Chapitre IX Probabilités discrètes Table des matières A Probabilités sur un ensemble dénombrable 1 B Probabilités discrètes 2 C Complément : fonction génératrice et transformée de Laplace 6 A Probabilités sur un ensemble dénombrable Soit Ω un ensemble dénombrable que l'on munit de la tribu P(Ω). a) Soit P une probabilité sur (Ω, P(Ω)). Sa densité est l'application p : Ω → [0, 1] ω → P ({ω}. Elle vérie : X ω∈Ω p(ω) = X P ({ω}) = P ( ω∈Ω [ ({ω}) = P (Ω) = 1, ω∈Ω et pour tout A ⊂ Ω P (A) = P ( [ ω∈A ({ω}) = X ω∈A P ({ω}) = X p(ω). ω∈A b) Réciproquement soit p une application de Ω dans [0, 1] vériant Dénissons une application P : P(Ω) → [0, 1] ω → P (A) = P p(ω) = 1. ω∈Ω P p(ω). ω∈A Les propriétés des sommes des séries à termes positifs entraînent que P est une probabilité. Dénition 1 Le support de P est l'ensemble supp(P ) = {ω ∈ Ω : p(ω) > 0}. 1 Dénition 2 (Mesure de décompte) Il existe sur l'ensemble dénombrable Ω une mesure canonique, la mesure de décompte ν dénie par : ∀A ⊂ Ω ν(A) = card(A) si A est ni et ν(A) = +∞ si A est inni. Proposition 3 Soit µ une mesure quelconque sur (Ω, P(Ω)). µ admet par rapport à la mesure de décompte ν une unique densité h donnée par : ∀ω ∈ Ω h(ω) = µ({ω}) ≤ +∞. La densité de P dénie en a) coïncide avec la densité de P par rapport à ν . Preuve i) ExistenceS: on a bien pour toute P partie A de Ω Pµ = hν car P µ(A) = µ ( {ω}) = µ({ω}) = h(ω) = h(ω)ν({ω}) ω∈A ω∈A ω∈A ω∈A R P PR PR = h(ω) 1{ω} (x)dν(x) = 1{ω} (x)h(ω)dν(x) = 1{ω} (x)h(x)dν(x) ω∈A ω∈A ω∈A R P R R = [ 1{ω} ]hdν = 1A hdν = A hdν = hν(A). ω∈A R 0 ii) Unicité : si h0 est une autre densité on a pour toute partie A de Ω µ(A) = A h dν ; R 0 0 en particulier pour A = {ω} on obtient µ({ω}) = {ω} h dν = h (ω)ν({ω}) = h0 (ω). D'où h0 (ω) = µ({ω}) = h(ω), et h = h0 . B Probabilités discrètes Soit (Ω, F, P ) un espace probabilisé. Dénition 4 La probabilité P est dite discrète (ou atomique ) s'il existe une partie nie ou dénombrable Ω0 de Ω telle que pour tout ω ∈ Ω0 {ω} ∈ F et P (Ω0 ) = 1. La densité de P sur Ω0 est l'application p : Ω0 → [0, 1] ω → P ({ω}). Remarque 5 a) Si l'on dénit le support de P par supp(P ) = {ω ∈ Ω0 : P ({ω}) > 0}, on appellera densité de P l'application p : supp(P ) −→ [0, 1] ω −→ P ({ω}). b) On peut écrire P = P ω∈Ω0 p(ω)δω = P p(ω)δω . ω∈supp(P ) 2 Proposition 6 a) Pour toute application mesurable ϕ de (Ω, F, P ) dans [0, +∞] on a Z ϕdP = X p(ω)ϕ(ω). ω∈Ω0 b) Soit dans R. ϕ est intégrable si et seulement P ϕ une application mesurable ϕ deR (Ω, F, P )P si p(ω) |ϕ(ω)| < +∞, et dans ce cas ϕdP = p(ω)ϕ(ω). ω∈Ω0 ω∈Ω0 Preuve a) Supposons Ω0 inni : Ω0 = {ωn , n ∈ N}, l'application n → ωn étant injective. Puisque P (Ωc0 ) = 0. Z Z Z Z ϕdP = ϕdP + Comme 1Ω0 = P ϕdP = Ωc0 Ω0 1{ωn } on a aussi 1Ω0 ϕ = n∈N ϕdP. Ω0 1{ωn } ϕ. Par conséquent P n∈N Z Z Z ϕdP = ϕdP = Z X XZ 1{ωn } ϕdP. 1Ω0 ϕdP = ( 1{ωn } ϕ)dP = Ω0 n∈N n∈N Or pour tout ω ∈ Ω [1{ωn } ϕ](ω) = 1{ωn } (ω)ϕ(ω) = 1{ωn } (ω)ϕ(ωn ) = [1{ωn } ϕ(ωn )](ω), autrement dit 1{ωn } ϕ = 1{ωn } ϕ(ωn ). Il en résulte que Z Z 1{ωn } ϕdP = Finalement Z 1{ωn } dP = ϕ(ωn )P ({ωn }) = ϕ(ωn )p(ωn ). 1{ωn } ϕ(ωn )dP = ϕ(ωn ) P ϕ(ωn )p(ωn ) = ϕ(ω)p(ω). ω∈Ω n∈N n∈N 0 R P b) D'après a) ϕ est intégrable si et seulement si |ϕ| dP = |ϕ(ω)| p(ω) < +∞. R ϕdP = PR 1{ωn } ϕdP = P ω∈Ω0 Si cette condition est vériée Z Z Z ϕdP = Z ϕdP + Posons pour tout n ∈ N ϕn = La suite (ϕn )n∈N vérie : i) pour tout entier n |ϕn | ≤ |ϕ| ii) ∀ω ∈ Ω lim ϕn (ω) = ϕ(ω). ϕdP = Ωc0 Ω0 n P Z ϕdP = Ω0 ϕ(ωi )1{ωi } . i=0 n→+∞ 3 1Ω0 ϕdP. Par le théorème de convergence dominée Z Z 1Ω0 ϕdP = lim 1Ω0 ϕn dP n→+∞ Z X n = lim [ ϕ(ωi )1{ωi } ]dP n→+∞ = lim n→+∞ = lim n→+∞ = lim n→+∞ = X i=0 n XZ i=0 n X i=0 n X ϕ(ωi )1{ωi } dP Z ϕ(ωi ) 1{ωi } dP ϕ(ωi )P ({ωi }) i=0 ϕ(ωi )p(ωi ) i∈N = X ϕ(ω)p(ω). ω∈Ω0 Conséquence 7 Soit X une variable aléatoire réelle dénie sur (Ω, F, P ) dont la loi PX est atomique : il existe une partie dénombrable D de R telle que PX (D) = 1. Appelons pX la densité de PX sur D. Pour toute application ϕ de R dans [0, +∞] on a Z Eϕ(X) = Z ϕ(X)dP = ϕdPX = X ϕ(d)pX (d). d∈D Par exemple si X a pour loi la loi de Poisson de paramètre λ Pλ Eϕ(X) = X n∈N n −λ λ ϕ(n)e n! . Remarque 8 Soit a ∈ R ; Rtoute application mesurable ϕ de R dans R est intégrable pour la mesure de Dirac en a δa et ϕd(δa ) = ϕ(a). Exercice 9 Soient X et Y des variables aléatoires réelles indépendantes, X (resp. Y ) ayant pour loi un loi géométrique Gp (resp. Gq ), avec 0 < p, q < 1. Calculer P (X ≤ Y ). 4 Solution Soit Γ = {(x, y) ∈ R2 : x ≤ y} P (X ≤ Y ) = P ((X, Y ) ∈ Γ) Z = 1Γ (X, Y )dP Z = 1Γ (x, y)dP(X,Y ) (x, y) Z Z = 1Γ (x, y)dPX (x)dPY (y) XX 1Γ (n, k)p(1 − p)n q(1 − q)k = n≥0 k≥0 = pq XX = pq X (1 − p)n (1 − q)k n≥0 k≥n (1 − p)n n≥0 = pq X X k≥n n (1 (1 − p) n≥0 =p X (1 − q)k − q)n q [(1 − p)(1 − q)]n n≥0 p 1 − (1 − p)(1 − q) p = . p + q − pq = Exercice 10 Soit P une probabilité sur R telle que ∀n ∈ N P ({n}) = e−2 2n! . Soit ϕ l'application de R dans R dénie par ϕ(x) = 7x = exp{x ln(7)}. Calculer Eϕ. n Solution ϕ : (R, B1 , P ) → R, x → 7x Z Eϕ = ϕdP = X ϕ(n)P ({n}) = n≥0 =e −2 X n≥0 e−2 X 1 2n n 7 = e−2 2n 7n n! n! n≥0 X 1 X 14n n −2 (2 × 7) = e = e−2 e14 = e12 . n! n! n≥0 n≥0 . 5 C Complément : fonction génératrice et transformée de Laplace Soit P une probabilité dénie sur N. Pour tout entier n posons an = P ({n}). Soit D C : |z| < 1}. Pour tout élément z ∈ D = {z ∈ C : |z| ≤ 1}, laPsérie entière P = {z ∈ n n≥0 an z converge, en étant dominée terme à terme en module par la série n≥0 an ; elle dénit par conséquent une application continue sur D et une fonction holomorphe sur D. Dénition 11 1) On appelle fonction génératrice de P l'application continue g = gP dénie sur D par ∀z ∈ D g(z) = X an z n . n≥0 2) On appelle transformée de Laplace de P l'application ϕ = ϕP dénie sur [0, +∞[ par : ∀s ∈ [0, +∞[ ϕ(s) = X an e−sn = g(e−s ). n≥0 Notation 12 Si X est une variable aléatoire dénie sur (Ω, F, P ) et à valeurs dans N, on pose ϕX = ϕPX et gX = gPX ; on a donc pour tout réel positif s ϕ(s) = E exp(−sX) et pour tout élément z de D gX (z) = E(z X ). Propriété 13 On pose I = [0, 1[. a) La fonction g est holomorphe sur D ; il en est donc de même pour g 0 et g 00 qui vérient pour tout z ∈ D g 0 (z) = X nan z n−1 n≥1 et g 00 (z) = X n(n − 1)an z n−2 . n≥2 b) On a lim 0 x→1,x∈I g (x) = X Z lim x→1,x∈I g (x) = X n≥2 N n≥1 et 00 IdN (n)dP (n) ≤ +∞ nan = Z n(n − 1)an = IdN (n)[IdN (n) − 1]dP (n) ≤ +∞. N 6 Conséquence 14 1. Si la première limite est nie, P admet une espérance (nie) vériant EP = lim g 0 (x) = x→1,x∈I X nan . n≥1 2. Si les deux limites sont nies, alors X n(n − 1)an = n≥2 X (n2 an − nan ) < +∞ et n≥2 X nan < +∞ ; n≥1 par conséquent X X n(n − 1)an = n≥0 n2 an − n≥0 X nan = n≥0 X n2 an − EP = V P + (EP )2 − EP. n≥0 On en déduit que VP = lim g 00 (x) + x→1,x∈I lim g 0 (x) − [ lim g 0 (x)]2 . x→1,x∈I x→1,x∈I 3. Pour tout s ≥ 0 on a ϕ(s) = g(e−s ) ; donc ϕ est de classe C ∞ sur ]0, +∞[ et ϕ(0) = 1. Pour s ∈]0, +∞[ ϕ0 (s) = −e−s g 0 (e−s ) = −e−s X nan e−s(n−1) = − n≥1 D'où lim+ ϕ0 (s) = − s→0 X nan e−sn . n≥1 n≥1 nan . P Proposition 15 Deux probabilités P et Q sur N ayant même fonction génératrice sont égales. Preuve (n) gP (z) Si pour tout z ∈ D gP (z) = gQ (z), on a aussi pour tout entier n ≥ 1 et tout z ∈ D (n) (n) (n) = gQ (z). Or gP (0) = n!P ({n}) et gQ (0) = n!Q({n}). Remarque 16 Deux probabilités P et Q sur N ayant même transformée de Laplace sont égales. En eet pour tout s ∈ [0, +∞[ gP (e−s ) = ϕP (s) = ϕQ (s) = gQ (e−s ). Les fonctions holomorphes gP et gQ sur D coïncident sur l'intervalle ]0, 1[ ; elles sont donc égales en vertu du principe du prolongement analytique. 7 Exemples 17 1. Loi de Poisson Pλ a) La fonction génératrice d'une loi de Poisson de paramètre λ > 0 est dénie par : ∀z ∈ D g(z) = X n≥0 (e−λ X (λz)n λn n )z = e−λ = e−λ eλz = exp{λ(z − 1)}. n! n! n≥0 On constate que g peut être prolongée en une fonction analytique sur C ; il en est donc de même pour g 0 et g 00 . Comme g 0 (z) = λ exp{λ(z − 1)} et g 00 (z) = λ2 exp{λ(z − 1)}, on en déduit les égalités suivantes EPλ = lim g 0 (x) = g 0 (1) = λ x→1,x∈I et V Pλ = lim g 00 (x) + x→1,x∈I 00 lim g 0 (x) − [ lim g 0 (x)]2 x→1,x∈I 0 2 x→1,x∈I = g (1) + g 0 (1) − [g (1)] = λ2 + λ − λ2 = λ. b) Soient X1 , ..., Xn des variables aléatoires réelles indépendantes, Xi ayant pour loi une loi de Poisson de paramètre λi . La variable X = X1 + ... + Xn a pour loi une loi de Poisson de paramètre λ = λ1 + ... + λn . En eet on a pour tout z ∈ D gX (z) = n Y gXi (z) i=1 = n Y exp{λi (z − 1)} i=1 = exp{[λ1 + ... + λn ](z − 1)} = exp{λ(z − 1)}. 2. Loi binomiale 8 a) La fonction génératrice g d'une loi binomiale de paramètre (n, p) est dénie par : ∀z ∈ C g(z) = = = X b(n, p)(k)z k k≥0 n X Cnk pk (1 − p)n−k z k k=0 n X Cnk (pz)k (1 − p)n−k k=0 = [pz + (1 − p)]n . b) Soient X1 , ..., Xk des variables aléatoires réelles indépendantes, Xi ayant pour loi binomiale de paramètre (ni , p). La variable X = X1 + ... + Xk a pour loi une loi binomiale de paramètre (n, p), avec n = n1 + ... + nk . En eet on a pour tout z ∈ C gX (z) = = k Y i=1 k Y gXi (z) [pz + (1 − p)]ni i=1 = [pz + (1 − p)](n1 +...+nk ) = [pz + (1 − p)]n . 3. Loi géométrique La fonction génératrice g d'une loi géométrique Gp de paramètre p ∈]0, 1[ est dénie par ∀z ∈ D g(z) = X p(1 − p)n z z = p n≥0 1 . 1 − (1 − p)z 1 L'application g est holomorphe sur le disque ouvert de centre 0 et de rayon 1−p qui contient 1, si bien que les limites de la propriété 13 existent et sont nies. On a d'une part lim x→1,x∈I g 0 (x) = p(1 − p) p(1 − p) 1 − p = = , x→1,x∈I [1 − (1 − p)x]2 p2 p lim et d'autre part lim x→1,x∈I p(1 − p)2 2p(1 − p)2 2(1 − p)2 g (x) = lim 2 = = . x→1,x∈I [1 − (1 − p)x]3 p3 p2 00 On en déduit que EGp = 1−p p et que 2(1 − p)2 1 − p h 1 − p i2 1 − p V Gp = + − = . p2 p p p2 9