Leçon 7. Lois de composition. Le plan complexe Cette fiche, plus succincte que les précédentes, est un résumé des quatre heures d’amphi consacrées à ces questions. 1. Lois de composition Soit E un ensemble. Une loi de composition interne sur E (une LCI) est une application ? : E × E → E : (a, b) 7→ a ? b Exemples: (1) l’addition + : Z × Z → Z : (m, n) 7→ m + n (2) la multiplication × : Z × Z → Z : (m, n) 7→ mn (3) l’intersection ∩ : P (N) × P (N) → P (N) : (A, B) 7→ A ∩ B (4) l’addition + : Q × Q → Q : ( ab , dc ) 7→ ad+bc bd (5) la multiplication × : Q × Q → Q : ( ab , dc ) 7→ ac bd On dit que la LCI ? sur E est commutative si quels que soient a, b ∈ E, a ? b = b ? a. On dit qu’elle admet un élément neutre s’il existe un élément e ∈ E tel que a ? e = a = e ? a quel que soit a ∈ E. Exemples: les lois (1) à (5) sont commutatives. Voici des éléments neutres pour les 5 exemples: pour (1) 0 ∈ Z pour (2) 1 ∈ Z, pour (3) la partie N∈ P (N), pour (4) 0 ∈ Q, pour (5) 1 ∈ Q. Propriété: si un neutre existe, il est unique: en effet, si e et e0 sont des éléments neutres on a e = e ? e0 car e0 est neutre et on a aussi e ? e0 = e0 car e est neutre. Donc e = e0 . On dit que la LCI ? sur E est associative si (a ? b) ? c = a ? (b ? c) quels que soient a, b, c ∈ E. Exemples: les lois de (1) à (5) sont associatives. Eléments inversibles: soit ? une LCI sur E qui soit associative et à neutre e ∈ E. On dit que a ∈ E est inversible pour ? s’il existe un élément b ∈ E tel que a ? b = b ? a = e. Si b existe, il est unique: en effet, si b0 en est un autre on a (b ? a) ? b0 = e ? b0 = b0 . Par associativité (b ? a) ? b0 = b ? (a ? b0 ) = b ? e = b. Donc b0 = b. b est appelé l’inverse ou le réciproque de a pour ?. Il est souvent noté b−1 . Exemples: pour (1), le réciproque de n ∈ Z est −n; pour (2), seul 1 et −1 admettent un réciproque dans Z (si n 6= ±1 alors n1 6∈ Z); pour (3), seul N admet un réciproque (s’il existe B ∈ P (N) telle que A ∩ B = N , alors N⊂ A et donc N= A); pour (4), le réciproque de ab est − ab ; pour (5), tout b a b 6= 0 admet pour réciproque a . 1 2. Anneaux, Corps Voici 3 définitions importantes (en mathématique et en informatique): Groupe: soit G un ensemble non vide et ? une LCI sur G. On dit que (G, ?) est un groupe si (g1) ? est associative, (g2) ? admet un élément neutre e (g3) tout élément a ∈ G est inversible pour ?. On dit que (G, ?) est commutatif ou abélien si ? est commutative. Exemples de groupes: (Z, +), (Q, +), (Q \ {0}, ×), (R, +), (R \ {0}, ×). Anneau: soit A un ensemble non vide et soient +A et ·A deux LCI sur A. On dit que (A, +A , ·A ) est un anneau si (a1) (A, +A ) est un groupe commutatif dont le neutre est noté 0A (a2) ·A : A × A → A : (a, b) 7→ a ·A b est associative et admet un neutre noté 1A . (a3) ·A est distributive par rapport à +A ce qui signifie a ·A (b +A c) = (a ·A b) +A (a ·A c), (b +A c) ·A a = (b ·A a) +A (c ·A a) quels que soient a, b, c ∈ A. L’anneau A est dit commutatif si ·A est commutative. Il faut voir que cette définition formelle imite les propriétés usuelles des opérations d’addition et de multiplication sur Z qui est l’exemple fondamental d’anneau. Exemples d’anneaux: (Z, +, ×), (Q, +, ×), (R, +, ×). Corps: un anneau (A, +A , ·A ) est appelé un corps si tout élément a ∈ A \ {0A } est inversible pour ·A , i.e. si (A \ {0A }, ·A ) est un groupe. Exemples de corps: (Q, +, ×), (R, +, ×). 3. Le plan complexe Question: Peut-on, par analogie au corps des réels, définir une loi d’addition notée +2 et une loi de multiplication notée ·2 sur le plan R2 telles que (R2 , +2 , ·2 ) soit un corps? La réponse est positive et c’est précisément là qu’interviennent les nombres complexes. Sur le plan R2 = {(a, b), a, b ∈ R} on pose (a, b) +2 (a0 , b0 ) = (a + a0 , b + b0 ) (a, b) ·2 (a0 , b0 ) = (aa0 − bb0 , ab0 + ba0 ) Théorème: (R2 , +2 , ·2 ) est un corps commutatif. Démo: il s’agit de vérifier les 3 conditions (a1), (a2), (a3) de la définition, l’inversibilité pour ·2 et sa commutativité. 2 pour (a1): le neutre est (0, 0) et le réciproque de (a, b) est (−a, −b). Je vous laisse l’associativité et la commutativité. pour (a2), j’énonce simplement les vérifications à effectuer: pour l’associativité, montrer que ((a, b) ·2 (a0 , b0 )) ·2 (a00 , b00 ) = (a, b) ·2 ((a0 , b0 ) ·2 (a00 , b00 )), le neutre est (1, 0), le réciproque de (a, b) 6= (0, 0) est ( (a2 a −b , 2 ), 2 + b ) (a + b2 ) pour la commutativité, montrer que (a, b) ·2 (a0 , b0 ) = (a0 , b0 ) ·2 (a, b). pour (a3): par commutativité, il suffit de montrer que (a, b) ·2 ((a0 , b0 ) +2 (a00 , b00 )) = ((a, b) ·2 (a0 , b0 )) +2 ((a, b) ·2 (a00 , b00 )). La notation complexe. Pour r ∈ R et (a, b) ∈ R2 convenons d’écrire r(a, b) = (ra, rb). On a alors (a, b) = a(1, 0) + b(0, 1). Notons (1, 0) = 1 (l’unité réelle) et notons (0, 1) = i (l’unité imaginaire). On a alors (a, b) = a 1 + b i =not. a + bi. C’est la notation complexe pour un point du plan. Définition: on appelle plan complexe C l’ensemble des expressions {a + ib, a, b ∈ R}. Pour un complexe z = a + ib ∈ C on appelle a = Re (z) la partie réelle de z et b = Im (z) sa partie imaginaire. Il faut bien comprendre que l’ensemble C n’est rien d’autre que le plan usuel R2 dans des conventions différentes de notations, ce que l’on peut exprimer en disant que l’application R2 → C : (a, b) 7→ a + ib est une bijection. Par ce changement de notations, l’axe des abscisses devient l’axe réel et l’axe des ordonnées devient l’axe imaginaire. Les lois +2 et ·2 s’écrivent alors (a + ib) +2 (a0 + ib0 ) = (a + a0 ) + i(b + b0 ) (a + ib) ·2 (a0 + ib0 ) = (aa0 − bb0 ) + i(ab0 + a0 b) comme au lycée. En particulier (0, 1) ·2 (0, 1) = (−1, 0) devient i2 = −1. On oublie ensuite les indices 2 dans les lois et on note +2 simplement + et ·2 simplement ·. 3 Complexe conjugué et module: Le complexe conjugué de z = a + ib est le complexe z = a − ib. Le module de z, noté | z |, est la distance euclidienne du couple (a, b) à l’origine (0, 0): | z |= p a2 + b2 . On a | z |2 = zz ce qui permet de voir que | zz 0 |=| z | | z 0 | quels que soient z, z 0 ∈ C. L’inverse de z pour la multiplication complexe s’écrit z −1 = a − ib 1 z = = . 2 2 (a + b ) zz z Forme polaire (ou trigonométrique) d’un complexe: a b On a z = a + ib =| z | ( |z| + i |z| ), avec −1 ≤ a |z| ≤ 1 et −1 ≤ b |z| ≤ 1. a b On appelle argument de z tout réel θ tel que |z| = cos θ et |z| = sin θ. La forme polaire de z est l’expression z =| z | (cos θ + i sin θ) =not. | z | eiθ . Proposition: pour tous réels θ, θ0 on a 0 0 eiθ eiθ = ei(θ+θ ) . Démo: (cos θ + isin θ)(cos θ0 + isin θ0 ) = (cos θ cos θ0 − sin θ sin θ0 ) + i(cos θ sin θ0 + sin θ cos θ0 ) = cos(θ + θ0 ) + i sin(θ + θ0 ) =e . i(θ+θ 0 ) Corollaire: quels que soient les réels θ1 , . . . θn , on a eiθ1 · eiθ2 · · · eiθn = ei(θ1 +···+θn ) . En particulier, on a (eiθ )n = einθ . C’est la formule de Moivre (cos θ + i sin θ)n = cos nθ + i sin nθ. Corollaire: si θ est un argument du complexe z alors tout argument de z s’écrit θ0 = θ + 2πl, 0 0 l ∈ Z. Démo: si | z | eiθ =| z | eiθ alors ei(θ−θ ) = 1 i.e. cos(θ − θ0 ) = 1 et sin(θ − θ0 ) = 0. D’où θ − θ0 est un multiple entier de 2π. 4 3. Racines Définition: soit z 6= 0 un nombre complexe et n 6= 0 un entier naturel. On appelle racine n−ième de z tout nombre complexe w tel que wn = z. On commence par le cas n = 2. Proposition: tout complexe z non nul admet exactement 2 racines deuxièmes. Démo: soit z = a + ib et w = x + iy tel que w2 = z. Cette équation s’écrit (x + iy)2 = (x2 − y 2 ) + i(2xy) = a + ib ce qui équivaut aux 2 conditions (1) x2 − y 2 = a, (2) 2xy = b Pour faciliter la solution on utilise aussi l’égalité de modules | w |2 =| z | i.e. (3) x2 + y 2 = p a2 + b2 . (1) + (3) donne 2x2 et (1) - (3) donne −2y 2 . Les signes relatifs de x et y sont donnés par (2) et il y a toujours exatement deux solutions. Bien sûr, si w1 est solution, −w1 l’est aussi. Théorème: soit n ∈ N \ {0}. Tout complexe non nul z admet exactement n racines n− ièmes distinctes. Démo: la preuve repose sur la forme polaire. Ecrire z =| z | eiθ , w =| w | eiφ . La condition wn = z s’écrit | z | eiθ = (| w | eiφ )n =| w |n einφ . 1 En prenant le module, on a donc | w |n =| z | i.e. | w |=| z | n . En simplifiant par le module, on a einφ = eiθ . Dès lors il existe l ∈ Z tel que nφ = θ + 2πl et θ + 2πl . n φ= En conclusion, si wn = z alors 1 w = (| z |) n ei( θ+2πl ) n , avec l ∈ Z. Réciproquement, quel que soit l ∈ Z ce w satisfait wn = z. On va montrer qu’il y a exactement n racines distinctes. Pour l ∈ Z on a par division euclidienne l = qn + r, 0 ≤ r ≤ n − 1. Un petit calcul donne θ+2πl θ+2πr ei( n ) = ei( n ) . Ce qui montre qu’il y a au plus n solutions distinctes correspondant aux différents choix du reste r entre 0 et n − 1. Pour conclure, il suffit de montrer que si pour 0 ≤ r ≤ r0 ≤ n − 1 on a θ+2πr θ+2πr 0 ei( n ) = ei( n ) alors r = r0 . Mais cette égalité équivaut à ei( 2πr n ) = ei( 5 2πr 0 n ) i.e. à ei( 2π(r 0 −r) ) n = 1. 0 Dès lors 2π(rn−r) est un multiple entier de 2π i.e. r0 − r est un multiple de n. L’encadrement 0 ≤ r0 − r ≤ n − 1 implique r0 − r = 0. En conclusion, les n racines n−ièmes du complexe z =| z | eiθ sont 1 | z | n ei( θ+2πl ) n 0 ≤ l ≤ n − 1. , Voici quelques points du cours d’amphi non repris dans cette fiche mais discutés en travaux dirigés: (1) les racines n−ièmes sont les sommets d’un polygone régulier du plan. (2) applications des racines à la résolution d’équations algébriques: az 2 + bz + c = 0, a, b, c ∈ C et (z − 1)6 + (z + 1)6 = 0. (3) applications du binôme de Newton et de la formule de Moivre au développement de cos et sin en puissance de sin et cos et à la linéarisation de sinn θ et cosn θ. Ces applications sont importantes. Pour des exemples, voir le fichier du CC2009, dans la section archives de la page du cours. 6