stratégies - John Libbey Eurotext

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STRATÉGIES
88248 - Folio : q18
- Type : qINT 05-12-05 10:00:06
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Magenta
Yellow
L : 219.992 - H : 306.994 - Couleur : Black
Marcel Peltier
Service
de cardiologie B,
Hôpital Sud,
Amiens
peltier.marcel@
chu-amiens.fr
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Mots clés : peptide
natriurétique,
insuffisance
cardiaque, dyspnée
À « réserver »
à certains cas
Examens complémentaires
Quelle valeur diagnostique
donner au dosage du BNP ?
Situation clinique
M. L., 76 ans, a des antécédents médicaux lourds :
cardiopathie ischémique ayant fait l’objet d’une décompensation l’an dernier, fibrillation auriculaire paroxystique, bronchite chronique, hypertension artérielle ancienne. Il est hospitalisé ce jour pour
aggravation progressive d’une dyspnée devenue invalidante associée à une toux sèche.
Aux urgences, sa pression artérielle est à 16/9, sa température à 37,2 oC, sa fréquence cardiaque à 90/min.
À l’auscultation, les bruits du cœur sont réguliers, sans
bruit ou souffle surajouté alors que l’auscultation pulmonaire retrouve de discrets râles aux deux bases pulmonaires. Il n’y a pas de signes patents d’insuffisance
ventriculaire droite hormis une discrète turgescence
jugulaire. Le reste de l’examen clinique est jugé sans
particularité.
Un bilan biologique demandé dès son admission montre les données suivantes : natrémie = 139 mmol/L,
kaliémie = 3,9 mmol/L, réserve alcaline = 24, protidémie = 71 g/L, ALAT = 28 UI/L, ALAT = 39 UI/L, urée
= 0,9 g/L, créatininémie = 98 µmol/L, glycémie =
1,6 g/L, troponine < 0,01 ng/mL, leucocytose =
65 000/mm3, plaquettes = 253 000/mm3, et taux d’hémoglobine = 13,7 g/L, une CRP = 29 mg/L, et un dosage du BNP = 365 pg/L.
À la gazométrie en air ambiant : PO2 = 62 mmHg, PCO2
= 39 mmHg, pH = 7,45, saturation en O2 = 92 %.
L’ECG enregistre une tachycardie sinusale à 100/min.
et une séquelle ancienne de nécrose inférieure. La radiographie thoracique de qualité médiocre objective
toutefois une cardiomégalie et l’absence de foyers
pleuroparenchymateux.
Le diagnostic de récidive d’insuffisance cardiaque est posé.
Un traitement par voie parentérale est débuté, associant un traitement diurétique (furosémide à la dose
de 160 mg/J en deux injections IVL), une oxygénothérapie, une héparinothérapie à visée préventive, et le
reste de son traitement médical habituel. Devant une
aggravation rapide de son état à type de malaise présyncopal et aggravation de la dyspnée, un avis cardiologique est demandé. L’échocardiographie réalisée au
décours met en évidence une fonction systolique ventriculaire gauche peu altérée et stable (fraction d’éjection ventriculaire gauche = 45 %), l’absence d’élévation des pressions de remplissage ventriculaire
gauche, et en revanche, une pression artérielle pulmonaire élevée à 60 mmHg associée à une dilatation
ventriculaire droite. Le traitement diurétique est dès
lors interrompu et relayé par une héparinothérapie à
dose efficace en attendant une scintigraphie pulmonaire demandée ; ce dernier confirmera rapidement le
diagnostic d’embolie pulmonaire récente et bilatérale.
Commentaires
Le diagnostic clinique d'une dyspnée
peut être difficile chez le sujet âgé
L’insuffisance cardiaque est une pathologie chronique fréquente du sujet âgé dont le diagnostic est souvent tardif.
Mais ce cas clinique illustre aussi l’importance de savoir
reconsidérer un tel diagnostic si l’évolution clinique sous
traitement adapté n’est pas celle que l’on peut attendre.
Tableau 1. Probabilité d’insuffisance cardiaque en fonction du dosage de BNP.
Valeurs BNP
Commentaires
Insuffisance cardiaque ?
BNP (forme active) < 100 pg/ml
ou NT-pro BNP
(son fragment inactif)
< 300 pg/ml
Bonne valeur prédictive négative
(90 %)
Au-dessous de ces seuils, diagnostic d'insuffisance cardiaque
très peu probable
Valeurs intermédiaires
Peuvent être aussi en cause : embolie pulmonaire, hypertension
artérielle pulmonaire précapillaire d'origine pulmonaire ou primitive, emphysème décompensé
Diagnostic d'insuffisance cardiaque incertain
BNP > 400 pg/ml
ou NT-Pro BNP > 1 500 pg/ml
Bonne spécificité et valeur prédictive positive (95 %)
Forte probabilité d'insuffisance
cardiaque
114 MÉDECINE décembre 2005
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Examens complémentaires
Compte tenu de toutes ces difficultés, on comprend aisément l’enthousiasme soulevé auprès des cliniciens par l’utilisation du dosage du BNP. Encore faut-il savoir l’interpréter
à bon escient et connaître les limites de ce test biologique,
dont l’utilisation est aujourd’hui bien établie dans le diagnostic d’insuffisance cardiaque.
À quoi correspond le dosage du BNP ?
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Le BNP est une hormone sécrétée spécifiquement par les
ventricules en réponse à une mise en tension anormale
de la paroi ventriculaire, expliquant des taux généralement
élevés en présence d’une insuffisance cardiaque [1]. Mais
différentes conditions favorisent aussi la mise en tension
de la paroi ventriculaire droite sécrétrice de BNP. Une insuffisance rénale (clairance < 60 ml/min), un âge avancé,
un tableau d’insuffisance cardiaque chronique sévère
mais bien compensée, peuvent s’accompagner d’une élévation du BNP [2]. Le tableau 1 résume les données actuellement admises par les recommandations internationales [3].
Figure 1. Algorithme du diagnostic d’insuffisance cardiaque (adapté de [3]).
MÉDECINE décembre 2005 115
88248 - Folio : q20
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Examens complémentaires
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BNP soit appelé à surpasser la clinique, laquelle primera toujours sur les évaluations biologiques. Même si le coût du
dosage est peu onéreux (cotation : B100, environ 27 euros),
sa prescription systématique à l’échelle de la population devant toute dyspnée au même titre que le bilan biologique et
radiologique standard, peut très vite entraîner un coût prohibitif avec un rapport coût/efficacité qui n’a pas été établi. Son
intérêt en ville, comme dans les salles d’urgence, repose sur
une orientation diagnostique rapide quand la clinique à l’échelon individuel est trompeuse (figure 1). Un dosage du
BNP < 100 pg/ml permettra d’exclure une insuffisance cardiaque. En revanche, dès que le BNP est pathologique, il faut
demander une échocardiographie : d’abord pour savoir si
cette augmentation est en rapport avec une insuffisance cardiaque – parce que le BNP seul ne permet pas de répondre
à la question –, ensuite pour poser un diagnostic précis.
Références :
Les situations « cumulées » de faux positifs
ne sont pas rares chez l'insuffisant cardiaque
En revanche, la dyspnée d’origine bronchitique (chronique)
ou asthmatique n’élève pas le BNP en l’absence d’insuffisance cardiaque [1, 2]. Ces données ne signifient pas que le
1. Maisel AS, et al. for the breathing not properly multinational study investigators. Rapid
measurement of b-type natriuretic peptide in the emergency diagnosis of heart failure. N
Eng J of Med. 2002;347:161-7.
2. Logeart D, Saudubray C, Beyne P, et al. Comparative value of Doppler echocardiography and B-type natriuretic peptide in the etiologic diagnosis of acute dyspnea. J Am Coll
Cardiol. 2002;40:1794-800.
3. Task force for the diagnosis and treatment of chronic heart failure, European society
of cardiology. Guidelines for the diagnosis and treatment of chronic heart failure. Eur Heart
J. 2005:25:1-45.
En résumé : valeur diagnostique du dosage du BNP
h La clinique prime toujours sur les évaluations biologiques.
h Le dosage du BNP apporte une aide précieuse dans le cadre d’une démarche clinique intégrée :
– Il peut être obtenu rapidement (environ 15 minutes).
– Au-dessous de 100 pg/ml, le diagnostic d’insuffisance cardiaque est très improbable.
– Dans la zone intermédiaire (100-400 pg/ml), on ne peut conclure sur l’origine cardiaque de la dyspnée.
h À réserver à certains cas où la clinique évoquant une insuffisance cardiaque peut être trompeuse.
À ne pas utiliser
116 MÉDECINE décembre 2005
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données
À utiliser dans
À réserver à certains cas l’ensemble de l’indication
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