c
Christophe Bertault - MPSI
Structures algébriques usuelles
Faites donc un tour d’horizon des objets mathématiques que vous connaissez : nombres, vecteurs, fonctions, ensembles. . .
Tous ces objets nous sont donnés avec des opérations ou lois : l’addition et la multiplication sur C, l’addition des vecteurs
dans l’espace, l’addition et la multiplication des fonctions à valeurs complexes, la composition des applications d’un ensemble
dans lui-même, la réunion et l’intersection des ensembles. . . Toutes ces lois fonctionnent sur le même modèle : elles prennent
deux objets de même type et en renvoient un troisième toujours de même type. Elles jouissent en outre de propriétés souvent
semblables : associativité, commutativité, distributivité. . .
La façon dont un ensemble d’objets est organisé par une opération ou loi est ce qu’on appelle sa structure. Dans ce chapitre,
nous allons adopter un point de vue général sur la notion d’opération ou loi et étudier en ce sens la structure des ensembles
d’objets que nous connaissons bien. Nous allons tenter de comprendre en quoi ces ensembles d’objets, quoique différents, n’en
sont pas moins semblables.
1Lois de composition internes
1.1 Définition
Définition (Loi de composition interne et magma) Soit Eun ensemble.
On appelle loi de composition interne sur E, ou simplement loi (interne)sur Etoute application de E×Edans E.
On appelle magma tout couple (E, ?)constitué d’un ensemble Eet d’une loi de composition interne ?sur E.
Explication
Si (E, ?)est un magma et si x, y E, on notera x ? y l’image du couple
(x, y)par ?plutôt que ?(x, y), sauf dans de rares cas. On imite ainsi l’usage
naturel des lois usuelles que sont l’addition et la multiplication des nombres
complexes.
Une loi de composition ?sur un ensemble fini E=x1, x2,...,xnpeut
être donnée sous la forme d’un tableau.
? x1... xj... xn
x1x1? x1... x1? xj... x1? xn
.
.
..
.
..
.
..
.
.
xixi? x1... xi? xj... xi? xn
.
.
..
.
..
.
..
.
.
xnxn? x1... xn? xj... xn? xn
Exemple
(E, +) et (E, ×)sont des magmas si Eest l’un des ensembles suivants : N,Z,Q,R,C. En effet, l’addition définit bien une
application de N×Ndans N, etc.
Pour tout ensemble E,P(E),,P(E),et EE,sont trois magmas.
(Z,)est un magma mais pas (N,), car la soustraction ne définit pas une application de N×Ndans N.
Si Vest l’ensemble des vecteurs de l’espace, (V,+) et (V,)sont deux magmas.
1.2 Associativité
Définition (Associativité) Soit (E, ?)un magma. On dit que (E, ?)est associatif, ou simplement que ?est associative, si :
x, y, z E, (x ? y)? z =x ? (y ? z).
Explication
L’associativité permet d’oublier les parenthésages. Ainsi, calculer (a ? b)?(c ? d)? e ou calculer a ? (b ? c)? d ? e , c’est
la même chose ; c’est pourquoi cet élément sera simplement noté a ? b ? c ? d ? e.
1
c
Christophe Bertault - MPSI
L’associativité permet en particulier la définition des puissances d’un élément xdonné : pour tout nN×, on note x?n
(ou xnquand il n’y a pas d’ambiguïté) l’élément x?n =x ? x ? . . . ? x
nfois
.
Bien souvent, on considère intuitivement telle loi ?comme une addition plus que comme une multiplication. Cela ne veut
pas dire ici que certaines lois sont des additions et d’autres des multiplications ; c’est juste une question de point de vue.
Dans le cas, donc, où l’on se représente la loi étudiée comme une addition +, on parle de multiples plutôt que de puissances
et on note n.x ou nx l’élément x+n=x+x+...+x
nfois
.
Exemple
(C,+) et (C,×)sont des magmas associatifs. C’est aussi le cas, pour tout ensemble E, de P(E),,P(E),et EE,.
(Z,)est un magma non associatif. En effet, par exemple, (3 1) 1 = 1 alors que 3(1 1) = 3.
Si Vest l’ensemble des vecteurs de l’espace, (V,+) est un magma associatif mais ce n’est pas le cas de (V,), car par
exemple ~ı (~ı ~) = ~ı ~
k=~alors que (~ı ~ı)~=~
0~=~
0.
1.3 Commutativi
Définition (Commutativité) Soit (E, ?)un magma. On dit que (E, ?)est commutatif, ou simplement que ?est commutative,
si :
x, y E, x ? y =y ? x.
Exemple
(C,+) et (C,×)sont des magmas commutatifs. C’est aussi le cas, pour tout ensemble E, de P(E),et P(E),.
Si Eest un ensemble possédant au moins deux éléments, EE,est un magma non commutatif. En effet, si x, y Esont
tels que x6=y, notons f:EEl’application constante égale à xet g:EEl’application constante égale à y; alors
fgest constante égale à xet gfconstante égale à y, de sorte que fg6=gf.
(Z,)est un magma non commutatif. En effet, par exemple, 31 = 2 alors que 13 = 2.
Si Vest l’ensemble des vecteurs de l’espace, (V,+) est un magma commutatif mais ce n’est pas le cas de (V,), car par
exemple ~ı ~=~
kalors que ~~ı =~
k6=~
k.
Définition (Généralisation des symboles et ) Soient (E, ?)un magma associatif et commutatif et (xi)iIune famille
d’éléments de Eindexée par un ensemble fini I. Alors la valeur du produit des xi,iI, ne dépend pas de l’ordre dans lequel on
effectue ce produit ; on la note F
iI
xi.
Si la loi du magma est considérée intuitivement comme une addition +, on utilise plutôt la notation
iI
xi; si c’est une
multiplication ×, on note plutôt
iI
xi.
1.4 Element neutre et éléments inversibles
Définition (Elément neutre) Soient (E, ?)un magma et eE. On dit que eest un élément neutre de (E, ?)(ou pour ?)
si :
xE, x ? e =e ? x =x.
Bien qu’ayant parlé dans la définition ci-dessus d’un élément neutre, nous pourrons en réalité désormais parler, s’il existe, de
l’élément neutre d’un magma (unicité). L’élément neutre est généralement noté 0Eou 0 quand la loi étudiée est pensée comme
une addition, et 1Eou 1 dans le cas d’une multiplication.
Théorème (Unicité de l’élément neutre) Un magma possède au plus un élément neutre.
Démonstration Soient (E, ?)un magma et e, e0E. On suppose que eet e0sont deux éléments neutres de
(E, ?). Montrons que e=e0. Rien n’est plus facile : e=e ? e0=e0.
2
c
Christophe Bertault - MPSI
Remarque Soit (E, ?)un magma possédant un élément neutre e. On définit par convention, pour tout xE, la puissance
0ème de xen posant x?0=e. Dans le cas où ?est considérée intuitivement comme une loi multiplicative, on note donc x0= 1 ;
dans le cas d’une loi additive, 0.x = 0.
Exemple
Les magmas (C,+) et (C,×)possèdent tous deux un élément neutre, respectivement les nombres usuels 0 et 1.
Pour tout ensemble E,est l’élément neutre de P(E),et Eest l’élément neutre de P(E),.
Pour tout ensemble E, l’application identique IdEest l’élément neutre de EE,.
(N×,+) ne possède aucun élément neutre.
Si Vest l’ensemble des vecteurs de l’espace, ~
0est l’élément neutre des deux magmas (V,+) et (V,).
Définition (Elément inversible) Soient (E, ?)un magma possédant un élément neutre eet xE. On dit que xest
inversible dans (E, ?), ou simplement que xest inversible pour ?, s’il existe x0Etel que :
x ? x0=x0? x =e.
Un tel élément x0est appelé un inverse de x.
C’est bien beau d’avoir des éléments inversibles, mais on aimerait tout de même qu’ils aient un inverse unique. Cette unicité
est vraie dans les magmas associatifs, comme le montre le théorème suivant.
Théorème (Inversibilité dans un magma associatif avec élément neutre) Soient (E, ?)un magma associatif possédant
un élément neutre e.
(i) Unicité de l’inverse : Soit xE. Si xest inversible, alors xpossède un unique inverse.
On l’appelle l’inverse de xet on le note x?1quand la loi ?est considérée intuitivement comme une loi multiplicative (ou x1
quand il n’y a pas d’ambiguïté) ; on l’appelle l’opposé de xet on le note xquand elle est considérée intuitivement comme
une loi additive +.
(ii) Simplification par un élément inversible : Soient x, y, z E.
Si x ? y =x ? z et si xest inversible, alors y=z.
Si y ? x =z ? x et si xest inversible, alors y=z.
(iii) Inversibilité d’un produit : Soient x, y E. Si xet ysont inversibles, x?y l’est aussi et : (x?y)1=y1?x1.
(iv) Puissances négatives : Soient xEet nN. Si xest inversible, alors xnl’est aussi et : xn1=x1n.
Cet élément est noté xn. La notation xka donc un sens pour tout kZ.
(v) Inversibilité d’un inverse : Soit xE. Si xest inversible, alors x1l’est aussi et : x11=x.
Attention ! Dans l’assertion (iii), si xet yne commutent pas, il est faux que (x ? y)1=x1? y1.
Démonstration
(i) Soient xEet x0et x00 deux inverses de xdans (E, ?).
Alors : x0=x0? e =x0?(x ? x00) = (x0? x)? x00 =e ? x00 =x00, et voilà.
(ii) Soient x, y, z E. On suppose que x ? y =x ? z et que xest inversible — si y ? x =z ? x, la preuve est
quasiment identique.
Alors : y=e ? y = (x1? x)? y =x1?(x ? y) = x1?(x ? z) = (x1? x)? z =e ? z =zcomme voulu.
(iii) Soient x, y Etous deux inversibles.
Alors : (x ? y)?(y1? x1) = x ? (y ? y1)? x1=x ? e ? x1=x ? x1=e.
De même : (y1? x1)?(x ? y) = y1?(x1? x)? y =y1? e ? y =y1? y =e.
Ces deux égalités montrent bien que (x ? y)est inversible et que y1? x1en est un inverse — et donc
l’inverse, par unicité.
(iv) Par récurrence à partir de l’assertion (iii).
(v) Soit xEinversible. Alors x ? x1=x1? x =e. Ceci est bien sûr une paraphrase de l’inversibilité de x.
Mais c’est aussi déjà une preuve de l’inversibilité de x1, et on observe comme voulu que x11=x.
3
c
Christophe Bertault - MPSI
Exemple
Dans (N,+), seul 0 possède un inverse. Par contre, tout élément de Cpossède un inverse — ou plutôt un opposé — pour
la loi +. Attention, donc : un élément peut posséder un inverse dans un certain ensemble mais ne pas en posséder dans un
ensemble plus petit, même si la loi est la même.
Dans (N,×), seul 1 possède un inverse ; dans (Z,×), seuls 1 et 1. Dans (C,×), tout élément possède un inverse, à
l’exception de 0 ; dans (C×,×)en revanche, qui est bien un magma, tout élément possède un inverse.
Pour tout ensemble E, on a vu que est l’élement neutre de P(E),et Ecelui de P(E),. En fait, seul possède
un inverse pour la réunion — en effet, si AB=, alors A=B=— et seul Epossède un élément neutre pour
l’intersection — en effet, si AB=E, alors A=B=E.
Si Eest un ensemble, les éléments de EEqui possèdent un inverse pour la composition sont exactement toutes les
bijections de Esur E. Ceci n’est qu’une reformulation du théorème affirmant l’équivalence entre la bijectivité et le fait de
posséder une réciproque.
Si Vest l’ensemble des vecteurs de l’espace, tout élément ~u de Vpossède un opposé, c’est ~u.
1.5 Distributivité d’une loi par rapport à une autre
Définition (Distributivité) Soient ?et |deux lois de composition internes sur un ensemble E. On dit que ?est distributive
par rapport à |si :
x, y, z E, x ? (y|z) = (x ? y)|(x ? z)et (y|z)? x = (y ? x)|(z ? x).
2Structure de groupe
2.1 Groupe
Définition (Groupe, groupe abélien)
On appelle groupe tout magma associatif, possédant un élément neutre, dans lequel tout élément est inversible.
Un groupe commutatif est très souvent appelé un groupe abélien.
Remarque
En particulier, dans un groupe, le théorème sur l’inversibilité dans les magmas associatifs possédant un élément neutre
s’applique. Il s’exprime même beaucoup plus simplement puisque tout élément d’un groupe est inversible.
Généralement, quand on introduit un groupe (G, ?)abstrait, on omet volontairement de mentionner la loi ?pour alléger
les notations ; on dit alors simplement : « Soit Gun groupe ». De même, au lieu de noter x ? x0le produit des deux éléments
xet x0, on se contente de noter xx0.
Exemple
(Z,+),(Q,+),(R,+) et (C,+) sont des groupes abéliens ; il en est de même de (Q×,×),(R×,×)et (C×,×), ainsi que de
(Q×
+,+),(R×
+,×).
En revanche, Z r 0,×n’est pas un groupe, car tout élément de Zn’est pas inversible pour la multiplication —
considérer 2 par exemple. Par ailleurs (Q×
,×)et (R×
,×)ne sont pas des groupes car ce ne sont même pas des magmas
— eh oui, la multiplication de deux réels strictement négatifs n’est pas un réel strictement négatif.
Si Vest l’ensemble des vecteurs de l’espace, (V,+) est un groupe abélien.
Définition (Groupe symétrique) Soit Eun ensemble non vide. On appelle groupe symétrique de El’ensemble des bijections
de Esur E, noté SE(ou parfois SE).
Le magma (SE,)est un groupe d’élément neutre IdE. On peut montrer que ce groupe est non abélien dès que Econtient au
moins trois éléments.
Démonstration Conséquence immédiate des propriétés du magma EE,démontrée dans les exemples
précédents.
4
c
Christophe Bertault - MPSI
Définition (Groupe produit) Soient G1et G2deux groupes. On pose, pour tous (x1, x2),(x0
1, x0
2)G1×G2:
(x1, x2)(x0
1, x0
2) = (x1x0
1, x2x0
2).
Alors (G1×G2,)est un groupe d’élément neutre (1G1,1G2).
Explication La structure de groupe produit n’est qu’une façon de ranger deux groupes dans un seul. Les deux
groupes n’interagissent pas : on les laisse chacun de leur côté, l’un sur la première composante, l’autre sur la seconde.
Remarque Le principe de cette construction se généralise sans difficulté et l’on peut faire le produit d’une famille quelconque
de groupes.
Démonstration
Montrons que est associative. Pour tous (x1, x2),(x0
1, x0
2),(x00
1, x00
2)G1×G2:
(x1, x2)(x0
1, x0
2)(x00
1, x00
2) = (x1, x2)(x0
1x00
1, x0
2x00
2) = (x1x0
1x00
1, x2x0
2x00
2)
= (x1x0
1, x2x0
2)(x00
2, x00
2) = (x1, x2)(x0
1, x0
2)(x00
1, x00
2).
Montrons que (G1×G2,)admet (1G1,1G2)pour élément neutre. Pour tout (x1, x2)G1×G2:
(1G1,1G2)(x1, x2) = 1G1x1,1G2x2= (x1, x2) = x11G1, x21G2= (x1, x2)(1G1,1G2).
Soit (x1, x2)G1×G2. Montrons que (x1, x2)est inversible — d’inverse x1
1, x1
2.
(x1, x2)x1
1, x1
2=x1x1
1, x2x1
2= (1G1,1G2) = x1
1x1, x1
2x2=x1
1, x1
2(x1, x2).
Exemple Pour tout nN×, l’addition naturelle +sur Rn, « coordonnée par coordonnée », définie par :
(x1, x2,...,xn),(y1, y2,...,yn)Rn,(x1, x2,...,xn) + (y1, y2,...,yn) = (x1+y1, x2+y2,...,xn+yn)
fait de (Rn,+) un groupe abélien.
2.2 Sous-groupe
Définition (Sous-groupe) Soient Gun groupe et Hune partie de G. On dit que Hest un sous-groupe de Gsi :
Hest stable par produit : h, h0H, hh0H;
Hest un groupe pour la loi de G.
Explication Un sous-groupe, c’est un groupe dans un autre groupe, mais attention : pour la même loi.
Exemple Pour tout groupe G,Glui-même et 1Gsont deux sous-groupes de G.
Théorème (Elément neutre et inverse dans un sous-groupe) Soient Gun groupe et Hun sous-groupe de G.
(i) Alors 1H= 1G. Autre version de ce résultat : 1GH.
(ii) Soit hH. L’inverse de hdans Het l’inverse de hdans Gcoïncident.
Démonstration
(i) Vous retrouverez seuls les commentaires attachés aux égalités suivantes : 1H1H= 1H= 1H1G. Or on
peut simplifier comme on veut dans un groupe, donc 1H= 1Gcomme annoncé.
(ii) Soit hH. Notons momentanément h0l’inverse de hdans Het h00 son inverse dans G. Alors en fait
h0=h00 car : h0= 1Gh0= (h00h)h0=h00 (hh0) = h00 1H=h001G=h00 .
5
1 / 14 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !