ENS Lyon 2013 - 2014 Master 1– Géométrie algébrique élémentaire Semaine du 31.03.2014 TD 8-Exemples de variétés projectives et de morphismes Dans ce TD (et dans la suite...) une variété affine est une variété quasi-projective isomorphe (comme variété quasi-projective) à un fermé algébrique d’un espace affine sur k. 0.1 Quelques exemples de morphismes Soit C la courbe d’équation x2 + y 2 = z 2 dans P2 . On définit F : C → P1 par F ([x : y : z]) = [x − z : y] si x 6= z et [y : −x − z] si x 6= −z. a) Montrer que F est un morphisme de variétés projectives. En déduire que toute conique irréductible de P2 est isomorphe à P1 . b) Montrer que les automorphismes de P1 sont de la forme [x : y] → [ax + by : cx + dy] pour une matrice inversible ac db . En déduire un isomorphisme Aut(P1 ) ' PGL2 (k). c) Montrer que f : P1 × P1 → P3 qui envoie ([x : y], [z : t]) sur [xz : xt : yz : yt] est un isomorphisme sur son image. 0.2 Un exemple très important Soit X ⊂ Pn une variété quasi-projective et soient f0 , ..., fm ∈ k[X0 , ..., Xn ] des polynômes homogènes de même degré, sans zéro commun dans X. Montrer que ϕ : X → Pm , p 7→ [f0 (p) : ... : fm (p)]. est un morphisme de variétés quasi-projectives. 0.3 Local-global Soit X une variété quasi-projective. Un ouvert affine de X est un ouvert U de X qui est une variété affine. On se propose de montrer que les ouverts affines de X forment une base pour la topologie de X. a) Montrer qu’il suffit de vérifier que toute variété quasi-affine X admet un recouvrement par des ouverts affines. b) Montrer que l’on peut supposer que X = Y − V (f ) pour un f ∈ k[Y ]. Prouver que dans ce cas X est une variété affine (et donc un ouvert affine de X...). c) Montrer que si H est un hyperplan de Pn , alors Pn − H est une variété affine. d) Montrer que A2 − {(0, 0)} est une variété quasi-projective qui n’est pas affine. 0.4 Produits de variétés quasi-projectives Soient m, n ≥ 1 et considérons l’application de Segre ψ : Pn × Pm → Pmn+m+n ψ(([a0 : ... : an ], [b0 : ... : bm ]) = ([a0 b0 : a0 b1 : ... : a0 bm : a1 b0 : ... : an bm ]). a) Montrer que ψ est bien définie et injective. b) Soit Σm,n l’image de ψ. Montrer que Σm,n est le fermé de Pmn+m+n défini par les équations zi,j zk,l = zi,l zk,j , où (zi,j )0≤i≤n,0≤i≤m sont les coordonnées homogènes sur Pmn+m+n . c) Soient X ⊂ Pn et Y ⊂ Pm des variétés quasi-projectives. Montrer que ψ(X × Y ) est une variété quasi-projective dans Pmn+m+n . Par définition, la structure de variété quasi-projective sur X × Y est celle obtenue en l’identifiant avec ψ(X × Y ). 1 d) Montrer que les fermés de Pn × Pm sont les zéros communs d’une famille de polynômes Fi ∈ k[X0 , ..., Xn , Y0 , ..., Ym ] qui sont bihomogènes (i.e. homogènes séparément en X0 , ..., Xn et Y0 , ..., Ym ). Décrire les fermés de Pn × Am . e) Montrer que X ×Y (en tant que variété quasi-projective) a la propriété universelle suivante : si Z est une variété quasi-projective, alors les morphismes de Z dans X × Y sont en bijection avec les paires de morphismes (Z → X, Z → Y ), via les projections naturelles X × Y → X et X × Y → Y . En particulier, la structure de variété quasi-projective sur X × Y définie ci-dessus ne dépend pas (à isomorphisme près) des plongements X ⊂ Pn et Y ⊂ Pm . f) Montrer que si X est une variété quasi-projective, alors la diagonale ∆X = {(x, x), x ∈ X} ⊂ X × X est fermée dans X × X. En déduire que si f : X → Y est un morphisme de variétés quasi-projectives, alors son graphe Γf = {(x, f (x)), x ∈ X} est fermé dans X × Y . g) En utilisant la question f), montrer que l’intersection de deux ouverts affines dans une variété quasi-projective est encore un ouvert affine. 0.5 Un théorème fondamental Cet exercice utilise les deux exercices précédents et le théorème d’élimination projective. a) Montrer que si X est une variété quasi-projective, alors la projection Pn × X → X est fermée (utiliser le fait que X admet un recouvrement ouvert affine). b) Montrer que si X est une variété projective (i.e. un fermé projectif) et si Y est une variété quasi-projective, alors l’image de tout morphisme f : X → Y est fermée dans Y . Indication : factoriser f : X → X × Y → Y et utiliser le fait que le graphe de f est fermé dans X × Y . c) En déduire que si X est un fermé projectif irréductible, alors O(X) = k (rappelons que O(X) désigne l’ensemble des fonctions régulières sur X). Indication : si f ∈ O(X), voir f comme morphisme f : X → A1 ⊂ P1 et utiliser le b). 0.6 Le plongement de Veronese Soient n, d ≥ 1 et posons N = n+d − 1. On note M0 , ..., MN les monômes homogènes de n degré d en X0 , ..., Xn , dans un certain ordre 1 . a) Montrer que l’application ρn,d : Pn → PN , p 7→ [M0 (p) : ... : MN (p)] est bien définie et injective. b) Montrer qu’il s’agit d’un morphisme de variétés projectives et vérifier que son image est fermée et donnée par des équations homogènes de degré 2 (donc l’image est une intersection de quadriques). c) Montrer que ρn,d est un isomorphisme sur son image. d) Montrer que si X est un fermé de Pn et si f ∈ k[X0 , ..., Xn ] est homogène non nul, alors X − V (f ) est un ouvert affine de X. En déduire que toute famille finie de points d’une variété quasi-projective X est contenue dans un ouvert affine de X. e) Soit X un fermé de Pn . Montrer que X peut être défini par des équations homogènes F1 = ... = Fk = 0, tous les Fi ayant le même degré, disons d. En déduire que X est isomorphe à ρn,d (Pn ) ∩ L, pour un sous-espace projectif convenable L de PN . Conclure que X est isomorphe à une variété projective qui est une intersection de quadriques ! f) On considère le cas particulier n = d = 2, donc ρ2,2 : P2 → P5 , [a : b : c] 7→ [a2 : ab : b2 : ac : bc : c2 ]. 1. On pourra s’amuser à vérifier qu’il y a vraiment N + 1 tels monômes. 2 5 Montrer que l’image de ρ2,2 est V (I) ⊂ P , où I est l’idéal engendré par les mineurs 2 × 2 de la X0 X1 X3 matrice X1 X2 X4 . X3 X4 X5 g) (plus difficile) Montrer que I est premier, et donc I = I(Im(ρ2,2 )). La surface Im(ρ2,2 ) s’appelle la surface de Veronese. 0.7 Morphismes finis de variétés quasi-projectives Soient X, Y des variétés quasi-projectives et soit ϕ : X → Y un morphisme. On dit que ϕ est fini si Y admet un recouvrement Y = ∪i Ui par des ouverts affines tels que ϕ−1 (Ui ) soit un ouvert affine de X et ϕ : ϕ−1 (Ui ) → Ui soit un morphisme fini de variétés affines 2 . I. On suppose que X, Y sont des fermés algébriques affines. On veut montrer que cette définition est compatible avec l’ancienne, i.e. si ϕ : X → Y est un morphisme fini avec la définition ci-dessus, alors k[X] est un k[Y ]-module de type fini. a) Montrer qu’il existe fi ∈ k[Y ] tels qu’en posant Ui = D(fi ) := Y − V (fi ), on ait un recouvrement satisfaisant encore les conditions dans la définition d’un morphisme fini. Indication : partir d’un recouvrement Ui comme dans la définition d’un morphisme fini et choisir fi tels que D(fi ) ⊂ Ui . b) Expliquer pourquoi k[X][1/ϕ∗ (fi )] est un k[Y ][1/fi ]-module de type fini pour tout i et l’idéal engendré par les fi est k[Y ]. c) Conclure. II. On se propose de démontrer le théorème fondamental suivant : • Soit X un fermé de Pn et soient f0 , f1 , ..., fd des polynômes homogènes de même degré, sans zéro commun dans X. Alors le morphisme ϕ : X → ϕ(X) ⊂ Pd , x 7→ [f0 (x) : f1 (x) : ... : fd (x)] est fini. a) En utilisant un plongement de Veronese, expliquer pourquoi on peut supposer que les fi sont de degré 1, ce que l’on supposera dans la suite. b) On note Vi = ϕ(X) ∩ Ui , où Ui est la carte usuelle sur Pd . Expliquer pourquoi les Vi forment un recouvrement de ϕ(X) par des ouverts affines, tels que ϕ−1 (Vi ) soit un ouvert affine de X. c) On veut montrer que ϕ : ϕ−1 (Vi ) → Vi est fini. i) Montrer qu’il suffit de prouver l’assertion suivante : pour tout m ≥ 0 et G ∈ k[X0 , ..., Xn ] homogène de degré m il existe F ∈ k[t0 , ..., td , td+1 ] homogène, unitaire comme polynôme en td+1 et tel que F (f0m , ..., fdm , G) = 0 sur X. ii) En considérant l’image du morphisme X → Pd+1 , x → [f0m (x) : ... : fdm (x) : G(x)] et l’hypothèse que les fi sont sans zéros communs dans X, démontrer l’existence de F . III. En utilisant II, démontrer que pour tout fermé irréductible X de Pn on peut trouver un morphisme fini surjectif X → Pd pour un certain d. 0.8 La Grassmanienne Soit V un k-espace vectoriel de dimension n. On note Gr(r, n) l’ensemble des sous-espaces vectoriels de dimension r de V . On choisit une base e1 , ..., en de V , ce qui fait que les ei1 ∧ ... ∧ eir (pour 1 ≤ i1 < ... < ir ≤ n) forment une base de ∧r (V ). Cela permet d’identifier P(∧r V ) = 2. Par définition, cela veut dire que si on choisit des isomorphismes de variétés quasi-projectives ϕ−1 (Ui ) ' Zi et Ui ' Ti , avec Zi , Ti des fermés algébriques affines, alors le morphisme induit par f entre Zi et Ti est fini, i.e. k[Zi ] est entier sur k[Ti ]. Noter que cela ne dépend pas du choix des isomorphismes choisis, car tout isomorphisme de fermés algébriques affines est un morphisme fini et que les morphismes finis sont stables par composition. 3 n P( r )−1 et on note (pi1 ,...,ir ) les coordonnées homogènes sur cet espace projectif. Si t ∈ ∧r (V ), on note L(t) = {v ∈ V |t ∧ v = 0}. I. (algèbre multilinéaire) On fixe un sous-espace L de V , de dimension r. a) Montrer que ∧r (L) est une droite dans ∧r (V ). On note [L] le point de P(∧r (V )) correspondant à cette droite. Décrire les coordonnées homogènes de [L] en termes des mineurs de taille maximale de la matrice d’une base de L dans e1 , ..., en . b) Montrer que si t ∈ ∧r (V ) est une base de la droite ∧r (L), alors L = L(t). En déduire que l’application L → [L] est une injection Gr(r, n) → P(Λr V ) (plongement de Plucker). c) Montrer que Gr(r, n) est en bijection avec l’ensemble des matrices A ∈ Mr,n (k) de rang maximal, modulo l’action à gauche de GLr (k). Vérifier que le plongement de Plucker Gr(r, n) → n P(Λr (V )) ' P( r )−1 envoie la classe d’une matrice A sur la collection de ses mineurs de taille r × r. d) Montrer que l’image de Gr(r, n) dans P(∧r (V )) est l’ensemble des droites engendrées par des vecteurs décomposables, i.e. de la forme f1 ∧ ... ∧ fr , avec f1 , ..., fr une famille libre de V . e) Montrer que t ∈ ∧r (V ) est décomposable si et seulement si dim L(t) ≥ r, ou encore si et seulement si l’application linéaire Tt : V → ∧r+1 (V ), v →t∧v a rang inférieur ou égal à n − r. II (structure de variété algébrique sur Gr(r, n)). a) En utilisant I, montrer que l’image du plongement de Plucker est un fermé algébrique de P(∧r (V )), défini par des polynômes homogènes de degré n − r + 1, à coefficients entiers. On identifie dans la suite Gr(r, n) avec son image par le plongement de Plucker, ce qui permet de voir Gr(r, n) comme variété projective. b) On note Ui1 ,...,ir la carte affine de P(∧r (V )) définie par pi1 ,...,ir 6= 0 (pi1 ,..,ir sont les coordonnées homogènes sur P(∧r (V ))). Montrer que Ui1 ,...,ir ∩ Gr(r, n) est isomorphe (comme variété quasi-projective) à Ar(n−r) . c) Montrer que les Ui1 ,...,ir ∩ Gr(r, n) sont deux à deux non disjoints. Conclure que Gr(r, n) est irréductible. d) (plus difficile) Montrer que Gr(2, 4) (qui classifie les droites projectives dans P3 ) est isomorphe à la quadrique d’équation p1,2 p3,4 − p1,3 p2,4 + p1,4 p2,3 = 0 dans P5 . 0.9 La cubique tordue On note C l’image du plongement de Veronese P1 → P3 (rappelons qu’il envoie [a : b] sur [a3 : a2 b : ab2 : b3 ]). a) Montrer que C est l’intersection de 3 quadriques : V (X0 X2 − X12 ), V (X0 X3 − X1 X2 ) et V (X1 X3 − X22 ). b) Montrer que l’intersection de deux quelconques parmi ces quadriques est la réunion de C et d’une droite. c) Montrer que C est l’intersection de deux hypersurfaces. 4