ARITHMÉTIQUE - LICENCE 1
ERIC HOFFBECK
Résumé. Ce premier chapitre, rédigé par Anne Quéguiner-Mathieu
qui faisait ce cours précédemment, est largement inspiré du début
du livre de Lauritzen dont le titre ’Concrete Abstract Algebra’
pourrait être traduit en français par ’Un point de vue concret sur
l’algèbre abstraite’. Il s’agit en effet d’algèbre, mais le sujet est
abordé de façon très concrète, à partir de l’étude des nombres en-
tiers et à travers de nombreux exemples. Parmi les références uti-
lisées pour préparer le cours, il nous faut aussi mentionner le livre
de Daniel Perrin ’Mathématiques d’école’ (éditions Cassini).
Chapitre 1 : Arithmétique élémentaire
Table des matières
Introduction : Un peu de cryptographie 2
I. Division euclidienne et congruences 3
I.1. Division euclidienne 3
I.2. Divisibilité 5
I.3. Définition de la relation de congruence (Rappel) 7
I.4. Congruences et opérations 8
I.5. Application : les carrés itérés 10
II. Plus grand commun diviseur 11
II.1. Définition 11
II.2. Algorithme d’Euclide 12
II.3. Théorèmes de Bézout 14
II.4. Applications 15
III. Le théorème d’Euler 18
III.1. Rappels et notations 18
III.2. Fonction indicatrice d’Euler 20
III.3. Le théorème d’Euler 22
IV. Le système RSA 24
IV.1. Préliminaires arithmétiques 24
IV.2. Les fonctions de cryptage et de décryptage 26
IV.3. Clé publique et clé secrète 27
IV.4. Sécurité du système RSA 29
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2 ERIC HOFFBECK
Introduction : Un peu de cryptographie
Le mot cryptographie vient des mots grecs
kruptos = cac
graphein = écrire
La cryptographie est la science des messages secrets. Elle remonte à
l’antiquité puisque Jules César l’a employée pour coder ses messages
militaires. Il utilisait le système dit des alphabets décalés, d’un ou plu-
sieurs crans. Par exemple, si on décale d’un cran, on remplace chaque
lettre par la lettre suivante dans l’alphabet. Ainsi peut-on penser qu’il
envoya au Sénat, après sa victoire sur Pharnace le message suivant :
Y HQL Y LGL Y LF L
Saurez-vous le déchiffrer ? De combien est le décalage ?
Il existe aujourd’hui des méthodes beaucoup plus sophistiquées, qui
reposent sur différents domaines des mathématiques. Ces méthodes
sont utilisées en permanence pour la transmission de données confiden-
tielles, numéro de carte bleue pour un achat sur le web par exemple.
Une initiation à la cryptographie sera faite en TD, comme application
des résultats d’arithmétique que l’on va voir (ou revoir).
ARITHMÉTIQUE - LICENCE 1 3
I. Division euclidienne et congruences
On rappelle la proposition suivante, qui va être utile pour démontrer
le théorème de division euclidienne :
Proposition 1. (1) Toute partie non vide de l’ensemble Ndes en-
tiers naturels possède un plus petit élément.
(2) Toute partie non vide et majorée de Npossède un plus grand
élément.
On utilisera aussi le raisonnement par récurrence, qui a été étudié
au premier semestre, et dont on rappelle l’énoncé :
Proposition 2. Etant donnée une proposition P(n), dépendant d’un
entier naturel n, si
(1) P(0) est vraie, et
(2) nN, l’implication P(n)⇒ P(n+ 1) est vraie,
alors P(n)est vraie pour tout nN.
On utilisera également la récurrence forte, c’est-à-dire :
Proposition 3. Etant donnée une proposition P(n), dépendant d’un
entier naturel n, si
(1) P(0) est vraie, et
(2) nN, si P(k)est vraie pour tout knalors P(n+ 1) est
vraie,
alors P(n)est vraie pour tout nN.
Autrement dit, quand on fait une démonstration par récurrence, dans
la partie hérédité de la preuve, pour montrer que la propriété étudiée
est vraie au rang n+1, on peut supposer qu’elle est vraie non seulement
au rang n, mais aussi pour tous les rangs qui précèdent.
I.1. Division euclidienne. Dans ce paragraphe et les suivants, les
lettres a,b,c... désignent des nombres entiers relatifs.
C’est le principe de la division euclidienne, dont voici l’énoncé :
Théorème 4. Soient a, b Zdeux entiers relatifs, avec b6= 0. Il existe
un unique couple (q, r)Z×Ntel que
a=bq +r,
0r < |b|.
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(Le nombre bq est un multiple de b; comme r0, il est à gauche
de a=bq +r; comme r < |b|, le multiple suivant, qui est bq +|b|, est
strictement à droite de a. Le nombre bq est donc le plus grand multiple
de binférieur ou égal à aet rest le nombre de pas qui séparent l’entier
adu multiple de bqui se trouve immédiatement à sa gauche.)
Définition 5. Trouver qet r, c’est effectuer la division euclidienne de
apar b. Les nombres qet rsont respectivement appelés le quotient et
le reste de la division.
Exemple 6. 15 = 4 ×3+3;16 = 4 ×4+0;10 = 1×17 + 7.
Cette division est celle que l’on apprend à l’école primaire, quand on
effectue des divisions posées de nombre entiers, avec reste.
Notation 7. Dans ce cours, on notera souvent [a]ble reste de la division
euclidienne de apar b. Ainsi, [a]b∈ {0,1, . . . , b 1}. De plus, il existe
un unique qZtel que a=bq + [a]b.
Remarque 8. Attention ! Si on enlève la condition 0r < |b|, alors
il existe une infinité de couples (q, r)tels que a=bq +r. A chaque fois
qu’on en a un, on peut en fabriquer un nouveau en remplaçant qpar
q+ 1 et rpar rbpar exemple.
En revanche, du fait de l’unicité du quotient et du reste, dès qu’on
a une égalité a=bq +ravec 0r < |b|, on peut affirmer que qet r
sont le quotient et le reste de la division euclidienne de apar b.
Démonstration du Théorème 4. Etant donnés aet b, avec b6= 0, on
doit démontrer l’existence et l’unicité du couple (q, r). On commence
par l’unicité.
Pour cela, supposons que a=bq +r=bq0+r0sont deux solutions
au problème. On a alors b(qq0) = r0r, de sorte que r0rest
un multiple de b. Or, vues les inégalités, on a −|b|<r0, et
on en déduit −|b|< r0r < |b|. Le seul multiple de bvérifiant cet
encadrement est 0. On en déduit que r=r0, et il en découle que q=q0.
Il nous reste à montrer l’existence. On va procéder par disjonction
des cas.
Supposons que a0et b > 0. Parmi les multiples de bqui sont
plus petits que a, on cherche le plus grand. Pour cela, considérons
l’ensemble A={kN, kb a} ⊂ N. Comme 0A,Aest une
partie non vide de N. Soit k > a un entier naturel. Comme b > 0,
on a kb > ab. De plus, b1, donc ab a. Ainsi, si k > a, alors
kb > a et k6∈ A. Par contraposée, on en déduit que pour tout
kA,ka.
On vient de montrer que Aest une partie non vide et majorée de
N. Par la proposition 1, elle admet un plus grand élément que l’on
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note q. Par définition du plus grand élément, qAet q+ 1 6∈ A.
On a donc qb a < (q+ 1)b, c’est-à-dire 0abq < b. Posons
r=abq ; le couple (q, r)ainsi défini vérifie bien les conditions
requises.
Supposons maintenant que a < 0et b > 0. Par le cas précédent, il
existe un couple (q1, r1)d’entiers naturels tels que a=bq1+r1,
avec 0r1< b. On a donc a=bq1r1=b×(q1) + (r1). Si
r1= 0, alors le couple (q1, r1)vérifie bien les conditions requises,
et on a terminé dans ce cas. Sinon, r1est non nul, et il vérifie
b < r1<0de sorte que 0< b r1< b. On a donc a=
b×(q1)b+br1=b×(q11) + (br1). Ainsi, le couple
(q, r)défini par q=q11et r=br1vérifie les conditions
requises.
Supposons finalement que b < 0, et ade signe quelconque. Par les
deux cas qui précèdent, on peut effectuer la division euclidienne de
apar b. Il existe donc un couple (q1, r1)vérifiant les conditions
a= (b)×q1+r1=b×(q1) + r1et 0r1<b=|b|. Ainsi,
le couple (q, r)défini par q=q1et r=r1vérifie les conditions
requises.
Comme on a traité successivement tous les cas possibles, on a donc bien
montré l’existence d’un couple (q, r)et ceci termine la démonstration.
I.2. Divisibilité. La relation de divisibilité des entiers naturels est
définie comme suit :
Définition 9. On dit que bdivise a, ou encore que aest multiple de
b, si il existe qZtel que a=bq.
Notation 10. "bdivise a" se note b|a.
Exemple 11. Tout entier est divisible par 1et par 1. Un entier est
divisible par 2si et seulement si il est pair.
Remarque 12. Dans le cas particulier b= 0, on trouve que a= 0 est
le seul multiple de 0.
Proposition 13. La relation de divisibilité est une relation d’ordre sur
l’ensemble des entiers naturels.
Démonstration. Il découle directement de la définition que c’est une
relation réflexive et transitive. (Vérifiez-le !) Il nous reste à montrer
qu’elle est antisymétrique. Supposons donc que a|bet b|a. Si a= 0, et
que a|b, alors b= 0. Donc l’antisymétrie vaut dans ce cas. Supposons
maintenant que a6= 0. Par hypothèse, il existe k, ` Ztels que a=bk
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