Les nouvelles de l’AFIC
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Bulletin Infirmier du Cancer Vol.4-n°3-juillet-août-septembre 2004
Croire que le cancer est une maladie des
temps modernes serait une erreur. Ces
tumeurs osseuses découvertes sur des sque-
lettes d’animaux préhistoriques ou dessinées sur des
peintures le montrent bien. Le cancer existe depuis
que la vie est apparue sur cette terre, est présent
chez tous les êtres vivants, les plantes, insectes et
bien sûr chez l’homme. C’est une maladie de la cel-
lule et de la régulation de son homéostasie.
Ere avant Jésus-Christ
Bien avant l’ère de Jésus-Christ, des cancers furent
trouvés sur le squelette d’un homme de fer et sur
des momies égyptiennes. Des écrits mésopotamiens,
indiens, persans parlent de cancer. Déjà au Vesiècle
avant JC, Hérodote décrivait la tumeur du sein
d’Atossa, fille de Cyrus, femme de Darius.
Hippocrate (460-370 avant JC) décrit le carcinome
comme étant une tumeur envahissante, conduisant
à une mort inéluctable ; il décrit le cancer de la peau,
du sein, de l’estomac, du col de l’utérus. Celsus,
médecin romain (28 ans avant, 50 ans après JC)
définit les stades de la maladie en fonction de son
évolution : cacoethes (tumeur de stade précoce) qua-
lifié de pernicieux, malin, carcinome sans ulcéra-
tion, carcinome avec lésion exubérante. De même,
définit-il les traitements en fonction de l’évolution
de la maladie : excision, cautérisation, onguents.
Aretaeus (IIeet IIIesiècle avant JC) décrit le cancer de
l’utérus et Léonidas, à Alexandrie, le cancer du sein.
Galien (130-201 après JC) décrira le cancer comme
La cancérologie
au fil des siècles :
carnet de route
Dr BRIGITTE DUCLOS
Praticien hospitalier en oncologie, CHU Strasbourg
Lors des dernières Rencontres infirmières en oncologie (RIO), en mars
2004 à Paris, le docteur Brigitte Duclos, praticienne hospitalière dans
le département d’onco-hématologie des Hôpitaux universitaires de
Strasbourg, présenta un carnet de route bien particulier, un voyage de
la préhistoire au début de ce XXIesiècle relatant l’évolution de la
cancérologie. Ce petit voyage vous tente-t’-il ? Oui ! Alors en route et
suivons le guide !
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une tumeur due à un excès d’humeur, un déséqui-
libre de la bile noire dont les traitements consistaient
en des régimes alimentaires, purges, médicaments,
saignées, excision de la lésion. Il est à noter que ces
théories perdureront pendant 1 500 ans avec peu de
progrès.
Fin du premier millénaire :
la médecine arabe se distingue
Avicenne (980-1037), à Bagdad, décrit l’évolution
des cancers. Albucasis (1013-1106), à Cordoue,
recommande, l’excision en début d’évolution, la cau-
térisation des tissus avoisinants, la purge de la bile
noire et la saignée. Avenzoar (1070-1162), à Cordoue,
présente la description du cancer de l’estomac, de
l’œsophage et des tumeurs médiastinales.
Moyen-âge
Ce sont les chirurgiens qui contribuent à une
meilleure compréhension du cancer. John of Andeire
(1307-1390) décrit les symptômes du carcinome rec-
tal : hémorragies, obstructions.
De la Renaissance
au XVIesiècle
A la Renaissance, les textes originaux d’Hippocrate
et de Galien sont redécouverts. Les autopsies sont
autorisées, ce qui permet d’accroître les connais-
sances anatomiques. Ambroise Paré (1509-1590)
décrit, dans son traité des “ tumeurs contre nature ”,
les métastases comme des manifestations locales de
l’humeur noire et donne la description de la tumeur
du sein d’une dame d’honneur de Catherine de Médi-
cis. Gaspard Aselli (1581-1625) décrira le système
lymphatique et Jean Pecquet (1622-1674) le canal
thoracique.
Du XVII eau XIX esiècle
Au XVIIesiècle, peu de progrès sont à noter. Au
contraire, le cancer est considéré comme une mala-
die contagieuse et, à cet effet, des hôpitaux pour
cancéreux seront créés. Aux XVIIIeet XIXesiècle, on
reprend la théorie des “ humeurs ” de Galien. Henri
François Pedrei (1685-1770) préconise, dans le trai-
tement chirurgical, d’exciser non seulement la
tumeur, mais aussi les ganglions lymphatiques axil-
laires dans le cancer du sein. Il met ainsi en avant la
gravité du cancer si les ganglions sont envahis. Cette
époque marque aussi les notions de cancers pro-
fessionnels, de métastases. John Hunte (1728-1791)
évoque l’existence de prédispositions au cancer
(hérédité), le rôle de l’âge, du climat.
Au XIXesiècle, on montre que le cancer n’est pas
seulement une maladie de l’organisme, une mala-
die du tissu, mais aussi une maladie de la cellule,
une maladie du noyau cellulaire. La fin de ce siècle
verra la chirurgie évoluer grâce à l’anesthésie, l’an-
tisepsie, l’asepsie. Par la découverte de l’électricité,
naîtra l’électrocoagulation. Il faut aussi parler
de la découverte des rayons X, en 1895, et de
la radioactivité, en 1898 par Marie, Pierre Curie,
Bequère. De là, naîtra la radiothérapie, la radium-
thérapie (curiethérapie).
XXesiècle
Le début du XXesiècle sera marqué par un retour de
la peur. Le cancer, assimilé à nouveau à une mala-
die contagieuse, est mystifié. De véritables ghettos
pour cancéreux sont construits, éloignés des grandes
structures. D’un autre côté, les premières campagnes
de dépistage se mettent en place, ce qui, malen-
contreusement, accroît le phénomène de psychose.
Cancérologie contemporaine
Ce sera la découverte de l’ADN, qui marquera un
tournant dans la cancérologie, pour en venir à la
constatation que l’origine du cancer est un dérè-
glement du génome. Les facteurs endogènes de can-
cérisation sont les hormones et l’hérédité. Les fac-
teurs exogènes de cancérisation sont l’alimentation,
le rayonnement, la pollution, le tabac, l’alcool.
Les thérapies contemporaines, peut-être à l’étonne-
ment de certains, sont issues de la recherche mili-
taire. Les chimiothérapies résultent des expériences
faites avec les gaz moutardes en 1943. Les premiers
anti-métabolites sont le méthotrexate, le 5FU. Il
s’avère que la radiothérapie au Cobalt C060, produit
de déchet de la fabrication de la bombe atomique,
est plus performante et moins coûteuse que le radium.
De 1950 à 1975, c’est la grande euphorie. Une véri-
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table guerre contre le cancer est menée. Des insti-
tuts contre le cancer sont créés dans le monde entier.
Les dépenses consacrées au cancer sont énormes.
Cette période marque aussi l’avènement de la chi-
miothérapie, qui élimine les métastases, traque les
cellules cancéreuses dans tous ses retranchements.
De 1980 à 1995, on pourra constater les résistances
aux traitements. Les radiothérapies utilisent les pro-
tons et neutrons. Et de nouvelles thérapeutiques très
ciblées, comme l’immunothérapie (IFN, IL2, TNF) et
les anticorps monoclonaux voient le jour.
Fin XX e-début XXIesiècle
Le Plan Cancer, qui met l’accent sur le dépistage, la
prévention, la création de cancéropôles, montre
combien la maladie du cancer est devenue une des
priorités du gouvernement, d’une société. Grâce à
la recherche thérapeutique, la chirurgie s’améliore
beaucoup, réduisant ainsi les gestes opératoires. Par
la connaissance sur le génome (l’oncogénétique), la
pose du diagnostic devient plus précise, permettant
un traitement plus ciblé. Et puis, l’importance que
l’on accorde à la qualité de vie a grandi. On ne consi-
dère plus seulement l’organe malade, mais aussi le
patient comme un individu, à part entière, avec son
histoire, son environnement, pour le rendre, lui et
sa famille, participants actifs dans ce long périple
que représente un traitement anticancéreux.
Et bien, nous voici arrivés ! Mais est-ce vraiment la
fin du voyage ? Non, sûrement pas. Les décennies
prochaines nous le montreront. Alors, à bientôt.
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