VO CABULAIR E >> PA R TAG E S * Vocabu laire O 152 Par Alain Rey, directeur de la rédaction du Robert, Paris n s’accorde à dire que partager, qui d’une distribution, d’un don, d’un transfert vient de partage, mais lui confère volontaire et généreux. Le partage rap- un pouvoir actif, est l’un des plus proche, loin de couper et séparer, comme beaux vocables de la langue française. Et il le fait la division. Ce qui est sans partage est est vrai que les verbes anglais to share et égoïstement détenu, et parfois totalitaire. to divide, l’un un peu bref et amolli, l’autre Seul l’amour mérite d’être sans partage. aussi arithmétique que notre diviser, n’ont ni De notre organisme et de nos organes, la même musique, ni la même ouverture. Le que nous avons en propre et donc sans latin partire, ainsi que l’ancien français partir partage, on peut dire aussi, considérant la au sens de “séparer en parts” – il survit dans solidarité de l’espèce – qui est pour nous, une expression connue, mais fort obscure, bêtes pensantes et parlantes, l’ “ huma- avoir maille à partir – ont donné naissance nité” –, que nous les avons en partage, avec à partage, alors que remplir et blanchir ont tous les caractères communs aux humains. engendré remplissage et blanchissage. L’appartenance humaine est en effet le Avouons qu’un partissage, de même qu’une premier des partages, et lorsqu’un accident partition, qui suivit un autre chemin, n’au- survient, qui rend inopérant tel organe, l’art raient pas la force tranquille et généreuse peut aujourd’hui se substituer à la nature du partage. Car c’est dans la musique et le pour de nouveaux et particuliers partages. rythme que les mots acquièrent ou perdent Partage a deux visages : séparation et divi- leurs vertus. À preuve le remplacement de sion des parts, transfert, distribution, mise ce verbe partir, soit par répartir, soit sous la en commun. C’est, en un brutal résumé, la forme partager, grâce au partage. philosophie de la transplantation qui sauve. En outre, alors que la division et la réparti- Et ce partage du vital entre les hommes, tion se bornent à une opération qui tranche grand paradoxe, peut aller du mort au dans le vif – dira-t-on de manière chirurgi- malade, pour en faire un vivant en santé. cale ? – le partage oriente l’esprit vers l’idée Le partage relève du miracle. * © Le Courrier de la Transplantation 2003;2(3):57. Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 4-5 - juillet-octobre 2013