mise au point Réadaptation cardiovasculaire et insuffisance cardiaque Cardiac rehabilitation in heart failure patients C. Monpere* L e traitement des patients insuffisants cardiaques (IC) connaît des progrès continus depuis plus de deux décennies : aux diurétiques et aux tonicardiaques digitaliques ont été ajoutés les bloqueurs des systèmes neuro-hormonaux, et plus récemment les apports technologiques tels les défibrillateurs implantables ou les resynchronisateurs ventriculaires. Alors que l’entraînement physique régulier était depuis longtemps contre-indiqué, des études novatrices de faibles effectifs mais bien menées ont permis d’affirmer l’innocuité de l’exercice chez les patients IC stabilisés, l’amélioration de la symptomatologie et des capacités d’effort, voire l’amélioration de la morbi-mortalité, et ont ainsi favorisé son développement depuis les années 1990. La meilleure connaissance des mécanismes physiopathologiques de l’insuffisance cardiaque et des effets de l’exercice a permis de conforter le bien-fondé de cette prise en charge. De fait, les nouvelles recommandations 2008 de la Société européenne de cardiologie préconisent la réadaptation cardiaque au chapitre du traitement non pharmacologique de l’insuffisance cardiaque, c’est-à-dire l’association de l’éducation thérapeutique et d’un programme de reconditionnement à l’effort. L’entraînement physique y est recommandé chez tous les insuffisants cardiaques stables, recommandation de classe I (intervention bénéfique, utile et efficace) et de niveau d’évidence A (données dérivées d’études cliniques randomisées ou de méta-analyses), sans être limité à des sousgroupes particuliers (étiologie, classe NYHA, fraction d’éjection ventriculaire gauche ou traitement) [1]. Cet article sera plus particulièrement axé sur les modalités pratiques de la réadaptation cardiaque, sa place au sein de l’arsenal thérapeutique de l’insuffisance cardiaque, et ses effets sur la morbimortalité, notamment après la présentation des résultats de l’étude HF-ACTION à l’AHA 2008. Modalités pratiques Cadre législatif des services de soins de suite et de réadaptation prenant en charge les pathologies cardiovasculaires Les conditions de fonctionnement en France des services de soins de suite et de réadaptation spécialisés dans la prise en charge des affections cardiovasculaires, ont fait l’objet de la promulgation d’un décret, complété d’une circulaire d’application (2, 3). Ces textes serviront de cadre légal à nos tutelles pour valider les autorisations de fonctionnement de nos structures. Dans le cas de la réadaptation cardiaque, le rôle pivot du médecin cardiologue est rappelé : les services de réadaptation cardiaque (RC) doivent pouvoir prendre en charge “des patients à risque élevé”, dont les patients “IC sévères”, nécessitant comme “compétence médicale obligatoire un cardiologue présent sur le site pendant les phases de réadaptation” et une “continuité des soins assurée par une garde ou une astreinte médicale. Une intervention médicale en urgence doit être possible à tout moment”. La nécessité d’une “équipe pluridisciplinaire formée aux gestes d’urgence et à la réadaptation cardiaque” ainsi que la nature des locaux et des matériels nécessaires au reconditionnement à l’effort et à la prise en charge des urgences sont également précisées. Le programme de réadaptation cardiaque ◆◆ Généralités La réadaptation cardiaque doit s’adresser à des patients stabilisés en classes II et III de la NYHA en sachant qu’un minimum de 20 séances est requis, 40 séances étant préconisées pour les patients les * CRCV Bois Gibert, Ballan Miré. La Lettre du Cardiologue • n° 422 - février 2009 | 21 Points forts Mots-clés Réadaptation cardiaque Entraînement physique Insuffisance cardiaque chronique Highlights Cardiac rehabilitation for heart failure patients is still underused despite its beneficial effects on quality of life, functional capacities or even prognosis, without any deleterious effect on left ventricular remodelling. Exercise-induced vascular shearstress is probably at the origin of the beneficial consequences of training on neuro-hormonal and vascular systems. Moreover, educational sessions on heart failure, together with exercise training, allow the patient the self-management of his disease, leading to a decrease in rehopitalisation number and length of stay, and therefore a reduction in medical cost . The on-going heart failure “epidemic” should prompt Health Services to promote innovating measures to manage this rapidly growing population, integrating widely cardiac rehabilitation. Keywords Cardiovascular rehabilitation Exercise training Chronic heart failure »» La réadaptation des patients insuffisants cardiaques reste sous-utilisée malgré ses effets bénéfiques sur la qualité de vie, les capacités d’effort voire le pronostic, et cela sans effets délétères sur le remodelage ventriculaire. »» Le shear stress vasculaire induit par l’exercice est sans doute à l’origine des effets favorables constatés sur les systèmes neuro-hormonaux et vasculaire après entraînement. En outre, l’éducation thérapeutique associée aux séances de reconditionnement à l’effort permet l’autogestion de sa maladie par le patient, ce qui permet une diminution du nombre et de la durée des réhospitalisations ainsi qu’une réduction du coût de la maladie. »» La future “épidémie” d’insuffisances cardiaques devra inciter les systèmes de santé à prendre des mesures innovantes pour la prise en charge de cette population croissante, en y faisant une large part à la réadaptation. plus fragiles. Le programme de réadaptation est mené par une équipe pluridisciplinaire, requérant les compétences d’un cardiologue, de kinésithérapeutes, d’infirmières formées en éducation thérapeutique, de diététiciennes et, si possible, de psychologues. Ce programme associera reconditionnement à l’effort et éducation thérapeutique centrée sur les aspects diététiques, l’auto-gestion de la maladie (suivi régulier du poids, de la survenue d’œdèmes, du degré de dyspnée, de la compliance au traitement, etc.) ainsi qu’une prise en charge psychologique. Le reconditionnement à l’effort sera prescrit à partir des données d’évaluation fonctionnelle (au minimum une échocardiographie, une épreuve d’effort avec mesure des paramètres respiratoires, des données coronarographiques en cas de cardiopathie ischémique) qui permettront, en sus des données cliniques, de stratifier le risque évolutif. La réadaptation est généralement initiée durant la première semaine en hospitalisation complète afin de vérifier la tolérance du reconditionnement à l’effort, tout particulièrement chez les patients les plus âgés ou les plus fragiles. Si les conditions cliniques et géographiques le permettent, cette réadaptation pourra être continuée sur un mode ambulatoire avec renforcement des messages éducationnels et préparation au retour à domicile. L’évaluation des capacités fonctionnelles et la prescription d’un programme à faire à domicile seront réalisées à la fin de cette réadaptation. Le test d’effort de sortie serait de plus un élément permettant de préciser le pronostic des patients : l’absence d’amélioration à l’entraînement, c’està-dire un gain en pourcentage de la valeur prédite du pic VO2 inférieur à 6 %, multiplierait par 8 les risques d’événements cardiovasculaires (décès, greffe cardiaque, hospitalisation pour insuffisance cardiaque) [4]. ◆◆ Entraînement en endurance Il est le pivot du reconditionnement à l’effort. Ses modalités sont prescrites après test de tolérance à l’effort limité par les symptômes, associé à une mesure des gaz respiratoires. L’intensité se situe au niveau du premier seuil d’adaptation ventilatoire, la durée selon la tolérance du patient variant de 10 à 30 minutes, à une fréquence de 3 à 7 fois par 22 | La Lettre du Cardiologue • n° 422 - février 2009 semaine. La progression doit être lente et individualisée, portant d’abord sur la durée, puis la fréquence, et enfin l’intensité. L’entraînement à niveau fixe (en “plateau”) a été comparé à l’entraînement fractionné ou interval training. Ce dernier semble mieux toléré, plus ludique, présente des effets plus rapides liés vraisemblablement à une sollicitation plus importante de la périphérie et un moindre stress cardiovasculaire (5). Cet interval training semble réalisable chez les patients les plus âgés, avec des effets plus bénéfiques sur le pic de la consommation d’oxygène, le remodelage ventriculaire gauche et la vasodilatation dépendante de l’endothélium que l’entraînement en plateau (6). ◆◆ Renforcement musculaire Outre la dyspnée et la fatigabilité à l’effort, la diminution de la force musculaire, notamment des membres supérieurs, gêne la qualité de vie des patients IC. L’association d’un entraînement en endurance et de séances de résistance segmentaire douce (combinaison d’exercices dynamiques et statiques) est préconisée (7). Cette association permet une amélioration de la force musculaire sans effets cliniques délétères ni détérioration de la fonction ventriculaire gauche, une amélioration des efforts sous-maximaux, ainsi que de la qualité de vie plus prononcée qu’en cas d’entraînement en endurance seul (8). Ces séances gymniques peuvent s’effectuer sur appareils spécifiques de musculation de type banc de Koch ou à l’aide de matériel gymnique simple tel que bandes élastiques ou bracelets lestés, plus faciles à utiliser à domicile. Le milieu aquatique peut également être utilisé chez des patients IC stabilisés, en effectuant des exercices lents en position debout, avec de l’eau au niveau du thorax et à thermoneutralité (environ 32 °C). Dans ces conditions, les effets combinés de la pression hydrostatique et de la réduction de la postcharge améliorent la fraction d’éjection et les pressions de remplissage ventriculaire gauche, tout en s’accompagnant d’une sensation de bienêtre (9). Ces études réalisées sur de petits effectifs nécessitent d’être étendues à des populations plus importantes (10). mise au point Chez les patients les plus déconditionnés, l’électromyostimulation représente une alternative intéressante, qui permet, sans sollicitation cardiovasculaire, une amélioration du métabolisme musculaire oxydatif, le développement des fibres de type I, et l’augmentation des capacités d’effort (pic VO2, test de marche de 6 minutes) [11]. Enfin, parallèlement au reconditionnement à l’effort, la prise en charge psychologique ne doit pas être oubliée chez ces patients angoissés par leur pathologie. Outre les effets favorables sur la qualité de vie, objectivés à partir d’échelles spécifiques (Minnesota Living with Heart Failure Questionnaire), la gestion du stress, au travers de séances de relaxation ou de gymnastique douce (de type yoga et tai-chi) aurait des conséquences bénéfiques sur la qualité du sommeil (12), les capacités d’effort ou les marqueurs de l’inflammation : interleukine 6, CRPus, superoxyde dismutase extra-cellulaire (13). Ces aspects psychologiques de la prise en charge des patients IC représentent donc une voie complémentaire à l’exercice très intéressante (tableau I). ◆◆ Cas particuliers des patients porteurs de défibrillateur implantable ou de resynchronisation En dépit d’une amélioration des performances ventriculaires gauches, la resynchronisation n’améliore pas ou peu le pic de consommation d’oxygène. Ces faits ont motivé des études visant à évaluer les bénéfices d’un entraînement physique chez ces patients. Une étude de R. Belardinelli (14) réalisée chez 52 patients porteurs d’un défibrillateur associé ou non à une resynchronisation a retrouvé des effets bénéfiques sur les capacités d’effort uniquement chez des patients réentraînés, une amélioration de la fraction d’éjection chez les patients resynchronisés et entraînés, et une amélioration du pic de VO2 ainsi qu’une meilleure vasodilatation dépendante de l’endothélium chez tous les patients entraînés. L’autre fait non négligeable est l’absence de survenue de troubles rythmiques dans ce groupe entraîné alors que dans le groupe contrôle, 8 patients ont reçu un choc approprié lié à une tachycardie ventriculaire (tableau II). Résultats de la réadaptation cardiaque des patients IC : impact sur le pronostic L’entraînement physique chez le patient IC va modifier de façon bénéfique les réponses adaptatives de l’organisme à la baisse du débit cardiaque, sans altérer le remodelage ventriculaire gauche (15). Ces effets sont ubiquitaires : – effets musculaires : avec amélioration de l’endurance, restructuration musculaire au profit des fibres lentes, accroissement du métabolisme oxydatif et diminution de l’ergo réflexe ; – effets vasculaires : amélioration de la vasodilatation dépendante de l’endothélium, effets positifs sur l’angiogenèse ; – effets neuro-hormonaux : amélioration de l’équilibre sympatho-vagal, de la variabilité sinusale, baisse des catécholamines circulantes et du BNP (tableau III). L’origine de ces modifications physiopathologiques serait la conséquence du shear stress vasculaire lié à l’augmentation du débit circulatoire induit par Tableau I. Exemples de programmes de réadaptation dans l’insuffisance cardiaque. Classe III NYHA Classe II NYHA – < 50 % VO2 théorique ou pic VO2 < 14 ml/mn/kg-1 – > 50 % VO2 théorique ou pic VO2 > 14 ml/mn/kg-1 – Seuil ischémique ou arythmique ≤ 60 watts – Seuil ischémique ou arythmique > 60 watts Éducation thérapeutique Prise en charge psychologique Kinésithérapie respiratoire Si amélioration – autonomie à la marche – électromyostimulation – résistance douce segmentaire – vélo sans charge ou avec charge peu élevée – endurance “classique” – gymnastique globale au sol ou en milieu aquatique Tableau II. Effets de l’entraînement après implantation d’un défibrillateur ± resynchronisateur (14). Groupe “Entraînement” (8 semaines, 60 % pic VO2) Population Groupe “Témoin” DAI n = 15 DAI + RCT n = 15 DAI n = 12 DAI + RCT n = 10 FE avant après 34 ± 6 33 ± 7 35 ± 5 42 ± 5* 33 ± 6 33 ± 6 33 ± 6 33 ± 6 Pic VO2 avant après 14,9 ± 2,5 17,2 ± 2,6* 14,6 ± 2,5 17,9 ± 2,3 * 16 ± 2,2 15,8 ± 2,2 15,5 ± 2 15,8 ± 2,1 TV 0 8 (p < 0,0001) DAI = défibrillateur automatique implantable ; FE = fraction d’éjection ; RCT = resynchronisateur ; TV = tachycardie ventriculaire. * p < 0,001. La Lettre du Cardiologue • n° 422 - février 2009 | 23 mise au point Réadaptation cardiovasculaire et insuffisance cardiaque Tableau III. Effets de la réadaptation cardiaque chez les patients IC. Exercice physique – Effets musculaires – Effets vasculaires (endothélium et vasodilatation) – Effets neuro-hormonaux • Variabilité sinusale • Fréquence cardiaque stable • BNP – Angiogenèse, myocardiogenèse = (?) Éducation thérapeutique – Amélioration de la compliance au traitement médicamenteux – Identification des symptômes et adaptation de la prise en charge ↓ ↓ Amélioration de la qualité de vie Augmentation des capacités physiques (pic VO2 + 15 à 25 %) Économie de la santé (réductions des hospitalisations) Tableau IV. Taux d’événements en analyse principale et après ajustement sur les facteurs pronostiques dans l’étude HF-ACTION. Critères Hazard-ratio IC95 p Principal : mortalité et hospitalisations toutes causes 0,93 0,84-1,02 0,13 Après ajustement 0,89 0,81-0,99 0,03 Secondaire : mortalité et hospitalisations de cause cardiovasculaire 0,92 0,83-1,03 0,14 Après ajustement 0,91 0,82-1,01 0,09 Secondaire : mortalité cardiovasculaire pour insuffisance cardiaque 0,87 0,75-1 0,06 Après ajustement 0,85 0,74-0,99 0,03 l’exercice. Ces forces de cisaillement se comportent comme un mécano-transducteur à l’origine notamment d’une majoration de la synthèse de NO, aux effets favorables sur l’agrégation plaquettaire, les phénomènes oxydatifs, la libération de facteurs de croissance tissulaire et la vasodilatation endothéliale (tableau III). Ces effets favorables de l’entraînement chez les patients IC ont-ils une traduction en termes de morbi-mortalité ? Une première réponse a été apportée par l’étude Extra Match (16), métaanalyse regroupant 801 patients (406 dans le groupe “contrôle” et 395 dans le groupe “exercice”) suivis en moyenne 705 jours après un entraînement d’au moins 8 semaines. Cette méta-analyse retrouvait une baisse significative de la mortalité chez les patients entraînés (HR = 0,65 [IC 95 : 0,46-0,92] p < 0,015), ainsi que sur le critère combiné décès et réhospitalisation (HR = 0,72 [IC95 : 0,56-0,93] p < 0,011). Ces effets étaient retrouvés quels que soient les sous-groupes considérés (âge, classe fonctionnelle NYHA, sexe, étiologie, fraction d’éjection ventriculaire gauche, pic VO2 initial). 24 | La Lettre du Cardiologue • n° 422 - février 2009 Néanmoins, cette méta-analyse ne regroupe que 9 études (à partir de 41 publications éligibles), avec une durée de suivi inférieure à un an pour 4 d’entre elles : c’est dans ce contexte que l’étude prospective HF-ACTION (Heart Failure: A Controlled Trial Investigating Outcomes of exercise traiNing) a été réalisée. Cette étude, présentée à l’AHA 2008, devait répondre aux questions non résolues liées aux limites des méta-analyses sus-citées. En effet, il s’agit du plus grand essai clinique randomisé visant à évaluer si la pratique régulière d’un exercice physique améliore le pronostic et la qualité de vie des patients IC, lors d’un suivi de trois années. Un total de 2 331 patients IC (classes NYHA II à IV, âge moyen 59 ans, fraction d’éjection < 35 %) ont été randomisés dans 82 centres (États-Unis, Canada et France) en 2 groupes : – un groupe a reçu des soins dits “usuels” mais a bénéficié d’un traitement médical optimal d’éducation thérapeutique et de conseils de pratique d’une activité physique régulière de 30 minutes par jour, avec appels téléphoniques de soutien tous les 3 mois ; – l’autre groupe a suivi en sus un programme d’activité physique structuré comprenant 36 séances supervisées de 30 minutes, 3 fois par semaine. Au bout de 18 séances, les patients ont reçu un ergomètre. Il leur était conseillé de s’entraîner 5 fois par semaine, pendant 40 minutes à domicile, à intensité modérée et fixée par le service. Les critères d’évaluation comprenaient : – en critère principal, l’association mortalité toutes causes et hospitalisations toutes causes ; – en critères secondaires, les décès et les hospitalisations de causes cardiovasculaires, les décès cardiovasculaires et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque. De plus, étaient colligées les complications médicales toutes causes et la qualité de vie. Après un suivi moyen de 2,5 ans, les taux d’événements concernant les critères principaux et secondaires n’étaient pas significativement différents entre les deux groupes. Néanmoins, après ajustement sur certains facteurs pronostiques préspécifiés (étiologie de l’insuffisance cardiaque, durée d’exercice, fraction d’éjection, échelle de dépression de Beck, antécédents familiaux) le critère composite primaire était réduit significativement de 11 %, et le critère composite secondaire de mortalité cardiovasculaire et hospitalisation pour insuffisance cardiaque de 15 % (tableau IV). En outre, le taux de complications médicales associant événements cardiovasculaires, chocs électriques, complications orthopédiques et fractures mise au point était similaire dans ces deux groupes, ce qui montrait l’innocuité de cet entraînement dans la population. La qualité de vie était notablement améliorée uniquement dans le groupe qui s’entraînait. Comment interpréter ces résultats ? Une concIusion hâtive – et dangereuse – pour nos patients serait de dire que les objectifs de l’étude n’ont pas été atteints et que l’entraînement physique, s’il est sans danger, ne fait qu’améliorer la qualité de vie et non la morbi-mortalité. En fait, les investigateurs ont placé la barre très haut dans cette étude, notamment en raison du groupe témoin. Ce groupe contrôle bénéficiait d’un traitement optimal, d’une qualité rarement retrouvée dans les études antérieures : 95 % de patients suivaient un traitement d’IEC ou d’ARA II, 95 %, de bêtabloquants, 45 %, de spironolactone et près de la moitié des patients étaient appareillés par défibrillateur ou resynchronisateur. Tous avaient reçu une éducation thérapeutique, et notamment des conseils d’activité physique régulière de 30 minutes par jour, avec coaching téléphonique régulier. En clair, peut-on réellement parler de groupe témoin ? Cela n’ajoute que plus de valeur aux résultats significatifs retrouvés après ajustement sur covariables préspécifiées en termes d’amélioration de la morbi-mortalité dans le groupe entraîné. L’autre enseignement de cette étude, qui confirme nos doutes et les difficultés à pratiquer la RC au quotidien, est l’adhésion à long terme de modifications du style de vie, concernant notamment l’activité physique : l’objectif ambitieux de HF-ACTION était d’atteindre 120 minutes d’exercice par semaine, mais seuls 30 % des patients ont réussi. La durée médiane hebdomadaire d’entraînement était de 74 minutes la première année, puis a chuté à 50 minutes, attestant de la difficulté à maintenir la motivation à long terme chez nos patients. La poursuite à long terme d’une activité physique régulière est néanmoins indispensable, les effets bénéfiques du reconditionnement disparaissent rapidement dès la troisième semaine de sédentarité. Ces résultats en demi-teinte, en raison des biais sus-cités, supportent néanmoins l’intérêt réel de l’entraînement de cette population. Conclusion La RC, au travers d’un reconditionnement à l’effort personnalisé et d’une éducation thérapeutique spécifique permet au patient IC d’améliorer sa symptomatologie, sa qualité de vie et son pronostic vital. Le bénéfice médico-économique est réel, lié pour l’essentiel à la diminution en nombre et en durée des réhospitalisations pour décompensation. Ces résultats favorables se retrouvent dans tous les sous-groupes, y compris ceux bénéficiant d’un traitement médical optimal ou d’un appareillage par défibrillateur ou resynchronisateur. La motivation à long terme reste le point délicat de cette prise en charge, et des suivis individualisés, notamment aidés par les nouvelles technologies en télémédecine, restent à développer. ■ Références bibliographiques 1.ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure 2008. 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