C’est la régularité des attentions que lui porte l’éleveur qui pousse la dinde à penser qu’il n’y a pas de
risque et c’est le fait de ne jamais s’abandonner qui sauve la mouette.
En finance, la confiance/méfiance des investisseurs vis-à-vis d’un actif financier se mesure grâce à un
indicateur : la volatilité. Elle est l’instrument d’évaluation du risque le plus répandu et le plus utilisé dans
toute l’industrie de la gestion d’actifs et constitue l’un des fondements de la réglementation des banques et
des assurances (les investisseurs institutionnels). Les réformes réglementaires de Bâle 3 (secteur
bancaire) ou Solvency 2 (secteur de l’assurance) reposent ainsi sur ces principes et ses modèles dérivés
(value at risk, écart type, CAPM notamment).
La volatilité se mesure en pourcentage et exprime le degré de confiance dans un actif. Plus la volatilité est
élevée, plus la probabilité d’atteindre le rendement attendu est faible. La théorie est la suivante : si un actif
(action, obligation ou portefeuille) rapporte historiquement en moyenne 5% par an, l’investisseur peut
s’attendre raisonnablement à obtenir le même type de rémunération annuelle quelque soit le timing
d’investissement. Ce 5% n’est toutefois pas garanti et une probabilité existe que cet objectif ne se réalise
pas. La volatilité nous donne le degré de confiance que nous pouvons avoir dans la réalisation de cet
objectif. Ainsi, si la volatilité de cet actif est de 10%, la probabilité d’atteindre l’objectif est plus élevée que
pour un actif dont la volatilité est de 50%.
A contrario, l’actif ayant une volatilité de 50% a plus de chance de dépasser (à la hausse ou à la baisse)
son objectif de rendement que celui qui a une volatilité de 10%.
Ainsi, en un seul chiffre, la volatilité permet à quiconque de déterminer la dangerosité d’un investissement.
La mathématisation de la finance a ceci de caractéristique qu’elle rassemble la majorité des investisseurs
autour d’une vision unique du risque.
Le problème de la vision unique du risque (outre le fait qu’elle soit unique) est précisément qu’elle n’est
pas efficace lorsque les prix de marchés n’évoluent pas librement. A l’instar de la dinde qui, enfermée
dans un périmètre délimité, s’imagine en sécurité, les niveaux de volatilité extrêmement bas constatés sur
les obligations d’États ne reflètent pas la réalité du risque qu’encourent les investissements en bons du
Trésor. L’explication est simple : en raison de l’interventionnisme des banques centrales, les prix des
obligations d’États n’évoluent plus de façon libre. La volatilité de 2% constatée sur l’indice d’obligations
d’État européennes ne donne plus selon nous, que l’illusion de la sécurité.
Taux sans risque et risque sans taux
En ramenant les taux d’intérêts réels (taux directeurs inflation déduite) en territoire négatif et en
accroissant de façon significative la taille de leur bilan, les banques centrales américaines, européennes,
anglaises et bientôt japonaises ont choisi délibérément de sacrifier la valeur de la monnaie afin de soutenir
les finances des États auxquels elles appartiennent. Les programmes de « Quantitative Easing »
respectifs ont pour but l’achat de bons du Trésor par création monétaire la plupart du temps.
En achetant massivement et indéfiniment ces titres de créance, elles agissent sur les taux d’intérêts qui
servent de référence. L’objectif est de maintenir des taux extrêmement bas afin que les États puissent se
financer à un coût minimum. Les banquiers centraux sont les acheteurs de dernier ressort. Ils répondront
présents pour aider les États. Dès lors, le risque disparaît et la volatilité s’effondre. Le message est clair :
les banques centrales ne laisseront pas les États faire défaut sur leurs créances.
Par ailleurs, n’oublions pas que les taux réels négatifs soulagent la charge de la dette pour les acteurs
économiques qui en profitent en premier lieu : les États1. Toutefois, les taux réels négatifs entraînent avec
eux toute une série de conséquences pas toujours visibles mais particulièrement néfastes pour le reste
des acteurs économiques parmi lesquelles :
- Le maintien en vie d’entreprises en situation de faillite qui ne survivent qu’en raison de
conditions de financement trop favorable. Ces sociétés ne créent ni richesse, ni emploi,
mobilisent du capital disponible et abaissent donc le rythme de croissance global.
- La destruction de la valeur de la monnaie
1 Voir lettre de conjoncture du 3ème trimestre