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est hostile aux valeurs de la vie. Le surhomme est ainsi celui qui sait que Dieu est
mort et qui cherche à développer des valeurs favorables à la vie. Le surhomme dit
oui à la vie.
Otto Dix fait sienne cette attitude affirmative à l’égard de l’existence. Dans son
Journal de guerre, il note ainsi : « L’artiste : quelqu’un qui a le courage de dire oui »5.
Dès les œuvres d’avant-guerre mais encore plus après la guerre dans sa période de
Dresde cet amour de la vie, du terrestre, des êtres humains avec leurs pulsions
occupent une place primordiale. L’érotisme de femmes plantureuses, de danseuses,
de prostituées, les bordels sont des thèmes récurrents à partir de 1920 [Suleika, das
tätowierte Wunder, 1920, huile sur toile, 162 x 100 cm, collection privée ; Erinnerung
an die Spiegelsäle in Brüssel, 1920, huile et glacis sur fonds d'argent sur toile, 124 x
80,4 cm, Paris, Musée d’art moderne George Pompidou ; Ich in Brüssel [1922,
aquarelle et crayon, 49 x 36,8 cm, Otto Dix Stiftung, Vaduz ; Mädchen mit Rose,
1923, aquarelle, 61 x 48,2 cm, collection privée]. Mais cet érotisme est néanmoins
chez Dix indissociable de la mort et même de la pulsion de mort [Lustmord, 1922,
eaux-forte, pointe sèche, 27,5 x 34,6 cm, Otto Dix Stiftung, Vaduz]. Il se montre en
cela plus proche de Freud que de Nietzsche : Eros se manifeste bien souvent avec
Thanatos.
II. Le buste de Nietzsche
C’est sous cette influence nietzschéenne qu’Otto Dix réalise en 1914 un buste de
Nietzsche, une des rares sculptures façonnées par le peintre. Le buste est réalisé en
plâtre d’une hauteur d’environ 60 cm et qui était recouvert à l’origine d’une peinture
vert foncé. L’idée semble lui avoir été suggérée par Richard Guhr qui était professeur
à la Kunstgewerbeschule de Dresde. Un tel travail faisait partie du programme de
l’école. Là encore, le thème n’était pas original. Dès 1895 et 1898, Siegfried
Schellbach et Max Kruse avaient réalisé des bustes du philosophe en plâtre et en
marbre. Otto Dix connaissait le bronze de Klinger. Le buste de Dix fut acquis par
Paul Ferdinand Schmidt pour le musée de la ville de Dresde ; en 1937, considéré
comme « dégénéré », il fut retiré de l’exposition et il fut vendu aux enchères à
Lucerne en 1939 par les nazis. Il a depuis lors disparu.
5 Cité par Otto Conzelmann, Der andere Dix, Stuttgart, Klett-Cotta, 1983, p. 131.