Réadaptation cardiaque et insuffisance cardiaque chronique

CARDIOLOGIE
V1242F_2009
Réadaptation cardiaque et insuffisance
cardiaque chronique
Sandrine Huez1, Pierre Troisfontaines2, Viviane Conraads3
1. Centre de revalidation cardiovasculaire Henri Denolin, Clinique de l’insuffisance cardiaque et d’hypertension pulmonaire, service de Cardiologie, HU Erasme, ULB, Bruxelles
2. Clinique de l’insuffisance cardiaque et Centre de revalidation cardiaque, service de Cardiologie, CHR de la Citadelle, Liège
3. Service de Cardiologie, Revalidation cardiaque, UZ Antwerpen, UA
Keywords: chronic heart failure – exercice training – fatigue – HF-ACTION
L’insuffisance cardiaque est définie comme
l’incapacité du coeur à rencontrer les besoins
de l’organisme, résultant en symptômes tels
que dyspnée et fatigue à l’effort puis au repos.
C’est pourquoi, pendant longtemps, l’exercice
physique a été déconseillé dans cette maladie.
Actuellement, les bénéfices de la réadapta-
tion cardiaque comprenant un programme
d’entraînement adapté et encadré sont connus
en termes d’amélioration de l’aptitude aérobie
et de qualité de vie des patients (1, 2). Cette
prise en charge réduit également le taux de
réhospitalisation et une amélioration de la
survie est actuellement fortement suggérée.
La réadaptation cardiaque fait dès lors partie
intégrante de la prise en charge des patients
insuffisants cardiaques à côté des traitements
pharmacologiques (3, 4). Malheureusement,
dans notre pays, seule une minorité des pa-
tients ont accès à une prise en charge pluridis-
ciplinaire de réadaptation cardiaque au cours
de leur maladie.
Mécanismes impliqués dans
les bénéfices de l’entraînement
physique chez les patients souf-
frant d’insuffisance cardiaque
L’insuffisance cardiaque entraîne des modifi-
cations structurelles, aux niveaux musculaire
(diminution des fibres glycolytiques) et métabo-
lique (réduction du nombre et de la fonction
des mitochondries et de l’activité des enzymes
oxydatives), et fonctionnelles qui expliquent
en grande partie la fatigabilité à l’effort. Ces
différentes interactions physiopathologiques
aboutissent à une fatigue musculaire précoce res-
ponsable d’une réduction de l’activité physique
et accentuent progressivement le décondition-
nement en créant un cercle vicieux (5, 6).
A l’opposé, l’exercice physique apporte des ef-
fets bénéfiques au niveau des muscles squelet-
tiques, sur le plan neurohormonal, de la fonction
endothéliale, de l’état inflammatoire et sur le
plan cardiovasculaire dans son ensemble (7-25).
Ces changements contrebalancent la progres-
sion des mécanismes délétères d’adaptation de
l’organisme lors de l’insuffisance cardiaque et
entraînent ainsi une amélioration des capaci-
tés fonctionnelles et de la qualité de vie de ces
patients.
Sur le plan musculaire, l’entraînement physique
augmente le flux sanguin local via une réduction
des résistances vasculaires, une réduction de la
production de lactates et une amélioration de
l’extraction d’oxygène (O2). Une augmentation
des fibres oxydatives, de la densité capillaire et de
la densité mitochondriale a été démontrée après
un entraînement physique en endurance (7).
Sur le plan pulmonaire, les bénéfices sont un
seuil anaérobie retardé, une diminution de la
production de dioxyde de carbone (CO
2
), une
réduction de la pente VE/VCO2 et une baisse
du quotient respiratoire via une réduction
de l’hyperventilation, une amélioration de
l’extraction de l’oxygène et une ventilation
plus efficace (8). Ces bénéfices s’expliqueraient
par une réduction de la réponse ventilatoire en
rapport avec une plus lente accumulation en
lactates, une amélioration de la ventilation-
perfusion pulmonaire et une atténuation de
l’activation par les ergoréflexes.
Sur le plan neurohormonal, l’activité physique
régulière s’accompagne d’une augmentation
du tonus parasympathique, d’une diminution
du tonus sympathique et d’une réduction de
l’activation du système rénine-angiotensine. En
effet, après entraînement physique, une diminu-
tion des taux plasmatiques de catécholamines
circulantes au repos et lors des efforts sous
maximaux a été démontrée (9-11). Les effets
sur le système nerveux autonome se traduisent
également par une amélioration de la variabilité
sinusale (12). Cette diminution du tonus sym-
pathique liée à l’entraînement physique jouerait
un rôle sur la diminution du risque d’arythmie.
En ce qui concerne la fonction endothéliale,
l’entraînement physique améliore la vasodilata-
tion flux-dépendante et diminue les résistances
périphériques. Des études (13-15) ont montré
que l’entraînement régulier favorise la libération
Vaisseaux, Coeur, Poumons n Numéro Spécial n 2009
37
La réadaptation cardiaque est recommandée comme thérapie adjuvante au traitement
médical de l’insuffisance cardiaque chronique stable. Cette prise en charge pluridisci-
plinaire intègre un réentraînement physique adapté, une optimalisation des traitements
médicamenteux, un contrôle des facteurs de risque, une aide socio-psychologique et, enfin,
l’éducation du patient. Les effets de l’entraînement physique sur l’hémodynamique, le statut
neuro-hormonal, le métabolisme musculaire squelettique, la fonction endothéliale et l’état
inflammatoire sont actuellement mieux connus. On connaît également l’importance de la
relation entre aptitude aérobie et pronostic dans l’insuffisance cardiaque et de nombreuses
études ont montré une diminution de la symptomatologie, une amélioration de la tolérance
à l’effort et de la qualité de vie et une réduction du taux de réhospitalisations des patients
grâce à la réadaptation cardiaque. Néanmoins, l’accès à la réadaptation cardiaque pour les
insuffisants cardiaques est encore limité dans notre pays.
d’oxyde nitrique (NO) et restaure la vasodilata-
tion endothélium-dépendante. Cette améliora-
tion de la fonction endothéliale serait corrélée
avec l’amélioration des capacités physiques.
Les mécanismes de l’amélioration de la fonction
endothéliale semblent en rapport avec une aug-
mentation du relargage et de la biodisponibilité
du NO en réponse aux forces de cisaillement
Vaisseaux, Coeur, Poumons n Numéro Spécial n 2009
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Classe Sévérité VO2 pic, ml/kg/min
A Normal ou atteinte légère > 20
B Légère à modérée 16-20
C Modérée à sévère 10-16
D Sévère 6-10
E Très sévère < 6
Tableau 1: Classification de Weber basée sur la VO2 pic établie lors d’un effort sur tapis roulant.
Etude N patients Durée du Programme Intensité
(entraînés, programme d’entraînement entraînement
contrôles) (jours)
Bellardinelli, 50, 49 420 Vélo, 60min 3j/sem 60% V02 pic
1999 pdt 8 sem puis 2j/sem
Supervisé
Dubach, 24, 26 56 Marche 2h/j, 80% VO2 pic
1997 vélo 40min 4j/sem
Supervisé
Giannuzzi, 46, 42 168 Vélo 30min 3j/sem durant 80% RC pic
1997 2 mois supervisé puis
30 min 3j/sem à domicile
et marche de 30 min
Hambrecht, 34, 35 168 Marche et vélo 40-60 min/j 70% VO2 pic
1995 supervisé et à domicile
Kilavuori, 12, 15 182 Vélo 30m 3j/sem pdt 3 mois 50-60% VO2 pic
2000 puis vélo, marche,
nage à domicile
McKelvie, 90; 91 364 Phase supervisée: 60-70% RC pic
2002 entraînement aérobie
et résistance 30min 3j/sem
pour 3 mois. Puis, à domicile,
entraînement aérobie 3j/sem
Zanelli, 76, 79 364 Entraînement aérobie et 70% V02 pic
1997 résistance 30 min 2j/sem
et vélo à domicile 3j/sem
pour 2 mois puis
entraînement aérobie
à domicile 5j/sem
Wielenga, 41, 39 84 Vélo, marche et jeu de ballon 60% RC pic
1999 supervisés 30 min 3j/sem
pdt 8 sem puis 2j/sem
Willenheimer, 22, 30 112 Vélo en ‘
interval training
80% VO2 pic ou
1998 (90 sec exercise et 30 sec 15 sur l’échelle
repos) 15)45 min 2j/sem de Borg
HF-Action 1133, 1172 Phase supervisée: 60 à 70% de la
entraînement aérobie réserve
15-30 minutes. chronotrope
Augmentation après 6 séances:
30-35 min à 70% réserve
chronotrope 3j/sem.
Phase domicile à partir de
18 séances et complète après
36 séances 40 minutes 5j/sem
Tableau 2: Nombre de patients inclus et détails des programmes d’entraînement des études randomisées contrôlées analysées dans la méta-analyse Extra-Match
et dans l’étude HF-Action.
qu’induit l’exercice. Parallèlement, l’exercice
physique provoque une augmentation des cel-
lules progénitrices de l’endothélium, qui favorise
la récupération de la fonction endothéliale et
l’angiogenèse (16).
Sur le plan inflammatoire, l’entraînement
physique a des effets anti-inflammatoires,
avec correction de la CRP et diminution du taux
plasmatique des cytokines (IL-6 et TNF-α) et des
médiateurs de l’inflammation liés aux plaquettes
(17-19). Les mécanismes expliquant cette ac-
tion anti-inflammatoire incluent, entre autres,
des modifications de la production de cytokines
au niveau des cellules musculaires et dans les
cellules mononuclées, une amélioration de la
fonction endothéliale et une réduction du stress
oxydatif (20, 21).
Enfin, sur le plan cardiovasculaire, des études
expérimentales ont montré une amélioration de
la fonction cardiaque suite à une restauration de
la sensibilité au calcium et de la contractilité des
cardiomyocytes (22, 23). Une méta-analyse re-
groupant des études contrôlées et randomisées
soutient également ces données, avec une amélio-
ration de la fraction d’éjection du ventricule gauche
et un effet sur le remodelage ventriculaire avec une
réduction des volumes télé-diastoliques et télé-
systoliques (24). Ces constatations ont également
été retrouvées dans une étude alisée par Wisloff
et al. chez des patients porteurs d’une cardiopathie
ischémique suivant un programme d’entraînement
fractionné pendant 12 semaines (25).
Aptitude aérobie et pronostic
dans l’insuffisance cardiaque
chronique
Les premiers symptômes de l’insuffisance car-
diaque sont souvent la dyspnée ou la fatigue
dans les activités quotidiennes, résultant de
l’incapacité du coeur à rencontrer les besoins
de l’organisme en débit sanguin et en oxygène
lors de l’effort. Il est dès lors important de quanti-
fier l’atteinte fonctionnelle liée à la maladie, soit
lors d’un effort sous-maximal tel que le test de
marche de 6 minutes ou lors d’un effort maximal
sur tapis ou cycloergomètre. L’ergospirométrie
offre une mesure directe et reproductible de
l’aptitude aérobie exprimée par la consommation
en oxygène mesurée au pic de l’effort (VO2 pic)
et de paramètres reflétant l’efficience ventila-
toire au cours de l’effort.
Dès le début des années 80, la VO2 pic a été iden-
tifiée comme l’indice de référence pour estimer
le risque des patients souffrant d’insuffisance
cardiaque chronique et décider de l’opportunité
d’une transplantation cardiaque. En 1991, Man-
cini et al. (26) ont montré sur 116 malades souf-
frant d’insuffisance cardiaque chronique que
les patients ayant une VO2 pic < 14 ml/kg/min
voyaient leur survie à 1 an nettement péjorée
(47%) et bénéficiaient d’une transplantation
cardiaque. A l’inverse, la présence d’une VO2
pic > 14 ml/kg/min identifiait un groupe de pa-
tients dont le pronostic à 1 an atteignait 94%.
Après analyse multivariée, la VO2 pic ressortait
comme le meilleur facteur pronostique de survie.
La classification de Weber basée sur la valeur
de VO2 pic est toujours classiquement utilisée
pour évaluer la gravité de l’atteinte fonctionnelle
des patients (Tableau 1). Néanmoins, la VO2 pic
est influencée par l’âge et est plus élevée chez
l’homme que chez la femme. Chez les patients
avec une VO2 pic < 14ml/kg/min, une valeur
ajustée pour ces variables inférieure à 50% de la
valeur prédite aide à une stratification plus fine
pour une possible transplantation (27).
Ces études pionnières furent réalisées avant l’ère
de la polychimiothérapie. La valeur pronostique
de la VO2 pic a été confirmée sous β bloquants
avec néanmoins une valeur seuil pour référer
vers la transplantation revue à la baisse en raison
de l’amélioration de la survie obtenue avec ces
traitements (28).
L’augmentation anormale de la pente de la
relation entre la ventilation minute (VE) et la
production de CO2 (VCO2) au cours de l’effort
reflète l’inefficience de la ventilation induite
par l’insuffisance cardiaque. Contrairement à la
VO2 pic, la pente VE/VCO2 est indépendante
du niveau d’effort atteint et donc de la motiva-
tion des patients. Depuis quelques années, plu-
sieurs études ont montré qu’une valeur élevée
(> 34-35) prédisait une évolution défavorable
indépendamment de la VO2 pic (29) et qu’une
stratification basée sur ce paramètre ventilatoire
pourrait être meilleure que celle basée sur la
VO2 pic (30). Néanmoins, ces deux paramètres
mesurent des réponses pathophysiologiques dif-
férentes et leur efficacité pronostique est plus
élevée lorsqu’ils sont combinés (31).
D’autres paramètres tels que la tension artéri-
elle systolique, la ‘puissance circulatoire’ au pic
de l’effort et la présence d’un pattern de respira-
tion périodique au cours de l’effort influencent le
pronostic et doivent probablement être consi-
dérés dans la décision relative à la transplan-
tation.
Les bénéfices de l’entraînement
physique sur l’aptitude aérobie
et le pronostic
Ce n’est que dans les années 80 que l’absence
de relation claire entre paramètres de dysfonc-
tion cardiaque mesurés au repos et aptitude
aérobie des patients souffrant d’insuffisance
cardiaque a souligné le rôle éventuel de facteurs
périphériques et en particulier du décondition-
nement physique dans l’évolution de la mala-
die (32). Dès le début des années 90, une série
d’études prospectives randomisées montrent
une amélioration de la distance marchée en 6
minutes, du seuil anaérobie et de la VO2 pic de
l’ordre de 12 à plus de 30% grâce à des pro-
grammes de réentraînement physique (études
reprises dans la référence 2). Certaines d’entres
elles montraient la persistance de l’amélioration
de la VO2 pic et de la qualité de vie des patients
sur un plus long terme et suggéraient une dimi-
nution du taux d’hospitalisations avec un impact
positif sur la survie (33).
Neuf études randomisées contrôlées ont été
regroupées dans la méta-analyse ExTraMATCH.
Au total, 801 patients insuffisants cardiaques
stables (FEVG < 50%) ont été inclus, dont 395
recevaient un entraînement physique régulier et
406 servaient de groupe contrôle (2). Les détails
des programmes et durées d’entraînement sont
repris dans le tableau 2. L’entraînement physique
s’accompagnait de très peu de complications,
mais diminuait la mortalité totale de l’ordre de
25% (OR: 0,65; IC: 0,46-0,92; p = 0,015) ainsi
que le taux d’hospitalisations de l’ordre de 28%
(OR: 0,72; IC: 0,56-0,93; p = 0,018) comparé
au groupe contrôle. Ces résultats n’étaient pas
influencés par la fraction d’éjection ventriculaire
gauche, le sexe, la classe fonctionnelle NYHA ou
l’étiologie de l’insuffisance cardiaque. L’effet de
l’entraînement ne semblait pas non plus être
altéré dans le groupe des 117 patients âgés de
plus de 60 ans dont 52 avaient été randomisés
pour l’entraînement. Ceci est remarquable quand
on sait que l’âge est un des facteurs les plus
péjoratifs dans l’insuffisance cardiaque.
Vaisseaux, Coeur, Poumons n Numéro Spécial n 2009
39
CARDIOLOGIE
Vaisseaux, Coeur, Poumons n Numéro Spécial n 2009
40
Les résultats de l’étude HF-ACTION multi-
centrique randomisée contrôlée étudiant l’effet
de l’entraînement sur la survie dans l’insuffisance
cardiaque viennent d’être publiés très récemment
(34). Cette étude inclut 2.331 patients souffrant
d’insuffisance cardiaque stable avec une frac-
tion d’éjection ventriculaire gauche < 35% en
classe 2 à 4 de la NYHA. Les patients étaient
randomisés dans un groupe entraîné versus con-
trôle. Les détails du programme d’entraînement
sont repris dans le tableau 2. Il comprenait une
phase supervisée de 36 séances/3 mois suivie
d’une phase d’entraînement à domicile. Les
patients randomisés dans le groupe non entraînés
recevaient une information recommandant
une activité physique journalière modérée à
intense de 30 minutes par jour. L’ergospirométrie
était contrôlée à 3, 12 et 24 mois, la distance
de marche en 6 minutes également à 3 ans et
4 ans de suivi.
Un total de 736 patients a réalisé 36 séances
supervisées sur 3,9 mois. 92 à 95% des patients
étaient sous β bloquants et sous inhibiteurs de
l’enzyme de conversion de l’angiotensine dans
les 2 groupes. Les groupes étaient comparables
en termes de gravité de l’insuffisance cardiaque,
de comorbidités, de traitement et d’aptitude
aérobie.
A 3 mois, la distance marchée en 6 minutes
(20 vs 5 m, p < 0,01), la durée du test d’effort
(1,5 vs 0,3min, p < 0,001) et la V02 pic (0,6 vs
0,2ml/kg/min, p < 0,001) étaient significative-
ment améliorées par l’entraînement. A 12 mois,
l’amélioration de l’ergospirométrie était main-
tenue, mais pas celle de la distance de marche.
Une analyse post hoc de la classe NYHA montrait
également une amélioration de 1 classe pour
30% du groupe entraîné, versus 25% dans le
groupe non entraîné (p = 0,03).
L’entraînement ne provoquait pas d’augmentation
d’événements indésirables comparés au groupe
contrôle. Les raisons principales d’arrêt de
l’entraînement au cours d’une séance étaient
la survenue d’angine de poitrine (10%) et
d’arythmies (7%).
Cette étude n’a pas montré de différence significa-
tive en termes de mortalité ou d’hospitalisations
globales. Néanmoins, après ajustement pour les
variables confondantes (durée du test d’effort,
fraction d’éjection ventriculaire gauche, score
de dépression de Beck, histoire de fibrillation ou
flutter auriculaire) ainsi que pour l’étiologie de
l’insuffisance cardiaque, l’entraînement physique
réduisait la mortalité ou le taux d’hospitalisations
toutes causes de l’ordre de 11% (OR: 0,89; IC:
0,81-0,99; p = 0,03) ainsi que la mortalité car-
diovasculaire ou les hospitalisations pour insuf-
fisance cardiaque de l’ordre de 15% (OR: 0,85;
IC: 0,74-0,99; p = 0,03). L’âge, la race, le sexe, la
fraction d’éjection ventriculaire gauche, la classe
fonctionnelle NYHA, l’étiologie de l’insuffisance
cardiaque et les traitements n’influençaient pas
les effets de l’entraînement.
Les résultats de cette étude peuvent apparaître
décevants pour les défenseurs de l’entraînement
physique. Il existe néanmoins une série d’éléments
ayant probablement réduit la différence entre
les groupes: tout d’abord, l’étude était basée sur
l’intention de traiter, incorporant les patients
même si les prescriptions de traitement n’ont pas
été suivies. Par ailleurs, le manque d’adhérence
à l’entraînement à domicile ainsi qu’un cross-
over naturel entre les groupes, puisque 55% des
patients dans le groupe non entraîné étaient
insatisfaits de leur attribution et effectuaient
probablement une activité physique plus impor-
tante que celle recommandée. Il est important
de noter que la diminution de l’ordre de 15% de
la mortalité cardiovasculaire et des hospitalisa-
tions pour insuffisance cardiaque induite par
l’entraînement est équivalente à celle obtenue
dans l’étude CHARM (35). Néanmoins, dans
l’étude CHARM, seulement 55% des patients
recevaient des doses adéquates de β bloquants
contre plus de 90% dans cette étude.
Cette étude montre donc que l’entraînement
physique dans l’insuffisance cardiaque peut être
réalisé de manière sûre et qu’il améliore le de-
venir des patients à terme en réduisant à la fois
le taux d’hospitalisations et la mortalité après
ajustement pour les facteurs confondants.
A la lumière de ces résultats, les nouvelles
recommandations de l’ESC (4) reconnaissent
les programmes de réentraînement physique
comme partie intégrante du traitement pour
tout patient souffrant d’insuffisance cardiaque
stable sans limitation à un sous-groupe particu-
lier (classe 1A). Bien que les patients souffrant
d’insuffisance cardiaque sont souvent considérés
à haut risque de réentraînement, une revue at-
tentive des études précitées ne met en évidence
qu’un taux faible d’événements indésirables. Ce
taux est également faible dans les programmes
d’entraînement à domicile; néanmoins, il est ha-
bituellement recommandé que les patients par-
ticipent d’abord à un programme d’entraînement
supervisé, permettant à la fois la surveillance,
l’administration des conseils d’entraînement, de
sécurité et d’autogestion et favorisant également
la restauration de la confiance du patient dans
ses propres capacités à réaliser des efforts sans
risques majeurs (36).
Modalités d’entraînement
Dans la vaste majorité des études sur
l’entraînement physique chez les patients insuf-
fisants cardiaques, l’entraînement en endurance
a été utilisé. Une revue des 9 études qui furent
incluses dans la méta-analyse ExtraMATCH nous
apprend que ces patients ont été entraînés à
une intensité d’exercices entre 60 et 80% de la
VO2 pic ou de la fréquence cardiaque pic (2). Il
existe par contre une importante variation quant
au type d’exercice, à la durée et à la fréquence
d’entraînement (Tableau 2). Cependant, il est
bien connu que dans la plupart des études rela-
tives à l’exercice, un plateau est atteint en 16-26
semaines d’entraînement. Selon l’état clinique
des patients, certains centres préfèrent débu-
ter par de courtes périodes d’entraînement, de
l’ordre de 10 minutes avec une augmentation
progressive à 30-60 minutes, le plus souvent
à raison de 3 fois par semaine. Il est néces-
saire d’inclure des phases d’échauffement et
de ‘refroidissement’ d’au minimum 5 minutes
durant les séances d’entraînement. Comme
démontré dans une publication de revue par
Smart et al. (37), on peut s’attendre grâce à
l’entraînement à une augmentation de la VO2
pic de l’ordre de 10-30%. A partir d’une revue
Cochrane collaboration’, les auteurs concluent
que le bénéfice de l’entraînement en termes
d’aptitude aérobie dépend de la dose d’exercices
réalisée, de la durée des périodes d’exercice, de
la durée et de la fréquence de l’entraînement.
A nouveau, le bénéfice du réentraînement ne
peut être exclusivement attribué à la modeste
amélioration du remodelage ventriculaire, de
la fraction d’éjection ventriculaire gauche (24)
et du volume d’éjection systolique (11). La par-
ticipation de modifications périphériques a été
documentée, comprenant une diminution de la
résistance vasculaire périphérique induite par
l’entraînement, la restauration de la fonction
endothéliale et un potentiel sur les anoma-
lies musculaires squelettiques observées dans
l’insuffisance cardiaque (38).
Alors que d’un point pronostique, le rôle de la
VO2 pic est aisé à comprendre, la qualité de vie
de ces patients handicapés dépend plus de leurs
possibilités à se livrer aux activités journalières ne
demandant pas l’intervention des performances
aérobies maximales. De plus, l’entraînement en
endurance utilise habituellement les muscles
des jambes, alors que les tâches simples telles
que tirer, pousser et porter requièrent la masse
musculaire et la force à la fois des membres
supérieurs et inférieurs.
Dans une étude prospective randomisée, P Beck-
ers et al. (39) ont montré que la combinaison
de l’entraînement en endurance et d’exercices
résistifs dynamiques a un effet plus pronon-
sur la capacité d’effort sous-maximale, la
force musculaire et la qualité de vie. Bien que
les patients souffrant d’insuffisance cardiaque
chronique sont encore considérés à haut risque
pour l’entraînement résistif, il est important
de souligner que la charge hémodynamique
de l’entraînement résistif dynamique modéré
(50 à 60% de la repetitive maximum’) n’est pas
plus importante que celle de l’entraînement en
endurance à intensité comparable.
Un autre concept intéressant qui fut récemment
investigué dans une étude pilote est celui de
l’entraînement aérobie par ‘interval training
à haute intensité. Wisloff et al. (25) ont mon-
tré que ce type d’entraînement (70% rythme
cardiaque pic) conduit à une augmentation
impressionnante et significativement plus
élevée de VO2 pic, de fonction endothéliale
périphérique et de FEVG avec une réduction
importante des diamètres VG. Cette étude
pilote dans laquelle 27 patients souffrant de
dysfonction VG d’origine ischémique furent in-
clus a conduit à la conception d’une plus large
étude de phase II, dans laquelle 200 patients
souffrant d’insuffisance cardiaque quelle que
soit leur étiologie seront randomisés vers un en-
traînement en interval training à haute intensité,
un entraînement modéré ou un groupe contrôle
(SMARTEX HF: Study of Myocardial Recovery after
Exercise Training in Heart Failure).
Organisation de la réadaptation
cardiaque pour les patients
souffrant d’insuffisance
cardiaque chronique en Belgique
Alors qu’il n’y a plus aucun doute quant au fait
que l’entraînement physique est bénéfique chez
les patients souffrant d’insuffisance cardiaque
au-delà de leur traitement pharmacologique
classique ou par resynchronisation biventricu-
laire (40), l’implémentation de cette modalité
thérapeutique est une chose différente. En dépit
du fait que l’entraînement physique est considéré
comme une recommandation de classe IA par
l’ESC (4), la revalidation physique en Belgique
doit suivre des règles peu conventionnelles. Tout
d’abord, le nombre de centres multidisciplinaires
reconnus en Belgique est limité à 36. Ceci con-
duit inévitablement à un sous-traitement en
termes de revalidation physique. Deuxièmement,
la réadaptation des patients insuffisants car-
diaques est limitée à ceux qui ont été récem-
ment hospitalisés pour décompensation aiguë.
En sachant qu’une hospitalisation récente pour
dégradation péjore le pronostic des patients et
annonce une très vraisemblable réhospitalisa-
tion, il semble étrange de se concentrer sur
ce groupe de patients et de ne pas offrir une
réadaptation physique aux patients dans les
stades plus précoces de la maladie.
Une fois qu’un patient remplit les indications
strictes des critères de remboursement, on peut
alors lui proposer un programme de revalidation
multidisciplinaire de 45 séances durant une pério-
de de 6 mois suivant son admission à l’hôpital.
Ces séances durent typiquement 1 heure et sont
habituellement proposées à raison de 3 fois par
semaine. Une fois ce programme terminé, on
est confronté au problème de l’adhérence à la
poursuite de l’entraînement. Comme montré
dans l’étude HF-ACTION (34), la compliance
à un programme de réentraînement physique
sur une base personnelle est faible et les stra-
tégies alternatives devraient être investiguées.
Celles-ci pourraient comprendre des activités
de groupe ou un régime d’exercices prescrit de
manière personnelle, suivant un programme
d’entraînement établi par les professionnels.
Comme en Belgique, de nombreuses cliniques
d’insuffisance cardiaque ont été développées
en collaboration étroite avec des centres de re-
validation cardiaque, l’entraînement physique
régulier devrait être fortement recommandé
par les infirmières d’insuffisance cardiaque et
par les cardiologues.
Références
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collaboration with the American College of Chest Physicians
and the international society for Heart and Lung Transplan-
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4. ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and
chronic heart failure 2008: The Task Force for the Diagnosis
and Treatment of Acute and Chronic Heart Failure 2008 of
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endorsed by the European Society of Intensive Care Medicine
(ESICM). Eur Heart J 2008;29:2388-442.
5. Wilson J, Mancini D, Dunkman B. Exertional fatigue due to
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6. Sullivan M, Green H, Cobb F. Skeletal muscle biochemistry
and histology in ambulatory patients with long-term heart
failure. Circulation 1990;81:518-27.
Vaisseaux, Coeur, Poumons n Numéro Spécial n 2009
41
Take Home Messages
- L’exercice physique apporte des effets bénéfiques au niveau des muscles squelettiques, sur le plan
neurohormonal, de la fonction endothéliale, de l’état inflammatoire et sur le plan cardiovasculaire dans
son ensemble.
- Il contrebalance ainsi la progression des mécanismes délétères d’adaptation de l’organisme lors de
l’insuffisance cardiaque.
- L’exercice physique entraîne une amélioration des capacités fonctionnelles et de la qualité de vie de ces
patients.
- D’importants travaux ont montré que, dans l’insuffisance cardiaque, l’entraînement physique peut être
réalisé de manière sûre et qu’il réduit à la fois le taux d’hospitalisations et la mortalité.
- D’ailleurs, les nouvelles recommandations de l’ESC reconnaissent les programmes de réentraînement
physique comme partie intégrante du traitement pour TOUT patient souffrant d’insuffisance cardiaque
stable (classe 1A).
- L’accès à la réadaptation cardiaque pour les insuffisants cardiaques est malheureusement encore limité
dans notre pays.
CARDIOLOGIE
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Réadaptation cardiaque et insuffisance cardiaque chronique

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