepteur P2Y12 en combi­ naison avec une ACO et une monothérapie par aspirine. En conséquence, une DAPT associant l’aspirine et le clopidogrel doit être privilégiée en combinaison avec une ACO.5,56 Patients avec indication à une anticoagulation orale Environ 6-8 % des patients candidats à une PCI ont une indi­ cation concomitante à une ACO au long cours par un antago­ niste de la vitamine K (AVK) ou un anticoagulant oral non AVK (NOAC). Les modalités et la durée optimale de la triple thérapie antithrombotique (TTA) pour les patients avec une indication à une DAPT et une ACO au long cours restent controversées. Dans une étude incluant 82 854 patients avec une fibrillation auriculaire (FA), l’exposition à une TTA au long terme est associée à une augmentation significative du risque d’hémorragie majeure (x 2) et d’hémorragie fatale (x 4) par rapport à une DAPT.54 L’indication à l’ACO doit être systé­ matiquement réévaluée en cas de nécessité d’une DAPT con­ comitante et le traitement maintenu seulement en cas d’indi­ cation absolue (FA paroxystique, persistante, ou permanente avec un score de CHA2DS2-VASc ≥ 2, valve prothétique méca­ nique, thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire). fig 3 Choix et durée du traitement antithrombotique Recommandations pour les patients avec une indication à une double antiagrégation plaquettaire et une anticoagulation orale au long cours. IVA : artère interventriculaire antérieure ; DES : stent actif ; MCS : maladie coronarienne stable ; SCA : syndrome coronarien aigu ; DAPT : double antiagrégation plaquettaire ; INR : International normalized ratio. O anticoagulation orale ; A aspirine 75-100 mg / jour ; C clopidogrel 75 mg / jour. Fibrillation auriculaire non valvulaire Etape 1 – Risque thromboembolique Score CHA2DS2-VASc = 1 Faible à intermédiaire : Score HAS-BLED 0-2 Etape 2 – Risque hémorragique Etape 3 – Présentation clinique MCS Elevé : Score HAS-BLED ≥ 3 SCA MCS SCA Si angioplastie pratiquée Si angioplastie pratiquée 0 Triple ou double thérapie * 4 semaines Etape 4 – Thérapie thromboembolique O A C Triple thérapie ou DAPT O A C Double thérapie Double thérapie ** O A ou C ou DAPT 12 mois A vie Faible à intermédiaire : Score HAS-BLED 0-2 MCS SCA Si angioplastie pratiquée O A C O C ou DAPT Double thérapie ** A C O A ou C Double thérapie ** Monothérapie *** O Choix et dosage du traitement anticoagulant oral : • Antagoniste de la vitamine K (INR 2-2,5) • Dabigatran 110 mg 2 x / j • Rivaroxaban 15 mg 1 x / j • Apixaban 2,5 mg 2 x / j * Une double thérapie antithrombotique (anticoagulation orale et clopidogrel) peut être envisagée pour des patients sélectionnés. ** L’aspirine peut être considérée comme alternative au clopidogrel pour des patients sous double thérapie antithrombotique (anticoagulation orale et monothérapie antiplaquettaire). Triple ou double thérapie * Triple thérapie O A C O A C MCS SCA Triple ou double thérapie * Triple ou double thérapie * O A C O A C Double thérapie ** Double thérapie ** Double thérapie ** Triple ou double thérapie * O A ou C O A ou C A C Elevé : Score HAS-BLED ≥ 3 Si angioplastie pratiquée Triple ou double thérapie * A C 6 mois Score CHA2DS2-VASc ≥ 2 O A ou C O A ou C O A C Monothérapie *** O *** Une double thérapie antithrombotique (anticoagulation orale et monothérapie antiplaquettaire : aspirine ou clopidogrel) peut être considérée pour des patients à très haut risque d’événements coronariens : angioplastie du tronc commun, de l’IVA proximale ou d’une lésion de bifurcation proximale, infarctus du myocarde récurrent, entre autres. Absence de recommandations formelles concernant le type de stent, mais les stents actifs de dernière génération doivent être préférés de manière générale aux stents non actifs, en particulier pour les patients à faible risque hémorragique. (Adaptée de réf.56). www.revmed.ch 25 mai 2016 14_26_39268.indd 1031 1031 19.05.16 10:17 REVUE MÉDICALE SUISSE Des stratégies alternatives à la TTA ont été récemment éva­ luées dans le cadre d’études randomisées. L’omission de l’as­ pirine a été évaluée dans l’étude WOEST, qui a randomisé 573 patients candidats à une PCI entre une double thérapie anti­ thrombotique (AVK et clopidogrel) ou une TTA (AVK, aspi­ rine et clopidogrel) pendant un mois après un BMS (35 %) ou une année après un DES (65 %). L’étude montre que l’omis­ sion de l’aspirine est associée à une réduction significative de 64 % de l’incidence des saignements à une année par rapport à la TTA.57 Cependant, elle ne montre pas de différence signi­ ficative sur l’incidence des saignements majeurs ou des MACE incluant la TS entre les deux stratégies de traitement.57 Bien qu’elle ne possède pas le pouvoir statistique pour évaluer des différences potentielles entre les deux stratégies sur les cri­ tères d’évaluation cliniques ou les saignements majeurs, l’étude WOEST suggère qu’une bithérapie antithrombotique peut être considérée comme alternative à la TTA pour les patients à haut risque hémorragique.5 L’étude ISAR-TRIPLE a randomisé 614 patients candidats à une PCI, avec un DES et nécessitant une ACO, entre un traitement par clopidogrel pendant six se­ fig 4 maines ou six mois en combinaison avec un traitement anti­ thrombotique par AVK et aspirine.58 L’étude ne montre pas de différence significative entre les deux durées de TTA sur l’in­ cidence du critère d’évaluation primaire (décès, IM, TS, AVC ischémique ou saignement majeur), des MACE ou des saigne­ ments majeurs à neuf mois. Dans l’attente des résultats de plusieurs études en cours, les recommandations préconisent une évaluation individualisée du choix et de la durée du traitement antithrombotique te­ nant compte du risque thromboembolique (score CHA2DS2VASc, tableau 2), du risque hémorragique (score HAS-BLED, tableau 3) et du contexte clinique (MCS ou SCA) du patient (figure 3).6,56 CONCLUSION La décision clinique concernant les indications, les modalités et la durée optimale de la DAPT pour le traitement et la Recommandations sur le choix et la durée de la double antiagrégation plaquettaire pour le traitement et la prévention secondaire de la maladie coronarienne ATCD : antécédent ; BMS : stent non actif ; CABG : revascularisation coronarienne chirurgicale ; DAPT : double antiagrégation plaquettaire ; DES : stent actif ; STEMI : infarctus du myocarde avec élévation du segment ST ; NSTEMI : infarctus du myocarde sans élévation du segment ST ; PCI : intervention coronarienne percutanée ; SCA : syndrome coronarien aigu. Maladie coronarienne stable SCA (NSTEMI / STEMI) Traitement médical PCI Pas de ATCD, de PCI ou CABG récents 0 mois CABG CABG BMS Classe III : pas de bénéfice PCI (BMS ou DES) Classe I : min. 1 mois (clopidogrel) DES Classe I : min. 6 mois (clopidogrel) 6 mois Pas de risque d’hémorragie, et pas d’hémorragie active sous DAPT Classe IIb : DAPT > 1 mois peut être considéré Classe IIb : 12 mois peut être considéré (clopidogrel) Classe I : Min. 12 mois (ticagrelor > clopidogrel) Classe I : Min. 12 mois (ticagrelor ou prasugrel > clopidogrel) Classe IIb : DAPT > 6 mois peut être considéré Classe I : reprise de l’inhibiteur du récepteur P2Y12 après CABG, pour 12 mois de DAPT (ticagrelor > prasugrel ou clopidogrel) 12 mois Pas de risque d’hémorragie, et pas d’hémorragie active sous DAPT Classe IIb : > 12 mois peut être considéré (Adaptée de réf.3-6). 1032 14_26_39268.indd 1032 WWW.REVMED.CH 25 mai 2016 19.05.16 10:17 Cardiologie ­ révention secondaire de la MC est déterminée par le con­texte p clinique, les comorbidités et la stratégie de prise en charge globale du patient (figure 4). Une approche individualisée, basée sur une évaluation de la balance entre le bénéfice isché­ mique et le risque hémorragique de la DAPT est actuellement préconisée. Une monothérapie par aspirine à faible dose est recommandée à vie pour la prévention secondaire des pa­ tients avec une MC. Une DAPT n’est pas recommandée de routine pour les patients avec une MCS traités de manière conservative et sans antécédent récent de SCA, de PCI ou de CABG. Pour les patients traités par PCI, une DAPT avec le clopidogrel est recommandée pour une durée minimale d’un mois après un BMS et de six mois après un DES. Un raccour­ cissement de la durée de DAPT à trois mois après un DES peut toutefois être considéré pour les patients à faible risque ischémique et à haut risque hémorragique. A l’inverse, une prolongation de la durée de DAPT avec le clopidogrel au long cours peut être considérée pour les patients à haut risque is­ chémique et à faible risque hémorragique, sur la base d’une évaluation individualisée. Pour les patients avec un SCA, une DAPT, avec de préférence le ticagrelor ou le prasugrel, est re­ commandée pour une durée de douze mois, indépendamment de la stratégie de prise en charge. Une prolongation de la DAPT au long cours après un IM avec le ticagrelor peut être envisagée pour la prévention secondaire des patients à risque CV élevé. Finalement, pour les patients avec une indication concomitante à une ACO au long cours, une évaluation indi­ vidualisée de la stratégie antithrombotique sur la base du contexte clinique et des scores de risque thromboembolique et hémorragique est préconisée. 1 Bhatt DL, Eagle KA, Ohman EM, et al ; REACH Registry Investigators. Comparative determinants of 4-year cardiovascular event rates in stable outpatients at risk of or with atherothrombosis. JAMA 2010;304:1350-7. 2 Antithrombotic Trialists’ (ATT) Collaboration, Baigent C, Blackwell L, Collins R, et al. Aspirin in the primary and secondary prevention of vascular disease: Collaborative meta-analysis of individual participant data from randomised trials. Lancet 2009; 373:1849-60. 3 * Montalescot G, Sechtem U, Achenbach S, et al ; ESC Committee for practice guidelines. 2013 ESC guidelines on the mana­ gement of stable coronary artery disease : The Task Force on the management of stable coronary artery disease of the Euro­pean Society of Cardiology. Eur Heart J 2013;34:2949-3003. Erratum in Eur Heart J 2014;35:2260-1. 4 * Windecker S, Kolh P, Alfonso F, et al. 2014 ESC / EACTS Guidelines on myocardial revascularization : The Task Force on myocardial revascularization of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS) developed with the special contribution of the European Asso­ ciation of Percutaneous Cardiovascular Interventions (EAPCI). Eur Heart J 2014; 35:2541-619. 5 * Roffi M, Patrono C, Collet JP, et al. 2015 ESC Guidelines for the management of acute coronary syndromes in patients presenting without persistent ST-segment elevation : Task Force for the management of acute coronary syndromes in patients presenting without persistent ST-segment elevation of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J 2016;37:267315. 6 * Levine GN, Bates ER, Bittl JA, et al. 2016 ACC / AHA Guideline focused update on duration of dual antiplatelet therapy in patients with coronary artery disease : A report of the American College of Cardiology / American Heart Association Task Force on clinical practice guidelines. J Am Coll Cardiol 2016 ; epub ahead of print. 7CAPRIE Steering Committee. A randomised, blinded, trial of clopidogrel versus aspirin in patients at risk of ischaemic events (CAPRIE). Lancet 1996;348:1329-39. 8 Bhatt DL, Fox KA, Hacke W, et al ; CHARIS­MA Investigators. Clopidogrel and aspirin versus aspirin alone for the prevention of atherothrombotic events. N Engl J Med 2006;354:1706-17. 9 Bhatt DL, Flather MD, Hacke W, et al ; CHARISMA Investigators. Patients with prior myocardial infarction, stroke, or symptomatic peripheral arterial disease in the CHARISMA trial. J Am Coll Cardiol 2007;49:1982-8. 10Morrow DA, Braunwald E, Bonaca MP, et al ; TRA 2P–TIMI 50 Steering Committee and Investigators. Vorapaxar in the secondary prevention of atherothrombotic events. N Engl J Med 2012;366:1404-13. 11 Scirica BM, Bonaca MP, Braunwald E, et al ; TRA 2°P-TIMI 50 Steering Committee Investigators. Vorapaxar for secondary prevention of thrombotic events for patie­nts with previous myocardial infarction : A prespecified subgroup analysis of the TRA 2°P-TIMI 50 trial. Lancet 2012; www.revmed.ch 25 mai 2016 14_26_39268.indd 1033 Conflit d’intérêts : Dr Sophie Degrauwe ne déclare aucun conflit d'intérêt en relation avec cet article. Dr Juan F. Iglesias déclare avoir reçu des subventions (research grant) d'Astra Zeneca. Implications pratiques Une approche individualisée du choix et de la durée de la double antiagrégation plaquettaire (DAPT), sur la base d’une évaluation des risques ischémique et hémorragique du patient, est recommandée Une antiagrégation plaquettaire par aspirine (75-100 mg / jour) au long cours est recommandée pour la prévention secondaire des patients avec une maladie coronarienne documentée Pour les patients avec une maladie coronarienne stable, une DAPT avec l’aspirine et le clopidogrel est recommandée pour une durée minimale d’un mois après la mise en place d’un stent non actif et de six mois après la mise en place d’un stent actif Pour les patients avec un syndrome coronarien aigu, une DAPT avec l’aspirine et un inhibiteur du récepteur P2Y12 (de préférence le ticagrelor ou le prasugrel) est recommandée pour une durée de douze mois, indépendamment de la stratégie de traitement (le pra­ sugrel est contre-indiqué en cas de traitement médical conservateur) Pour les patients avec une indication à une anticoagulation orale au long cours, une évaluation individualisée de la stratégie antithrombotique sur la base du contexte clinique et des scores de risque thromboembolique et hémorragique est préconisée 380:1317-24. 12Colombo A, Chieffo A, Frasheri A, et al. Second-generation drug-eluting stent implantation followed by 6- versus 12-month dual antiplatelet therapy : The SECURITY randomized clinical trial. J Am Coll Cardiol 2014;64:2086-97. 13Gwon HC, Hahn JY, Park KW, et al. Six-month versus 12-month dual antiplatelet therapy after implantation of drugeluting stents : the Efficacy of Xience / Promus Versus Cypher to Reduce Late Loss After Stenting (EXCELLENT) randomized, multicenter study. Circulation 2012;125:505-13. 14Kim BK, Hong MK, Shin DH, et al. A new strategy for discontinuation of dual antiplatelet therapy : The RESET Trial (REal Safety and Efficacy of 3-month dual antiplatelet Therapy following Endeavor zotarolimus-eluting stent implantation). J Am Coll Cardiol 2012;60:1340-8. 15Feres F, Costa RA, Abizaid A, et al. Three vs twelve months of dual antiplatelet therapy after zotarolimus-eluting stents: The OPTIMIZE randomized trial. JAMA 2013;310:2510-22. 16Schulz-Schüpke S, Byrne RA, Ten Berg JM, et al. 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J Am Coll Cardiol 2015;65:1298-310. 1033 19.05.16 10:17 REVUE MÉDICALE SUISSE 26Navarese EP, Andreotti F, Schulze V, et al. Optimal duration of dual antiplatelet therapy after percutaneous coronary intervention with drug eluting stents : Meta-analysis of randomised controlled trials. BMJ 2015;350:h1618. 27Palmerini T, Sangiorgi D, Valgimigli M, et al. Short- versus long-term dual antiplatelet therapy after drug-eluting stent implantation : An individual patient data pairwise and network meta-analysis. J Am Coll Cardiol 2015;65:1092-102. 28Bittl JA, Baber U, Bradley SM, Wijeysundera DN. Duration of dual antiplatelet therapy : A systematic review for the 2016 ACC / AHA Guideline focused update on duration of dual antiplatelet therapy in patients with coronary artery disease : A report of the American College of Cardiology / American Heart Association Task Force on clinical practice guidelines. J Am Coll Cardiol 2016 ; epub ahead of print. 29Yeh RW, Secemsky EA, Kereiakes DJ, et al ; DAPT Study Investigators. Development and validation of a prediction rule for benefit and harm of dual antiplatelet therapy beyond 1 year after percutaneous coronary intervention. JAMA 2016 ; epub ahead of print. 30Deo SV, Dunlay SM, Shah IK, et al. Dual anti-platelet therapy after coronary artery bypass grafting : Is there any benefit ? A systematic review and meta-analysis. J Card Surg 2013;28:109-16. 31Nocerino AG, Achenbach S, Taylor AJ. Meta-analysis of effect of single versus dual antiplatelet therapy on early patency of bypass conduits after coronary artery bypass grafting. Am J Cardiol 2013;112: 1576-9. 32Mannacio VA, Di Tommaso L, Antignan A, De Amicis V, Vosa C. Aspirin plus clopidogrel for optimal platelet inhibition following off-pump coronary artery bypass surgery : Results from the CRYSSA (preven­ tion of Coronary arteRY bypaSS occlusion After off-pump procedures) randomised study. Heart 2012;98:1710-5. 33Gurbuz AT, Zia AA, Vuran AC, Cui H, Aytac A. Postoperative clopidogrel improves mid-term outcome after off-pump coronary artery bypass graft surgery : A prospective study. Eur J Cardiothorac Surg 2006;29:190-5. 34CURRENT-OASIS 7 Investigators, Mehta SR, Bassand JP, Chrolavicius S, et al. Dose comparisons of clopidogrel and aspirin in acute coronary syndromes. N Engl J Med 2010;363:930-42. 35Mehta SR, Tanguay JF, Eikelboom JW, et al ; CURRENT-OASIS 7 Trial Investigators. Double-dose versus standard-dose clopidogrel and high-dose versus lowdose aspirin in individuals undergoing percutaneous coronary intervention for acute coronary syndromes (CURRENTOASIS 7) : A randomised factorial trial. Lancet 2010;376:1233-43. 36Mahaffey KW, Wojdyla DM, Carroll K, et al ; PLATO Investigators. Ticagrelor compared with clopidogrel by geographic region in the Platelet Inhibition and Patient Outcomes (PLATO) trial. Circu­lation 2011; 124:544-54. 37Yusuf S, Zhao F, Mehta SR, et al ; Clopidogrel in unstable angina to prevent recur­rent events Trial Investigators. Effects of clopidogrel in addition to aspirin in patients with acute coronary syndromes without ST-segment elevation. N Engl J Med 2001;345:494-502. 38Roe MT, Armstrong PW, Fox KA, et al ; TRILOGY ACS Investigators. Prasugrel versus clopidogrel for acute coronary syndromes without revascularization. N Engl J Med 2012;367:1297-309. 39James SK, Roe MT, Cannon CP, et al ; PLATO Study Group. Ticagrelor versus clopidogrel in patients with acute coronary syndromes intended for non-invasive management : Substudy from prospective randomised PLATelet inhibition and patient Outcomes (PLATO) trial. BMJ 2011;342: d3527. 40Mehta SR, Yusuf S, Peters RJ, et a l; Clopidogrel in Unstable angina to prevent Recurrent Events trial (CURE) Investigators. Effects of pretreatment with clopidogrel and aspirin followed by long-term therapy in patients undergoing percutaneous coronary intervention : the PCICURE study. Lancet 2001;358:527-33. 41Wiviott SD, Braunwald E, McCabe CH, et al ; TRITON-TIMI 38 Investigators. Prasugrel versus clopidogrel in patients with acute coronary syndromes. N Engl J Med 2007;357:2001-15. 42Wallentin L, Becker RC, Budaj A, et al ; PLATO Investigators, Freij A, Thorsén M. Ticagrelor versus clopidogrel in patients with acute coronary syndromes. N Engl J Med 2009;361:1045-57. 43Fox KA, Mehta SR, Peters R, et al ; Clopidogrel in unstable angina to prevent recurrent ischemic events trial. Benefits and risks of the combination of clopidogrel and aspirin in patients undergoing surgical revascularization for non-ST-ele- 1034 14_26_39268.indd 1034 vation acute coronary syndrome : The Clopidogrel in Unstable angina to prevent Recurrent ischemic Events (CURE) Trial. Circulation 2004;110:1202-8. 44Smith PK, Goodnough LT, Levy JH, et al. Mortality benefit with prasugrel in the TRITON-TIMI 38 coronary artery bypass grafting cohort : Risk-adjusted retrospective data analysis. J Am Coll Cardiol 2012;60:388-96. 45Held C, Asenblad N, Bassand JP, et al. Ticagrelor versus clopidogrel in patients with acute coronary syndromes undergoing coronary artery bypass surgery : Results from the PLATO (Platelet Inhibition and Patient Outcomes) trial. J Am Coll Cardiol 2011;57:672-84. 46* Bonaca MP, Bhatt DL, Cohen M, et al ; PEGASUS-TIMI 54 Steering Committee and Investigators. Long-term use of tica­ grelor in patients with prior myocardial infarction. N Engl J Med 2015;372:1791800. 47Bonaca MP, Bhatt DL, Steg PG, et al. Ischaemic risk and efficacy of ticagrelor in relation to time from P2Y12 inhibitor withdrawal in patients with prior myocardial infarction : Insights from PEGASUS­ TIMI 54. Eur Heart J 2016;37:1133-42. 48Udell JA, Bonaca MP, Collet JP, et al. Long-term dual antiplatelet therapy for secondary prevention of cardiovascular events in the subgroup of patients with previous myocardial infarction : A collaborative meta-analysis of randomized trials. Eur Heart J 2016;37:390-9. 49Urban P, Meredith IT, Abizaid A, et al ; LEADERS FREE Investigators. Polymerfree drug-coated coronary stents in patien­ts at high bleeding risk. N Engl J Med 2015;373:2038-47. 50Ndrepepa G, Schuster T, Hadamitzky M, et al. Validation of the Bleeding Academic Research Consortium definition of bleeding in patients with coronary artery disease undergoing percutaneous coronary intervention. Circulation 2012;125: 1424-31. 51Mehran R, Pocock S, Nikolsky E, et al. Impact of bleeding on mortality after percutaneous coronary intervention results from a patient-level pooled analysis of the REPLACE-2 (randomized evaluation of PCI linking angiomax to reduced clinical events), ACUITY (acute catheterization and urgent intervention triage strategy), and HORIZONS-AMI (harmonizing outcomes with revascularization and stents in acute myocardial infarction) trials. JACC Cardiovasc Interv 2011;4:65464. 52Valgimigli M, Patialiakas A, Thury A, et al ; ZEUS Investigators. Zotarolimus-eluting versus bare-metal stents in uncertain drug-eluting stent candidates. J Am Coll Cardiol 2015;65:805-15. 53Ariotti S, Adamo M, Costa F, et al ; ZEUS Investigators. Is bare-metal stent implantation still justifiable in high bleedin­g risk patients undergoing percutaneous coronary intervention ? A prespecified analysis from the ZEUS trial. JACC Cardiovasc Interv 2016;9:426-36. 54Hansen ML, Sørensen R, Clausen MT, et al. 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Use of clopidogrel with or without aspirin in patients taking oral anticoagulant therapy and undergoing percutaneous coronary intervention : An open­ label, randomised, controlled trial. Lancet 2013;381:1107-15. 58Fiedler KA, Maeng M, Mehilli J, et al. Duration of triple therapy in patients requi­ring oral anticoagulation after drugeluting stent implantation : The ISARTRIPLE trial. J Am Coll Cardiol 2015;65: 1619-29. * à lire **à lire absolument WWW.REVMED.CH 25 mai 2016 19.05.16 10:17