Quel est le bénéfice du traitement par double antiagrégant

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Quel est le bénéfice du traitement par double antiagrégant
plaquettaire chez les patients diabétiques bénéficiant
d’un pontage coronarien ?
par Kamel Mohammedi
Janvier 2017
Van Diepen S et al. Dual Antiplatelet Therapy Versus Aspirin Monotherapy in Diabetics With Multivessel Disease
Undergoing CABG : FREEDOM Insights. J Am Coll Cardiol. 2017 Jan 17;69(2):119-127.
doi: 10.1016/j.jacc.2016.10.043
Le pontage coronarien (PC) est associé à une réduction de la morbi-mortalité
cardiovasculaire chez les patients atteints de maladie cardiovasculaire ischémique avec
atteinte de plusieurs artères coronaires dans la population diabétique et non diabétique [1-3].
Le traitement par aspirine réduit la mortalité et améliore la perméabilité du PC [4 - 5]. Le
traitement par double anti-agrégation plaquettaire (DAPT), associant aspirine et
thiénopyridine, semble avoir un intérêt en terme de prévention cardiovasculaire secondaire
devant l’hypercoagulabilité systémique et le risque de thrombose du PC. De plus, le risque de
rupture, d’ulcération ou d’érosion de la plaque d’athérosclérose des artères coronaires
natives persiste même après le pontage [6]. Le diabète sucré est considéré comme un
facteur de risque d’échec de PC, avec une augmentation de la mortalité peropératoire et à
long terme [7]. Dans le présent travail, Van Diepen et al. ont comparé aspirine seule vs. DAPT
en termes de mortalité, d’évènements cardiovasculaires majeurs, et d’accidents
hémorragiques chez des patients diabétiques avec coronaropathie multi-artérielle bénéficiant
d’un PC lors de l’étude FREEDOM (Future REvascularization Evaluation in patients with
Diabetes mellitus: Optimal management of Multivessel disease) [1].
FREEDOM est une étude randomisée, multicentrique, internationale dont l’objectif
principal a été de comparer la revascularisation percutanée avec pose de stents bioactifs au
PC chez des patients diabétiques âgés de plus de 18 ans et atteints de sténose (≥ 70 %)
d’au moins 2 artères épicardiques majeures. Cette étude a montré une réduction du risque
de mortalité et d’infarctus du myocarde (IDM) chez les patients bénéficiant d’une chirurgie par
PC, en comparaison à ceux ayant eu un traitement endovasculaire [1]. En revanche,
l’incidence des accidents vasculaires cérébraux (AVC) était plus élevée dans le groupe PC.
Dans le présent travail, les auteurs ont analysé tous les participants de l’étude FREEDOM
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ayant bénéficié d’un PC et traités par aspirine ou DAPT (aspirine plus clopidogrel ou
ticlopidine) pendant au moins 30 jours après la chirurgie. Les patients traités par coumadine
ont été exclus de ces analyses. Le critère de jugement primaire était un composite
d’évènements macrovasculaires majeurs (mort de toute cause, IDM non fatal, AVC non fatal)
à 5 ans. Les critères de jugement secondaires étaient les suivants : mortalité totale, IDM non
fatal et hospitalisation pour maladie cardiovasculaire (angine instable, IDM, insuffisance
cardiaque, douleurs thoraciques, arythmie cardiaque, AVC, AIT, ou maladie artérielle
périphérique).
Parmi les 947 participants randomisés initialement dans le groupe PC, 795 patients
ont été inclus dans cette étude : 251 (âge moyen 64 ans et 70 % d’hommes) étaient traités
par aspirine seule, et 544 (âge moyen 61 ans et 72 % d’hommes) recevaient une DAPT. Le
critère de jugement principal était comparable entre le groupe aspirine vs. DAPT : 16,0 vs.
12,5 % (hazard ratio multi-ajusté : 0,83; IC 95% [0,54 – 1,27], p=0,39). L’incidence de
mortalité totale (0,62 [0,34 – 1,13], p=0,12), du décès de cause cardiovasculaire (1,17 [0,50 –
2,72], p=0,72), d’IDM (1,42 [0,63 – 3,21], p=0,40), d’AVC (0,85 [0,36 – 1,99], p=0,71), et
d’hospitalisation pour maladie cardiovasculaire (1,10 [0,75 – 1,61], p=0,62) étaient également
comparables entre les 2 groupes. Le traitement par DAPT n’était pas associé à un risque
élevé d’accidents hémorragiques. Ainsi, les hémorragies majeures (5,7 vs. 5,6 % ; HR 1,00
[0,50 – 1,19], p=0,99), les transfusions sanguines (4,5 vs. 4,8% ; HR 1,09 [0,51 – 2,34],
p=0,82), et les hospitalisations pour accidents hémorragiques (3,3 vs. 2,6 ; HR 0,85 [0,34 –
2,17], p=0,74) étaient similaires entre les patients traités par aspirine seule ou par DAPT. Des
résultats similaires ont été observés dans les analyses de différents sous-groupes.
Ces analyses secondaires du groupe PC de l’étude FREEDOM ne montrent pas de
bénéfice du traitement DAPT en comparaison à l’aspirine seule en terme de réduction de la
morbi-mortalité cardiovasculaire. Le traitement DAPT n’était pas associé non plus à un risque
plus élevé d’incidents hémorragiques. Il est intéressant de noter que 2/3 des participants de
cette étude avaient un traitement DAPT pendant une durée médiane d’une année après le
PC. Cette proportion est largement supérieure à celle qui a été rapportée dans d’autres
études rétrospectives et observationnelles [8,9]. Certaines sociétés savantes recommandent
la DAPT dans la population générale nécessitant une chirurgie par PC pour un syndrome
coronarien aigu, mais ces recommandations sont basées sur des résultats d’études
prospectives et des analyses de sous-groupes [10, 11]. Une étude récente a montré que les
bénéfices du traitement par DAPT (vs. aspirine seule) après une angioplastie coronaire
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percutanée étaient plus faibles chez des patients diabétiques comparés aux sujets nondiabétiques [12]. En plus de cette efficacité contestée, le traitement par DAPT était également
associé, dans d’autres études, à un risque élevé d’accidents hémorragiques [10, 11]. Les
auteurs de la présente étude ont observé que le faible nombre d’évènements hémorragiques
ne permettait pas d’avoir une puissance statistique suffisante pour détecter une différence
significative entre les 2 groupes.
En résumé, les résultats de cette étude n’encouragent pas la prescription d’un
traitement par deux antiagrégants plaquettaires chez les patients diabétiques avec atteinte de
plusieurs coronaires bénéficiant d’un PC. Des études randomisées et contrôlées ayant
comme objectif principal la comparaison de ces 2 attitudes de traitements antiagrégants
plaquettaires sont indispensables pour valider ces analyses secondaires de l’étude
FREEDOM.
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Références
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Mots-clés
Diabète, mortalité, évènements macrovasculaires majeurs, traitement antiagrégant plaquettaire, aspirine,
thiénopyridine, pontage coronarien.
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