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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 4-5 - juillet-octobre 2013
VOCABULAIRE
Vocabulaire
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* © Le Courrier de la Transplantation 2003;2(3):57.
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PARTAGES* Par Alain Rey, directeur de la rédaction du Robert, Paris
O
n s’accorde à dire que partager, qui
vient de partage, mais lui confère
un pouvoir actif, est l’un des plus
beaux vocables de la langue française. Et il
est vrai que les verbes anglais to share et
to divide, l’un un peu bref et amolli, l’autre
aussi arithmétique que notre diviser, n’ont ni
la même musique, ni la même ouverture. Le
latin partire, ainsi que l’ancien français partir
au sens de “séparer en parts” – il survit dans
une expression connue, mais fort obscure,
avoir maille à partir – ont donné naissance
à partage, alors que remplir et blanchir ont
engendré remplissage et blanchissage.
Avouons qu’un partissage, de même qu’une
partition, qui suivit un autre chemin, n’au-
raient pas la force tranquille et généreuse
du partage. Car c’est dans la musique et le
rythme que les mots acquièrent ou perdent
leurs vertus. À preuve le remplacement de
ce verbe partir, soit par répartir, soit sous la
forme partager, grâce au partage.
En outre, alors que la division et la réparti-
tion se bornent à une opération qui tranche
dans le vif – dira-t-on de manière chirurgi-
cale ? – le partage oriente l’esprit vers l’idée
d’une distribution, d’un don, d’un transfert
volontaire et généreux. Le partage rap-
proche, loin de couper et séparer, comme
le fait la division. Ce qui est sans partage est
égoïstement détenu, et parfois totalitaire.
Seul l’amour mérite d’être sans partage.
De notre organisme et de nos organes,
que nous avons en propre et donc sans
partage, on peut dire aussi, considérant la
solidarité de l’espèce – qui est pour nous,
bêtes pensantes et parlantes, l’ “huma-
nité” –, que nous les avons en partage, avec
tous les caractères communs aux humains.
L’appartenance humaine est en effet le
premier des partages, et lorsqu’un accident
survient, qui rend inopérant tel organe, l’art
peut aujourd’hui se substituer à la nature
pour de nouveaux et particuliers partages.
Partage a deux visages : séparation et divi-
sion des parts, transfert, distribution, mise
en commun. C’est, en un brutal résumé, la
philosophie de la transplantation qui sauve.
Et ce partage du vital entre les hommes,
grand paradoxe, peut aller du mort au
malade, pour en faire un vivant en santé.
Le partage relève du miracle.