CHAPITRE 2 Plus grand diviseur commun et applications I) PGCD de deux entiers A) Première approche Théorème 1 : (et définition) Soient 𝑎 et 𝑏 deux nombres entiers tels que l’un des deux au moins est non nul. L’ensemble des diviseurs communs à 𝑎 et à 𝑏 admet un plus grand élément 𝑑. On l’appelle le PGCD de 𝑎 et 𝑏 et on note 𝑑 = pgcd (𝑎, 𝑏) ou encore 𝑑 = 𝑎 ∧ 𝑏. Preuve : Si une partie non vide et minorée de ℤ admet un plus petit élément, une partie non vide et majorée de ℤ admet un plus grand élément. L’ensemble des diviseurs communs à 𝑎 et 𝑏 est bien une partie non vide de ℤ car elle contient 1, et elle est aussi majorée car ses éléments sont nécessairement inférieurs à 𝑎 (et à 𝑏). Donc elle admet un plus grand élément, que l’on note 𝑑. Exemple : Les diviseurs positifs communs à 132 et 44 sont obtenus en croisant les deux listes de diviseurs. Pour 132 : 1, 2, 3, 4, 6, 11, 12, 22, 33, 44, 66 et 132. Pour 44 : 1, 2, 4, 11 et 44. Communs : 1, 2, 4, 11 et 44. Donc pgcd (132, 44) = 44. Remarque : ⋄ Puisque l’ensemble des diviseurs communs à 𝑎 et 𝑏 contient au moins 1, leur PGCD est nécessairement supérieur (ou égal) à 1. C’est un élément de ℕ∗ . ⋄ Soit 𝑎 ∈ ℤ∗ . Puisque tous les nombres entiers sont diviseurs de 0, les diviseurs communs à 0 et 𝑎 sont les diviseurs de 𝑎, et le plus grand diviseur commun est alors |𝑎|. On a donc pour tout entier non nul 𝑎, pgcd (𝑎, 0) = |𝑎|. Pour ce qui est de l’éventuel PGCD de 0 et 0, il n’existe pas car 0 admet l’ensemble des entiers pour diviseurs et ce n’est pas une partie bornée. Proposition 1 : Pour tout entiers 𝑎 et 𝑏 non simultanément nuls, pgcd (𝑎, 𝑏) = pgcd (𝑏, 𝑎), pgcd (𝑎, 𝑏) = pgcd (|𝑎|, |𝑏|), et si 𝑎 et 𝑏 sont non nuls et 𝑏 ∣ 𝑎, alors pgcd (𝑎, 𝑏) = |𝑏|. Preuve : 1) Les diviseurs communs à 𝑎 et 𝑏 sont évidemment les diviseurs communs à 𝑏 et 𝑎 d’où l’égalité. 2) Les diviseurs de 𝑎 sont les diviseurs de |𝑎|, et de même pour 𝑏. 3) Si 𝑏 ∣ 𝑎, puisque 𝑏 ∣ 𝑏, 𝑏 fait partie des diviseurs communs à 𝑎 et 𝑏 qui sont tous inférieurs à 𝑏 et donc 𝑏 = pgcd (𝑎, 𝑏). Remarque : Le fait que le PGCD de deux entiers soit égal au pgcd de leurs valeurs absolues nous amène, pour simplifier les choses, à effectuer des calculs de PGCD entre nombres entiers naturels. 12 Chapitre 2 : Plus grand diviseur commun et applications B) Algorithme d’Euclide Proposition 2 : Soit 𝑎, 𝑏, 𝑞 et 𝑟 des entiers avec 𝑎 et 𝑏 non simultanément nuls et tels que 𝑎 = 𝑏𝑞+𝑟. Alors les diviseurs communs à 𝑎 et 𝑏 sont les diviseurs communs à 𝑏 et 𝑟 et en particulier, pgcd (𝑎, 𝑏) = pgcd (𝑏, 𝑟). Preuve : Soit 𝑛 un diviseur de 𝑎 et 𝑏, puisque 𝑎 = 𝑏𝑞 + 𝑟, 𝑟 = 𝑎 − 𝑏𝑞 est une combinaison linéaire de 𝑎 et 𝑏 et donc 𝑛|𝑟. Réciproquement, si 𝑛 divise 𝑏 et 𝑟, 𝑛 divise 𝑏𝑞 + 𝑟, c’est à dire 𝑎. Puisque les deux ensembles de diviseurs sont les mêmes, leur plus grand élément est aussi le même et pgcd (𝑎, 𝑏) = pgcd (𝑏, 𝑟). Algorithme : (d’Euclide) Soient 𝑎 et 𝑏 deux entiers naturels non simultanément nuls. On définit un ensemble de couples (𝑞𝑛 , 𝑟𝑛 ) en effectuant les divisions euclidiennes successives : de 𝑎 par 𝑏 : 𝑎 = 𝑏𝑞1 + 𝑟1 , 0 ≤ 𝑟1 < 𝑏 et si 𝑟1 ≠ 0 on continue, sinon on pose 𝑟0 = 𝑏 et on s’arrête ; de 𝑏 par 𝑟1 : 𝑏 = 𝑟1 𝑞2 + 𝑟2 , 0 ≤ 𝑟2 < 𝑟1 et si 𝑟2 ≠ 0 on continue, sinon on s’arrête ; de 𝑟1 par 𝑟2 : 𝑟1 = 𝑟2 𝑞3 + 𝑟3 , 0 ≤ 𝑟3 < 𝑟2 et si 𝑟3 ≠ 0 on continue, sinon on s’arrête ; Hérédité : Soit 𝑛 ∈ ℕ∗ , 𝑞𝑛+1 et 𝑟𝑛+1 sont le quotient et le reste dans la division euclidienne de 𝑟𝑛−1 par 𝑟𝑛 si 𝑟𝑛+1 ≠ 0 on continue, sinon on s’arrête. Si l’on s’arrête, on note le dernier reste non nul. Théorème 2 : (Détermination pratique du PGCD) Soient 𝑎 et 𝑏 deux entiers naturels non simultanément nuls. L’algorithme d’Euclide associé à 𝑎 et 𝑏 est fini et le PGCD de 𝑎 et de 𝑏 est le dernier reste non nul. Preuve : En définissant la séquence (𝑟𝑛 ), on observe que les termes sont classés en ordre décroissant strict à cause de la propriété du reste de la division euclidienne. Or entre 0 et 𝑟0 , il y a au plus 𝑟0 + 1 entiers, ce qui signifie qu’en descendant d’une unité à chaque étape (la plus petite descente pour une séquence décroissante), il y a au plus 𝑟0 + 1 termes distincts et la suite (𝑟𝑛 ) est finie1 et le dernier terme est nécessairement 0. Si 𝑟1 = 0, 𝑎 = 𝑏𝑞0 donc 𝑏 ∣ 𝑎 et pgcd (𝑎, 𝑏) = 𝑏 = 𝑟0 . Si 𝑟1 ≠ 0, d’après la propriété précédente en notant 𝑟𝑛 le dernier reste non nul, pgcd (𝑎, 𝑏) = pgcd (𝑏, 𝑟1 ) = ⋯ = pgcd (𝑟𝑛−1 , 𝑟𝑛 ) = pgcd (𝑟𝑛 , 0) = 𝑟𝑛 . Le PGCD de 𝑎 et 𝑏 est donc bien le dernier reste non nul. Remarque : On peut écrire l’algorithme sous la forme d’une fonction de deux variables en utilisant la récurrence (boucle tant que). 1 2 3 4 5 6 7 fonction pgcd(a,b) tant que b != 0 a <- b; b <- a%b; fin tant que retourner a; fin Exercice 1 : Déterminer le PGCD de 89 et 55. 1. Une suite finie est une fonction définie sur une partie finie de ℕ. © S. Der Monsessian - dermon.fr 13 I) PGCD de deux entiers Solution : On utilise l’algorithme d’Euclide en posant les divisions euclidiennes successives suivantes. 89 = 55 × 1 + 34 ; 55 = 34 × 1 + 21 ; 34 = 21 × 1 + 13 ; 21 = 13 × 1 + 8 ; 13 = 8 × 1 + 5 ; 8 = 5 × 1 + 3 ; 5 = 3 × 1 + 2 ; 3 = 2 × 1 + 1 ; 2 = 2 × 1 + 0. Le dernier reste non nul étant 1, pgcd (89, 55) = 1. Exercice 2 : On rappelle que la suite de Fibonacci, notée (F𝑛 ) est définie par récurrence par F0 = F1 = 1, et pour tout entier naturel 𝑛, F𝑛+2 = F𝑛+1 + F𝑛 . 1) Calculer le PGCD de F10 et F11 . 2) Montrer que le PGCD de deux termes consécutifs de la suite de Fibonacci est toujours 1. Solution : Commençons par déterminer les premiers termes de la suite. Chaque terme étant obtenu en faisant la somme des deux termes qui le précèdent, F2 = F1 + F0 = 1 + 1 = 2, F3 = F2 + F1 = 2+1=3 … 𝑛 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 F𝑛 1 1 2 3 5 8 13 21 34 55 89 144 Tab. 2.1 : Les onze premiers termes de la suite de Fibonacci 1) D’après la formule de récurrence, F11 = F10 × 1 + F9 , et puisque 0 ≤ F9 < F10 , cette égalité est en fait une division euclidienne et le reste est F9 . D’après la propriété du PGCD, pgcd (F11 , F10 ) = pgcd (F10 , F9 ) = pgcd (89, 55). Mais ce PGCD vaut 1 d’après l’exercice précédent et donc pgcd (F11 , F10 ) = 1. 2) Constatons pour commencer que puisque F0 = 1 et F1 = 1, pgcd (F1 , F0 ) = 1. La définition de la suite de Fibonacci implique que tous ses termes soient naturels et non nuls. Une récurrence double le confirme : Initialisation : F0 = 1 ∈ ℕ∗ et F1 = F0 . Hérédité : Soit 𝑛 ∈ ℕ, supposons que F𝑛 ∈ ℕ∗ et F𝑛+1 ∈ ℕ∗ . Puisque F𝑛+2 = F𝑛+1 + F𝑛 , on a bien F𝑛+2 ∈ ℕ∗ . Ceci nous permet d’affirmer que les termes de la suite de Fibonacci sont rangés en ordre croissant strict à partir du rang 1. En effet, pour tout entier naturel 𝑛, F𝑛+2 = F𝑛+1 + F𝑛 > F𝑛+1 car F𝑛 > 0. Grâce à cela, nous pouvons dire que pour tout entier naturel 𝑛 ≥ 1, l’égalité de récurrence est en réalité une égalité de division euclidienne : F𝑛+2 = F𝑛+1 × 1 + F𝑛 avec 0 < F𝑛 < F𝑛+1 . Ceci garantit le fait qu’en partant d’un entier naturel 𝑛 ≥ 1, toutes les égalités de la division euclidienne de F𝑛+1 par F𝑛 (F𝑛+1 = F𝑛 + F𝑛−1 ) à la division euclidienne de F2 par F1 constituent les étapes de l’algorithme d’Euclide associé à F𝑛+1 et F𝑛 . En conclusion, pour tout entier 𝑛 ≥ 1, pgcd (F𝑛+1 , F𝑛 ) = pgcd (F2 , F1 ) = 1. © S. Der Monsessian - dermon.fr 14 Chapitre 2 : Plus grand diviseur commun et applications C) Résultats pratiques Théorème 3 : (Caractérisation du PGCD) Soient 𝑎 et 𝑏 deux entiers naturels dont l’un des deux au moins est non nul et soit 𝑑 leur PGCD. Alors pour tout entier relatif 𝑛, 𝑛 ∣ 𝑎 et 𝑛 ∣ 𝑏 si et seulement si 𝑛 ∣ 𝑑, et de plus, 𝑑 est le seul élément de ℕ∗ qui vérifie cette équivalence. Preuve : On note 𝑟0 , … , 𝑟𝑛 les restes successifs (avec 𝑟𝑛 = 𝑑 = pgcd (𝑎, 𝑏)) lors de l’algorithme d’Euclide appliqué à 𝑎 et 𝑏. D’après la propriété 2, et par récurrence, les diviseurs communs à 𝑎 et 𝑏 sont aussi les diviseurs communs à 𝑏 et 𝑟0 , à 𝑟0 et 𝑟1 , …, à 𝑟𝑛 et 0. Or 𝑟𝑛 = 𝑑, et on a donc directement que les diviseurs communs à 𝑎 et 𝑏 sont les diviseurs de 𝑑. Donc on a bien l’équivalence : ∀𝑛 ∈ ℤ, 𝑛 ∣ 𝑎 et 𝑛 ∣ 𝑏 ⇔ 𝑛 ∣ 𝑑. Supposons maintenant que cette équivalence soit aussi vraie pour un entier naturel non nul δ : ∀𝑛 ∈ ℤ, 𝑛 ∣ 𝑎 et 𝑛 ∣ 𝑏 ⇔ 𝑛 ∣ δ. Puisque δ ∣ δ, l’implication réciproque donne δ ∣ 𝑎 et δ ∣ 𝑏. Mais alors on a δ ∣ 𝑑. En appliquant le même raisonnement à 𝑑, on a 𝑑 ∣ 𝑎 et 𝑑 ∣ 𝑏 donc 𝑑 ∣ δ. Or 𝑑 ∣ δ et δ ∣ 𝑑 ne peuvent être toutes les deux vraies que si δ = 𝑑. Conséquence 1 : (Factorisation du PGCD) Soient 𝑎, 𝑏 et 𝑘 trois entiers naturels non nuls. Alors pgcd (𝑘𝑎, 𝑘𝑏) = 𝑘 pgcd (𝑎, 𝑏). Preuve : Soit 𝑑 = pgcd (𝑎, 𝑏), puisque 𝑑 ∣ 𝑎 et 𝑑 ∣ 𝑏, 𝑘𝑑 ∣ 𝑎 et 𝑘𝑑 ∣ 𝑏 donc 𝑘𝑑 ∣ pgcd (𝑘𝑎, 𝑘𝑏) d’après la caractérisation du PGCD. Donc il existe un entier λ tel que pgcd (𝑘𝑎, 𝑘𝑏) = λ(𝑘𝑑) = 𝑘(λ𝑑). Mais pgcd (𝑘𝑎, 𝑘𝑏) ∣ 𝑘𝑎 et pgcd (𝑘𝑎, 𝑘𝑏) ∣ 𝑘𝑏, ce qui se réécrit 𝑘(λ𝑑) ∣ 𝑘𝑎 et 𝑘(λ𝑑) ∣ 𝑘𝑏. Mais puisque 𝑘 est non nul, on a encore λ𝑑 ∣ 𝑎 et λ𝑑 ∣ 𝑏, ce qui implique λ𝑑 ∣ 𝑑, et donc λ = 1. Ceci permet donc d’affirmer que pgcd (𝑘𝑎, 𝑘𝑏) = 𝑘 pgcd (𝑎, 𝑏). Exemple : Calculons efficacement le PGCD de 136 et 92. On remarque que ce sont des multiples de 4 : 136 = 4 × 34 et 92 = 4 × 23. Donc pgcd (136, 92) = 4 pgcd (34, 23). On applique l’algorithme d’Euclide à 34 et 23 : 34 = 23 × 1 + 11 ; 23 = 11 × 2 + 1, 11 = 1 × 11 + 0. Le dernier reste est 1, donc pgcd (34, 23) = 1 et pgcd (136, 92) = 4 × 1 = 4. II) Théorèmes de Bézout et de Gauss A) Coefficients de Bézout Théorème 4 : (et définition) Soient 𝑎 et 𝑏 deux entiers relatifs non nuls et soit 𝑑 leur PGCD. Il existe un couple d’entiers relatifs (𝑢, 𝑣) tel que 𝑎𝑢 + 𝑏𝑣 = 𝑑. Un tel couple est appelé coefficients de Bézout associés à 𝑎 et 𝑏. © S. Der Monsessian - dermon.fr 15 II) Théorèmes de Bézout et de Gauss Preuve : Considérons la partie D constituée de l’ensemble des entiers naturels non nuls qui peuvent s’écrire sous la forme 𝑎𝑢 + 𝑏𝑣 où 𝑢 et 𝑣 sont entiers relatifs. C’est une partie non vide de ℕ car elle contient |𝑎| (si 𝑎 < 0, on a |𝑎| = −1 × 𝑎 + 0 × 𝑏 et sinon, |𝑎| = 𝑎 = 1 × 𝑎 + 0 × 𝑏). Donc elle admet un plus petit élément, δ. Montrons alors que δ = 𝑑 pour conclure. Puisque 𝑑 divise 𝑎 et 𝑏, il divise toute combinaison linéaire de 𝑎 et 𝑏. Mais δ ∈ D et s’écrit bien sous la forme d’une combinaison linéaire de 𝑎 et 𝑏. Donc 𝑑 ∣ δ. Écrivons la division euclidienne de 𝑎 par δ. Il existe deux entiers 𝑞 et 𝑟 tels que 𝑎 = δ𝑞 +𝑟 et 0 ≤ 𝑟 < δ. Mais alors 𝑟 = 𝑎 − δ𝑞 est une combinaison linéaire de 𝑎 et 𝑏, autrement dit, 𝑟 ∈ D. Mais δ est le plus petit élément non nul de D, et ceci implique donc que 𝑟 = 0, et donc δ ∣ 𝑎. En appliquant le même raisonnement à 𝑏, on obtient δ ∣ 𝑏. De ce fait, δ divisant 𝑎 et 𝑏 divise aussi leur PGCD d’après la caractérisation, donc en symboles, δ ∣ 𝑑. En conclusion, on a bien 𝑑 = δ et le théorème est démontré. Remarque : La démonstration de ce théorème peut aussi s’interpréter de la façon suivante. L’ensemble des combinaisons linéaires de 𝑎 et de 𝑏 est l’ensemble des multiples de leur PGCD. On écrit cela en symboles sous la forme 𝑎ℤ + 𝑏ℤ = 𝑑ℤ. Exemple : En reprenant l’exemple précédent, pgcd (136, 92) = 4, donc toute combinaison linéaire de 136 et 92 est multiple de 4, et même mieux, tout multiple de 4 s’écrit comme une combinaison linéaire de 136 et de 92. Remarque : (algorithme d’Euclide étendu) Le résultat précédent est encore un théorème d’existence. Si on sait que l’on peut trouver un couple (𝑢, 𝑣) qui vérifie l’égalité 𝑎𝑢 + 𝑏𝑣 = 𝑑, on ne sait pas si c’est le seul (on verra que la réponse est non) et on n’a pas de méthode permettant de le calculer. C’est le but de l’algorithme d’Euclide étendu. Exemple : On va chercher un couple d’entiers relatifs (𝑢, 𝑣) tels que 68𝑢−14𝑣 = 𝑑 où 𝑑 = pgcd (68, 14). On commence par appliquer l’algorithme d’Euclide classique. 68 = 14 × 4 + 12 14 = 12 × 1 + 2 12 = 2 × 6 + 0 Donc 𝑑 = 2. Isolons le reste dans la première puis dans la deuxième égalité : 12 = 68 − 14 × 4 [2.1] 2 = 14 − 12 × 1 [2.2] On remplace alors dans [2.2] le coefficient 12 par sa valeur déduite de [2.1] et on fait apparaître 68 et 14 en facteur. 2 = 14 − 12 × 1 ⇔ 2 = 14 − (68 − 14 × 4) ⇔ 2 = −1 × 68 + 5 × 14 En conclusion, il suffit de choisir 𝑢 = −1 et 𝑣 = 5 pour vérifier l’égalité. Cette démarche d’isoler les restes puis de substituer de proche en proche s’appelle l’algorithme d’Euclide étendu. © S. Der Monsessian - dermon.fr 16 Chapitre 2 : Plus grand diviseur commun et applications Exercice 3 : Déterminer un couple (𝑥, 𝑦) d’entiers relatifs tels que 70𝑥 + 44𝑦 = 2. Solution : Notons pour commencer que puisque 70, 44 et 2 sont pairs, on obtient une équation équivalente en simplifiant les deux membres par 2, donc ∀𝑥, 𝑦 ∈ ℤ, 70𝑥 + 44𝑦 = 2 ⇔ 35𝑥 + 22𝑦 = 1. On applique l’algorithme d’Euclide à 35 et 22 : 35 = 22 × 1 + 13 22 = 13 × 1 + 9 13 = 9 × 1 + 4 9=4×2+1 4=1×4+0 On remarque que le PGCD de 35 et 22 est 1 qui est justement le second membre de l’équation donc d’après le théorème de Bézout, il existe bien des solutions à l’équation. Déterminons-en une à l’aide de l’algorithme d’Euclide étendu : On isole les restes successifs : 1=9−4×2 4 = 13 − 9 9 = 22 − 13 13 = 35 − 22 Puis on substitue de proche en proche : 1 = 9 − (13 − 9) × 2 1 = 9 × 3 − 13 × 2 1 = (22 − 13) × 3 − 13 × 2 1 = 22 × 3 − 13 × 5 1 = 22 × 3 − (35 − 22) × 5 1 = −5 × 35 + 8 × 22 La dernière ligne nous donne le couple (−5, 8) comme solution de l’équation. © S. Der Monsessian - dermon.fr 17 II) Théorèmes de Bézout et de Gauss B) Entiers premiers entre eux, théorème de Bézout Définition 1 : Deux nombres entiers sont dits premiers entre eux si leur PGCD est 1. Proposition 3 : Deux entiers sont premiers entre eux si et seulement si leurs seuls diviseurs communs sont 1 et −1. Preuve : Dans le sens direct, si le PGCD de 𝑎 et 𝑏 est 1, tout diviseur de 𝑎 et 𝑏 étant diviseur de leur PGCD, il doit diviser 1 et il est donc égal à −1 ou à 1. Dans le sens réciproque, le plus grand diviseur commun est le plus grand nombre dans la liste, et c’est donc 1. Théorème 5 : (de Bézout) Deux nombres entiers 𝑎 et 𝑏 sont premiers entre eux si et seulement s’il existe un couple d’entiers relatifs (𝑢, 𝑣) tels que 𝑎𝑢 + 𝑏𝑣 = 1. Preuve : Le sens direct est fourni par le théorème 4. Considérons le sens réciproque. Il existe deux entiers relatifs tels que 𝑎𝑢 + 𝑏𝑣 = 1. On sait que tout diviseur commun à 𝑎 et 𝑏 doit aussi diviser toute combinaison linéaire de 𝑎 et 𝑏 et donc en particulier 𝑎𝑢 + 𝑏𝑣 qui vaut 1. Or les seuls diviseurs de 1 sont −1 et 1, ce qui implique que 𝑎 et 𝑏 soient premiers entre eux. Proposition 4 : Soient 𝑎 et 𝑏 deux entiers et soir 𝑑 leur PGCD. Alors il existe deux entiers 𝑎′ et 𝑏′ premiers entre eux tels que 𝑎 = 𝑎′ 𝑑, 𝑏 = 𝑏′ 𝑑. Preuve : Le PGCD de 𝑎 et 𝑏 divise 𝑎 et 𝑏 donc il existe deux entiers 𝑎′ et 𝑏′ vérifiant la condition pgcd (𝑎′ 𝑑, 𝑏′ 𝑑) = pgcd (𝑎, 𝑏) = 𝑑. Or pgcd (𝑎′ 𝑑, 𝑏′ 𝑑) = 𝑑 pgcd (𝑎′ , 𝑏′ ) et donc 𝑎′ ∧ 𝑏′ = 1. Proposition 5 : Soient 𝑎, 𝑏 et 𝑐 trois entiers relatifs. pgcd (𝑎, 𝑏) = 1 et pgcd (𝑎, 𝑐) = 1 ⇔ pgcd (𝑎, 𝑏𝑐) = 1. Preuve : 𝑎 et 𝑏 sont premiers entre eux si et seulement s’il existe 𝑢1 et 𝑣1 entiers relatifs tels que 𝑎𝑢1 + 𝑏𝑣1 = 1. Et de même pour 𝑐, il existe 𝑢2 , 𝑣2 ∈ ℤ tels que 𝑎𝑢2 + 𝑐𝑣2 = 1. On multiplie alors les deux égalités pour obtenir : (𝑎𝑢1 + 𝑏𝑣1 )(𝑎𝑢2 + 𝑐𝑣2 ) = 1 ⇔ 𝑎(𝑎𝑢1 𝑢2 + 𝑐𝑢1 𝑣2 + 𝑏𝑣1 𝑢2 ) + 𝑏𝑐(𝑣1 𝑣2 ) = 1 En notant U = 𝑎𝑢1 𝑢2 + 𝑐𝑢1 𝑣2 + 𝑏𝑣1 𝑢2 et V = 𝑣1 𝑣2 , on a une égalité de Bézout qui est équivalente au fait que 𝑎 et 𝑏𝑐 soient premiers entre eux. Conséquence 2 : Si deux entiers sont premiers entre eux, toute puissance de l’un est premier avec toute puissance de l’autre. Preuve : Soient 𝑎 et 𝑏 deux entiers premiers entre eux, et soient 𝑚 et 𝑛 deux entiers naturels non nuls. Première étape : 𝑎 est premier avec 𝑏, donc aussi avec 𝑏2 , 𝑏2 × 𝑏 = 𝑏3 , … et par récurrence (finie), 𝑎 est premier avec 𝑏𝑛 . © S. Der Monsessian - dermon.fr 18 Chapitre 2 : Plus grand diviseur commun et applications Deuxième étape : 𝑏𝑛 est premier avec 𝑎, donc aussi avec 𝑎2 , … et donc par récurrence avec 𝑎𝑚 . En conclusion, on a bien pgcd (𝑎𝑚 , 𝑏𝑛 ) = 1. C) Théorème de Gauss Théorème 6 : (de Gauss) Soient 𝑎, 𝑏 et 𝑐 trois entiers relatifs. Si 𝑎 divise le produit 𝑏𝑐 et si 𝑎 et 𝑏 sont premiers entre eux, alors 𝑎 divise 𝑐. Preuve : Si 𝑎 et 𝑏 sont premiers entre eux, il existe deux entiers 𝑢 et 𝑣 tels que 𝑎𝑢 + 𝑏𝑣 = 1, ce qui est équivalent, en multipliant par 𝑐 que 𝑎(𝑐𝑢) + (𝑏𝑐)𝑣 = 𝑐. Donc si 𝑎 divise le produit 𝑏𝑐, 𝑎 divise aussi (𝑏𝑐𝑣) et puisqu’il divise évidemment 𝑎𝑐𝑢, il divise la somme qui vaut 𝑐. Conséquence 3 : Soient 𝑎, 𝑏 et 𝑐 trois entiers non nuls. Si 𝑏 ∣ 𝑎 et 𝑐 ∣ 𝑎 et si pgcd (𝑏, 𝑐) = 1, alors (𝑏𝑐) ∣ 𝑎. Preuve : Puisque 𝑐 divise 𝑎, il existe un entiers 𝑘 tel que 𝑎 = 𝑘𝑐. Mais 𝑏 divise aussi 𝑎 donc 𝑏 ∣ (𝑘𝑐) et puisque pgcd (𝑏, 𝑐) = 1, d’après le théorème de Gauss, on a 𝑏 ∣ 𝑘. Autrement dit il existe un entier 𝑙 tel que 𝑘 = 𝑙𝑏 et donc 𝑎 = 𝑙(𝑏𝑐) d’où (𝑏𝑐) ∣ 𝑎. III) Applications du cours A) Équation diophantienne linéaire à deux inconnues Définition 2 : Une équation diophantienne linéaire à deux inconnues est une équation d’inconnues 𝑥 et 𝑦 entières pour laquelle il existe trois entiers 𝑎, 𝑏 et 𝑐 tels que 𝑎𝑥 + 𝑏𝑦 = 𝑐. Théorème 7 : (Existence de solutions) Soient 𝑎, 𝑏 et 𝑐 trois nombres entiers tels que 𝑎 et 𝑏 ne soient pas simultanément nuls. L’équation diophantienne 𝑎𝑥 + 𝑏𝑦 = 𝑐 n’admet des solutions que si 𝑐 est multiple du PGCD de 𝑎 et 𝑏. Preuve : D’après la démonstration du théorème 4, toute combinaison linéaire de 𝑎 et 𝑏 est multiple de son PGCD. Méthode : Résolvons l’équation diophantienne (E) ∶ 𝑎𝑥 + 𝑏𝑦 = 𝑐. On note 𝑑 = pgcd (𝑎, 𝑏). 1) On contrôle que le second membre 𝑐 est bien multiple de 𝑑. Si c’est le cas, on divise les deux membres de l’équation par 𝑑 pour obtenir 𝑎′ 𝑥 + 𝑏′ 𝑦 = 𝑐′ où 𝑎 = 𝑎′ 𝑑, 𝑏 = 𝑏′ 𝑑 et 𝑐 = 𝑐′ 𝑑. 2) On utilise ensuite l’algorithme d’Euclide étendu pour trouver deux entiers 𝑢 et 𝑣 tels que 𝑎′ 𝑢 + 𝑏′ 𝑣 = 1 (la recherche n’est pas vaine d’après le théorème de Bézout). 3) En multipliant les deux membres par 𝑐, 𝑎′ (𝑐𝑢) + 𝑏′ (𝑐𝑣) = 𝑐 et en posant 𝑥0 = 𝑐𝑢 et 𝑦0 = 𝑐𝑣, on obtient une solution particulière de (E). 4) On soustrait l’égalité particulière à l’égalité générale membre à membre pour obtenir : 𝑎′ (𝑥 − 𝑥0 ) + 𝑏′ (𝑦 − 𝑦0 ) = 0, ou encore 𝑎′ (𝑥 − 𝑥0 ) = 𝑏′ (𝑦0 − 𝑦). © S. Der Monsessian - dermon.fr 19 III) Applications du cours 5) 𝑎′ divise le produit 𝑏′ (𝑦0 − 𝑦) tout en étant premier avec 𝑏′ donc d’après le théorème de Gauss, 𝑎′ divise 𝑦0 − 𝑦 et il existe un entier λ tel que 𝑦0 − 𝑦 = λ𝑎′ , ou encore, 𝑦 = 𝑦0 − λ𝑎′ . 6) En remplaçant 𝑦 − 𝑦0 par sa valeur en fonction de 𝑎′ dans l’égalité 𝑎′ (𝑥 − 𝑥0 ) = 𝑏′ (𝑦 − 𝑦0 ) puis en simplifiant par 𝑎′ , il vient 𝑥 − 𝑥0 = λ𝑏′ , ce qui équivaut à 𝑥 = 𝑥0 + λ𝑏′ . Exercice 4 : Résoudre dans ℤ l’équation (E) ∶ 336𝑥 + 210𝑦 = 294. Solution : Déterminons par l’algorithme d’Euclide le PGCD de 336 et 210. 336 = 210 × 1 + 126 210 = 126 × 1 + 84 126 = 84 × 1 + 42 84 = 42 × 2 + 0 Puisque 294 = 42 × 7, l’équation admet (E) admet des solutions. On divise les deux membres par 42 et un couple d’entiers (𝑥, 𝑦) est solution de (E) s’il est solution de (E′ ) ∶ 8𝑥 + 5𝑦 = 7. On détermine alors un couple d’entiers solutions de (E′ ) par l’algorithme d’Euclide étendu. Puisque 8 = 5 × 1 + 3, 5 = 3 × 1 + 2, 3 = 2 × 1 + 1 et 2 = 2 × 1 + 0, 1=3−2 1 = 3 − (5 − 3) = 3 × 2 − 5 1 = (8 − 5) × 2 − 5 = 8 × 2 + 5 × (−3) On en déduit que 1 × 7 = 8 × (2 × 7) + 5 × (−3 × 7), ou encore 7 = 8 × 14 + 5 × (−21). Une solution particulière de (E) est donc (𝑥0 , 𝑦0 ) = (14, −21). Soit (𝑥, 𝑦) un couple d’entiers relatifs. (𝑥, 𝑦) est solution de (E) si et seulement si 8𝑥+5𝑦 = 7. Puisque 8 × 14 + 5 × (−21) = 7, en soustrayant membres à membres, on obtient que (𝑥, 𝑦) est solution si et seulement si 8(𝑥 − 14) + 5(𝑦 + 21) = 0, ou encore 8(𝑥 − 14) = 5(−21 − 𝑦). 8 et 5 sont premiers entre eux, donc d’après le théorème de Gauss, 8 divise −21 − 𝑦, et même 𝑦 + 21 (pour simplifier les signes) et il existe un entier λ tel que 𝑦 + 21 = 8λ, ou encore 𝑦 = −21 + 8λ. En substituant dans l’égalité précédente, on obtient 8(𝑥 − 14) = 5(−8λ), ou encore en simplifiant par 8, 𝑥 − 14 = −5λ et 𝑥 = 14 − 5λ. Réciproquement, s’il existe un entier λ tel que 𝑥 = 14 − 5λ et 𝑦 = −21 + 8λ, 336𝑥 + 210𝑦 = 336(14 − 5λ) + 210(−21 + 8λ) = 4704 − 1680λ − 4410 + 1680λ = 294 Et le couple (𝑥, 𝑦) est bien solution de l’équation. En conclusion, les solutions de (E) sont les couples (𝑥, 𝑦) pour lesquels il existe un entier λ tel que 𝑥 = 14 − 5λ et 𝑦 = −21 + 8λ. © S. Der Monsessian - dermon.fr 20 Chapitre 2 : Plus grand diviseur commun et applications B) Applications à la cryptographie : exemples de chiffrements La cryptographie est une science ayant pour objet la protection de messages afin qu’ils ne soient compréhensibles que par l’émetteur et le récepteur. C’est l’un des principaux domaines d’application des mathématiques et l’arithmétique joue un rôle clé. Nous allons voir quelques exemples de chiffrement, c’est à dire de transformation d’un message en code secret. Nous en profiterons pour pointer du doigt les faiblesses de ces méthodes. Dans chacun des exemples suivants, nous allons utiliser pour exemple la phrase « JAIME LES MATHEMATIQUES ». On utilise donc uniquement les 26 lettres de l’alphabet en majuscule, sans symbole ni ponctuation. Les lettres seront codées par des nombres allant de 0 à 25, indiquant la position de la lettre dans l’ordre alphabétique : 0 pour A, 2 pour B, …, 25 pour Z. Notre exemple se code donc en : 9 − 0 − 8 − 12 − 4 − 11 − 4 − 18 − 12 − 0 − 19 − 7 − 4 − 12 − 0 − 19 − 8 − 16 − 20 − 4 − 18 1) Chiffrement de César Utilisé durant l’antiquité par le général romain, le chiffre de César commence par le choix d’un nombre entier 𝑐 ∈ ⟦0, 25⟧ appelé la clé. Si 𝑥 ∈ ⟦0, 25⟧ est le code d’une lettre, on note 𝑓𝑐 (𝑥) l’entier de ⟦0, 25⟧ congru à 𝑥 + 𝑐 modulo 26. On construit donc, ce faisant, une fonction 𝑓𝑐 ∶ ⟦0, 25⟧ → ⟦0, 25⟧. Une fois calculé pour chacune des lettres l’image par 𝑓𝑐 , on convertit le nombre obtenu en lettre en utilisant le même procédé que précédemment. Pour reprendre notre exemple avec par exemple 𝑐 = 3, la suite de lettres est cette fois : 12 − 3 − 11 − 15 − 7 − 14 − 7 − 21 − 15 − 3 − 22 − 10 − 7 − 15 − 3 − 22 − 11 − 19 − 23 − 7 − 21. Et le texte codé devient : « MDLPHOHVPDWKHPDWLTXHV » et en rajoutant des espaces pour tromper l’ennemi : « MDLP HOHVP DWKHP DWL TXHV ». Pour déchiffrer le message, le récepteur, qui connaît la clé, fait le décalage en sens inverse en utilisant la fonction 𝑓26−𝑐 , dans notre cas 𝑓23 . La grande faiblesse de ce chiffrement est qu’il ne résiste pas à l’analyse de fréquence. Autrement dit, si l’on sait mesurer la fréquence d’apparition d’une lettre donnée dans un texte long de la langue supposée du message (un roman par exemple), on peut utiliser ces données pour déchiffrer. On sait par exemple qu’en français, les lettres les plus fréquemment utilisées sont dans l’ordre e, a, s puis i. Dans notre cas, la lettre apparaissant le plus souvent dans le message secret est le H. Pour passer de E à H il faut décaler de 3 crans, ce qui conduit immédiatement à faire le décalage inverse et on déchiffre immédiatement le message. Ceci suppose que l’on sait quelle technique a été employée. Sinon on continue d’étudier les fréquences d’apparition des lettres jusqu’à obtenir le message. 2) Chiffrement affine Le chiffre affine est une version améliorée du chiffre de César. On choisit deux entiers 𝑎 et 𝑏 de ⟦0, 25⟧ (la clé est le couple (𝑎, 𝑏)) et la fonction de chiffrement est 𝑓𝑎,𝑏 définie pour tout 𝑥 ∈ ⟦0, 25⟧ par 𝑓𝑎,𝑏 (𝑥) = 𝑦 où 𝑦 est l’unique entier de 𝑥 ∈ ⟦0, 25⟧ congru à 𝑎𝑥 + 𝑏 modulo 26. N’importe quels nombres 𝑎 et 𝑏 ne conviennent pas : il faut que deux lettres différentes ne puissent pas être chiffrées par la même lettre. Dans le cas contraire, on ne pourrait pas revenir au message initial. © S. Der Monsessian - dermon.fr 21 III) Applications du cours Exemple : Pour 𝑎 = 2 et 𝑏 = 1, on constate que A et N sont transformées en B. Si on lit B dans le message secret, comment doit-on l’interpréter ? 𝑥 𝑓2,1 (𝑥) 𝑥 𝑓2,1 (𝑥) A 0 B 1 C 2 D 3 E 4 F 5 G 6 H 7 I 8 J 9 K 10 L 11 M 12 N 13 O 14 P 15 Q 16 R 17 1 B 3 D 5 F 7 H 9 J 11 L 13 N 15 P 17 R 19 T 21 V 23 X 25 Z 1 B 3 D 5 F 7 H 9 J S 18 T 19 U 20 V 21 W 22 X 23 Y 24 Z 25 11 L 13 N 15 P 17 R 19 T 21 V 23 X 25 Z Il faut donc que tous les entiers de ⟦0, 25⟧ soient utilisés lors de l’utilisation de la fonction 𝑓𝑎,𝑏 . On veut donc que pour tout 𝑦 ∈ ⟦0, 25⟧ il existe un unique 𝑥 ∈ ⟦0, 25⟧ tel que 𝑦 = 𝑓𝑎,𝑏 (𝑥). Dans l’ensemble des nombres réels, l’équation 𝑦 = 𝑎𝑥 + 𝑏 a une unique solution si 𝑎 ≠ 0 : 𝑥 = 𝑎−1 [𝑦 + (−𝑏)]. Dans notre cas précis, les seuls nombres avec lesquels on peut calculer sont les entiers de ⟦0, 25⟧ et modulo 26. Exercice 5 : (Recherche d’opposés modulo 26.) Déterminer modulo 26 et dans ⟦0, 25⟧ les opposés éventuels des nombres de ⟦0, 25⟧. Solution : Soit 𝑏 ∈ ⟦0, 25⟧. On peut toujours trouver le nombre de ⟦0, 25⟧ qui est congru à −𝑏 modulo 26 : si 𝑏′ ≡ −𝑏 [26], il existe un entier 𝑘 ∈ ℤ tel que 𝑏′ = −𝑏 + 26𝑘. Si 𝑏 = 0, 𝑏′ = 0, sinon 𝑏 ∈ ⟦1, 25⟧ et −𝑏 + 26𝑘 ∈ ⟦0, 25⟧ si et seulement si 𝑘 = 1 et 𝑏′ = 26 − 𝑏. Si, comme on l’a vu, il est facile de trouver l’opposé de 𝑏, en revanche, il n’est évident de trouver pour un entier 𝑎 ∈ ⟦0, 25⟧ donné, un entier 𝑎′ ∈ ⟦0, 25⟧ qui soit l’inverse de 𝑎, c’est à dire qui vérifie l’égalité fondamentale 𝑎𝑎′ ≡ 1 [26]. Exercice 6 : (Recherche d’inverses modulo 26) Déterminer modulo 26 et dans ⟦0, 25⟧ les inverses éventuels des nombres de ⟦0, 25⟧. Solution : Soit 𝑎 ∈ ⟦0, 25⟧. S’il existe 𝑎′ ∈ ⟦0, 25⟧ tel que 𝑎𝑎′ ≡ 1 [26], alors il existe un entier 𝑘 ∈ ℤ tel que 𝑎𝑎′ − 1 = 26𝑘, ou encore tel que 𝑎𝑎′ − 26𝑘 = 1. On reconnaît une égalité de Bézout entre 𝑎 et 26. D’après le théorème de Bézout, la dernière égalité est vraie si et seulement si 𝑎 et 26 sont premiers entre eux. Puisque les diviseurs (positifs) de 26 sont 1, 2, 13 et 26, les nombres de ⟦0, 25⟧ premiers avec 26 sont les nombres qui ne sont ni divisibles par 2, ni divisibles par 13. Il suffit donc d’ôter de l’ensemble ⟦0, 25⟧ les nombres pairs et 13 : 1, 3, 5, 7, 9, 11, 15, 17, 19, 21, 23 et 25. Si 𝑎 est l’un des entiers de la liste ci-dessus, on peut déterminer 𝑎′ en résolvant l’équation diophantienne 𝑎𝑥 + 26𝑦 = 1 et en cherchant une solution particulière telle que 𝑥 ∈ ⟦0, 25⟧. On commence donc à l’aide de l’algorithme d’Euclide étendu à déterminer un couple (𝑥0 , 𝑦0 ) tel que 𝑎𝑥0 + 26𝑦0 = 1. Soit alors deux entiers 𝑥 et 𝑦 tels que 𝑎𝑥 + 26𝑦 = 1. En soustrayant membre à membre puis en utilisant le théorème de Gauss, on peut affirmer qu’il existe un entier relatif λ tel que 𝑥 = 𝑥0 + 26λ et 𝑦 = 𝑦0 − 𝑎λ. Si 𝑥0 ∈ ⟦0, 25⟧, on pose 𝑎′ = 𝑥0 , sinon, en ajoutant à 𝑥0 un multiple de 26, on obtiendra un nombre de ⟦0, 25⟧ qui sera alors 𝑎′ . On déduit de l’exercice précédent que les seules valeurs acceptables pour 𝑎 sont 1, 3, 5, 7, 9, 11, 15, 17, 19, 21, 23 et 25. Pour 𝑏 en revanche, n’importe quel nombre de ⟦0, 25⟧ convient. © S. Der Monsessian - dermon.fr 22 Chapitre 2 : Plus grand diviseur commun et applications Exercice 7 : Montrer que deux fonctions de chiffrement affine sont distinctes si et seulement si les clés associées sont distinctes. En déduire le nombre total de fonctions de chiffrement possibles. Solution : Soient (𝑎1 , 𝑏1 ) et (𝑎2 , 𝑏2 ) deux clés convenables. Si les fonctions de chiffrement 𝑓𝑎1,𝑏1 et 𝑓𝑎2,𝑏2 sont égales, en particulier 𝑓𝑎1,𝑏1 (0) = 𝑓𝑎2,𝑏2 (0), ce qui nous donne 𝑏1 = 𝑏2 , et de plus 𝑓𝑎1,𝑏1 (1) = 𝑓𝑎2,𝑏2 (1), ce qui nous donne cette fois 𝑎1 + 𝑏1 = 𝑎2 + 𝑏1 d’où 𝑎1 = 𝑎2 . Donc deux fonctions de chiffrement sont égales si et seulement si elles sont associées à la même clé. Ceci permet donc de dire que deux clés différentes engendreront deux chiffrements différents. Il y a 12 possibilités pour le choix de 𝑎 d’après l’exercice précédent et 26 choix pour 𝑏, donc il y a 12 × 26 = 312 chiffrements possibles. Exercice 8 : (Déchiffrement) 1) Soit 𝑎 ∈ {1, 3, 5, 7, 9, 11, 15, 17, 19, 21, 23, 25} et 𝑏 ∈ ⟦0, 25⟧. Déterminer la fonction de déchiffrement associée à 𝑓𝑎,𝑏 . 2) Déterminer en particulier la fonction de déchiffrement associée à 𝑓5,2 . Solution : 1) Notons 𝑎′ ∈ ⟦0, 25⟧ l’unique entier qui vérifie l’égalité 𝑎𝑎′ ≡ 1 [26] et 𝑏′ ∈ ⟦0, 25⟧ l’unique entier qui vérifie 𝑏′ ≡ −𝑏 [26]. Nous avons déterminé aux exercices précédentes les valeurs de 𝑎′ et 𝑏′ en fonction de 𝑎 et 𝑏. Soit 𝑦 ∈ ⟦0, 25⟧. Il existe un unique entier 𝑥 ∈ ⟦0, 25⟧ dont l’image par la fonction de chiffrement 𝑓𝑎,𝑏 soit 𝑦. Connaissant la valeur de 𝑦 on peut retrouver la valeur de 𝑥 par les égalités suivantes qui sont toutes réalisées modulo 26 : 𝑦 = 𝑎𝑥 + 𝑏 ⇔ 𝑦 + 𝑏′ = 𝑎𝑥 ⇔ 𝑎′ (𝑦 + 𝑏′ ) = 𝑥 ⇔ 𝑥 = 𝑎′ 𝑦 + 𝑎′ 𝑏′ . Notons alors 𝑐 = 𝑎′ et 𝑑 l’entier de ⟦0, 25⟧ congru à 𝑎′ 𝑏′ modulo 26. On obtient pour tout 𝑥 ∈ ⟦0, 25⟧, 𝑓𝑐,𝑑 ∘ 𝑓𝑎,𝑏 (𝑥) = 𝑥 et 𝑓𝑎,𝑏 ∘ 𝑓𝑐,𝑑 (𝑥) = 𝑥. La fonction de déchiffrement recherchée est alors 𝑓𝑐,𝑑 . 2) D’après l’exercice 6, on résout partiellement l’équation diophantienne 5𝑥 + 26𝑦 = 1. 26 = 5 × 5 + 1 donc 1 = 5 × (−5) + 26 × 1 et un couple solution est (−5, 1). L’inverse de 5 modulo 26 dans ⟦0, 25⟧ est alors −5 + 26 = 21. En effet, 5 × 21 = 105 = 1 + 26 × 4 et 5 × 21 ≡ 1 [26]. Deuxièmement puisque 2 > 0, son opposé dans ⟦0, 25⟧ modulo 26 est 26 − 2 = 24. Le premier paramètre de la fonction de déchiffrement est directement 21. Pour le second, puisque 21 × 24 = 504 = 26 × 19 + 10, on choisit comme paramètre 10. La fonction de déchiffrement associée à 𝑓5,2 est 𝑓21,10 . Pour reprendre l’exemple de l’exercice précédent, par la fonction de chiffrement 𝑓5,2 , le message initial est codé en : 21 − 2 − 16 − 10 − 22 − 5 − 22 − 14 − 10 − 2 − 19 − 11 − 22 − 10 − 2 − 19 − 16 − 4 − 24 − 22 − 14. Et « JAIME LES MATHEMATIQUES » deviendrait donc « VCQKW FWO KCTLWKCTQEYW ». En utilisant la fonction de chiffrement 𝑓21,10 sur le code précédent, on obtient : 12 − 3 − 11 − 15 − 7 − 14 − 7 − 21 − 15 − 3 − 22 − 10 − 7 − 15 − 3 − 22 − 11 − 19 − 23 − 7 − 21 © S. Der Monsessian - dermon.fr 23 III) Applications du cours qui se traduit bien en « JAIME LES MATHEMATIQUES ». Le chiffrement affine est cependant facile à déchiffrer si l’on ne possède pas la clé. On peut tester informatiquement les 312 clés possibles pour trouver celle qui convient en s’aidant d’une analyse de fréquence. © S. Der Monsessian - dermon.fr