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MEDICAMENTS ET PERSONNES AGEES : des rapports particuliers
La vieillesse n'est pas une maladie, mais elle est marquée par la dégradation de certaines
capacités fonctionnelles (fonction rénale, hépatique…), entraînant une plus grande sensibilité aux
agressions et une propension accrue à développer des maladies. D'où la nécessité de recourir à
des médicaments, préventifs et/ou curatifs.
Des poly-pathologies
La France peut s'enorgueillir d'avoir une espérance de vie parmi les plus élevées du monde (65
ans). Le nombre de seniors dans notre société augmente :
+ 1 million de plus de 65 ans en France en dix ans. Ils seront ainsi près d'un million et demi de
plus en 2010. Cette embellie du 3ème, voire du 4ème âge, est due aux progrès de l'hygiène
générale, de l'alimentation, de l'habitat, mais aussi, et sans doute surtout, à l'amélioration des
prises en charges médicales, qu'elles soient préventives ou curatives.
Le vieillissement a comme corollaire l'augmentation de la consommation de soins. Il n'est que de
citer les pathologies liées au vieillissement ou aggravées par lui : insuffisance cardiaque,
cardiopathies ischémiques (angine de poitrine), troubles du rythme, artériopathies des membres
inférieurs, accidents vasculaires cérébraux, diabète, maladie d'Alzheimer, états dépressifs,
maladie de Parkinson, dégénérescence maculaire, cataracte, glaucome, ostéoporose, arthrose,
insuffisances respiratoires par broncho-pneumopathies obstructives, incontinence urinaire,
cancers… L'énumération est terrible. Le risque ne l'est pas moins, d'autant que ces pathologies
sont le plus souvent associées, intriquées. Dès lors, une prise en charge, de la prévention au
dépistage et du diagnostic au traitement, s'impose.
Concrètement, ces prises en charge conduisent le plus souvent à la prescription de
médicaments. Ainsi, il est fréquent qu'une personne âgée soit de manière prolongée sous
traitement à visée cardiovasculaire, métabolique (diabète), neurologique, etc.
La pluri ou poly-médication est souvent inévitable.
Selon une étude du CREDES, corroborée par d'autres auteurs, les patients de plus de 70 ans
prennent en moyenne 4 à 5 médicaments par jour, du fait de la co-existence de pathologies et de
risques.
Les ordonnances complexes sont à prendre en compte.
Les médicaments sont prescrits par un ou plusieurs médecins (généralistes et spécialistes), et/ou
légitimement conseillés par le pharmacien, mais s'y ajoutent parfois ceux suggérés au patient par
un ami ou achetés de sa propre initiative. Les interactions deviennent plus nombreuses. Les
risques d'effets indésirables se multiplient.
21 octobre 2004
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Une observance incertaine
La moitié au moins des personnes âgées font preuve d'un manque de rigueur dans la prise de
leur médicaments. Oubli ou confusion, le traitement est soit omis, soit pris deux fois, soit de
manière erronée, un produit à la place d'un autre ou à une posologie inadéquate. Le moindre
changement de lieu ou d'habitude est ici redoutable.
Il faut aussi souligner que le devenir des médicaments chez la personne âgée, et par
conséquent leur effet, diffèrent de ce que l'on observe chez le sujet plus jeune, en rapport
notamment avec un certain degré de dénutrition, d'insuffisance rénale, hépatique, etc.
Le grand âge voit s'instaurer en effet une considérable variabilité inter et intra-individuelle de la
pharmacocinétique des médicaments – c'est-à-dire de leur distribution dans l'organisme, de leur
transformation et de leur élimination. Ainsi, leur activité s'en trouve affectée, pouvant être
majorée, prolongée, ou parfois réduite. La prescription doit naturellement en tenir compte et
intégrer les données d'études cliniques spécifiquement conduites chez des sujets âgés, au
demeurant encore trop peu fréquentes. Une surveillance clinique et biologique, un respect strict
des conditions d'emploi ainsi qu'une adaptation des doses et des horaires de prise s'imposent.
On comprend que toute utilisation à mauvais escient puisse entraîner des effets qui ne sont pas
ceux attendus et qui peuvent se révéler néfastes.
Refuser les facteurs "évitables"
Comme le constate une étude récente consacrée aux "Enjeux du vieillissement"1 : "une partie
des facteurs de iatrogénèse est inhérente aux évolutions physiologiques du vieillissement, mais
certains pourraient être réduits par une meilleure connaissance scientifique des effets du
médicament dans la population âgée, par une meilleure prescription, une meilleure délivrance et
par un meilleur usage par les malades eux-mêmes".
Cette même étude rappelle la complexité de la prise en charge médicale chez le sujet âgé, et
détaille plusieurs facteurs qui y contribuent.
La situation de poly-pathologies ou de poly-déficits est au premier rang. L'interprétation des
symptômes intriqués devient difficile, la prescription délicate et la gestion des interactions
médicamenteuses un vrai problème.
Des efforts sont donc entrepris pour mieux fonder la prescription et mieux accompagner la
délivrance de ces médicaments.
Des logiciels ont pour objet la détection et la gestion des interactions, voire la détermination de
la meilleure dose pour chaque patient âgé.
Plus en amont, sous l'impulsion de la DGS (Direction générale de la santé), des professionnels
se sont penchés sur l'enseignement de la iatrogénèse en faculté, conduisant à la mise en place
d'un séminaire en fin de deuxième cycle commun aux futurs médecins et pharmaciens.
L'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) a annoncé en
septembre 2004 qu'elle s'apprêtait à mettre en place une nouvelle enquête nationale sur la
iatrogénèse médicamenteuse.
Dans le même temps, les Entreprises du Médicament se sont engagées à intensifier les
recherches sur les pathologies et la pharmaco-épidémiologie des personnes âgées, à multiplier
les évaluations cliniques spécifiques, à mettre en place des développements galéniques
adaptés… Simultanément, l'analyse des modalités de prescription et d'utilisation des
médicaments chez les personnes âgées est renforcée, tandis que des formations au bon usage
sont mises en place et que se développent des partenariats locaux de prévention et d'action.
C'est dans ce contexte de réflexion et de mobilisation que s'inscrit l'engagement des
professionnels libéraux et des entreprises du médicament.
1 Etude ACE-JNB pour le LEEM et le LIR, Editions de santé, juin 2003
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L'opération "Prévention de la Iatrogénèse évitable du sujet âgé" de Santé en Action
C'est une action forte, nationale, de sensibilisation et d'information.
Elle vise à la fois les professionnels de la santé et les personnes âgées.
Les médecins prescripteurs, les pharmaciens dispensateurs et les autres professionnels
recevront un document qui rappelle succinctement les enjeux :
- Les effets indésirables médicamenteux sont deux fois plus fréquents après 65 ans
- Près d'un malade sur 2 est inobservant
- Changements (dans la vie du malade ou dans la prescription) et défaut de vigilance font
le lit des effets indésirables, qui peuvent être graves et dont les 2/3 sont évitables.
Le dépliant rappelle que trop souvent, deux fois sur trois, le malade âgé ne signale pas un effet
indésirable. Tout changement, tout phénomène inhabituel, (somnolence, confusion, troubles du
comportement, de l'équilibre, malaises, asthénie, troubles digestifs…) doit conduire à s'interroger
sur une possible origine iatrogène.
Un tableau synthétique présente 5 tableaux cliniques susceptibles d'être causés par diverses
classes de médicaments de prescription courante.
C'est à la vigilance du médecin et du pharmacien, comme à celle de l'infirmière ou du
kinésithérapeute, qu'il est ici fait appel :
"Et si c'était lié au traitement ?"
Quant au patient, son implication peut être résumée par l'acronyme AVEC les professionnels
de la santé qui figure sur le document et l'affiche qui lui sont destinées :
- A comme Accueil : c'est dans une attitude accueillante que médecins et pharmaciens
invitent leurs patients âgés à ouvrir le dialogue à propos de leurs traitements.
- V comme Vigilance : il faut apprendre à être attentif aux changements dans son état de
santé, dans son corps, dans sa vie.
- E comme Ecoute : il n'est pas de vrai dialogue sans patiente et profonde écoute. Les
professionnels s'engagent à ne pas méconnaître tout ce qu'une écoute vraie peut
détecter. Et espèrent que le patient, en retour, saura les écouter.
- C comme Conseils : il s'agit d'une invitation à demander à son médecin ou à son
pharmacien les explications et les conseils qui assureront la pleine efficacité et la
meilleure sécurité du traitement.
Cette invitation au dialogue - "Parlez-en AVEC nous." - est déclinée sur un mode
déculpabilisant :
"Vous avez du mal à comprendre votre ordonnance ? Vous n'être pas le(la) seul(e) !.
Il s'agit de lever les freins, les inhibitions qui limitent trop souvent le questionnement : "Vos
médicaments ? Osez en parler !"
Le document offre également des conseils généraux d'hygiène de vie : boire suffisamment, ne
pas oublier fruits, légumes et laitages dans l'alimentation, conserver une activité physique
raisonnable, faire contrôler vue, audition et état dentaire, entretenir ses facultés intellectuelles et
garder le contact avec les autres, développer la confiance en soi et en l'avenir.
Deux accidents sur trois liés à la iatrogénèse médicamenteuse sont évitables.
Médecins, pharmaciens, infirmières …, tous les professionnels de santé sont concernés,
en ville comme à l'hôpital.
Les malades âgés et leur entourage le sont tout autant.
La vigilance active des professionnels de la santé, des conseils simples à la portée des
malades permettront de limiter la survenue d'effets indésirables induits dans l'utilisation
quotidienne du médicament.
C'est pour cela que Santé en Action mobilise les professionnels afin qu'ils s'engagent et
mobilisent, à leur tour, leurs patients âgés.
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