CAS CLINIQUE
La Lettre du Cardiologue - n° 355 - mai 2002
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OBSERVATION
Il s’agit d’une femme de 44 ans, hospitalisée dans le service de
soins intensifs cardiologiques suite à un arrêt cardio-respiratoire
récupéré.
Son histoire clinique commence en 1999, quand, devant une pre-
mière poussée d’insuffisance cardiaque globale, on diagnostique
une amylose primitive de type AL avec une atteinte exclusive-
ment cardiaque, mise en évidence par la biopsie myocardique. Il
a été réalisé, dans les suites, une autogreffe de moelle (trans-
plantation de cellules souches médullaires) associée à une chi-
miothérapie de conditionnement par alkylants. Ce traitement a
permis une rémission clinique et l’absence de toute manifesta-
tion cardiaque pendant deux ans.
Début 2001, les symptômes d’insuffisance cardiaque récidivent,
traités par diurétiques et vasodilatateurs, avec une tolérance cli-
nique médiocre et la survenue de plusieurs malaises lipothy-
miques. Lors d’une hospitalisation dans le service d’hématolo-
gie survient un collapsus suivi d’un arrêt cardio-respiratoire, traité
par massage cardiaque externe, ventilation assistée et injection
d’adrénaline, avec une récupération complète. La patiente nous
est alors transférée pour poursuite de la prise en charge.
Démarche diagnostique
À l’examen clinique, la patiente est en stade III de la NYHA,
avec des signes d’insuffisance cardiaque globale. Elle pèse 57 kg
pour 1,55 m.
L’ECG montre un rythme sinusal à 100/mn et un microvoltage.
L’échographie cardiaque trouve un épaississement pariétal
concentrique à 15 mm, une dysfonction ventriculaire gauche sys-
tolique avec une fraction d’éjection calculée à 40 % par la
méthode de Simpson, un bas débit mitro-aortique (VTI sous-aor-
tique à 8 cm), un flux mitral de type restrictif, des signes doppler
d’adiastolie [courbe d’insuffisance pulmonaire à trois “têtes”
(figure 1) ou annulation en mésodiastole, temps de demi-décrois-
sance du flux de l’insuffisance pulmonaire raccourci, onde S du
flux veineux hépatique inversée], et enfin une insuffisance tri-
cuspide modérée avec un gradient VD-OD à 20 mmHg.
L’enregistrement holter ECG des 24 heures montre un rythme
sinusal avec de nombreuses extrasystoles auriculaires.
On réalise une exploration électrophysiologique endocavitaire,
afin d’éliminer un trouble du rythme ventriculaire grave. Cette
exploration n’a pas pu déclencher de tachycardie ventriculaire,
mais chaque stimulation ventriculaire à 100/mn, entraînant la
perte de la systole auriculaire, produit un collapsus avec syncope
par bas débit cardiaque.
Le cathétérisme droit confirme le diagnostic d’adiastolie du
cœur droit avec bas débit cardiaque et hypertension artérielle pul-
monaire (débit cardiaque à 1,9 l/mn, index cardiaque à 1,2 l/mn,
pression capillaire pulmonaire à 34 mmHg, pression artérielle
pulmonaire à 50/30/40 mmHg, pression ventriculaire droite à
50/10-30 mmHg avec aspect de dip plateau, pression de
l’oreillette droite à 30 mmHg) (figure 2).
Un arrêt circulatoire récupéré
dans un contexte d’amylose cardiaque
●M. Borentain, M. Laporte, C. Le Feuvre*
*Hôpital Necker, Paris.
Figure 1. Insuffisance pulmonaire en doppler continu : aspect à trois têtes, habi-
tuellement rencontré dans les adiastolies.