Structures algébriques usuelles

publicité
c Christophe Bertault - MPSI
Structures algébriques usuelles
Faites donc un tour d’horizon des objets mathématiques que vous connaissez : nombres, vecteurs, fonctions, ensembles. . .
Tous ces objets nous sont donnés avec des opérations ou lois : l’addition et la multiplication sur C, l’addition des vecteurs
dans l’espace, l’addition et la multiplication des fonctions à valeurs complexes, la composition des applications d’un ensemble
dans lui-même, la réunion et l’intersection des ensembles. . . Toutes ces lois fonctionnent sur le même modèle : elles prennent
deux objets de même type et en renvoient un troisième toujours de même type. Elles jouissent en outre de propriétés souvent
semblables : associativité, commutativité, distributivité. . .
La façon dont un ensemble d’objets est organisé par une opération ou loi est ce qu’on appelle sa structure. Dans ce chapitre,
nous allons adopter un point de vue général sur la notion d’opération ou loi et étudier en ce sens la structure des ensembles
d’objets que nous connaissons bien. Nous allons tenter de comprendre en quoi ces ensembles d’objets, quoique différents, n’en
sont pas moins semblables.
Lois de composition internes
1
1.1
Définition
Définition
(Loi de composition interne et magma) Soit E un ensemble.
• On appelle loi de composition interne sur E, ou simplement loi (interne) sur E toute application de E × E dans E.
• On appelle magma tout couple (E, ?) constitué d’un ensemble E et d’une loi de composition interne ? sur E.
Explication
Si (E, ?) est un magma et si x, y ∈ E, on notera x ? y l’image du couple
(x, y) par ? plutôt que ?(x, y), sauf dans de rares cas. On imite ainsi l’usage
naturel des lois usuelles que sont l’addition et la multiplication des nombres
complexes.
n
Une loi de composition ? sur un ensemble fini E =
être donnée sous la forme d’un tableau.
o
x1 , x2 , . . . , x n
peut
?
x1
..
.
xi
..
.
xn
x1
x1 ? x1
..
.
xi ? x1
..
.
xn ? x1
...
...
...
...
xj
x1 ? xj
..
.
xi ? xj
..
.
xn ? xj
...
...
...
...
xn
x1 ? xn
..
.
xi ? xn
..
.
xn ? xn
Exemple
• (E, +) et (E, ×) sont des magmas si E est l’un des ensembles suivants : N, Z, Q, R, C. En effet, l’addition définit bien une
application de N × N dans N, etc.
• Pour tout ensemble E, P(E), ∪ , P(E), ∩ et E E , ◦ sont trois magmas.
• (Z, −) est un magma mais pas (N, −), car la soustraction ne définit pas une application de N × N dans N.
• Si V est l’ensemble des vecteurs de l’espace, (V , +) et (V , ∧) sont deux magmas.
1.2
Associativité
Définition
(Associativité) Soit (E, ?) un magma. On dit que (E, ?) est associatif, ou simplement que ? est associative, si :
∀x, y, z ∈ E,
(x ? y) ? z = x ? (y ? z).
Explication
• L’associativité permet d’oublier les parenthésages. Ainsi, calculer (a ? b) ? (c ? d) ? e ou calculer a ?
la même chose ; c’est pourquoi cet élément sera simplement noté a ? b ? c ? d ? e.
1
(b ? c) ? d ? e , c’est
c Christophe Bertault - MPSI
• L’associativité permet en particulier la définition des puissances d’un élément x donné : pour tout n ∈ N× , on note x?n
(ou xn quand il n’y a pas d’ambiguïté) l’élément x?n = x
| ? x ?{z. . . ? x}.
n fois
Bien souvent, on considère intuitivement telle loi ? comme une addition plus que comme une multiplication. Cela ne veut
pas dire ici que certaines lois sont des additions et d’autres des multiplications ; c’est juste une question de point de vue.
Dans le cas, donc, où l’on se représente la loi étudiée comme une addition +, on parle de multiples plutôt que de puissances
et on note n.x ou nx l’élément x+n = x + x + . . . + x.
|
{z
}
n fois
Exemple
• (C, +) et (C, ×) sont des magmas associatifs. C’est aussi le cas, pour tout ensemble E, de P(E), ∪ , P(E), ∩ et E E , ◦ .
• (Z, −) est un magma non associatif. En effet, par exemple, (3 − 1) − 1 = 1 alors que 3 − (1 − 1) = 3.
• Si V est l’ensemble des vecteurs de l’espace, (V , +) est un magma associatif mais ce n’est pas le cas de (V , ∧), car par
exemple ~ı ∧ (~ı ∧ ~) = ~ı ∧ ~k = −~ alors que (~ı ∧~ı) ∧ ~ = ~0 ∧ ~ = ~0.
1.3
Commutativité
Définition (Commutativité) Soit (E, ?) un magma. On dit que (E, ?) est commutatif, ou simplement que ? est commutative,
si :
∀x, y ∈ E, x ? y = y ? x.
Exemple
• (C, +) et (C, ×) sont des magmas commutatifs. C’est aussi le cas, pour tout ensemble E, de P(E), ∪ et P(E), ∩ .
• Si E est un ensemble possédant au moins deux éléments, E E , ◦ est un magma non commutatif. En effet, si x, y ∈ E sont
tels que x 6= y, notons f : E −→ E l’application constante égale à x et g : E −→ E l’application constante égale à y ; alors
f ◦ g est constante égale à x et g ◦ f constante égale à y, de sorte que f ◦ g 6= g ◦ f .
• (Z, −) est un magma non commutatif. En effet, par exemple, 3 − 1 = 2 alors que 1 − 3 = −2.
• Si V est l’ensemble des vecteurs de l’espace, (V , +) est un magma commutatif mais ce n’est pas le cas de (V , ∧), car par
exemple ~ı ∧ ~ = ~k alors que ~ ∧~ı = −~k 6= ~k.
P
Q
Définition (Généralisation des symboles
et ) Soient (E, ?) un magma associatif et commutatif et (xi )i∈I une famille
d’éléments de E indexée par un ensemble fini I. Alors la valeur du produit des xi , i ∈ I, ne dépend pas de l’ordre dans lequel on
effectue ce produit ; on la note
F xi .
i∈I
Si la loi du magma est considérée intuitivement comme une addition +, on utilise plutôt la notation
multiplication ×, on note plutôt
Y
X
xi
; si c’est une
i∈I
xi .
i∈I
1.4
Element neutre et éléments inversibles
Définition
si :
(Elément neutre) Soient (E, ?) un magma et e ∈ E. On dit que e est un élément neutre de (E, ?) (ou pour ?)
∀x ∈ E,
x ? e = e ? x = x.
Bien qu’ayant parlé dans la définition ci-dessus d’un élément neutre, nous pourrons en réalité désormais parler, s’il existe, de
l’élément neutre d’un magma (unicité). L’élément neutre est généralement noté 0E ou 0 quand la loi étudiée est pensée comme
une addition, et 1E ou 1 dans le cas d’une multiplication.
Théorème
(Unicité de l’élément neutre) Un magma possède au plus un élément neutre.
Démonstration
Soient (E, ?) un magma et e, e0 ∈ E. On suppose que e et e0 sont deux éléments neutres de
(E, ?). Montrons que e = e0 . Rien n’est plus facile : e = e ? e0 = e0 .
2
c Christophe Bertault - MPSI
Remarque Soit (E, ?) un magma possédant un élément neutre e. On définit par convention, pour tout x ∈ E, la puissance
0ème de x en posant x?0 = e. Dans le cas où ? est considérée intuitivement comme une loi multiplicative, on note donc x0 = 1 ;
dans le cas d’une loi additive, 0.x = 0.
Exemple
• Les magmas (C, +) et (C, ×) possèdent tous deux un élément neutre, respectivement les nombres usuels 0 et 1.
• Pour tout ensemble E, ∅ est l’élément neutre de P(E), ∪ et E est l’élément neutre de P(E), ∩ .
• Pour tout ensemble E, l’application identique IdE est l’élément neutre de E E , ◦ .
• (N× , +) ne possède aucun élément neutre.
• Si V est l’ensemble des vecteurs de l’espace, ~0 est l’élément neutre des deux magmas (V , +) et (V , ∧).
Définition (Elément inversible) Soient (E, ?) un magma possédant un élément neutre e et x ∈ E. On dit que x est
inversible dans (E, ?), ou simplement que x est inversible pour ?, s’il existe x0 ∈ E tel que :
x ? x0 = x0 ? x = e.
Un tel élément x0 est appelé un inverse de x.
C’est bien beau d’avoir des éléments inversibles, mais on aimerait tout de même qu’ils aient un inverse unique. Cette unicité
est vraie dans les magmas associatifs, comme le montre le théorème suivant.
Théorème (Inversibilité dans un magma associatif avec élément neutre) Soient (E, ?) un magma associatif possédant
un élément neutre e.
(i) Unicité de l’inverse : Soit x ∈ E. Si x est inversible, alors x possède un unique inverse.
On l’appelle l’inverse de x et on le note x?−1 quand la loi ? est considérée intuitivement comme une loi multiplicative (ou x−1
quand il n’y a pas d’ambiguïté) ; on l’appelle l’opposé de x et on le note −x quand elle est considérée intuitivement comme
une loi additive +.
(ii) Simplification par un élément inversible : Soient x, y, z ∈ E.
Si
Si
x?y =x?z
y?x=z?x
et si x est inversible, alors
et si x est inversible, alors
y = z.
y = z.
(iii) Inversibilité d’un produit : Soient x, y ∈ E. Si x et y sont inversibles, x?y l’est aussi et :
(x?y)−1 = y −1 ?x−1 .
−1
(iv) Puissances négatives : Soient x ∈ E et n ∈ N. Si x est inversible, alors xn l’est aussi et :
xn
= x−1
−n
k
Cet élément est noté x . La notation x a donc un sens pour tout k ∈ Z.
(v) Inversibilité d’un inverse : Soit x ∈ E. Si x est inversible, alors x−1 l’est aussi et :
$ $ $ Attention !
x−1
−1
n
.
= x.
Dans l’assertion (iii), si x et y ne commutent pas, il est faux que (x ? y)−1 = x−1 ? y −1 .
Démonstration
(i) Soient x ∈ E et x0 et x00 deux inverses de x dans (E, ?).
Alors : x0 = x0 ? e = x0 ? (x ? x00 ) = (x0 ? x) ? x00 = e ? x00 = x00 ,
et voilà.
(ii) Soient x, y, z ∈ E. On suppose que x ? y = x ? z et que x est inversible — si y ? x = z ? x, la preuve est
quasiment identique.
Alors : y = e ? y = (x−1 ? x) ? y = x−1 ? (x ? y) = x−1 ? (x ? z) = (x−1 ? x) ? z = e ? z = z comme voulu.
(iii) Soient x, y ∈ E tous deux inversibles.
Alors : (x ? y) ? (y −1 ? x−1 ) = x ? (y ? y −1 ) ? x−1 = x ? e ? x−1 = x ? x−1 = e.
De même : (y −1 ? x−1 ) ? (x ? y) = y −1 ? (x−1 ? x) ? y = y −1 ? e ? y = y −1 ? y = e.
Ces deux égalités montrent bien que (x ? y) est inversible et que y −1 ? x−1 en est un inverse — et donc
l’inverse, par unicité.
(iv) Par récurrence à partir de l’assertion (iii).
(v) Soit x ∈ E inversible. Alors x ? x−1 = x−1 ? x = e. Ceci est bien sûr une paraphrase de l’inversibilité de x.
−1
= x. Mais c’est aussi déjà une preuve de l’inversibilité de x−1 , et on observe comme voulu que x−1
3
c Christophe Bertault - MPSI
Exemple
• Dans (N, +), seul 0 possède un inverse. Par contre, tout élément de C possède un inverse — ou plutôt un opposé — pour
la loi +. Attention, donc : un élément peut posséder un inverse dans un certain ensemble mais ne pas en posséder dans un
ensemble plus petit, même si la loi est la même.
Dans (N, ×), seul 1 possède un inverse ; dans (Z, ×), seuls 1 et −1. Dans (C, ×), tout élément possède un inverse, à
l’exception de 0 ; dans (C× , ×) en revanche, qui est bien un magma, tout élément possède un inverse.
• Pour tout ensemble E, on a vu que ∅ est l’élement neutre de P(E), ∪ et E celui de P(E), ∩ . En fait, seul ∅ possède
un inverse pour la réunion — en effet, si A ∪ B = ∅, alors A = B = ∅ — et seul E possède un élément neutre pour
l’intersection — en effet, si A ∩ B = E, alors A = B = E.
• Si E est un ensemble, les éléments de E E qui possèdent un inverse pour la composition ◦ sont exactement toutes les
bijections de E sur E. Ceci n’est qu’une reformulation du théorème affirmant l’équivalence entre la bijectivité et le fait de
posséder une réciproque.
• Si V est l’ensemble des vecteurs de l’espace, tout élément ~
u de V possède un opposé, c’est −~
u.
1.5
Distributivité d’une loi par rapport à une autre
Définition (Distributivité) Soient ? et | deux lois de composition internes sur un ensemble E. On dit que ? est distributive
par rapport à | si :
∀x, y, z ∈ E,
x ? (y | z) = (x ? y) | (x ? z) et (y | z) ? x = (y ? x) | (z ? x).
Structure de groupe
2
2.1
Groupe
Définition
(Groupe, groupe abélien)
• On appelle groupe tout magma associatif, possédant un élément neutre, dans lequel tout élément est inversible.
• Un groupe commutatif est très souvent appelé un groupe abélien.
Remarque
• En particulier, dans un groupe, le théorème sur l’inversibilité dans les magmas associatifs possédant un élément neutre
s’applique. Il s’exprime même beaucoup plus simplement puisque tout élément d’un groupe est inversible.
• Généralement, quand on introduit un groupe (G, ?) abstrait, on omet volontairement de mentionner la loi ? pour alléger
les notations ; on dit alors simplement : « Soit G un groupe ». De même, au lieu de noter x ? x0 le produit des deux éléments
x et x0 , on se contente de noter xx0 .
Exemple
• (Z, +), (Q, +), (R, +) et (C, +) sont des groupes abéliens ; il en est de même de (Q× , ×), (R× , ×) et (C× , ×), ainsi que de
×
(Q×
+ , +), (R+ , ×).
En revanche, Z r 0 , × n’est pas un groupe, car tout élément de Z n’est pas inversible pour la multiplication —
×
considérer 2 par exemple. Par ailleurs (Q×
− , ×) et (R− , ×) ne sont pas des groupes car ce ne sont même pas des magmas
— eh oui, la multiplication de deux réels strictement négatifs n’est pas un réel strictement négatif.
• Si V est l’ensemble des vecteurs de l’espace, (V , +) est un groupe abélien.
Définition (Groupe symétrique) Soit E un ensemble non vide. On appelle groupe symétrique de E l’ensemble des bijections
de E sur E, noté SE (ou parfois SE ).
Le magma (SE , ◦) est un groupe d’élément neutre IdE . On peut montrer que ce groupe est non abélien dès que E contient au
moins trois éléments.
Démonstration
précédents.
Conséquence immédiate des propriétés du magma E E , ◦ démontrée dans les exemples
4
c Christophe Bertault - MPSI
Définition
(Groupe produit) Soient G1 et G2 deux groupes. On pose, pour tous (x1 , x2 ), (x01 , x02 ) ∈ G1 × G2 :
(x1 , x2 ) ⊗ (x01 , x02 ) = (x1 x01 , x2 x02 ).
Alors (G1 × G2 , ⊗) est un groupe d’élément neutre (1G1 , 1G2 ).
Explication
La structure de groupe produit n’est qu’une façon de ranger deux groupes dans un seul. Les deux
groupes n’interagissent pas : on les laisse chacun de leur côté, l’un sur la première composante, l’autre sur la seconde.
Remarque
de groupes.
Le principe de cette construction se généralise sans difficulté et l’on peut faire le produit d’une famille quelconque
Démonstration
• Montrons que ⊗ est associative. Pour tous (x1 , x2 ), (x01 , x02 ), (x001 , x002 ) ∈ G1 × G2 :
(x1 , x2 ) ⊗ (x01 , x02 ) ⊗ (x001 , x002 ) = (x1 , x2 ) ⊗ (x01 x001 , x02 x002 ) = (x1 x01 x001 , x2 x02 x002 )
= (x1 x01 , x2 x02 ) ⊗ (x002 , x002 ) = (x1 , x2 ) ⊗ (x01 , x02 ) ⊗ (x001 , x002 ).
• Montrons que (G1 × G2 , ⊗) admet (1G1 , 1G2 ) pour élément neutre. Pour tout (x1 , x2 ) ∈ G1 × G2 :
(1G1 , 1G2 ) ⊗ (x1 , x2 ) = 1G1 x1 , 1G2 x2 = (x1 , x2 ) = x1 1G1 , x2 1G2 = (x1 , x2 ) ⊗ (1G1 , 1G2 ).
−1
• Soit (x1 , x2 ) ∈ G1 × G2 . Montrons que (x1 , x2 ) est inversible — d’inverse x−1
.
1 , x2
−1
−1
−1
−1
−1
= x1 x−1
= (1G1 , 1G2 ) = x−1
⊗(x1 , x2 ).
(x1 , x2 )⊗ x−1
1 , x2
1 , x2 x2
1 x1 , x2 x2 = x1 , x2
Exemple
Pour tout n ∈ N× , l’addition naturelle + sur Rn , « coordonnée par coordonnée », définie par :
∀(x1 , x2 , . . . , xn ), (y1 , y2 , . . . , yn ) ∈ Rn ,
(x1 , x2 , . . . , xn ) + (y1 , y2 , . . . , yn ) = (x1 + y1 , x2 + y2 , . . . , xn + yn )
fait de (Rn , +) un groupe abélien.
2.2
Sous-groupe
Définition
(Sous-groupe) Soient G un groupe et H une partie de G. On dit que H est un sous-groupe de G si :
• H est stable par produit :
∀h, h0 ∈ H,
hh0 ∈ H ;
• H est un groupe pour la loi de G.
Explication
Exemple
Théorème
Un sous-groupe, c’est un groupe dans un autre groupe, mais attention : pour la même loi.
Pour tout groupe G, G lui-même et 1G
sont deux sous-groupes de G.
(Elément neutre et inverse dans un sous-groupe) Soient G un groupe et H un sous-groupe de G.
(i) Alors 1H = 1G .
Autre version de ce résultat :
1G ∈ H.
(ii) Soit h ∈ H. L’inverse de h dans H et l’inverse de h dans G coïncident.
Démonstration
(i) Vous retrouverez seuls les commentaires attachés aux égalités suivantes : 1H 1H = 1H = 1H 1G .
peut simplifier comme on veut dans un groupe, donc 1H = 1G comme annoncé.
Or on
(ii) Soit h ∈ H. Notons momentanément h0 l’inverse de h dans H et h00 son inverse dans G. Alors en fait
h0 = h00 car : h0 = 1G h0 = (h00 h)h0 = h00 (hh0 ) = h00 1H = h00 1G = h00 .
5
c Christophe Bertault - MPSI
Théorème (Caractérisation des sous-groupes) Soient G un groupe et H une partie de G. Alors H est un sous-groupe
de G si et seulement si :
• H est non vide ;
• ∀h, h0 ∈ H,
h−1 h0 ∈ H ;
ou bien, au choix, si et seulement si :
• H est non vide ;
• H est stable par produit :
∀h, h0 ∈ H,
• H est stable par passage à l’inverse :
hh0 ∈ H ;
∀h ∈ H,
h−1 ∈ H.
Démonstration
• Supposons que H est un sous-groupe de G. Alors H est un groupe, donc possède un élément neutre, donc
est non vide. Il ne nous reste plus qu’à montrer que : ∀h, h0 ∈ H, h−1 h0 ∈ H.
Soient donc h, h0 ∈ H. Nous avons déjà observé que h−1 ∈ H dans le théorème précédent. Or H est stable
par produit par définition, donc h−1 h0 ∈ H comme voulu.
• Supposons que H est non vide et que : ∀h, h0 ∈ H, h−1 h0 ∈ H ♣. Montrons que H est stable par
produit et passage à l’inverse.
−1
1) Pour la stabilité par produit, remplacez h par h−1 dans ♣ et n’oubliez pas que h−1
= h.
2) Pour la stabilité par passage à l’inverse, posez h0 = 1G dans ♣.
• Supposons H non vide et stable par produit et passage à l’inverse. Montrons qu’alors H est un sous-groupe
de G. Etant donnée la définition d’un sous-groupe, il suffit de montrer que H est un groupe pour la loi de
G. Trois choses à vérifier, donc.
1) La loi de G est-elle associative sur H ? Bien sûr, si elle est vraie avec les éléments de G, elle l’est
a fortiori avec les éléments de H, qui sont en particulier des éléments de G.
2) H possède-t-il un élément neutre pour la loi de G ? Oui. En effet, puisque H est non vide,
considérons un élément x ∈ H. Par hypothèse, H est stable par passage à l’inverse, donc x−1 ∈ H. De
même, par hypothèse, H est stable par produit, donc xx−1 ∈ H. Or xx−1 = 1G , donc 1G ∈ H. Mais 1G
est un élément neutre pour les éléments de G, donc a fortiori pour ceux de H.
3) Tout élément de H est-il inversible dans H ? Oui, car par hypothèse H est stable par passage à
l’inverse et son élément neutre est 1G .
En pratique
• C’est toujours le résultat précédent qu’il faut utiliser pour montrer qu’une partie d’un groupe en est un sous-groupe.
Mais comment montre-t-on que H est non vide ? Nous savons que, si H est un sous-groupe de G, alors 1G ∈ H. Pour
montrer que H est non vide, il suffit donc de prouver qu’on a bien 1G ∈ H.
• Dans les exercices, on demande souvent de montrer qu’un certain ensemble H muni d’une certaine loi est un groupe. Il
suffit pour cela, quand c’est possible, de montrer que H est un sous-groupe d’un certain groupe G connu. Cette méthode
vous évite de démontrer l’associativité, l’existence d’un élément neutre, etc.
Exemple (Z, +) est un sous-groupe de (Q, +), qui est lui-même un sous-groupe de (R, +), qui est lui-même un sous-groupe
de (C, +). De même, (Q× , ×) est un sous-groupe de (R× , ×), qui est lui-même un sous-groupe de (C, ×).
Exemple
(U, ×) est un groupe.
En effet Pour commencer, U ⊆ C× . Pour montrer que (U, ×) est un groupe, nous allons montrer que c’est un
sous-groupe de C× . Nous avons deux choses à montrer.
• U est non vide car |1| = 1, donc 1 ∈ U.
u0 |u0 |
1
= = 1, et donc en effet u−1 u0 ∈ U.
• Soient u, u0 ∈ U. Montrons que u−1 u0 ∈ U. Or u−1 u0 = =
u
|u|
1
Exemple
Pour tout n ∈ N× , l’ensemble Un des racines nèmes de l’unité est un sous-groupe de U.
En effet
Soit n ∈ N× . Pour commencer, Un ⊆ U.
• Un est non vide car 1 est une racine nème de l’unité, et donc 1 ∈ Un .
• Soient ζ, ζ 0 ∈ Un . Montrons que ζ −1 ζ 0 ∈ Un . Or ζ −1 ζ 0
ζ −1 ζ 0 est une racine nème de l’unité, i.e. ζ −1 ζ 0 ∈ Un .
6
n
=
ζ0
ζ
n
=
1
ζ 0n
= = 1, ce qui montre bien que
ζn
1
c Christophe Bertault - MPSI
n
Exemple
o
Soient E un ensemble non vide et x ∈ E. L’ensemble Stab(x) = σ ∈ SE /
En effet
Déjà ça commence bien :
σ(x) = x
est un sous-groupe de SE .
Stab(x) ⊆ SE .
• Stab(x) est non vide car IdE (x) = x, et donc IdE ∈ Stab(x).
• Soient σ, σ 0 ∈ Stab(x). Montrons que σ −1 ◦ σ 0 ∈ Stab(x). Or σ(x) = x, donc σ −1 (x) = x. Comme de plus
σ 0 (x) = x, on obtient donc : σ −1 ◦ σ 0 (x) = σ −1 (x) = x et c’est terminé.
2.3
Morphismes de groupes
Définition
(Morphisme de groupes) Soient (G, ?) et (Γ, |) deux groupes.
• On appelle morphisme (de groupes) de G dans Γ toute application f : G −→ Γ telle que :
∀x, y ∈ G,
f (x ? y) = f (x) | f (y).
Si on omet de noter les lois de groupe ? et |, cela revient à dire que :
∀x, y ∈ G,
f (xy) = f (x)f (y).
• Un morphisme de groupes de G dans G est aussi appelé un endomorphisme (de groupe) de G.
Explication
• Un morphisme de groupes, c’est une façon de relier deux structures de groupes. Jusqu’ici, on se contentait d’observer
chaque groupe indépendamment des autres ; à présent, on peut les comparer au moyen de morphismes. Un morphisme de
groupes est une application qui transforme les produits calculés dans le groupe de départ en des produits dans le groupe
d’arrivée.
• En mathématiques, les phrases du genre « L’exponentielle de la somme de deux réels est le produit de leurs exponentielles »
sont le signe très certain qu’un morphisme est caché non loin. Plusieurs exemples mettent ce phénomène en évidence cidessous, et nous l’observerons tout au long de l’année.
Exemple
• Via la relation : ∀x, y ∈ R, ex+y = ex ey , l’exponentielle est un morphisme de groupes de R dans R× . L’exponentielle
de la somme de deux réels est le produit de leurs exponentielles.
ln(xy) = ln x + ln y, le logarithme est un morphisme de groupes de R×
• Via la relation : ∀x, y ∈ R×
+ dans R. Le
+,
logarithme du produit de deux réels strictement positifs est la somme de leurs logarithmes.
• Soient V l’ensemble des vecteurs du plan ou de l’espace et ~
u ∈ V . Alors l’application
de groupes car :
∀~
x, ~y ∈ V ,
V
~
x
−→
7−→
R
est un morphisme
~
u·~
x
~
u · (~
x+~
y) = ~
u·~
x+~
u·~
y.
G −→ G
est un
x 7−→ nx
èmes
puissance du produit de deux éléments est le produit de leurs n
puissances.
• Soit G un groupe abélien — i.e. commutatif — de loi notée + et soit n ∈ N. Alors l’application
endomorphisme de groupe de G : la nème
G −→ G
n’est généralement pas un
x 7−→ xn
morphisme, car on n’a pas alors la possibilité de changer l’ordre des éléments comme on veut pour montrer que « (xy)n = xn y n ».
$ $ $ Attention !
Théorème
groupes.
Attention, dans un groupe G non abélien, l’application
(Morphismes, élément neutre et inverses) Soient G et Γ deux groupes et f : G −→ Γ un morphisme de
(i)
f (1G ) = 1Γ .
(ii)
∀x ∈ G,
f x−1 = f (x)−1 .
Démonstration
(i) On a : f (1G )f (1G ) = f (1G 1G ) = f (1G ) = f (1G )1Γ . Simplifiant dans Γ par f (1G ), nous obtenons comme
voulu l’égalité f (1G ) = 1Γ .
(ii) Soit x ∈ G. On a bien :
f x−1 f (x) = f x−1 x = f (1G ) = 1Γ
7
et de même
f (x)f x−1 = 1Γ .
c Christophe Bertault - MPSI
Théorème (Composition des morphismes de groupes) Soient G, G0 et G00 trois groupes et f : G −→ G0 et g : G0 −→ G00
deux morphismes de groupes. Alors g ◦ f est un morphisme de groupes de G dans G00 .
Démonstration
Soient x, y ∈ G. Nous devons montrer que :
g ◦ f (xy) = g ◦ f (x)g ◦ f (y).
g ◦ f (xy) = g f (xy) = g f (x)f (y) = g f (x) g f (y) = g ◦ f (x)g ◦ f (y).
Définition
de groupes.
(Noyau et image d’un morphisme de groupes) Soient G et Γ deux groupes et f : G −→ Γ un morphisme
(i) On appelle noyau de f , noté Ker f , l’ensemble
Alors Ker f est un sous-groupe de G.
(ii) On rappelle la définition de l’image de f :
Ker f = f −1
1Γ
n
o
Im f = f (G) = f (x)
Alors Im f est un sous-groupe de Γ.
$ $ $ Attention !
n
o
= x ∈ G/
f (x) = 1Γ .
n
x∈G
o
= y ∈ Γ/
∃ x ∈ G/ y = f (x) .
Insistons lourdement : Ker f est un sous-groupe de G et Im f un sous-groupe de Γ.
Démonstration
(i) Montrons que Ker f est un sous-groupe de G. Pour commencer, Ker f est une partie de G et est non vide
— puisque f (1G ) = 1Γ , 1G ∈ Ker f .
Soient alors x, x0 ∈ Ker f . On a donc f (x) = f (x0 ) = 1Γ . Du coup, f x−1 x0 = f (x)−1 f (x0 ) = 1Γ 1Γ = 1Γ ,
de sorte que xx0 ∈ Ker f comme voulu.
(ii) Montrons que Im f est un sous-groupe de Γ. Pour commencer, Im f est une partie de Γ et est non vide
— puisque f (1G ) = 1Γ , 1Γ ∈ Im f .
Soient y, y 0 ∈ Im f . Il existe x, x0 ∈ G tels que y = f (x) et y 0 = f (x0 ). Delà, y −1 y 0 = f (x)−1 f (x0 ) = f x−1 x0 .
00
00
−1 0
−1 0
00
Nous avons bien trouvé un x ∈ G — précisément, x = x x — pour lequel y y = f (x ), et donc
y −1 y 0 ∈ Im f comme voulu.
Théorème
groupes.
(Injectivité/surjectivité et noyau/image) Soient G et Γ deux groupes et f : G −→ Γ un morphisme de
(i) f est injectif de G dans Γ si et seulement si Ker f = 1G .
(ii) f est surjectif de G sur Γ si et seulement si Im f = Γ.
Démonstration
(i) Supposons d’abord f injectif. Nous savons déjà que 1G ∈ Ker f , donc 1G ⊆ Ker f . Inversement, soit
x ∈ Ker f. Alors
f (x) = 1Γ = f (1G ), donc par injectivité de f , x = 1G . On a donc bien l’autre inclusion :
Ker f ⊆ 1G .
Réciproquement, faisons l’hypothèse que Ker f = 1G . Montrons que
f est injective.
Soient donc x, x0 ∈ G. On suppose que f (x) = f (x0 ). Alors f x−1 x0 = f (x)−1 f (x0 ) = f (x)−1 f (x) = 1Γ .
Par conséquent x−1 x0 ∈ Ker f . Notre hypothèse de travail montre donc que x−1 x0 = 1G , i.e. que x = x0 .
(ii) Ceci n’est pas un théorème de la théorie des groupes, mais un résultat que nous connaissons déjà sur
l’image d’une application.
En pratique
précédent.
Pour montrer l’injectivité ou la surjectivité d’un morphisme de groupes, utilisez toujours le théorème
Exemple Notons V l’ensemble des vecteurs du plan ou de l’espace et fixons ~
u ∈ V . Nous avons déjà observé
que l’application
n
o
µ~u : ~
x 7−→ ~
u·~
x est un morphisme de groupes de V dans R. Le noyau de µ~u est l’ensemble Ker µ~u = ~
x∈V/ ~
u·~
x=0 ,
i.e. l’ensemble des vecteurs de V qui sont orthogonaux à ~
u. Cet ensemble n’étant pas réduit au singleton ~0 — car il existe des
vecteurs non nuls orthogonaux à ~
u — µ~u n’est pas injective.
8
c Christophe Bertault - MPSI
On en déduit au passage sans effort supplémentaire que l’ensemble des vecteurs orthogonaux à ~
u est un sous-groupe de V —
puisque c’est Ker µ~u .
Définition
(Isomorphisme de groupes) Soient G et Γ deux groupes.
• On appelle isomorphisme (de groupes) de G sur Γ tout morphisme de groupes bijectif de G sur Γ.
• Un isomorphisme de groupes de G sur G est aussi appelé un automorphisme (de groupe) de G.
• On dit que G est isomorphe (comme groupe) à Γ s’il existe un isomorphisme de groupes de G sur Γ.
Explication Etymologiquement, « iso-morphe » provient du grec et signifie « de même forme ».
La notion d’isomorphisme est, sans exagérer, l’une des notions mathématiques les plus importantes. Du point de vue de leurs lois
de groupe respectives, deux groupes isomorphes G et Γ sont identiques. Si f est un isomorphisme de G sur Γ, alors en particulier,
f est une bijection et établit donc une correspondance parfaite entre les éléments de G et ceux de Γ. Mais f est plus qu’une
bijection : en tant que morphisme, f transforme un produit dans G en un produit dans Γ. Bref, via f , G et Γ sont identiques :
il se passe la même chose dans l’un et dans l’autre relativement à leurs structures de groupe respectives ; ils ne diffèrent que par
le nom que l’on a donné à leurs éléments. Un exemple mettra ce phénomène en lumière un peu plus loin.
En pratique
Montrer qu’un morphisme de groupes f : G −→ Γ est un isomorphisme revient à montrer qu’il est
bijectif de G sur Γ. Deux grandes techniques
peuvent ici mener à un tel résultat :
1) on montre que Ker f = 1G (injectivité) et que Im f = Γ (surjectivité) ;
2) on a une idée de la tête qu’a f −1 ; on appelle g la réciproque ainsi prévue de f et on vérifie que g ◦ f = IdG et
que f ◦ g = IdΓ .
Théorème (Réciproque d’un isomorphisme de groupes) Soient G et Γ deux groupes et f : G −→ Γ un isomorphisme
de groupes de G sur Γ. Alors f −1 est un isomorphisme de groupes de Γ sur G.
Démonstration
Puisque f est une bijection de G sur Γ, nous savons déjà que f −1 est une bijection de Γ sur
G. Mais est-ce aussi un morphisme ? Soient y, y 0 ∈ Γ.
x = f −1 (y) et x0 = f −1 (y).
Notons
0
−1
0
0
−1
0
−1
f (x)f (x ) = f
f (xx ) = xx = f −1 (y)f −1 (y 0 ), et voilà.
Alors : f (yy ) = f
Exemple
Soit V l’ensemble des vecteurs du plan, muni de son addition naturelle. Une base (~ı, ~) de V étant fixée, chaque
vecteur possède des coordonnées cartésiennes dans cette base. Notons ϕ : V −→ R2 l’application qui, à tout vecteur de V , associe
ses coordonnées dans (~ı, ~).
Alors ϕ est un isomorphisme de groupes de V sur R2 . Ce résultat doit vous rappeler l’identification que nous avons faite dans le
chapitre de géométrie élémentaire entre les vecteurs du plan d’une part, et leurs coordonnées dans une base fixée d’autre part :
relativement à leurs additions respectives, V et R2 sont identiques.
En effet
• Les coordonnées de la somme de deux vecteurs sont exactement la somme de leurs coordonnées respectives.
Cette phrase signifie que ϕ est un morphisme de groupes.
R2
−→
V
. Il est facile de montrer que ϕ◦ψ = IdR2 et que ψ◦ϕ = IdV .
(x, y) 7−→ x ~ı + y ~
Ceci montre que ϕ est une bijection de V sur R2 et que ϕ et ψ sont réciproques l’une de l’autre.
• Notons ψ l’application
Exemple
n
o
Z
Z
• Notons 0̄ = 2Z l’ensemble des entiers pairs, 1̄ = 2Z + 1 l’ensemble des entiers impairs et
= 0̄, 1̄ . Munissons alors
2Z
2Z
d’une loi de composition interne + au moyen de la table ci-dessous.
La définition de + ainsi donnée reflète parfaitement l’idée que la somme de deux entiers pairs est un entier
+ 0̄ 1̄
pair, que la somme de deux entiers impairs est un entier pair et
enfin que
la somme d’un entier pair et d’un
0̄ 0̄ 1̄
Z
, + est un groupe.
entier impair est un entier impair. Il est facile de vérifier que
1̄ 1̄ 0̄
2Z
n
• Vous montrerez seuls que
o
n
− 1, 1 , × est un groupe en montrant que
9
o
− 1, 1
est un sous-groupe de R× .
c Christophe Bertault - MPSI
n
o
Z
Z
−→ − 1, 1 l’application qui envoie 0̄ sur 1 et 1̄ sur −1. Il est clair que φ est une bijection de
2Z
2Z
n
o
sur − 1, 1 . Mais φ est par ailleurs un morphisme de groupes. En effet :
• Notons alors φ :
φ 0̄ + 0̄ = φ 0̄ = 1 = 1 × 1 = φ 0̄ × φ 0̄ ,
et
φ 1̄ + 0̄ = φ 1̄ = −1 = (−1) × 1 = φ 1̄ × φ 0̄
Finalement, φ est un isomorphisme de groupes de
φ 0̄ + 1̄ = φ 1̄ = −1 = 1 × (−1) = φ 0̄ × φ 1̄ ,
Z
,+
2Z
φ 1̄ + 1̄ = φ 0̄ = 1 = (−1) × (−1) = φ 1̄ × φ 1̄ .
n
sur
o
− 1, 1 , × .
• Que devez-vous retenir de cet exemple un peu tordu ? Qu’il n’est justement pas si tordu que ça.
n
o
Z
et − 1, 1 sont isomorphes : cela signifie qu’ils ont la même forme, la même structure. Ils
Les groupes
2Z
sont identiques
noms près des éléments et de la loi. Si vous n’êtes pas convaincus, jetez un œil à la table
aux o
du groupe
− 1, 1 , × représentée ci-contre. Changez × est +, 1 en 0̄ et −1 en 1̄, et vous aurez obtenu
la table de
×
1
−1
Z
,+ .
2Z
1
1
−1
−1
−1
1
Structure d’anneau
3
3.1
Anneau
Définition (Anneau) On appelle anneau tout triplet (A, +, ×) constitué d’un ensemble A et de deux lois internes sur A, une
loi + appelée adition et une loi × appelée multiplication, soumises aux conditions suivantes :
• (A, +) est un groupe abélien dont l’élément neutre est traditionnellement noté 0A ou 0 ;
• (A, ×) est un magma associatif possédant un élément neutre traditionnellement noté 1A ou 1 ;
• la multiplication × est distributive par rapport à l’addition +.
Si le magma (A, ×) est commutatif, on dit que l’anneau (A, +, ×) est commutatif.
Remarque
• L’adjectif « abélien » est réservé à la commutativité des groupes. On ne l’utilise pas pour les anneaux.
• Comme dans le cas des groupes, on aura tendance à alléger les notations. On écrira par exemple « Soit A un anneau »
et on usera librement de la notation + pour désigner l’addition. La multiplication sera notée ×, ou encore au moyen d’un
point, ou bien elle sera tout simplement omise. Notez bien que si a ∈ A, alors na désigne la somme a + a + . . . + a pour
|
n
tout n ∈ Z et a le produit a × a × . . . × a pour tout n ∈ N.
|
{z
{z
}
n fois
}
n fois
Exemple (Z, +, ×), (Q, +, ×), (R, +, ×) et (C, +, ×) sont des anneaux commutatifs. Nous rencontrerons dans l’année quelques
exemples importants d’anneaux non commutatifs.
Théorème
(Règles de calcul dans un anneau) Soient A un anneau, a, b ∈ A et n ∈ Z.
(i)
a × 0A = 0A × a = 0A .
(ii)
n(ab) = (na)b = a(nb).
(iii)
(−a)(−b) = ab.
En particulier, −(ab) = (−a)b = a(−b).
En particulier, (−1A )2 = 1A .
Démonstration
(i)
a × 0A + a × 0A = a × (0A + 0A ) = a × 0A . On simplifie par a × 0A dans le groupe (A, +) :
De même, 0A × a = 0A .
10
a × 0A = 0A .
c Christophe Bertault - MPSI
(ii) C’est une conséquence de la distributivité dans le cas où n ∈ N :
n(ab) = ab + ab + . . . + ab = a b + b + . . . + b = a(nb).
|
{z
}
|
{z
n fois
}
Même principe pour la relation n(ab) = (na)b.
n fois
Montrons maintenant la propriété dans le cas particulier n = −1 :
(i)
et donc − (ab) = a(−b).
ab + a(−b) = a(b − b) = a × 0A = 0A ,
Même principe pour − (ab) = (−a)b.
Tâchons enfin de traiter le cas où n ∈ Z est négatif. Alors (−n) ∈ N. Du coup, nous allons pouvoir utiliser
les deux cas précédents :
Même principe pour n(ab) = a(nb).
n(ab) = (−n) − (ab) = (−n) (−a)b = (−n)(−a) b = (na)b.
(iii)
(i)
(ii)
(−a)(−b) − (ab) = (−a)(−b) + (−a)b = (−a)(−b + b) = (−a) × 0A = 0A .
Soit A un anneau. Est-il possible d’avoir 0A = 1A ? Supposons que c’est le cas. Soit
a ∈ A. Alors a = a×1A = a×0A = 0A .
alors
Ce résultat signifie que tout élément de A est égal à 0A ; autant dire que A = 0A . Voici l’anneau le moins intéressant des
mathématiques : on l’appelle l’anneau nul.
Définition
(Anneau intègre) Soit A un anneau. On dit que A est intègre si A est non nul et si :
ab = 0
∀a, b ∈ A,
=⇒
a = 0 ou b = 0 ,
ou encore, par contraposition, si :
∀a, b ∈ A,
a 6= 0 et b 6= 0
=⇒
ab 6= 0 .
$ $ $ Attention ! Malheureusement tout anneau n’est pas intègre. Il faut donc faire bien attention. Par exemple, devant
une égalité a2 = b2 , on vous a habitués à affirmer que a est égal à b ou −b. Ce n’est pas forcément vrai dans un anneau, même
commutatif, car l’égalité (a − b)(a + b) = 0 n’implique pas forcément que (a − b) = 0 ou que (a + b) = 0.
Exemple
Ce qui est rassurant tout de même, c’est que nos anneaux préférés Z, Q, R et C sont intègres.
En pratique L’intégrité d’un anneau est souvent utilisée pour faire des simplifications par rapport à la multiplication.
Si on a une égalité de la forme ab = ac avec a 6= 0 dans un anneau intègre, alors on a aussi a(b − c) = 0, et comme a = 0, cette
égalité devient b − c = 0, i.e. b = c.
3.2
Sous-anneaux
Définition
(Sous-anneau) Soient A un anneau et B une partie de A. On dit que B est un sous-anneau de A si :
• B contient 1A ;
• B est stable par addition :
• B est stable par produit :
∀b, b0 ∈ B,
∀b, b0 ∈ B,
b + b0 ∈ B ;
bb0 ∈ B ;
• B est un anneau pour les lois de A.
Exemple
Pour tout anneau A, A est un sous-anneau de A.
Théorème (Caractérisation des sous-anneaux) Soient A un anneau et B une partie de A. Alors B est un sous-anneau
de A si et seulement si :
• B contient 1A ;
• B est un sous-groupe de A pour l’addition :
• B est stable par produit :
∀b, b0 ∈ B,
∀b, b0 ∈ B,
bb0 ∈ B.
11
b0 − b ∈ B ;
c Christophe Bertault - MPSI
Démonstration
• Supposons que B est un sous-anneau de A. Alors par hypothèse B contient 1A et B est stable par produit.
Mais par ailleurs, puisque B est un anneau pour les lois de A, alors B est en particulier un groupe pour
l’addition de A ; et donc B est un sous-groupe additif de A, i.e. : ∀b, b0 ∈ B, b0 − b ∈ B. Nous obtenons
ainsi toutes les conditions voulues.
• Réciproquement, supposons que B contient 1A , que c’est un sous-groupe additif de A et qu’il est stable par
produit. Dans ce cas, puisque B est un sous-groupe additif de A, il est stable par addition.
Il nous reste à montrer que B est un anneau pour les lois de A :
1) B est un sous-groupe additif du groupe abélien A par hypothèse, donc B est un groupe abélien
pour l’addition.
2) La multiplication est associative sur A, donc aussi sur B. Et comme B contient 1A , la multiplication possède un élément neutre sur B.
3) Enfin la multiplication est distributive par rapport à l’addition sur A, donc aussi sur B.
En pratique
• C’est toujours le résultat précédent qu’il faut utiliser pour montrer qu’une partie d’un anneau en est un sous-anneau.
• Dans les exercices, on demande souvent de montrer qu’un certain ensemble B muni de certaines lois est un anneau. Il suffit
pour cela, quand c’est possible, de montrer que B est un sous-anneau d’un certain anneau A connu.
Exemple
Z est un sous-anneau de Q, qui est lui-même un sous-anneau de R, qui est lui-même un sous-anneau de C.
Exemple
L’ensemble
n
En effet
a + ib
o
a,b∈Z
, noté généralement Z[i], est un sous-anneau de C.
Déjà, Z[i] est une partie de C.
• Z[i] contient 1, car on peut écrire :
1 = 1 + 0.i.
• Montrons que Z[i] est un sous-groupe pour l’addition. Soient x, x0 ∈ Z[i]. Ecrivons x et x0 sous la forme
x = a + ib et x0 = a0 + ib0 , où a, b, a0 , b0 ∈ Z. Alors :
x0 − x = (a0 − a) +i (b0 − b),
| {z }
| {z }
∈Z
∈Z
et donc x0 − x ∈ Z[i] comme voulu.
• Montrons que Z[i] est stable par produit. Soient x = a + ib et x0 = a0 + ib0 comme ci-dessus. Alors :
xx0 = (aa00 − bb0 ) +i (ab0 + ba0 ),
|
{z
∈Z
Exemple
}
|
{z
}
et donc xx0 ∈ Z[i] comme voulu.
∈Z
Z est le seul sous-anneau de Z.
En effet
Soit B un sous-anneau de Z. Alors B contient 1.
• Montrons que B contient tous les entiers naturels. Déjà, en tant que sous-groupe additif de Z, B contient 0.
Soit alors n ∈ N. On suppose que n ∈ B. Montrons que (n + 1) ∈ B. Or B est stable par addition et contient
n et 1, donc B contient (n + 1) comme voulu.
• Montrons que B contient Z. Comme inversement B ⊆ Z, on aura bien, comme annoncé, B = Z.
Soit donc n ∈ Z. Si n ∈ N, nous venons de voir que n ∈ B. Supposons donc n < 0. Alors (−n) ∈ N, donc
(−n) ∈ B. Or B est un sous-groupe de Z pour l’addition et 1 ∈ B, donc B contient aussi −1. Enfin B est
stable par produit, et par conséquent n = (−1) × (−n) ∈ B. C’est terminé.
3.3
Morphismes d’anneaux
Définition
(Morphisme d’anneaux) Soient (A, +, ×) et (B, ⊕, ⊗) deux anneaux..
• On appelle
1)
2)
3)
morphisme (d’anneaux) de A dans B toute application f : A −→ B telle que :
f (1A ) = 1B ;
∀a, a0 ∈ A, f (a + a0 ) = f (a) ⊕ f (a0 ) ;
∀a, a0 ∈ A, f (a × a0 ) = f (a) ⊗ f (a0 ).
• Un morphisme d’anneaux de A dans A est appelé un endomorphisme (d’anneau) de A.
12
c Christophe Bertault - MPSI
Remarque
• En particulier, un morphisme d’anneaux f de A dans B est un morphisme de groupes pour l’addition. On a donc f (0A ) = 0B
et : ∀a ∈ A, f (−a) = −f (a). En outre, l’injectivité et la surjectivité de f peuvent être observées
sur la donnée du
n
o
noyau Ker f (pour l’addition) et de l’image Im f ; on rappelle la définition du premier :
Ker f = a ∈ A/
f (a) = 0A .
• On peut montrer que si a ∈ A est inversible dans A (pour la multiplication), alors f (a) est inversible dans B (pour la
multiplication) et : f a−1 = f (a)−1 .
Les démonstrations de la fin de ce chapitre vous sont laissées en exercice.
Théorème (Composition des morphismes d’anneaux) Soient A, B et C trois anneaux et f : A −→ B et g : B −→ C
deux morphismes d’anneaux. Alors g ◦ f est un morphisme d’anneaux de A dans C.
Définition
(Isomorphisme d’anneaux) Soient A et B deux anneaux.
• On appelle isomorphisme (d’anneaux) de A sur B tout morphisme d’anneaux bijectif de A sur B.
• Un isomorphisme d’anneaux de A sur A est aussi appelé un automorphisme (d’anneau) de A.
• On dit que A est isomorphe (comme anneau) à B s’il existe un isomorphisme d’anneaux de A sur B.
Théorème (Réciproque d’un isomorphisme d’anneaux) Soient A et B deux anneaux et f : A −→ B un isomorphisme
d’anneaux de A sur B. Alors f −1 est un isomorphisme d’anneaux de B sur A.
Exemple
La conjugaison complexe z 7−→ z̄ est un automorphisme d’anneau de C.
En effet
On a bien 1̄ = 1 et pour tous z, z 0 ∈ C, z + z 0 = z̄ + z̄ 0 et si z, z 0 6= 0, zz 0 = z̄z̄ 0 . La conjugaison
complexe est donc bien un endomorphisme d’anneau de C.
Pourquoi est-elle bijective ? Parce qu’elle est sa propre réciproque via la relation z̄¯ = z, vraie pour tout z ∈ C. 4
4.1
Structure de corps
Corps
Définition (Corps) On appelle corps tout anneau commutatif non nul dans lequel tout élément non nul est inversible (pour
la multiplication).
Si K est un corps, on note K × l’ensemble K r 0K . Vous vérifierez que K × est un groupe abélien pour la multiplication de K.
Explication
L’énorme différence entre un anneau et un corps, c’est que dans un anneau tous les éléments (autres
que 0) n’étaient pas nécessairement inversibles pour la multiplication, ce qui empêchait certains calculs. Dans un corps, on peut
considérer, pour le dire vite, que tout marche bien : on peut additionner, soustraire, multiplier et diviser (sauf par 0).
Exemple Q, R et C sont des corps, ce sont les corps les plus importants que nous aurons à manipuler ensemble. Attention,
Z en revanche n’est pas un corps, car seuls 1 et −1 sont inversibles pour la multiplication dans Z.
13
c Christophe Bertault - MPSI
4.2
Sous-corps
Définition
(Sous-corps) Soient K un corps et L une partie de K. On dit que L est un sous-corps de K si :
• L contient 1K ;
• L est stable par addition :
• L est stable par produit :
∀x, x0 ∈ L,
∀x, x0 ∈ L,
x + x0 ∈ L ;
xx0 ∈ L ;
• L est un corps pour les lois de K.
$ $ $ Attention !
Un corps est un anneau, donc un sous-corps d’un corps en est aussi un sous-anneau. Cependant la
réciproque est fausse : Z est un sous-anneau de Q qui est un corps, mais Z n’est certainement pas un sous-corps de Q.
Théorème (Caractérisation des sous-corps) Soient K un corps et L une partie de K. Alors L est un sous-corps de K si
et seulement si :
• L contient 1K ;
• L est un sous-groupe de K pour l’addition :
• L r 0K
∀x, x0 ∈ L,
x0 − x ∈ L ;
est un sous-groupe de K × pour la multiplication :
Exemple
Q est un sous-corps de R qui est lui-même un sous-corps de C.
Exemple
L’ensemble
n
En effet
a + ib
∀x, x0 ∈ L r 0K ,
x−1 x0 ∈ L.
o
a,b∈Q
, noté généralement Q(i), est un sous-corps de C.
Déjà, Q(i) est une partie de C.
• On montre que Q(i) contient 1 et est un sous-groupe pour l’addition comme on l’a fait pour Z[i].
• Montrons que Q(i) r 0 est un sous-groupe de C× . Soient x, x0 ∈ Q(i) r 0 écrits sous la forme x = a + ib
et x0 = a0 + ib0 avec a, b, a0 , b0 ∈ Q. Puisque x est non nul, a2 + b2 l’est également ; par ailleurs a2 + b2 ∈ Q.
ab0 − ba0
a0 + ib0
(a0 + ib0 )(a − ib)
aa0 + bb0
x0
+i 2
, et donc xx0 ∈ Q(i) comme
=
=
= 2
Alors : x−1 x0 =
2
2
2
x
a + ib
a +b
a +b
a + b2
|
{z
}
∈Q
|
{z
}
∈Q
voulu.
4.3
Morphismes de corps
Définition
(Morphisme de corps) Soient K et L deux corps.
• On appelle morphisme (de corps) de K dans L tout morphisme d’anneaux de K dans L.
• On définit de même les notions d’endomorphisme de corps, d’isomorphisme de corps et d’automorphisme de corps.
Exemple
La conjugaison complexe z 7−→ z̄ est un automorphisme de corps de C.
14
Téléchargement