1 PARTICULARITÉS PHYSIOLOGIQUES DE L'ENFANT Dr. Bernard Dalens CHUL du CHUQ L'enfant n'est pas – ou pas seulement – un adulte en miniature. C'est un être en développement non seulement sur le plan de la taille de son organisme et de ses organes, mais également sur le plan de ses grandes fonctions biochimiques, physiologiques mais aussi psychoaffectives et comportementales. Ce cours vise à donner un bref aperçu des principaux changements qui s'opèrent au cours de l'enfance (période néonatale exceptée, qui fera l'objet d'un cours séparé), en insistant principalement sur les particularités qui ont une incidence sur la prise en charge anesthésique. CROISSANCE STATURO-PONDÉRALE ET MATURATION DES ORGANES Le développement de l'enfant, de la naissance à l'âge adulte, est marqué par de nombreux changements physiques, physiologiques, psychomoteurs et affectifs qui ne s'opèrent pas au même rythme pour toutes les fonctions ni nécessairement au même âge pour tous les enfants mais qui se font toujours dans le même ordre. Le développement physique comporte 2 aspects, la croissance et la maturation. La croissance représente l'aspect quantitatif, facilement mesurable ; elle est très rapide durant les 3-4 premières années de vie puis sa vitesse se ralentit pour s'accélérer à nouveau au moment de la puberté qui survient en moyenne 2 ans plus tôt chez la fille que chez le garçon. Les paramètres les plus utiles pour vérifier son bon déroulement sont le poids, la taille et l'indice de masse corporelle. La maturation des organes et des tissus représente le volet qualitatif du développement physique. Les indicateurs les plus utilisés pour l'évaluer sont l'étude des maturations dentaire, osseuse et des caractères sexuels secondaires (maturation sexuelle). La maturation du système immunitaire est plus difficile à évaluer mais la connaissance de ses particularités, notamment durant la 1ère année de vie, est importante car il en découle des risques infectieux et des précautions particulières à prendre (antibioprophylaxie), notamment du fait : - du défaut de chimiotactisme et de migration des polynucléaires et des monocytes vers les sites infectieux, - de l'insuffisance des différents composés du complément, - et du caractère "naïf "des lymphocytes T et B capables d'une réponse uniquement de type primaire. DÉVELOPPEMENT PSYCHOMOTEUR Le développement psychomoteur de l'enfant est davantage qu'un simple processus de maturation car il est intimement lié à ses capacités cognitives, relationnelles, intellectuelles et affectives. Il présente 3 caractéristiques majeures (ou "lois") : - loi de différenciation : il s'effectue dans le sens d'un perfectionnement progressif ; - loi de variabilité : la progression des acquisitions n'est pas continue et régulière mais procède par alternance de poussées et de paliers ; - loi de chronologie : l'ordre de maturation est constant avec une progression simultanément rostro-caudale et centripète ; le contrôle musculaire volontaire s'acquiert du haut (face et cou) vers le bas (membres inférieurs) et de la racine des membres vers les extrémités (bras avant doigts). Le développement affectif a été principalement étudié par 3 écoles psychanalytiques qui proposent chacune une classification de stades de développement psycho-affectif : 2 - école de Freud : le développement de l'enfant est classé en 5 stades successifs (oral, anal; phallique, latent, génital), conçus comme des paliers successifs d'équilibration du désir/affectivité, chacun étant caractérisé par une partie dominante du corps et un mode particulier de relation avec le monde extérieur ; - école de Piaget : l'évolution de l'enfant résulte d'une recherche de l'équilibre entre accommodation et assimilation, qui s'effectue en 4 stades successifs principaux (et de nombreux sous-stades) : o stade sensori-moteur (0 - 2 ans) : l'intelligence de l'enfant est sensorielle et motrice (il est en constant mouvement) ; o stade préopératoire (2 - 7 ans) : l'enfant accède aux symboles, ce qui lui permet de passer des schèmes sensori-moteurs aux schèmes conceptuel ; il reconstruit au plan de la pensée ce qu’il avait construit au plan sensori-moteur ; o stade des opérations concrètes (8 -12/14 ans) : l'enfant devient capable d'intégrer des schémas abstraits élaborés (que Piaget appelle "opérations") comme la réversibilité, la classification logique, l’addition, la soustraction, la multiplication, la division, la sériation ; o stade des opérations formelles (adolescence) : l’enfant devient capable de manipuler et d’organiser tant les idées que les objets ; il est capable d'émettre des hypothèses d'action, de faire des généralisations (comme étendre ses raisonnements à des situations dont il n’a jamais fait l’expérience), de mettre en place des stratégies systématiques pour résoudre un problème. - école de Wallon qui décrite 6 stades post-natals : o stade impulsif et émotionnel (0 – 1 an), caractérisé par un désordre gestuel (impulsivité motrice pure) et une symbiose émotionnelle avec l'entourage ; o stade sensori-moteur et projectif (1 - 3 ans) : l’enfant développe deux types d’intelligences, l’intelligence pratique, liée à la manipulation des objets, à l’exploration de l’espace proche puis lointain grâce à la marche, et l’intelligence représentative ou discursive liée au langage. o stade du personnalisme (3 - 6 ans) : l'enfant passe d'abord par une période d’opposition et d’inhibition, puis une période de "grâce" (4 ans) et enfin une période d'imitation et de frustrations (5 ans) ; o stade catégoriel (6 - 11 ans), caractérisé par la prépondérance des activités intellectuelles sur les conduites affectives avec l'acquisition du pouvoir d'autodiscipline mentale ou "d’attention" ; o stade de l’adolescence à partir de 11 ans, caractérisé par le développement de l’aptitude catégorielle qui permet à l'enfant de se concevoir comme une unité pouvant appartenir à des groupes différents et avoir des rôles différents ; il devient capable de construire des connaissances de plus en plus précises des objets et de lui-même. PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE Voies aériennes supérieures Les voies aériennes supérieures subissent de nombreuses transformations au cours de la croissance : - augmentation progressive de la largeur antéropostérieure du nasopharynx et modification de son axe par rapport à celui de l'oropharynx qui atteint progressivement 90° à la fin de l'adolescence secondaire à la migration antérieure du massif facial et au recul de l'os occipital ; 3 - changement d'orientation des cordes vocales : chez le nouveau-né et le nourrisson, les cordes vocales ne sont pas perpendiculaires au grand axe de la trachée comme chez l'adulte, mais ont une insertion postérieure plus haut située que l'insertion antérieure : si l'on défléchit trop la tête lors d'une intubation, l'extrémité de la sonde risque de se loger en arrière du clapet formé par la corde vocale et ne pas pénétrer dans la trachée ou risquer de léser la corde concernée. Nouveau-né Adulte Cordes vocales Diamètre trachéal - descente du larynx qui éloigne l'épiglotte du voile du palais, ce qui allonge la cavité pharyngée ; dans le même temps, le larynx augmente de taille ; sa partie la plus étroite se situe au niveau des cordes vocales mais celles-ci peuvent être écartées par la sonde endotrachéale, ce qui fait qu'en pratique c’est le cartilage cricoïde, inextensible, qui est la zone anatomiquement la plus étroite du larynx : les lésions post-intubation se retrouvent soit au niveau des cordes vocales (intubation traumatique) soit au niveau sous-glottique et cricoïdien (sonde trop grosse) ; - diminution relative de la taille de la langue qui suit le mouvement d'allongement du pharynx et se trouve donc progressivement déplacée vers l'arrière et vers le bas ; il en résulte un meilleur dégagement des structures laryngées lors de l'intubation à mesure que l'enfant grandit. Les anomalies de croissance de la mandibule (syndrome de Treacher Collins par exemple) retentissent fortement sur cette évolution en réduisant la taille de la cavité orale (la langue reste donc très obstructive) ; l'intubation peut devenir d'autant plus difficile que l'ouverture de bouche est souvent très limitée également ; - augmentation du diamètre trachéal de manière linéaire avec l'âge ; mm 201816141210864200 2 4 6 8 10 Age 12 14 16 Années - augmentation de longueur de la trachée : durant les 3 premiers mois de vie, la longueur trachéale moyenne est 5,04 cm entre la carène et le bord supérieur des cordes vocales et 4 de 4,12 cm de la carène au 1er anneau trachéal : cette brièveté trachéale expose à la fois au risque d'extubation accidentelle et à celui d’intubation bronchique lors de la mobilisation de la tête d'un enfant intubé, surtout lors des mouvements de flexion/extension du cou ; - rigidification des anneaux trachéaux et bronchiques, ce qui réduit leur tendance au collapsus expiratoire ; la compliance trachéo-bronchique diminue (donc la rigidité augmente) avec la croissance : plus l'enfant est petit, plus la trachée et les bronches risquent de se collaber pour de faibles variations de pression transmurale ; - musculature lisse bronchique peu développée à la naissance, en particulier pour ce qui concerne les fibres résistantes à la fatigue (épuisement rapide à l'effort respiratoire) ; à mesure que l'enfant grandit, la musculature bronchique se renforce et la proportion de fibres de type I augmente fortement, pour atteindre un maximum à l'adolescence. - les anciens prématurés ont souvent aussi une réduction définitive de la taille de leur arbre bronchique ce qui augmente chez eux le risque de bronchiolite sévère, ainsi que celui de la persistance de sibilances après la phase infectieuse aiguë. Cage thoracique À la naissance, les côtes sont horizontales. La zone d'apposition costale du diaphragme est réduite et le muscle travaille dans une configuration défavorable : le rendement est faible et la fatigue musculaire s'installe rapidement lorsque le travail ventilatoire augmente. À mesure que l'enfant grandit, les côtes se verticalisent progressivement pour atteindre leur orientation définitive vers l'âge de 10 ans. Le travail du diaphragme est facilité d'autant plus que l'enfant acquiert la position verticale, et son rendement s'améliore considérablement, En outre, le nourrisson a une cage thoracique très déformable parce que peu ossifiée et très compliante (la compliance de l'enfant de moins de 1 an est supérieure de 50% à celle du nourrisson plus âgé) : le couplage thorax-poumon est particulièrement médiocre, rendant possible l'apparition d'un asynchronisme ventilatoire avec des mouvements paradoxaux même en ventilation calme et pendant les phases de sommeil paradoxal, sans pathologie associée. Après l'âge de 1 an, la rigidité de la cage thoracique augmente : la compliance thoracique diminue fortement et les risques d'asynchronisme ventilatoire disparaissent. Volumes et compliances thoraco-pulmonaires Le développement du poumon est complexe et ne s'achève que longtemps après la naissance. On évalue la fonction respiratoire en mesurant les volumes gazeux pulmonaires, les propriétés statiques de l'ensemble poumon/paroi thoracique (compliance ou courbe pression/volume) et dynamiques (résistance des voies aériennes). Volumes respiratoires Volume pulmonaire total Volume courant (mL/kg) Capacité résiduelle fonctionnelle Espace mort anatomique Espace mort physiologique Fréquence respiratoire 3 mois Adulte 20 mL (5-7 mL/kg) 6-8 90 (30 mL/kg) 7 mL (2,5 mL/kg) 0,3% 40-60/min 450 mL (6 mL/kg) 7 2400 (34 mL/kg) 150 mL (2 mL/kg) 0,3% 12-16/min Variation des volumes pulmonaires au cours de la croissance Facteur de croissance 22 1 1 20 1 0,3 5 Les paramètres les plus importants sont le volume courant (faible chez le nourrisson), la ventilation alvéolaire (élevée), la capacité résiduelle fonctionnelle (réduite) et le volume de fermeture, très augmenté sous anesthésie et en cas d'infection pulmonaire chez le nourrisson. La compliance pulmonaire est très faible chez le nourrisson (,8 mL/cmH2O) par rapport à l'adulte (140-200 mL/cmH2O). À l'inverse de la compliance pulmonaire, la compliance thoracique, qui évalue les propriétés élastiques de la cage thoracique, est d'autant plus élevée que l'enfant est plus jeune (moindre ossification des pièces osseuses, côtes et sternum, qui sont très "élastiques" chez le nourrisson). Concrètement, cela signifie que, pour respirer efficacement, le nourrisson doit fournir un plus gros effort inspiratoire et créer une plus grande négativation de sa pression intrapleurale, ce qui entraîne une plus forte rétraction pariétale, un plus grand travail respiratoire et une moindre efficacité des échanges gazeux. En fin d'expiration, les forces élastiques opposées du poumon, de la paroi thoracique et du diaphragme s'équilibrent et le volume pulmonaire résiduel représente la capacité résiduelle fonctionnelle, qui est corrélée à l'âge, au poids et à la taille de l'enfant. Comme la compliance thoracique est élevée chez le nourrisson, l'équilibre entre les forces élastiques du poumon et de la paroi thoracique favorise la rétraction pulmonaire, c'est-à-dire la diminution du volume courant, la réduction de la CRF et la tendance à l'atélectasie. Les résistances des voies respiratoires sont d'autant plus grandes que l'enfant est plus petit et que la muqueuse respiratoire est plus inflammatoire (donc épaissie). Propriétés statiques et dynamique thoraco-pulmonaires Compliance pulmonaire (mL/cm H2O) Compliance thoracique (mL/cm H2O/kg) Compliance spécifique (compliance/CRF) Résistance pulmonaire (cm H2O/L/sec) 3 mois Adulte 5-6 1 0,04-0,06 25-30 200 2,5-3 0,04-0,07 1,6 Facteur de variation 40 2,5-3 1 0,05 Variations des compliances et résistances thoraco-pulmonaires au cours de la croissance Nourrisson % Adulte % 100 100 80 80 60 60 40 40 20 20 +20 +10 0 -10 -20 -30 -40 cmH2O Compliance thoracique Compliance pulmonaire +30 +20 +10 0 -10 -20 -30 -40 cmH2O Compliance pulmonaire totale La capacité résiduelle fonctionnelle est active chez le nourrisson du fait de la grande compliance de la cage thoracique à cet âge (surtout avant 1 an) : pour compenser les conséquences de cette compliance accrue, le nourrisson met en jeu d'une part les muscles adducteurs de son larynx, créant un frein laryngé (ou glottique) et d'autre part son diaphragme en fin d'inspiration, ce qui réalise un frein diaphragmatique. En outre, la fréquence respiratoire élevée à cet âge réduit fortement le temps expiratoire et contribue à maintenir une hyperinflation pulmonaire relative en ventilation spontanée. Cette hyperinflation dépend également du niveau de vigilance. Durant le sommeil certains nourrissons voient leur CRF diminuer de façon importante, ce qui provoque une chute de la PaO2 et une 6 désaturation. Le phénomène se corrige normalement après l'âge de 1 an avec la rigidification de la cage thoracique. La CRF augmente avec la taille et l'âge, mais de manière non linéaire : elle s'accélère vers l'âge de 4-5 ans, puis augmente de manière régulière jusqu'en période prépubertaire où elle subit un ralentissement avant de s'accélérer de nouveau pendant la puberté. L'anesthésie réduit fortement la CRF, surtout chez le nourrisson, ce qui place le patient dans la portion basse de la courbe sigmoïde de pression/ventilation demandant l'établissement de pressions élevées (donc un travail respiratoire important) pour récupérer un volume pulmonaire acceptable : on comprend dans ces conditions que le maintien d'une ventilation spontanée au cours d'une anesthésie générale n'est acceptable que pour de très courtes périodes (15 min au plus avant 1 an) sous couvert d’une CPAP et à condition de ne pas entraver davantage la mécanique respiratoire (par une incision abdominale par exemple). Échanges gazeux et travail respiratoire Les échanges gazeux respiratoires dépendent de la ventilation alvéolaire qui ne représente qu'une fraction de la ventilation pulmonaire dont 1/3 ne fait que balayer l'espace mort anatomique (voies aériennes) et physiologique (alvéoles non perfusées). La ventilation alvéolaire est comparativement beaucoup plus importante chez le nourrisson (100 à 150 mL/kg/min) que chez l'adulte (60 mL/kg/min) du fait des besoins métaboliques élevés, de la consommation d'O 2 plus importante et de la taille relative des poumons beaucoup plus petite. Elle se dégrade lorsque la compliance diminue et que les résistances augmentent. La distribution de la ventilation est affectée par les forces de gravité. Chez l'adulte, en position verticale, la dépression pleurale des sommets est plus forte que celle des bases : en fin d'expiration, les alvéoles des sommets restent davantage remplis que ceux des bases et lors d'une inspiration normale, les sommets reçoivent moins d'air que les bases où la compliance thoracopulmonaire est plus favorable (partie la plus verticale de la courbe pression/volume). De même, en décubitus latéral, chez l'adulte, le poumon inférieur est mieux ventilé que le poumon supérieur. Chez le nourrisson, jusque vers l'âge de 2 ans, la situation inverse se produit. La partie du poumon qui est la mieux ventilée est celle qui se trouve en position supérieure, que le poumon soit sain ou pathologique. De même, en cas de pathologie pulmonaire unilatérale, l'oxygénation est améliorée si c'est le poumon sain qui est en position supérieure lorsque l'enfant est placé en décubitus latéral. La raison de cette différence tient à la compliance de la paroi thoracique et au volume de fermeture plus élevé à cet âge. Les anomalies de distribution sont aggravées par l'anesthésie. Les atélectasies sont fréquentes en fin d'induction anesthésique chez le nourrisson. L'addition d'une faible pression expiratoire positive (5-6 cm H2O) permet de prévenir la complication et de restaurer une compliance normale avec une bonne saturation, surtout dans la tranche d'âge des moins de 8 mois (Figure 37). Le travail respiratoire est comparativement très important chez le petit nourrisson qui est exposé au risque d'épuisement rapide en cas d'augmentation des besoin. Il est très dépendant des tensions alvéolaires de surface qui sont presque complètement annulées par le surfactant. Paramètres respiratoires Fréquence respiratoire Ventilation minute (mL/min) Ventilation alvéolaire - en mL/min - en mL/kg/min 3 mois Adulte 40-60/min 650 12-16/min 7000 Facteur de croissance 0,3 11 400 100-150 4200 60 10 0,5 7 - mL/m2/min Consommation d'O2 - en mL/min - en mL/kg/min Travail respiratoire (g/cm/L) Élimination de CO2 (mL/kg/min) Capacité de diffusion (mL CO/kPa/min) Shunt physiologique 2,3 2,3 1 18 6,8 2000-4000 6 6-22,5 6-10% 250 3,3 2000-7000 3 112-188 1-3% 14 0,5 1-2 0,5 10-20 0,15-0,4 Variations de la ventilation alvéolaire, du travail respiratoire et de la diffusion des gaz au cours de la croissance Contrôle de la respiration Le contrôle de la respiration est le résultat d'une action coordonnée de nombreux muscles (principalement le diaphragme) dont la rythmicité de la contraction dépend de centres respiratoires situés dans le tronc cérébral eux-mêmes rétrocontrôlés par de nombreux mécanismes de régulation (récepteurs périphériques et centraux) permettant d'ajuster la ventilation alvéolaire aux besoins du métabolisme. Ces mécanismes régulateurs sont immatures chez le petit nourrisson, en particulier pendant le sommeil, augmentant fortement les risques d'apnée centrale (même lorsque la cause est une obstruction périphérique). Hémoglobine fœtale et transport de l'oxygène Le transport de l'oxygène est principalement assuré par l'hémoglobine dont la courbe de dissociation est modifiée par les variations de PaCO2 et de pH. Le sang du nouveau-né est très riche en Hb fœtale dont l'affinité pour l'O2 est supérieure à celle de l'Hb adulte : le relargage de cet O2 en périphérie est plus difficile. Avec 80% d'HbF, la saturation normale du nouveau-né est de 90% pour une PaO2 de 50 mmHg. Le remplacement de l'HbF par l'HbA fait passer la P50 (valeur de PO2 pour laquelle la saturation de l'Hb est de 50%) s'élève de 21 mmHg jusqu’aux environs de 27 mmHg vers 3 mois. L'élimination du CO2, beaucoup plus soluble que l'O2, est plus simple et ne fait pas intervenir de protéine porteuse. Age 1 jour 1 mois 2 mois 3-4 mois 6 mois 1 an 5-8 ans 9-12 ans Adulte P50 (mmHg) 19,4 22,7 24,4 26,5 27,8 30,0 29,0 27,9 27,0 Saturation pour une PvO2 de 40 mmHg (%) 87 80 77 73 69 65 67 69 71 Hémoglobinémie (g/L) 17,2 13,0 11,0 10,5 11,3 11,8 12,6 13,4 15,0 Pouvoir oxyphorique (mL/100mL) 1,84 2,61 2,65 3,10 3,94 4,74 4,73 4,67 4,92 Tableau 3-5 : Variation de la P50, du taux d'hémoglobine et du pouvoir oxyphorique du sang selon l'âge 8 Malgré les variations importantes de l'hémoglobinémie au cours de la croissance, le relargage d'O2 en périphérie augmente constamment. Les valeurs érythrocytaires de 2,3-DPG ainsi que d'ATP restent hautes pendant la même période ce qui explique la bonne tolérance des enfants à l'anémie. Synthèse des particularités importantes pour l’anesthésie Le développement des voies aériennes supérieures et les particularités de la physiologie respiratoire peuvent interférer notablement avec le bon déroulement de l'anesthésie et rendre l'intubation difficile. On retiendra particulièrement : - la disproportion relative entre la tête (volumineuse) et le corps (grêle), réunis par un cou court et peu mobile chez le tout-petit ; - le volume important de la langue par rapport à la taille de la cavité orale ; - l'étroitesse des voies nasales, saignant facilement (muqueuse fragile), aisément obstruées par des sécrétions (rhinite) et/ou de l'œdème; - l'épiglotte en forme de "U" et la position proximale (disque C3-C4) et antérieure du larynx, avec un grand axe oblique en bas et en avant ; - la chute du tonus des muscles pharyngés (surtout le génioglosse), qui est proportionnelle à la profondeur d'anesthésie, réduit le volume de la partie aérienne de la cavité pharyngée et favorise le collapsus inspiratoire du pharynx : d’où l’utilité de la luxation mandibulaire (jaw-thrust) lors de l’induction et du réveil ; - chez l’enfant, la partie la plus étroite de la trachée se trouve fonctionnellement au niveau des cordes vocales, qui sont souples et se laissent écarter par la sonde endotrachéale, et anatomiquement au niveau du cartilage cricoïde, qui est rigide et recouvert d’une muqueuse fragile : c’est pourquoi on peut observer des lésions à ces deux niveaux après une intubation ; - avant 6 ans, la région sous-glottique a une forme ovalaire à grand axe antéro-postérieur et la trachée est dirigée en bas et en arrière par rapport à l’axe du larynx : la région sousglottique est donc à haut risque de traumatisme lorsqu’une sonde endotrachéale à concavité antérieure et de section circulaire y est introduite ; - la trachée courte, exposant au double risque de l'extubation intempestive et de l'intubation sélective, en particulier au cours des mouvements de flexion/extension de la tête ; si une sonde à ballonnet est utilisée, ce dernier doit être positionné au niveau de la trachée : c’est pourquoi il faut choisir un modèle de sonde dont le ballonnet est court et proche de l’extrémité distale ; - les résistances pulmonaires totales élevées, ce qui nécessite des pressions de ventilation relativement élevées ; - le volume courant faible avec un espace mort important (1/3 du volume courant), imposant l'utilisation d'un matériel de ventilation adapté ; - l'importance de la ventilation alvéolaire (100 à 150 mL/kg/min) comparée à celle de l'adulte (60 mL/kg/min) contrastant avec la faible valeur de la capacité résiduelle fonctionnelle CRF ; le rôle tampon de la CRF est diminué, ce qui explique la rapidité de survenue de l'hypoxémie en cas d'hypoventilation ; - le volume de fermeture, élevé chez le nouveau-né, pouvant dépasser la CRF (décubitus dorsal, distension abdominale, épanchement thoracique) ; l'anesthésie générale l'augmente fortement ce qui diminue le rapport ventilation/perfusion et augmente l'effet shunt intrapulmonaire. L’application d’une PEP permet d’éviter cette fermeture des voies aériennes. 9 PHYSIOLOGIE CARDIOVASCULAIRE Particularités hémodynamique et électrophysiologiques Le cœur est un muscle très particulier dont les cellules ont subi une différenciation spécifique, principalement en cardiomyocytes mais également en cellules nodales (cellules de Purkinje notamment) et, de façon quantitativement minoritaire, en cellules endocrines sécrétant le facteur natriurétique (au niveau des oreillettes surtout). Au cours de leur évolution, les cardiomyocytes subissent de nombreuses modifications concernant leur architecture cellulaire, la distribution des myofibrilles, la maturation et la multiplication des canaux calciques, la teneur en protéines contractiles ainsi que des protéines qui les régulent (troponine, tropomyosine etc.). Paramètre Compliance Débit cardiaque Contractilité myocardique Interdépendance des ventricules Réponse à l'augmentation de précharge Compensation de baisse de post-charge Petit nourrisson Faible Dépendant de la fréquence cardiaque Faible Très élevée Adulte Normale Dépendant du volume d'éjection et, de façon limitée, à la fréquence cardiaque Élevée Relativement peu importante Très limitée Bonne adaptabilité Limitée Efficace Principales différences physiologiques entre le myocarde du nouveau-né et celui de l'adulte Les cellules de Purkinje du nourrisson ont un temps de réponse et une durée de leurs potentiels d'action beaucoup plus courts que dans le cœur mature, permettant des fréquences cardiaques effectives jusqu'à 200 bpm. La fréquence de base, en l'absence de stimulation, est de l'ordre de 120 bpm en période néonatale. Cette fréquence augmente durant la 1ère année de vie avant de décliner progressivement pour rejoindre les valeurs adultes vers l'âge de 16 ans. Age NNé 6 mois 1 an 2 ans 5 ans 10 ans 15 ans Fréquence cardiaque [mmHg] (SD) 120 (20) 150 (20) 130 (20) 105 (25) 90 (10) 80 (15) 75 (10) Pression systolique [mmHg] (SD) 73 (18) 90 (25) 96 (30) 100 (35) 95 (15) 110 (15) 122 (30) Pression diastolique [mmHg] (SD) 50 (8) 60 (10) 66 (25) 65 (25) 55 (10) 58 (10) 75 (20) Index cardiaque L/min/m2(SD) 2,5 (0,6) 2,0 (0,5) 2,5 (0,6) 3,1 (0,7) 3,7 (0,9) 4,3 (1,1) 3,7 (0,3) Consommation d'O2 [mL/kg] (SD) 6 (1) 5 (0,9) 5,2 (0,1) 6,4 (1,2) 6,0 (1,1) 3,3 (0,6) 3,4 (0,6) Principaux paramètres hémodynamiques de l'enfant (SD = écart-type) Les propriétés électrophysiologiques des cardiomyocytes se modifient au cours de la croissance. La perméabilité membranaire au potassium augmente avec l'âge. Le potentiel membranaire de repos est plus élevé chez le petit nourrisson que chez l'adulte. La durée de la contraction comme celle de la période réfractaire sont beaucoup plus courtes dans le cœur immature 10 Les propriétés électrophysiologiques des cardiomyocytes se modifient au cours de la croissance et, jointes à l'augmentation de la masse musculaire cardiaque ainsi qu'à l'établissement de la prépondérance ventriculaire gauche, conduisent à des changements importants des tracés électrocardiographiques au cours de la croissance. Age Fréquence cardiaque Axe en degrés (extrêmes) + 30 / + 180 Intervalle PR (sec) (extrêmes) 0,07 - 0,14 Durée QRS Dérivations précordiales Onde T Nouveauné 110 – 160 0,05 R dominant 105 – 180 + 65 / + 165 0,07 - 0,14 0,05 R dominant en V1,2 1 – 6 mois 105 –185 0,07 - 0,15 0,05 6 mois - 3 ans 90 –165 + 10 / + 110 + 5 / + 105 0,07 - 0,16 0,055 3 – 8 ans 65 –140 + 5 / + 130 0,09 - 0,18 0, 07 8 – 16 ans 60 –120 0 / + 90 0,09 - 0,18 0,07 Adulte 60- 100 0 / + 100 0,12 - 0,2 0,08 R dominant en V1, pas V2 le rapport R/S peut être < 1 en V1; R dominant en V6 Progression R/S semblable à l’adulte QRS de morphologie adulte QRS de morphologie adulte Peu élevée Négative en V1,2 Amplitude augmentée, négative en V1,2 Négative en V1,2 Négative en V1,2 1 semaine1 mois Négative en V1 Positive en V1 Positive Modifications de l'électrocardiogramme au cours de la croissance (selon Purday JP. Monitoring during cardiac anaesthesia. Can J Anaesth 1994; 41: 818-44) Les paramètres hémodynamiques, systémiques comme pulmonaires, qui connaissent de grands bouleversements au moment de la naissance, se stabilisent en quelques semaines pour rejoindre progressivement les valeurs adultes au moment de l'adolescence. Site de mesure Oreillette droite Onde a Onde v Moyenne Ventricule droit Systolique Diastolique Artère pulmonaire Systolique Diastolique Nouveau-nés (mmHg) Nourrissons et enfants (mmHg) 0-4 5-8 2-6 2-6 35-80 1-5 15-25 2-5 35-80 20-50 15-25 8-12 11 Moyenne Capillaire bloqué Onde a Onde v Moyenne Ventricule gauche Systolique Diastolique Artère systémique Systolique Diastolique Moyenne 25-60 10-16 3-6 6-12 8-15 5-12 80-130 5-10 35-80 45-60 60-65 90-130 60-80 70-95 Valeurs hémodynamiques normales mesurées lors de cathétérismes cardiaques (d'après Rudolph AM. Congenital disease of the Heart. Year Book Medical Publishers. Chicago 1974) Le volume d'éjection systolique du ventricule gauche augmente tout au long de l'enfance. Le débit cardiaque du petit nourrisson (180-240 mL/kg) est 2 à 3 fois supérieur à celui de l'adulte et est bien corrélé à la fréquence cardiaque : de ce fait, une tachycardie modérée est souvent recherchée en anesthésie pédiatrique et, pendant très longtemps, les anesthésistes pédiatriques ont systématiquement administré de l'atropine avant l'induction anesthésique. La pression artérielle systolique de l'enfant est plus basse que celle de l'adulte. Une hypotension artérielle apparaît quand 20% environ du volume circulant est perdu chez l'adulte mais 40% chez le nourrisson : elle précède donc de peu le collapsus circulatoire dans cette catégorie d’âge. Âge 0-1 mois 1-12 mois 1-10 ans > 10 ans Pression systolique normale > 60 mmHg > 80 mmHg 90 + (2 x âge en années) mmHg 110-130 mmHg Limite inférieure acceptable de pressions artérielle systolique 50 mmHg 70 mmHg 70 + (2 x âge en années) mmHg 90 mmHg Valeurs normales et limite inférieure acceptable de pression artérielle systolique chez l'enfant éveillé (hors anesthésie générale) Les hypertensions artérielles vraies sont rares chez l'enfant. Les causes les plus fréquentes en chirurgie pédiatrique sont les tumeurs de Wilms (néphroblastomes), les neuroblastomes, la coarctation aortique méconnue et les brûlures étendues (en général chez le garçon de moins de 10 ans, 2 à 10 semaines après l'accident). En l'absence de contexte étiologique, il faut d'abord évoquer une cause rénale. L'hypertension artérielle essentielle est exceptionnelle chez l'enfant mais le risque de développer cette forme d'hypertension peut être en partie déterminé durant la vie fœtale et la prime enfance : un petit poids de naissance et une prise pondérale rapide entre 1 et 5 ans sont des facteurs de risques reconnus, peut-être en relation avec des anomalies structurelles de développement des artérioles. Les résistances vasculaires périphériques sont beaucoup plus faibles chez le petit nourrisson (244 mmHg/L/min/kg) que chez l'adulte jeune (723 mmHg/L/min/kg chez le jeune adulte). Tandis que le lit vasculaire artériel s'accroît fortement durant la croissance, la compliance artérielle par m2 de surface corporelle diminue de manière rapide durant les 5 premières années de vie, puis de manière plus lente durant les 15 années suivantes, ce qui traduit une rigidification progressive des parois artérielles au cours de la croissance. 12 La pression veineuse centrale de base (en cm H2O) croît progressivement avec l'âge : 3 cm à 1 an, 4 cm à 3 ans, 5 cm à 5 ans et 6 cm à 8 ans. En pratique, ces variations sont faibles et on peut considérer que les valeurs normales sont comprises entre 4 et 8 cm H2O, quel que soit l'âge. Troubles du rythme cardiaque La survenue d'une fibrillation ventriculaire est exceptionnelle chez l'enfant (sauf en cas de myocardite ou d'hyperkaliémie due, par exemple, à une rhabdomyolyse aiguë) ; le rythme cardiaque terminal de l'enfant est habituellement l'asystolie. Si la cause du trouble du rythme (dans la plupart des cas, il s'agit d'une hypoxémie) est supprimée, une réanimation cardiaque rapide et appropriée est presque toujours couronnée de succès. Cependant, en cas d’arrêt cardiaque d’origine hypoxique, la réanimation cardiorespiratoire est soit peu efficace soit grevée de séquelles neurologiques graves. Les troubles du rythme cardiaque ne sont pas rares chez l'enfant. Pendant l'induction anesthésique, des bradycardies ou des extrasystoles ventriculaires (ESV) peuvent apparaître en cas d'anesthésie trop superficielle pendant la laryngoscopie et l'intubation. Ces épisodes restent généralement sans conséquences si un débit cardiaque est conservé (présence d’un pouls palpable) si une hypoxémie ou une hypercapnie ne viennent pas se surajouter. Il suffit d'approfondir l'anesthésie pour rétablir un rythme cardiaque normal. Il n’est pas rare d’observer une tachycardie importante (phase d’excitation) ou un rythme jonctionnel avec perte de l’onde P (anesthésie profonde) lors d’une induction inhalatoire au sévoflurane. Malgré ce caractère souvent banal, l'apparition d'ESV durant l'induction anesthésique doit faire systématiquement et soigneusement contrôler les paramètres vitaux de l'enfant d'autant qu'une arythmie ventriculaire peut être un signe précoce d'hyperthermie maligne ou de rhabdomyolyse aiguë. Les cathéters veineux centraux introduits trop loin (en intra-ventriculaire) déclenchent pratiquement toujours des ESV chez l'enfant. Les blocs auriculo-ventriculaires complets sont rares chez l’enfant sauf parfois après une chirurgie cardiaque. Les formes congénitales (1/20.000 naissances) surviennent en général chez les nouveaux-nés de mères souffrant de lupus érythémateux : un pacemaker est posé en urgence si leur rythme ventriculaire est inférieur à 50-55 bpm. L'hypoxémie conduit très rapidement à une bradycardie et c'est cette étiologie qu'il faut envisager en premier lieu devant un ralentissement cardiaque chez l'enfant pendant une anesthésie. Ce n'est qu'après avoir éliminé cette hypothèse que l'on cherchera d'autres causes possibles : bradycardie due à l'halothane (effet direct sur le nœud sinusal et le faisceau de His), à la succinylcholine, à l'injection rapide de fentanyl ou d'alfentanil, ou à un réflexe oculocardiaque (chirurgie du strabisme notamment), à une hypertension intracrânienne aiguë. Circulation pulmonaire La circulation pulmonaire subit des changements importants. Presque inexistante durant la vie fœtale, elle s'instaure instantanément au moment de la naissance avec la fermeture des shunts physiologiques fœtaux (canal artériel surtout) et l'effondrement des résistances pulmonaires. En quelques jours après la naissance, la musculature des vaisseaux s'amincit, ce qui facilite les échanges respiratoires. S'il persiste une hypertension artérielle pulmonaire (large communication interventriculaire par exemple), cet amincissement ne se produit pas et peut devenir irréversible si le shunt n'est pas fermé rapidement : l'épaississement des parois vasculaires va s'aggraver et finir par oblitérer le lit vasculaire pulmonaire, conduisant à la fibrose et l'insuffisance cardiaque droite définitive (syndrome d'Eisenmenger). Circulation coronaire 13 Le débit sanguin coronaire s'effectue durant la diastole qui doit donc avoir une durée suffisante pour ne pas exposer à une ischémie (surtout endocardique). La circulation coronaire réagit différemment des autres circulations à la stimulation α-adrénergique : la noradrénaline provoque une vasodilatation à son niveau tandis que les autres agonistes α ne déclenchent qu'une très faible vasoconstriction. RÉGULATION DU MILIEU INTÉRIEUR Eau totale et besoins hydriques L'eau totale représente 75% du poids corporel à la naissance et 65% à 1 an. À la puberté, les garçons développent leur masse musculaire davantage que les filles qui, elles, augmentent davantage leur masse grasse : comme la teneur en eau du muscle est élevée alors que celle du tissu gras est faible, le corps féminin ne contient plus que 50% d'eau totale contre 60% pour le corps masculin à la fin de la puberté. L'eau totale se répartit en deux secteurs principaux, le compartiment intracellulaire et le compartiment extracellulaire dont l'importance relative varie fortement avec l'âge. Secteur liquidien Eau totale Eau extracellulaire Eau intracellulaire Nouveau-né 75% 45% 35% Nourrisson 65% 25% 40% Adulte 55-60% 25% 50% Répartition de l'eau corporelle en fonction de l'âge Plus l'enfant est petit, plus ses besoins en eau sont importants. Le nourrisson absorbe quotidiennement 1/6 de son poids corporel en eau contre moins de 1/20 pour l'adulte. Les modalités habituelles de prescription des apports liquidiens parentéraux de base ou de maintenance en dehors de la période périopératoire suivent la règle dite des "4:2:1". Ces quantités sont calculées en considérant que les besoins quotidiens en H2O sont de 100 mL/100kcal. Poids < 10 kg 10-20 kg > 20 kg Besoins horaires 4 mL/kg 40 mL + 2 mL/kg par kg audessus de 10 kg 60 mL + 1 mL/kg par kg audessus de 20 kg Besoins journaliers 100 mL/kg 1000 mL + 50 mL/kg par kg audessus de 10 kg 1500 mL + 20 mL/kg par kg audessus de 20 kg Besoins liquidiens de l'organisme Chez l'enfant de moins d'1 an, le calcul des besoins hydriques est plus exact lorsqu'on utilise la surface corporelle comme référence : ils sont de 1800 mL/m2. Il est important de noter que les besoins augmentent de 10% environ par degré de température au-dessus de 37°C. Le nourrisson est totalement dépendant de son entourage pour les apports hydriques. De ce fait, la soif ne constitue pas un facteur de régulation des apports hydriques à cet âge. Les pertes hydriques quotidiennes varient avec l'âge. Chez le nourrisson, la répartition moyenne est la suivante : 14 - pertes urinaires : 70 mL/kg, pertes insensibles : 45 mL/kg (peau 30 mL/kg, voies respiratoires 15 mL/kg). Les pertes insensibles sont d'autant plus importantes que l'enfant est plus petit. On retiendra notamment le rôle favorisant de la photothérapie, des tables radiantes, de la température des incubateurs, des lampes à infrarouges et de la ventilation avec des gaz secs. L'importance du secteur extracellulaire peut être à l'origine de pertes hydriques rapides, à l'origine de déshydratations sévères, qui peuvent survenir dans de multiples circonstances : - environnement excessivement chaud et sec (hypersudation) ; - hyperthermie, troisième secteur, vomissements, diarrhée ; - hémorragie, traumatismes divers (ouverts et fermés), brûlures. En peropératoire, des pertes hydriques importantes s'observent lors de l'ouverture des cavités de l'organisme. Le tableau suivant donne, à titre indicatif, les pertes moyennes mesurées au cours de différents types de chirurgie. Type de chirurgie Péritonite par laparotomie Chirurgie abdominale par laparotomie Chirurgie thoracique à thorax ouvert Chirurgie superficielle, ophtalmologie, neurochirurgie Volume des pertes > 30 mL/kg/h 6 à 10 mL/kg/h 4 à 7 mL/kg/h 1 à 2 mL/kg/h Pertes hydriques moyennes au cours de différents types de chirurgie Les pertes moyennes en cas de chirurgie laparoscopique semblent moins importantes qu’en cas de chirurgie classique "à ciel ouvert" mais cela n’a pas fait l’objet d’études précises. Les situations d'hypercatabolisme, postopératoire par exemple, conduisent également à des pertes hydriques accrues. En effet, pour des raisons métaboliques (équilibre des réactions thermodynamiques), lorsque l'organisme "brûle" 100 calories, il élimine 100 mL d'eau qui se répartissent habituellement de la manière suivante : - pertes urinaires obligatoires : 50-55 mL - pertes fécales : 0-5 mL - pertes insensibles : 45 mL L'existence de pertes hydriques anormales et/ou d'un manque d'apports liquidiens conduit très rapidement l'enfant à un état de déshydratation. Besoins ioniques A l'inverse des besoins hydriques, les besoins en sodium et en potassium (exprimés en mmol/kg/24h) sont relativement constants : - besoins quotidiens en sodium : 2-4 mmol/kg - besoin quotidiens en potassium : 2-3 mmol/kg Les solutés permettant de couvrir les besoins quotidiens en H2O et en Na doivent être adaptés à l'âge. Les solutés multi-ioniques glucosés sont bien adaptés aux perfusions pédiatriques et permettent de couvrir les besoins quotidiens en eau et en sodium (mais pas en calcium). Métabolisme de base Le métabolisme de base des nourrissons est principalement le fait de l'activité métabolique minimale du cerveau, du foie, du cœur et des reins. L'activité métabolique du cerveau est très élevée durant la première année (53 à 64%) puis diminue comparativement à l'augmentation de 15 l'activité métabolique d'autres organes. La synthèse protéique et les transferts actifs d'ions accaparent les 2/3 au moins du métabolisme de base. La diminution relative du métabolisme de base après la naissance est liée à la diminution de la vitesse de croissance relative des organes à haut niveau d'activité métabolique (cerveau, foie, rein, cœur). Après l'âge de 1 an, la croissance pondérale de ces organes par rapport à celle du l'ensemble de l'organisme reste relativement constante, autour de 15%, pendant toute l'enfance. Dans le même temps, par contre, la masse musculaire passe de 20% chez le nouveau-né à 23% chez le nourrisson de 18 mois. Quant à la masse grasse, sujette à davantage de variations interindividuelles, elle augmente en moyenne de 12% à la naissance à 20% environ à 18 mois. Dépense calorique et besoins énergétiques La dépense calorique journalière dépend de l'activité physique de l'enfant. Elle peut s'exprimer en fonction du poids. Au repos, les besoins caloriques par jour sont les suivants : - de 3 à 10 kg : 100 kcal/kg/j ; - de 11 à 20 kg : 1000 + 100 kcal par 2 kg >10 kg; - de 21 à 70 kg : 1500 + 100 kcal par 5 kg > 20 kg. Les besoins énergétiques de l'enfant, exprimés en kcal, sont identiques aux besoins en eau exprimés en mL. En l'absence d'alimentation orale, comme chez l`adulte, les apports doivent être constitués de solutions de glucose, d'acides aminés et de lipides auxquels sont ajoutés des oligoéléments et des vitamines. RÉGULATION THERMIQUE Échanges thermiques et production de chaleur L'être humain ne tolère que des écarts très faibles (0,4°C) de sa température corporelle avant de déclencher des mécanismes de correction. C'est un endotherme, c'est-à-dire que sa température corporelle provient principalement de son propre milieu intérieur. Les échanges thermiques de l'organisme obéissent à des lois physiques simples, allant du milieu le plus chaud vers le milieu le plus froid. Les pertes de chaleur s'effectuent de 4 manières : conduction, radiation, convexion et évaporation. Les sources de chaleur sont principalement métaboliques : activité musculaire volontaire, thermogenèse non frissonnante (prédominante chez le nourrisson) et frissonnement musculaire (thermogenèse frissonnante, prédominante chez le grand enfant et l'adulte). La thermogenèse non frissonnante est produite au niveau de la graisse brune dont les mitochondries comportent une protéine membranaire de découplage, la thermogénine ou UCP (Un-Coupling Protein). Cette protéine permet de contourner la chaîne respiratoire et de dissiper en chaleur l'énergie libérée par les protons qui retournent à la matrice mitochondriale par les pores membranaires que l'UCP a permis d'ouvrir. A l'intérieur de l'organisme, la chaleur est répartie entre un noyau thermique central dont la température est très stable, et une enveloppe thermique périphérique dont la taille et la température peuvent varier en fonction de la température du milieu environnant. La régulation thermique est contrôlée par l'hypothalamus à partir de l'information thermique provenant des téguments et de nombreux récepteurs disséminés dans l'organisme. Il existe des valeurs seuil précises d'hypo- et d'hyperthermie qui, une fois dépassées, déclenchent des mécanismes correcteurs. En cas de franchissement du seuil d'hypothermie, on observe une contraction du noyau thermique, une vasoconstriction cutanée, et la mise en jeu des mécanismes de thermogenèse, frissonnante ou non selon l'âge de l'enfant. En cas d'élévation thermique modérée, on observe un 16 élargissement du noyau thermique, une vasodilatation généralisée, et, après l'âge de 4-5 ans seulement, une sudation importante. Une augmentation majeure de la température corporelle active l'expression des protéines de choc thermique qui interagissent avec les protéines altérées, en particulier les enzymes dénaturées par la chaleur, permettant leur remise en conformation tridimensionnelle et tentant de restaurer leurs fonctions biologiques. Effets de l'anesthésie sur la régulation thermique L'anesthésie générale affecte fortement la thermorégulation. Elle élimine les réactions comportementales adaptatives visant à réduire les pertes caloriques. Elle modifie la taille du noyau thermique et élargit la zone inter-seuils hypothalamique, créant en quelque sorte une zone "d'hétérothermie" dans laquelle la température corporelle varie passivement en fonction de la température ambiante. Patient éveillé Patient anesthésié 40° 40° 39° 39° Transpiration 38° Vasodilatation active 38° 37° 37° 36° 36° nourrisson 35° 34° Vasoconstriction enfant Thermogenèse non frissonnante 35° 34° Frissonnement 33° 33° Les variations thermiques au cours d'une anesthésie évoluent en 3 phases : - phase 1 : baisse initiale de la température par redistribution interne de la chaleur, - phase 2 : déperdition thermique secondaire vers le milieu extérieur - phase 3 : phase terminale de plateau chez l'adulte. Chez le nourrisson, la phase de plateau est remplacée par une phase de réchauffement par le déclenchement d'une thermogenèse non frissonnante. 17 °C 37,5 Température du noyau 37 Nourrisson 36,5 36 Enfant 35,5 35 Adulte 34,5 Phase 1 Phase 2 Phase 3 34 min 33,5 0 40 80 120 160 200 240 Temps écoulé depuis l'induction L'anesthésie locorégionale a beaucoup moins d'effets sur la thermorégulation, mais ceux-ci ne sont pas nuls, en particulier lors de la réalisation de blocs neuraxiaux étendus et de durée prolongée. PARTICULARITÉS PHARMACOLOGIQUES Les bénéfices thérapeutiques et risques potentiels de l'administration d'un médicament dépendent de sa disponibilité au niveau de son récepteur, de la sensibilité de ce récepteur et de la réaction induite par cette liaison. De nombreux facteurs interfèrent avec ce processus chez l'enfant du fait de la croissance et de la maturation progressive des voies métaboliques (et organes). Ces différences sont très marquées en période néonatale mais elles restent sensibles au cours de la petite et moyenne enfance. Absorption Pour la voie orale, les facteurs qui affectent l'absorption sont le pH gastrique et intestinal, le temps de vidange gastrique, la sécrétion et l'activité enzymatique des fluides pancréato-biliaires, la colonisation bactérienne, la présence de transporteur actif (glycoprotéine P-gp notamment) et l'activité des systèmes enzymatiques de détoxification au niveau des parois intestinales (cytochrome P450 3A notamment). Distribution La distribution des médicaments est principalement affectée par les modifications : - des secteurs liquidiens de l'organisme (volume de distribution), - de la taille des organes, de la perméabilité membranaire, - de la concentration des protéines plasmatiques (albumine et α1-glycoprotéine acide surtout), - de la répartition des graisses dans l'organisme, - de la circulation sanguine régionale et locale - ainsi que de la présence de transporteurs actifs (P-gp présente non seulement dans l'intestin mais aussi le foie, le rein, le cerveau, le rein et d'autres tissus). 18 µMol/L 12 α1-glycoprotéine acide 10 8 6 4 2 Fraction libre de bupivacaïne 0 1 mois 2 mois 3 mois 4 mois 5 mois 6 mois Influence de l'augmentation de la concentration plasmatique d'AAG avec l'âge sur la fraction libre de bupivacaïne Les modifications de répartition des secteurs liquidiens en fonction de l'âge sont responsables d'une forte augmentation du volume de distribution chez le nourrisson (double de l'adulte) de tous les agents pharmacologiques : pour une posologie donnée (par kg de poids), le pic de concentration sanguine est moindre chez le nourrisson et il faut augmenter les doses pour obtenir le même taux thérapeutique. En contrepartie, la demi-vie d'élimination est prolongée et il existe un risque d’accumulation lors des réinjections. Métabolisme des médicaments Le métabolisme des médicaments est affecté par le fait que certains systèmes enzymatiques essentiels chez l'adulte ne sont pas (ou peu) actifs chez le petit nourrisson où, cependant, d'autres voies viennent souvent compenser ce "manque". Ces différences concernent à la fois les enzymes de phase I (cytochrome P450 1A2 et 3A7 face à 3A4) et les enzymes de phase 2 (glucuronyltransférase et N-méthyltransférases). Les réactions de glucuronidation sont particulièrement peu actives chez le petit nourrisson : le système enzymatique des glucuronyl-transférases comporte de nombreux isoenzymes, dont la vitesse de maturation est variable, les valeurs adultes étant atteintes, selon le cas, entre 6 mois et 3 ans, voire plus tard. À l'inverse, les réactions de sulfatation (catalysées par des sulfotransférases et glucuronosyl-transférases), accessoires chez l'adulte, sont très actives chez le nourrisson et peuvent suppléer à la déficience des glucuronyl-transférases (en particulier pour le métabolisme de l'acétaminophène, de la morphine et des salicylés). Posologies pédiatriques Le calcul des posologies pédiatriques peut s'effectuer en fonction du poids pour les médicaments dont le volume de distribution est supérieur à 0,3 L/kg mais il devrait s'effectuer en fonction de la surface corporelle ; des formules simplifiées permettent un calcul facile et relativement exact. Vd du médicament < 0,3L/kg > 0,3 L/kg Dose pédiatrique Doses adulte x Surface corporelle Dose adulte x poids/70 Calcul des doses pédiatriques à partir des doses adultes (d'après Kearn) En pratique quotidienne, on peut se contenter de l'évaluation simplifiée proposée par Lack : 19 Poids de l'enfant < 30 kg > 30 kg Dose pédiatrique Dose adulte x poids 200 Dose adulte x (poids + 30) 100 PHYSIOLOGIE CÉRÉBRALE Métabolisme énergétique Le système nerveux central est constitué du cerveau et de la moelle épinière. Son développement est complexe et se poursuit bien au-delà de la naissance. Le métabolisme cérébral consomme 25% du glucose utilisé par l'organisme et son quotient respiratoire est proche de 1 lorsque le cerveau est mature, ce qui signifie que les glucides représentent sa source d'énergie presque exclusive. Le cerveau immature du nourrisson et du jeune enfant est capable d'utiliser d'autres sources d'énergie que les glucides, en particulier les corps cétoniques. Dans tous les cas, toute baisse significative d'apport glucosé au cerveau se traduit par un coma puis la mort cellulaire cérébrale au-delà de 3 minutes car les réserves énergétiques cérébrales, situées principalement au niveau des astrocytes, ne permettent de couvrir ses besoins énergétiques au-delà de ce délai. Ainsi, le cerveau dépend entièrement du débit de perfusion sanguine cérébrale pour son fonctionnement et sa survie. Barrière hémato-méningée Les échanges entre la circulation sanguine et le milieu extracellulaire de la substance grise sont limités et régulés par la barrière hémato-méningée représentée principalement par les cellules endothéliales et leurs desmosomes (tight junctions) mais aussi par les épendymocytes et les cellules des plexus choroïdes au niveau de l'interface capillaires/liquide cérébrospinal. Cette barrière limite la pénétration des particules microscopiques (bactéries), des molécules et des composés hydrophiles de grande taille tout en autorisant la diffusion des molécules hydrophiles de petite taille (O2, CO2, hormones). Elle permet le transport actif (consommateur d'énergie) de certaines molécules comme le glucose grâce à la présence de transporteurs protéiques trans-membranaires spécifiques. Elle régule également le passage des cellules immunitaires du sang vers le système nerveux. Les astrocytes sont responsables de la régulation du compartiment interstitiel cérébral grâce à la présence de canaux hydriques protéiques et d'agrine. Comme la barrière hémato-méningée est imperméable aux électrolytes, ce sont les variations de pression osmotique entre le sang capillaire cérébral et le milieu interstitiel qui règlent les mouvements d'eau : le volume cérébral est directement dépendant de la pression osmotique du plasma. Débit sanguin cérébral Le débit sanguin cérébral est de l'ordre de 50 mL/min/100g à la naissance. Il augmente ensuite progressivement pour atteindre un maximum de 71 mL/min/100g à l'âge de 5 ans et décroît ensuite progressivement pour atteindre les valeurs adultes (51 mL/min/100g) vers l'âge de 19 ans. Chez l'enfant malade, le DSC peut varier dans des proportions importantes, tant dans le sens 20 d'un bas débit que dans celui d'un hyper débit. La consommation cérébrale en O2 (CMRO2) lui est directement corrélée : elle peut servir à son évaluation (et réciproquement). Le DSC est déterminé d'une part par les résistances vasculaires cérébrales et d'autre part par le gradient de pression net au travers du lit vasculaire, c'est-à-dire la pression de perfusion cérébrale. Cette dernière est égale à la différence entre la pression artérielle moyenne et la pression intracrânienne (PIC). Dans les conditions normales, la PIC est égale à la pression veineuse centrale. Lorsque les conditions ne sont pas normales (traumatisme crânien), seule la mesure directe de la PIC permet dévaluer la pression de perfusion cérébrale. Les mécanismes régulateurs du débit sanguin cérébral (autorégulation cérébrale) permettent de maintenir un débit sanguin tissulaire cérébral à peu près constant malgré des variations importantes de pression de perfusion cérébrale, entre 50 et 150 mmHg chez l'adulte et entre 40 et 90 mmHg chez le jeune enfant. La latence de l'autorégulation cérébrale semble un peu plus grande chez l'enfant jeune que chez l'adulte. Chez l'adolescent, le retour à la normale du débit sanguin cérébral après un épisode d'hypotension transitoire est légèrement retardé par rapport à l'adulte Trois mécanismes principaux, myogéniques, neurogéniques et métaboliques, interviennent dans les processus d'autorégulation cérébrale. Parmi les facteurs métaboliques, le rôle du CO2 est le mieux connu et le plus facilement modifiable lors d'une anesthésie ou aux soins intensifs. L'augmentation de la PaCO2 entraîne une vasodilatation capillaire ce qui a pour effet d'augmenter le débit sanguin cérébral. La baisse de la PaCO2 a l'effet inverse. Une baisse de 1 mmHg de la PaCO2 s'accompagne d'une diminution de 4% du DSC. En parallèle à la baisse de DSC, le pH du LCS augmente, ce qui provoque la vasoconstriction des capillaires situés à proximité. L'hyperventilation permet de réduire le DSC de 50% environ en quelques minutes. Lorsque la PaCO2 baisse au-dessous de 25 mmHg (3,3 kPa), il n'y a pas de diminution supplémentaire du DSC. L'effet de l'hyperventilation est limité dans le temps. Au-delà de 6 à 8 h, si aucune nouvelle baisse du CO2 n'est produite, le DSC revient à ses valeurs antérieures. De même, le retour à une ventilation normale avec normocapnie après une période d'hyperventilation s'accompagne d'une baisse du pH interstitiel, d'une augmentation de la PaCO 2 et d'une forte augmentation du débit sanguin cérébral dont le corollaire immédiat est l'augmentation de la pression intracrânienne avec ses risques potentiels sur la vitalité des neurones cérébraux. Comparé à l'effet du CO2, l'effet de la PaO2 sur la circulation cérébrale est faible. Le débit cérébral n'est pas modifié tant que la PaO2 reste supérieure à 50 mmHg ; au-dessous de cette valeur, le débit augmente de manière à maintenir un apport d'O2 suffisant pour le métabolisme. Traumatisme crânien et debit sanguine cérébral La survenue d'un traumatisme crânien peut supprimer le lien entre débit sanguin cérébral et métabolisme, conduisant alors à une ischémie ou à une hyperhémie cérébrale. La vélocité dans l'artère cérébrale moyenne est particulièrement touchée, entraînant une hypoperfusion cérébrale (débit < 25 mL/100g/min). L’hyperhémie cérébrale post-traumatique n'est pas nécessairement avantageuse car elle entraîne souvent une hémorragie cérébrale, une hypoventilation, une agitation, de la fièvre et une acidose. Les variations du débit sanguin cérébral après traumatisme crânien sévère passent par 3 phases : - une phase précoce (6-12 h) d'hypoperfusion cérébrale et d'ischémie ; - une phase secondaire d'hyperhémie et d'hypertension intracrânienne ; - une phase tardive de vasospasme et d'hypoperfusion ; cette phase est moins constante chez l'enfant que l'adulte. Il est difficile de prévoir quels patients vont suivre la séquence complète des 3 phases et ceux qui vont ne subir que les 2 premières phases voire n'avoir que des modifications relativement 21 mineures et réversibles. Les plus récentes recommandations pédiatriques après traumatisme insistent sur la nécessité de maintenir une pression de perfusion cérébrale supérieure à 40 mmHg pour réduire les risques d'ischémie cérébrale. TRANSMISSION NEUROMUSCULAIRE La transmission neuromusculaire s'effectue au niveau des plaques motrices. Elle résulte de l'activation de récepteurs nicotiniques à l'acétylcholine (ACh) qui sont initialement (chez le fœtus) présents sur toute la surface membranaire des fibres musculaires. Ces récepteurs ACh sont qualifiés de "fœtaux" ou "immatures" parce qu'ils sont exprimés précocement au cours du développement. Ils sont constitués de 4 sous-unités organisées en un complexe pentamérique, α2βγδ, formant un canal ionique au centre de leur structure. Lorsque de l'ACh se lie à ces récepteurs, le canal ionique qu'ils forment s'ouvre et se ferme en alternance, à fréquence rapide, pendant 5-6 ms. Durant ce laps de temps, des ions Na+, K+ et Ca++ pénètrent dans les fibres musculaires contre leur gradient de concentration. La dissociation de l'ACh d'avec son récepteur entraîne la fermeture du ionophore. À mesure que la membrane post-synaptique se différencie, des protéines cytosquelettiques et membranaires spécifiques apparaissent. Les canaux sodiques voltage-dépendants et les récepteurs ACh se multiplient et se stabilisent. Une nouvelle sous-unité du récepteur ACh, ε, fait son apparition au niveau de la synapse, donnant naissance à un nouveau type fonctionnel de récepteur ACh dit "adulte" ou "mature" (α2βεδ). Lorsqu'il est activé par l'ACh, le récepteur adulte a une durée d'activité beaucoup plus courte (1 ms) et une conductance aux ions Na+, K+ et Ca++ beaucoup plus grande que le récepteur fœtal. Les mutations du gène de la sous-unité ε sont à l'origine de syndromes myasthéniques congénitaux très sévères. La substitution des récepteurs à l'ACh fœtaux par ceux de type adulte au niveau des plaques motrices s'effectue au cours des 3 premières semaines de vie postnatale. Des récepteurs fœtaux restent encore présents en faible nombre (20/µm2) à la surface de la fibre musculaire, à l’extérieur de la plaque motrice mais disparaîtront progressivement au cours du développement ultérieur (ils peuvent réapparaître à tout âge dans certaines conditions pathologiques)