Intervention Walter Leist, président de la CIFIM - sgv-usam

Conférence de presse « Artisanat traditionnel d'avenir » du 2 mai 2014, Berne
Métiers à faible effectif: la tradition met à profit son potentiel économique
Walter Leist, président de la CIFIM Communauté d’intérêts des facteurs d’instruments de mu-
sique, représentant des métiers à faibles effectifs
Seul le texte prononcé fait foi
Les métiers à faible effectif sont des métiers artisanaux innovants, attrayants et aux facettes multiples,
dont l'effectif d'apprentis, au niveau national, ne forme généralement qu'une seule classe par année à
l'école professionnelle. Ils se caractérisent généralement par des productions de petites séries fabri-
quées dans de petites entreprises où le traitement des matières premières est intégralement ou par-
tiellement effectué au moyen d'outils manipulés manuellement. En Suisse, il n'existe aucune définition
déterminant précisément le seuil à partir duquel une profession est considérée comme un « métier à
faible effectif ». De façon informelle, nous attribuons à cette catégorie les métiers totalisant moins de
80 apprentis par année de formation; on dénombre ainsi environ 90 métiers à faible effectif.
Certains métiers à faible effectif sont menacés de disparaître. Comme le montre l'étude « Artisanat
traditionnel » publiée en 2011 par l'Office fédéral de la culture (OFC) et l'OFFT, devenu ensuite le
Secrétariat d'État à la formation, à la recherche et à l'innovation (SEFRI), sur 135 métiers menacés, 9
le sont fortement, 49 moyennement, et 77 faiblement. En dépit d'une situation difficile, nombre de ces
métiers à faible effectif jouent un rôle économique qui est loin d'être négligeable; ils assurent la sau-
vegarde et la transmission d'un vaste savoir-faire très précieux pour la Suisse en tant que site de pro-
duction et pour la diversité culturelle de notre pays.
Dans les régions rurales et les cantons de montagne, où les entreprises industrielles sont rares, voire
absentes, des emplois importants peuvent être offerts par les entreprises qui réussissent à prospérer
en exerçant des métiers traditionnels à faible effectif. En même temps, nombre d'entreprises des mé-
tiers à faible effectif ont réussi à se faire une place dans des créneaux du marché international en se
spécialisant et en visant une qualité hors pair. Elles mettent à profit cette chance qu'il existe dans le
monde une forte demande de biens de consommation de haute qualité, à l'exemple de ceux qu'elles
produisent dans les segments du luxe de l'horlogerie et de la bijouterie, ainsi que dans l'ameublement,
la construction de véhicules et la fabrication d'instruments de musique.
Parvenir à se positionner avec succès à un tel niveau implique de nombreux défis. Or, comme les
métiers hautement spécialisés fournissent des prestations du plus haut niveau, il est primordial qu'ils
puissent s'appuyer sur un personnel qualifié et une relève de qualité. C'est précisément sur ces points
que nous nous trouvons aujourd'hui face à des défis importants:
Le personnel de formation et les responsables de cours interentreprises exercent généralement
de telles activités en parallèle à leur profession régulière. Ajoutées à leur activité principale qui
est souvent celle de chef d'entreprise ces tâches de formation constituent une charge supplé-
mentaire considérable.
Seul un petit « réservoir » de professionnels qualifiés étant disponible pour assumer des fonctions
de formation, une même personne est souvent appelée à « porter plusieurs casquettes ».
Les coûts relativement élevés de la formation (du fait du petit nombre d'apprentis) sont répercutés
sur les entreprises qui, elles aussi, sont peu nombreuses. Par conséquent, la charge financière de
ces entreprises est plus lourde que dans les métiers comptant un grand nombre d'apprentis.
Lorsqu'une seule classe est constituée par année et qu'il s'y trouve des apprentis en provenance
de diverses régions linguistiques, cela implique que la formation soit dispensée en plusieurs
langues, tant à l'école professionnelle que dans les cours interentreprises. Pour le personnel de
formation, c'est un gros défi; en même temps, toutes les parties intéressées peuvent le considérer
comme une chance à saisir.
Promouvoir efficacement un métier coûte cher; les ressources humaines et financières néces-
saires pour participer à des salons des métiers font souvent défaut.
Comment une entreprise helvétique performante parvient-elle à relever ces défis et à se positionner
avec succès au niveau international? En tant que président de la Communauté d’intérêts des facteurs
d’instruments de musique, je peux répondre à cette question en vous citant l'exemple de mon secteur.
Celui-ci représente environ 550 professionnels actifs dans un peu plus de 200 entreprises et 44 ap-
prentis partis dans 5 secteurs, à savoir: la fabrication d'instruments à vent, la réparation d'instru-
ments à vent, la facture d'orgues, la facture de pianos et la facture de tuyaux d'orgue. D'une durée de
4 ans, la formation scolaire et interentreprises des apprentis est plurilingue; les classes sont compo-
sées d'élèves en provenance des diverses régions linguistiques de la Suisse.
Les instruments de musique fabriqués en Suisse sont connus pour être chers, mais également pour
être des instruments de haute qualité. La branche a une excellente réputation à l'échelle internationale
grâce à cette qualité de pointe. Ainsi, on trouve dans le monde entier les produits haut de gamme
réalisés par les facteurs d'orgue helvétiques. Au cours des 10 dernières années, 60 à 70% des nou-
velles orgues produites ont été livrées à l'étranger. Plusieurs sociétés spécialisées dans la restaura-
tion d'orgues historiques ont une clientèle internationale.
Des spécialistes suisses travaillent en première ligne dans les plus importantes et éminentes factures
de pianos droits et à queue telles que Steinway & Sons et Bösendorfer. Ils sont en contact très étroit
avec des stars mondiales du piano et se chargent de préparer leurs instruments selon leurs souhaits
particuliers.
De célèbres fabricants suisses d'instruments à vent exportent jusqu'à 80% de leur production. Un
fabricant romand d'instruments à vents a mis au point et breveté une valve spéciale. Plus de 10 000
de ces pièces ont été installées dans le monde entier par de nombreuses entreprises. Un récent ar-
ticle de presse a relevé que les trombones, trompettes et saxophones du souffleur de Robbie Williams
ont été fabriqués par une entreprise alémanique.
Cette position sur le marché pourra être maintenue à long terme à condition que l'on dispose d'une
formation de qualité. Le marché suisse n'en reste pas moins très important. Ainsi, l'Association suisse
des musiques (ASM) et les associations cantonales qui la composent représentent plus de 2 074 sec-
tions et 70 463 membres. Un objectif important à viser en Suisse serait que, malgré une forte concur-
rence étrangère, un maximum de musiciens jouent sur des instruments fabriqués et entretenus dans
notre pays.
Dans cette optique, il est important que nous mettions en évidence la force d'innovation, l'importance
économique et la renommée internationale de notre secteur et de pouvoir le positionner de telle sorte
qu'il gagne en attrait et en promesses d'avenir aux yeux des jeunes professionnels. À cet égard, des
plateformes telles que SwissSkills Berne 2014, qui offrira aux métiers à faible effectif l'occasion de se
présenter dans le cadre d'une émission spéciale, sont importantes. Du 17 au 21 septembre 2014,
18 métiers se présenteront à Berne dans le cadre de ce grand événement qui leur permettra, d'un
seul coup, de se renforcer en faisant mieux connaître la diversité des perspectives qu'ils peuvent offrir
en matière de formation et de perfectionnement. L'ouvrage intitu« Artisans et artisanes de demain »
ainsi que les présentations d'apprentis au Musée de Ballenberg, dont vous parlera dans quelques
instants Madame Daniela Christen, sont des jalons importants posés dans cette direction.
De telles actions permettront de stimuler la demande de places d'apprentissage et d'augmenter nos
chances d'attirer un nombre suffisant d'apprentis tout en sensibilisant les milieux politiques et écono-
miques, les médias et l'opinion publique aux défis actuels des métiers à faible effectif. Je vous remer-
cie de votre attention.
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