Bénéfices de la réadaptation cardio vasculaire chez l

Cet article revoit la nature des bénéfi ces physiologiques et cli-
niques de l’entraînement physique ainsi que la prescription de
l’entraînement physique chez les patients souffrant d'insuffi -
sance cardiaque en discutant quelques perspectives nouvelles.
L’ insu sance cardiaque (IC) peut être dé nie comme un syn-
drome clinique complexe caractérisé par des anomalies de la
fonction cardiaque et de la régulation neuro-hormonale qui sont
à lorigine dune intolérance à le ort, dune rétention hydro-so-
dée et d’une augmentation de la mortali. Il part donc légitime
de sintéresser à lentraînement physique (EP) dans lIC puisque
lintolérance à le ort en est une des caractéristiques principales.
De plus, la capacité physique mesurée par le pic de consommation
d’oxygène lors d’un test d’e ort maximal avec mesures des échan-
ges gazeux (ergospirométrie) est un des meilleurs prédicteurs de
mortalité dans cette population. L’amélioration de la capacité phy-
sique par lentraînement physique pourrait donc non seulement
améliorer signi cativement les symptômes et la qualité de vie des
patients, mais aussi leur survie.
Pourtant, l’insu sance cardiaque a été considérée jusqu’à la  n
des années 80 comme une contre-indication à l’exercice physique et
le repos comme une des pierres angulaires de la prise en charge. En
e et, de rares cas de détérioration de la fonction ventriculaire gauche
après EP avaient été décrits chez ces patients. Depuis maintenant
environ 30 ans, plus de 30 essais cliniques randomisés ont démon-
tré les béné ces et la sécurité de l’EP qui est considéré comme une
recommandation de classe I par les directives de pratique clinique
européenne et américaine actuelle dans l’IC associée à une fraction
déjection ventriculaire gauche (FEVG) diminuée (1, 2).
Bénéfi ces physiologiques
Les mécanismes expliquant l’intolérance à le ort dans l’IC ne sont
pas uniquement liés à la dysfonction ventriculaire gauche, mais
aussi à des anomalies complexes ventilatoires, musculaires sque-
lettiques, endothéliales et neuro-hormonales. Cela explique que la
FEVG est mal corrélée à la capacité physique des sujets atteints d’IC.
L’EP, de façon similaire, nagit pas seulement au niveau hémodyna-
mique central, mais produit également des adaptations périphé-
riques multiples ( g. 1) (3).
Capacité physique. La capacité physique aérobie est mesurée par le
pic de consommation doxygène (VO2) lors d’un test d’e ort maxi-
mal. Chez les insu sants cardiaques, on parle de pic de VO2 et non
de « VO2 max » car les patients déconditionnés atteignent rarement
un plateau de VO2 qui dé nit une valeur maximale. Laugmentation
du pic de VO2 après un EP aérobie standard atteint environ 15% (2,1
mL/kg/min) selon les études les plus récentes (4).
Adaptations hémodynamiques centrales. Les données concernant
l’amélioration de la FEVG à le ort varient entre labsence d’e et ou
Entraînement physique
Bénéfi ces de laadaptation cardio vasculaire
chez l’insuf sant cardiaque
une discrète amélioration selon les études. Daprès les données d’une
méta-analyse, l’EP paraît globalement induire de discrètes amélio-
rations de la FEVG (2,6%) ainsi qu’une faible réduction du volume
ventriculaire gauche télédiastolique. Certaines données semblent
indiquer une amélioration de la fonction diastolique également. Sur
le plan du débit cardiaque, les résultats sont superposables avec une
possible faible augmentation à le ort après EP (3, 4).
Adaptations périphériques et neuro-hormonales. La produc-
tion doxyde nitrique (NO) par l’endothélium vasculaire est dimi-
nuée dans l’IC, réduisant ainsi la vasodilatation artériolaire dans les
territoires musculaires à le ort. Plusieurs études indiquent que la
fonction endothéliale évaluée par des mesures daugmentation du
ux sanguin après compression transitoire dun territoire vasculaire
peut être améliorée après un EP. Au niveau musculaire, non seule-
ment la force musculaire est améliorée par l’EP, mais aussi lactivité
du métabolisme enzymatique oxydatif mitochondrial. LEP a aussi
des e ets béné ques neuro-hormonaux sous la forme d’une réduc-
tion de lactivité du système sympathique et dune diminution de
la production de cytokines pro-in ammatoires qui sont des mar-
queurs de progression de l’IC (3, 4).
Bénéfi ces cliniques
Jusqu’en 2009, les données concernant les béné ces cliniques poten-
tiels de l’entraînement physique provenaient de méta-analyses dont
les résultats semblaient montrer une tendance à la diminution de la
mortalité et des hospitalisations (5). Cependant, l’hétérogénéité des
études et les résultats souvent très discordants représentaient des
limitations importantes à leur interprétation. Une très grande étude
randomisée contrôlée d’EP chez les patients IC, «HF-ACTION»,
nancée par un organisme public aux Etats-Unis, a été organisée
dans 135 centres de trois pays (États-Unis, Canada et France). Un
total de 2'331 patients IC stables d’un âge moyen de 60 ans a été
inclus, majoritairement en classe fonctionnelle NYHA II et III avec
une fraction d’éjection ventriculaire gauche moyenne de 25%. L’EP
était initialement supervisé dans un centre de réadaptation puis les
patients étaient autonomes à domicile et devaient e ectuer 5 ances
de 40 minutes par semaines de vélo stationnaire ou de marche à
une intensité modérée (60% à 70% de la réserve de fréquence car-
diaque). Les patients du groupe EP ont montré une augmentation
signi cative de leur pic de VO2 de 4% seulement en comparaison
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FORMATION CONTINUE
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FIG. 1
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physique dans l’insuffi sance cardiaque
FORMATION CONTINUE
Adaptations centrales
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Adaptations périphériques
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avec le groupe contrôle. Au terme du suivi moyen de 2,5 ans et après
ajustement statistique, une discrète réduction de 10% du critère de
jugement combinant mortalité et hospitalisation de toute cause a
été observée (6). Par ailleurs, létat de santé général et la qualité de
vie des patients ont été aussi améliorés (7). L’EP na pas montré def-
fet délétère. Les béné ces modestes de cette étude sexpliquent prin-
cipalement par une mauvaise adhésion des patients au programme
prescrit puisque seuls 38% des patients ont atteint les 120 minutes
d’activité physique minimale requise par semaine. Trois conclusions
peuvent donc être tirées de cette étude :
1. L’EP a un e et discret sur la réduction des hospitalisations et de la
mortalité dans l’IC.
2. LEP a un très bon pro l de sécurité chez ces patients.
3. Ladhésion thérapeutique est un problème majeur à long terme.
La prescription de l’entraînement physique
dans l’insuffi sance cardiaque
La prescription de l’EP dépend du niveau de capacité physique du
patient, de ses préférences et de ses buts. Elle doit donc être indi-
vidualisée. Les deux modalités principales d’EP utilisées chez les
patients IC sont l’EP aérobie (dendurance) en continu et l’EP de
résistance ou de force (8).
EP aérobie (dendurance) en continu. Cette modalité d’EP, utilisée
dans létude « HF-ACTION » est la mieux décrite et la mieux vali-
dée dans la littérature. Elle consiste à e ectuer une activité physique
de type marche (tapis roulant) ou sur un vélo (cyclo-ergomètre) de
façon continue à une intensité modérée. Idéalement, l’intensité de
l’EP devrait se baser sur les résultats d’une ergospirométrie a n de
l’adapter à un certain pourcentage du pic de VO2 du patient. Il est
recommandé de débuter à une faible intensité (40% à 50% du pic de
VO2), pendant une courte durée (env. 15 minutes) puis d’augmenter
progressivement dabord l’intensité, puis la durée des séances, ceci
de 3 à 5 fois par semaine (tab. 1).
EP de résistance ou de force. Cette modalité d’EP devrait être e ec-
tuée en complément de l’EP aérobie dans le but d’améliorer plus
spéci quement la fonction musculaire qui est défaillante chez les
patients IC. Elle consiste donc à e ectuer la contraction d’un groupe
musculaire contre une résistance donnée utilisant par exemple un
engin de musculation. Les exercices spéci ques utilisant le poids
du corps ou lusage délastiques ( era-Band®) sont également adap-
tés. En revanche, les poids libres sont plutôt déconseillés dans cette
population. L’intensité est en général basée sur un pourcentage du
poids maximal pouvant être soulevé une seule fois (1-RM) ou sur la
perception de l’e ort sur l’échelle de Borg. Les caractéristiques de ces
modalités d’EP sont détaillées dans le tableau 1.
Nouvelles modalités dEP. Deux nouvelles modalités d’EP prin-
cipales sont en cours d’investigation dans lIC : lentraînement par
intervalles (ou intermittent) à haute intensité (EIHI) et lentraîne-
ment respiratoire. L’EIHI est utilisé depuis près dun siècle par les
athlètes de haut niveau. Il consiste à alterner des courtes périodes
d’e ort à haute intensité avec des courtes périodes de récupération,
passives (repos complet) ou actives (e ort d’intensité plus faible).
Une petite étude randomisée portant sur 27 patients IC post-infarc-
tus d’une moyenne d’âge de 75 ans avec une FEVG moyenne de
29% a récemment étudié un protocole d’EP consistant en 4 séries
de 4 minutes de marche à 95% de la fréquence cardiaque maximale
(FCmax) suivies de 3 minutes de récupération à 50% à 70% de la
FCmax. Après 12 semaines, des béné ces très importants ont été
mis en évidence chez les patients du groupe EIHI en comparaison
avec un entraînement continu standard sur le plan de l’améliora-
tion du pic de VO2 (+46%), de la FEVG (+35%) ainsi que sur la
fonction endothéliale et le métabolisme musculaire (9). Cependant,
les béné ces de l’EIHI et surtout sa sécurité devront être con rmés
dans de plus grandes études randomisées contrôlées dont certaines
sont en cours.
Plusieurs études ont démontré que lentraînement des muscles
inspiratoires permet daméliorer la capacité physique et la qualité de
vie chez les patients IC présentant une faiblesse des muscles inspira-
toires. Des dispositifs portables permettent d’e ectuer di érents types
de protocoles qui augmentent la résistance à l’inspiration à un certain
pourcentage pression inspiratoire maximale des des patients. Toute-
fois, des études à plus grande échelle sont nécessaires pour évaluer pré-
cisément les béné ces cliniques de cette nouvelle modalité d’EP (10).
TAB. 1 Prescription des modalités principales d’entraînement physique dans l’insuffi sant cardiaque
Modalités Types Intensité Fréquence Durée des séances
Aérobie (endurance) - marche (tapis roulant)
- vélo (cyclo-ergomètre)
- 40% à 80% du pic de VO2
- 40% à 70% FCR
- échelle de Borg 10 – 14
3 à 5 fois par semaine 15 à 30 minutes
Résistance (force) - engins de musculation
- poids du corps
- élastiques
- 40% à 60% du 1-RM
- échelle de Borg <15
- 2 à 3 fois par semaine
- 1 à 3 séries
- 5 à 25 répétitions
10 à 20 minutes
* FCR : fréquence cardiaque de réserve : (pic de FC - FC de repos) x % intensité + FC de repos
** VO2 : consommation d'oxygène
*** 1-RM : poids maximal soulevé une seule fois
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La réadaptation cardiovasculaire
Chez les patients IC, il est recommandé de débuter un EP dans un
programme structuré et supervisé. En Suisse, la plupart des centres
de réadaptation cardiaque ambulatoire ou stationnaire propose des
programmes spéci ques aux patients IC. Idéalement, une transition
vers un EP à la maison devrait être assurée a n dobtenir des e ets
à long terme. Même si lEP est une des composantes principales des
centres de réadaptation cardiovasculaire, les patients peuvent égale-
ment béné cier dans le même temps d’un programme d’éducation
thérapeutique a n de comprendre leur maladie et de mieux pouvoir
sautogérer globalement, intervention qui a également montré une
amélioration de la qualité de vie et de la survie ( g. 2) (11).
Conclusion
En complément du traitement médicamenteux et de l’utilisation de
dé brillateur ou de dispositif de resynchronisation cardiaque, l’EP a
maintenant une place reconnue dans la prise en charge de l’IC chro-
nique. Lamélioration des symptômes et la qualité de vie des patients
restent les béné ces primordiaux de lEP bien qu’un discret e et
de réduction des hospitalisations et de la mortalité ait aussi pu être
démontré chez ces patients. Il est recommandé de débuter un pro-
gramme d’EP dans un programme structuré et supervisé de réadap-
tation cardiovasculaire spéci que à l’IC, mais la transition de lEP à
domicile est indispensable a n den tirer des béné ces à long terme.
Dr méd. Philippe Meyer
Service de Cardiologie
Département des spécialités de médecine
Hôpitaux Universitaires Genève
Rue Gabrielle Perret-Gentil 4
1211 Genève 14
Dr méd. David Senouf
Cardiologue FMH
Rue Charles Galland 15
1206 Genève
FORMATION CONTINUE
Message à retenir
De nombreuses études ont démontré les bénéfi ces physiologiques de
l’entraînement physique (EP), notamment sur l’augmentation de la
capacité physique des patients atteints d’insuffi sance cardiaque (IC)
chronique avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche diminuée
Un récent essai clinique randomisé a montré une amélioration de la
qualité de vie, une discrète réduction des hospitalisations et de la
mortalité et surtout une très bonne sécurité de l’EP dans cette popu-
lation fragile
L’EP est clairement recommandé dans les directives de pratique cli-
nique actuelles
En Suisse, divers centres de réadaptation cardio-vasculaire offrent
des programmes d’EP structuré combiné également à des ateliers
d’éducation thérapeutique
FIG. 2
Les objectifs de l’éducation thérapeutique
dans l’insuffi sance cardiaque
Connaissance
des traitements
Conseils en
acitvité physique
Connaissance
de la maladie
Évaluation des
patients
Connaissance des
symptômes d’alarme
Conseils diététiques
Apports liquides/sel
Éducation thérapeutique
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