J Radiol 2010;91
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Occlusion intestinale aiguë par trichobézoard à double
localisation gastrique et jéjunale : aspect TDM
R Boufettal et al.
permettait l’extraction d’un deuxième
trichobezoard mesurant 12
×
4 cm
(fig. 2)
.
La relecture attentive de la TDM abdo-
minale, guidée par les constatations
chirurgicales, montrait effectivement
l’existence d’un obstacle grêlique avec
distension des anses d’amont
(fig. 3)
. Les
suites opératoires étaient marquées par
l’installation d’une fistule gastrique externe
et d’une parotidite. Cette dernière était
compliquée d’une méningite pour laquelle
la patiente fût transférée au service de
réanimation mais l’évolution était défa-
vorable et la patiente décéda dans un ta-
bleau de choc septique.
Discussion
Le trichobezoard est une masse solide,
formée de cheveux, survenant dans 90 %
des cas chez la jeune fille de moins de
30 ans, atteinte de trichotillomanie (4). Sa
localisation est principalement gastrique
avec, dans certains cas une extension duo-
dénale ou jéjunale proximale définissant
le syndrome de Rapunzel (1, 5). Plus rare-
ment, il peut exister une localisation
double, à la fois gastrique et intestinale,
comme dans le cas de notre patiente.
Sur le plan clinique, les formes asympto-
matiques sont les plus fréquentes.
Ailleurs, la symptomatologie clinique est
polymorphe, en fonction du stade de
l’évolution du trichobezoard. Dans la ma-
jorité des cas, il s’agit de signes en rapport
avec l’atteinte gastrique (4). Dans de rares
cas, la révélation du trichobezoard se fait
à l’occasion de complications comme une
occlusion mécanique gastrique ou grêlique
(3, 4). L’occlusion grêlique par tricho-
bezoard est très rare, rencontrée dans
10 % des cas seulement (1). Notre patiente
avait présenté une double localisation du
trichobezoard avec une double occlusion,
gastrique et jéjunale ayant été compliquée
de convulsions d’origine métabolique.
Le diagnostic repose sur la fibroscopie oe-
sogastroduodénale qui reste l’examen de
choix. Elle permet la visualisation de che-
veux enchevêtrés, pathognomonique du
trichobezoard. Elle peut, parfois avoir un
intérêt thérapeutique en permettant l’ex-
traction endoscopique de petits trichobé-
zoards (4). La TDM avec opacification du
tube digestif a un intérêt moindre dans le
diagnostic de trichobézoard gastrique.
Cependant, la TDM garde une place pré-
pondérante dans le diagnostic préopéra-
toire des occlusions du grêle associées à un
trichobézoard avec une bonne sensibilité
et spécificité (3, 6). Sur cet examen, le tri-
chobézoard est visualisé sous forme d’une
masse intraluminale mobile, hétérogène
avec souvent en son sein de petites collec-
tions de baryte provenant d’un transit an-
térieur (2, 3, 6). Cependant la TDM ne
permet pas de différencier le trichobé-
zoard des autres bezoards notamment le
phytobézoard. La nature du bézoard sera
identifiée grâce à l’anamnèse, la fibrosco-
pie digestive et l’exploration chirurgicale
(2-4, 6).
L’analyse tomodensitométrique permet
d’apprécier les signes de souffrance de
l’intestin grêle et la topographie exacte de
l’obstacle. Cette analyse permet d’aider le
chirurgien dans sa décision thérapeutique
Fig. 3 : TDM abdominale en coupe axiale montrant un bézoard (flèche) dans une anse grêle.
et sa voie d’abord (6). L’analyse de la
TDM nécessite une lecture attentive à la
recherche d’une deuxième localisation du
trichobezoard. Hoover,
et al.
(7) ont rap-
porté le cas d’une double localisation
gastro-jéjunale d’un trichobezoard. La
patiente a été reprise pour occlusion grê-
lique puisque le trichobézoard jéjunal n’a
pas été mis en évidence au cours de la pre-
mière intervention et la relecture de la
TDM initiale a montré que ce trichobé-
zoard existait mais était non obstructif et
était passé inaperçu. Dans notre observation,
le trichobezoard jéjunal était également
passé inaperçu à l’analyse préopératoire
de la TDM, et c’est l’exploration chirurgi-
cale de toute la cavité péritonéale qui nous
a permis de le mettre en évidence et de
l’extraire dans le même temps opératoire.
Le diagnostic différentiel se pose avec le
feces sign qui se présente à la TDM comme
une image de granité d’allure stercorale
au sein de la lumière de l’intestin grêle.
Cependant, le feces sign est souvent plus
long qu’un bézoard et occupe plusieurs
segments digestifs (6, 8).
Le traitement repose sur la fragmentation
chimique si cela est possible et plus souvent
sur la chirurgie (4). Billaud,
et al.
(6) dans
une série de 12 patients avec occlusion in-
testinale associée à un bézoard, ont rap-
porté que les chirurgiens ont réussi à frag-
menter manuellement le bézoard pour
l’évacuer jusqu’à la valvule iléo-cæcale
dans 6 cas sur 8 opérés, les deux autres
opérés ont nécessité une entérotomie pour
faire l’extraction alors que quatre patients
non opérés avaient bénéficié juste d’un
traitement médical avec une bonne évolu-
tion. Le traitement doit être complété par
une prise en charge psychiatrique.
Conclusion
Les trichobézoards sont rares. Leur dia-
gnostic est certes facilement posé par la
fibroscopie digestive haute, mais une
exploration radiologique préopératoire
basée essentiellement sur la TDM est né-
cessaire pour mettre en évidence d’autres
localisations intestinales, facilitant ainsi
leur prise en charge thérapeutique. Le
traitement de choix est la chirurgie qui
doit être instaurée en urgence pour éviter
les complications de l’occlusion. Cepen-
dant, cette conduite à tenir ne doit pour-
tant pas occulter l’éventuelle prise en
charge psychiatrique des patients.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 27/03/2014