École des Mines de Douai — FIAASMathématiques Algèbre linéaire
Algèbre linéaire :
rappels et compléments
F. Delacroix, École des Mines de Douai, 21 octobre 2010
Introduction
Le présent polycopié est divisé en deux grandes parties :
un ensemble de rappels de notions et résultats fondamentaux d’algèbre linéaire vus
en classe de mathématiques supérieures,
un cours plus détaillé sur la notion de déterminant, dont seuls les cas de la dimension
2ou 3sont au programme de certaines filières de mathématiques supérieures.
Il n’est pas nécessaire à tout un chacun de comprendre tous les tenants et aboutissants
de la théorie, notamment certaines démonstrations assez difficiles (signalées par ()). Il
est en revanche capital de bien maîtriser toutes les notions de la première partie et les
passages signalés par un symbole (F) dans la seconde partie.
Ce poly ne fera pas l’objet d’un cours magistral mais deux séances de TD y seront
consacrées. On trouvera davantage de développements dans n’importe quel ouvrage d’al-
gèbre linéaire.
Dans tout ce cours, Kdésigne un corps commutatif de caractéristique différente de 2
(c’est-à-dire pour lequel 1+16= 0), qui sera généralement Rou C.
() Remarque
Il existe des corps de caractéristique 2, comme Z/2Z={0,1}...
Première partie
Rappels de mathématiques
supérieures
1 Applications linéaires
Définition 1
Soient Eet Fdeux K-espaces vectoriels, f:EFune application. On dit que
fest linéaire, ou que c’est un morphisme d’espaces vectoriels si
(x, y)E2,λK, f(x+λy) = f(x) + λf(y).
Autrement dit, une telle application préserve les sommes de vecteurs et mutlipli-
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Algèbre linéaire MathématiquesÉcole des Mines de Douai — FIAAS
cations de vecteur par scalaire et, plus généralement, les combinaisons linéaires.
fest un endomorphisme de Esi fest une application linéaire de Edans
lui-même (c’est-à-dire E=F).
fest un isomorphisme si fest une application linéaire bijective.
fest un automorphisme si fest à la fois un isomorphisme et un endomor-
phisme.
() Remarque
Prenons un peu de recul vis-à-vis de ce vocabulaire, déjà souvent rencontré.
Le mot «morphisme» vient du grec «morphê» qui signifie «forme». La forme dont il
est question ici est celle qui fait d’un ensemble particulier un espace vectoriel, c’est-à-
dire les opérations d’addition des vecteurs et de multiplication de vecteurs par scalaires.
Dire qu’une application est un «morphisme d’espaces vectoriels» signifie donc qu’elle
respecte cette «forme», c’est-à-dire ces deux opérations.
Plus généralement, dès qu’une structure algébrique est donnée sur un ensemble, on
a une notion de morphisme. On parle ainsi de morphisme de groupes, anneaux, corps,
algèbres, espaces vectoriels, etc.
Dans le cadre de la théorie des catégories, ce langage est poussé plus loin : une
«catégorie» est formée d’«objets» et de «morphismes» (également appelés «flèches»)
entre ces objets (avec certaines conditions). Il y a par exemple la catégorie des groupes
dont les morphismes sont les morphismes de groupes, mais aussi les espaces topolo-
giques (ensembles munis d’une topologie) dont les morphismes sont les applications
continues ! Citons également la catégorie des fibrés vectoriels, celle des variétés lisses
(dont les morphismes sont les applications de classe C). . .
La somme, le produit par scalaire, la composée (si elle est définie), l’inverse (s’il existe)
d’applications linéaires est linéaire. Les applications linéaires de Edans Fforment un
espace vectoriel noté L(E, F ).
Lorsque E=F, on note cet espace L(E); il est alors muni par la composition des
endomorphismes d’une structure de K-algèbre associative unitaire : la composition est
associative, admet comme élément neutre l’identité de E, notée idE, et est compatible
avec les lois de l’espace vectoriel.
On note GL(E, F )l’ensemble des isomorphismes de Esur F. Ce n’est pas un espace
vectoriel. La notation GL(E)désigne l’ensemble des automorphismes de E, qui est muni
d’une structure de groupe par la composition.
Les espaces Eet Fsont dits isomorphes s’il existe un isomorphisme de Esur F.
Définition 2
Étant donnée une application linéaire f:EF, on définit :
le noyau de fpar
ker f ={xE, f(x)=0}=f1({0}),
– l’image de fpar
Im f ={f(x), x E}={yF, xE, y =f(x)}=f(E).
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Alors ker f est un sous-espace vectoriel de Eet Im f est un sous-espace vectoriel de
F; et on a :
(finjective)(ker f ={0}) ;
(fsurjective)(Im f =F).
2 Familles libres, génératrices, bases ; dimension
2.1 Définitions
Définition 3
Soit une famille (c’est-à-dire un ensemble ordonné) Fde vecteurs d’un espace vectoriel
E. Une combinaison linéaire de vecteurs de Fest un vecteur xde Equi peut s’écrire
x=
m
X
i=1
λiei
mN,λ1, . . . , λmKet e1, . . . , em∈ F.
Lorsque Fest une famille finie (e1, . . . , en), une telle combinaison peut s’écrire
n
X
i=1
λiei
(quitte à choisir certains scalaires nuls), mais il ne faut pas oublier qu’une combinaison
linéaire est toujours une somme finie.
Une telle combinaison linéaire est dite triviale si tous les scalaires λisont nuls.
Définition 4
Le sous-espace vectoriel engendré par Fest le sous-espace vectoriel de Eformé
de toutes les combinaisons linéaires de vecteurs de F. C’est le plus petit (au sens de
l’inclusion) sous-espace vectoriel de Econtenant tous les vecteurs de F; on le note
Vect(F)(plus rarement hFi).
Les définitions suivantes (ou plutôt leurs expressions quantifiées) sont énoncées dans
le cas d’une famille finie F= (e1, . . . , en)mais se généralisent sans problème au cas d’une
famille infinie de vecteurs de Eau vu de la définition de combinaison linéaire ci-dessus.
Définition 5
On dit que la famille Fest :
libre si toute combinaison linéaire nulle de vecteurs de Fest nécessairement
triviale :
(λ1, . . . , λn)Kn, n
X
i=1
λiei= 0!=(λ1=λ2=· · · =λn= 0)
(l’implication réciproque étant toujours vraie) ;
génératrice si Vect(F) = E, c’est-à-dire si tout vecteur de Epeut s’écrire
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comme combinaison linéaire de vecteurs de F:
xE, (λ1, . . . , λn)Kn, x =
n
X
i=1
λiei;
une base de Esi Fest à la fois libre et génératrice. Alors tout vecteur xde E
s’écrit de manière unique sous la forme
x=
n
X
i=1
λiei
avec (λ1, . . . , λn)Kn. Ce n-uplet de scalaires s’appelle les coordonnées de x
dans la base F.
Une famille non libre est dite liée. Deux (resp. trois) vecteurs formant une famille liée
sont parfois dits colinéaires (resp. coplanaires).
2.2 Bases, dimensions
Tout espace vectoriel Eadmet une base (en fait une infinité si Eest infini — c’est
le cas lorsque K=Rou Cet E6={0}), et toutes les bases de Esont en bijection les
unes avec les autres. En particulier, on dit que Eest de dimension finie si Eadmet
une base finie, et toutes les bases de Eont alors le même nombre d’éléments. Dans ce cas,
ce nombre s’appelle la dimension de Eet se note dimKEou, lorsqu’aucune ambiguïté
n’est à craindre quant à l’identité des scalaires, dim E.
() Remarque 1
Il existe une notion bien précise de dimension lorsque Eest de dimension infinie, mais
elle nécessite l’utilisation des cardinaux transfinis de Cantor. Exemple : dimRR[X] =
0(l’espace R[X]des polynômes à coefficients réels admet une base dénombrable :
(Xn)nN).
Par convention, l’espace vectoriel {0}est de dimension 0et sa seule base est la famille
vide. Si Eest de dimension 1(resp. 2), on dit aussi que Eest une droite (resp. un plan).
Si Eest un espace vectoriel de dimension finie n, alors pour toute famille Fde nvecteurs,
(Fest libre)(Fest une base)(Fest génératrice).
Si Eet Fsont deux espaces vectoriels de même dimension finie et f:EFest une
application linéaire,
(fest injective)(fest bijective)(fest surjective).
Plus précisément, si Eest un espace vectoriel de dimension finie, Fun espace vectoriel
et f:EFune application linéaire, le rang de fest le nombre
rg f= dim(Im f).
On a alors le. . .
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Théorème 1 (Théorème du rang)
Sous ces hypothèses, on a
dim E= dim ker f + rg f.
3 Représentation matricielle des applications linéaires
3.1 Définitions, notations et premiers résultats
Définition 6
Soient Eet Fdeux K-espaces vectoriels de dimensions respectives net p,f:EF
une application linéaire, BE= (e1, . . . , en)et BF= (f1, . . . , fp)des bases de Eet F
respectivement. La matrice de frelativement aux bases BEet BFest la matrice
àplignes et ncolonnes à coefficients dans Kdont la jème colonne est constituée des
coordonnées de f(ej)dans la base BF. Cette matrice se note MatBE,BF(f).
Alors le vecteur-colonne des coordonnées dans BFde l’image f(x)d’un vecteur xde
Es’obtient en multipliant à droite la matrice MatBE,BF(f)par le vecteur-colonne des
coordonnées de xdans BE.
Les matrices à plignes et ncolonnes à coefficients dans Kforment un espace vectoriel,
noté Mp,n(K), de dimension np. Bien sûr, si f, g L(E, F )et λK, on a
(MatBE,BF(f+g) = MatBE,BF(f) + MatBE,BF(g)
MatBE,BF(λf) = λMatBE,BF(f).
Réciproquement, étant donnée une matrice A∈ Mp,n(K), il existe une unique application
linéaire fL(E, F )telle que MatBE,BF(f) = A. Autrement dit, l’application
MatBE,BF:L(E, F )→ Mp,n(K)
f7−MatBE,BF(f)
est un isomorphisme d’espaces vectoriels.
De plus, pour fL(E, F )et gL(F, G)(où E,F,Gsont trois K-espaces vectoriels
de dimensions respectives n,pet qmunis de bases BE,BFet BG), on a également
MatBE,BG(gf) = MatBF,BG(g) MatBE,BF(f).
Rappelons ici la formule définissant le produit matriciel : soient A= (aij )16i6p
16j6n∈ Mn,p(K)
et B= (bij )16i6n
16j6q. Alors AB = (cij )16i6p
16j6qavec
i∈ {1, . . . , p},j∈ {1, . . . , q}, cij =
n
X
k=1
aikbkj .
En particulier, lorsque n=p(matrices carrées), le produit de deux matrices de Mn(K)
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