Synthèse Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil 2015 ; 13 (1) : 31-5 Interprétation et pratiques autour du terme « contention chimique » : étude qualitative auprès de 50 professionnels de santé Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Representation and practice about «chimical restraints»: qualitative study with 50 health worker Brice Colombier1 Sophie Moulias2,3 Niccolo Curatolo2 Tristan Cudennec2 Florence Muller1 Delphine Preulier1 Laurent Teillet1,2 1 Soins de suite et de réadaptation gériatrique, Hôpital Sainte Périne, Hôpitaux universitaires Paris Île de France Ouest, AP-HP <[email protected]> 2 Unité de court séjour gériatrique, Hôpital Ambroise Paré, Hôpitaux universitaires Paris Île de France Ouest, AP-HP, Université de Versailles Saint Quentin 3 Laboratoire d’éthique médicale, Université Paris Descartes Tirés à part : B. Colombier Résumé. Le terme « contention chimique », en anglais chemical restraints, semble être utilisé en pratique, mais de perception hétérogène entre les différents professionnels de santé français. Il se rapproche, dans la littérature, de l’utilisation des psychotropes pour les comportements perturbateurs. La méthode de recherche qualitative basée sur des entretiens semi-dirigés a pour objectif de décrire la compréhension du terme « contention chimique » auprès du personnel médical et paramédical en gériatrie. Ce terme est compris, peu employé au quotidien, inexact pour certains car « les médicaments n’attachent pas ». Le terme « contention physique » a une réalité plus visible. Le terme « sédation de symptômes psychocomportementaux » est plus usité et de connotation moins culpabilisante. En pratique, la contention chimique peut correspondre à l’utilisation en urgence de benzodiazépines ou neuroleptiques, par voie injectable, avec des posologies permettant la sédation d’un patient sans son consentement. Mots clés : contention chimique, neuroleptique, benzodiazépine, contrôle des troubles du comportement Abstract. The term « chemical restraints » seems to be used in medical practice, but do not have the same meaning for all French health care professionals. In available literature it is considered as use of psychotropic medications for behavioral disorders. We used qualitative research method based on semi-directive interviews, in order to better understand meaning of « chemical restraint » term for geriatric medical and paramedical personnel. This term is well understood, rarely used, wrong for some professional because « drugs do not hold ». The term of « physical restraint » has a more tangible reality. The term of « sedation of psychocomportemental troubles » is more common and seems to have a less pejorative connotation. In practice chemical restraint may correspond to emergency use of benzodiazepines or neuroleptics by injection at doses leading to the patient’s sedation without his consent. Key words: chemical restraints, major/minor tranquilisers, neuroleptic, benzodiazepine, control behavior doi:10.1684/pnv.2015.0521 L e terme « contention chimique » est historiquement lié au développement de la psychiatrie. Depuis la création des asiles en 1838 avec le mouvement des « aliénistes », des médecins comme Pinel puis Esquirol se sont intéressés aux troubles du comportement. Le statut de « malade » a remplacé celui de « fou » avec l’apparition d’une réflexion sur sa prise en charge et la volonté d’accompagner voire de guérir. Il faudra attendre les années 1950, avec les progrès de la pharmacologie, pour voir apparaître les premiers neuroleptiques. Ceux-ci ont été accueillis avec crainte par certains psychiatres, notamment Baruk, qui les qualifiait de « camisole chimique ». Concernant la contention, les définitions sont récentes. En France, l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes) a publié en 2000 un guide des pratiques professionnelles intitulé « Limiter les risques de la contention physique de la personne âgée », dans lequel sont distinguées les contentions physiques posturales, actives et passives. D’autres approches parlent de contention architecturale, psychologique ou relationnelle et de contention pharmacologique ou chimique. En 2002, le ministère québécois de la santé et des services sociaux a publié des orientations ministérielles relatives à l’utilisation exceptionnelle des mesures de contrôle, au nombre de trois : l’isolement, la contention et les Pour citer cet article : Colombier B, Moulias S, Curatolo N, Cudennec T, Muller F, Preulier D, Teillet L. Interprétation et pratiques autour du terme « contention chimique » : étude qualitative auprès de 50 professionnels de santé. Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil 2015 ; 13(1) : 31-5 doi:10.1684/pnv.2015.0521 31 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. B. Colombier, et al. substances chimiques [1]. Cette dernière se définit comme le fait de limiter la capacité d’action d’une personne en lui administrant un médicament. Dans les textes officiels, le terme de contention chimique n’existe pas. La conférence de consensus de la Société française de médecine d’urgence de 2002 sur « L’agitation en urgence » parle de sédation pharmacologique du patient agité. La Haute autorité de santé (HAS) a publié en 2005 des recommandations sur les « Modalités de prise de décision concernant l’indication en urgence d’une hospitalisation sans consentement d’une personne présentant des troubles mentaux », dans lesquelles est utilisé le terme de sédation d’emblée indispensable. Dans les recommandations de 2009 sur la « Confusion aiguë chez la personne âgée : prise en charge initiale de l’agitation » et « Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées : prise en charge des troubles du comportement perturbateurs », les experts décrivent des traitements médicamenteux symptomatiques de courte durée ou des interventions médicamenteuses par des psychotropes. Pourtant, il semble que ce terme de « contention chimique » soit utilisé en pratique courante et dans la littérature anglo-saxonne sous le terme chemical restraints. Une étude préliminaire réalisée en unité de gériatrie aiguë, en pneumologie et en chirurgie vasculaire à l’hôpital Ambroise Paré à Boulogne Billancourt (Hauts de Seine) en octobre 2012 montrait une hétérogénéité de perception de la contention chimique entre médecins et infirmiers [2]. Le mode de prescription en « si besoin » était majoritaire, laissant à l’appréciation de l’infirmier le choix d’administrer ou non le psychotrope, le plus souvent une benzodiazépine. Qu’entendent les professionnels de santé par le terme « contention chimique » ? Il nous a semblé pertinent d’approfondir ce questionnement par une étude qualitative réalisée auprès de différents professionnels de santé et ayant comme objectif de définir la « contention chimique ». Matériels et méthodes Nous avons utilisé une méthode de recherche qualitative basée sur des entretiens semi-dirigés selon la description de Kaufmann, afin de permettre un recueil des opinions sur la contention chimique sans imprimer à leur expression la rigidité de questionnaires aux questions fermées [3]. L’identification des thèmes à aborder et l’élaboration du guide d’entretien s’est faite en parallèle d’une recherche bibliographique à partir des bases de données Pubmed, Google Scholar et de la Bibliothèque InterUniversitaire de 32 Médecine. Les mots clés utilisés étaient « contention », « contention chimique », « neuroleptique », « benzodiazépine », « contrôle des troubles du comportement », « agitation » et les références anglo-saxonnes : « restraint », « chemical restraints », « major tranquilisers », « minor tranquilisers », « neuroleptic », « benzodiazepine », « control behaviour », « agitation ». Le guide d’entretien semi-dirigé permettait au répondeur de s’exprimer sur sa définition, son imaginaire et sa pratique de la contention chimique. Il a été élaboré de façon monodisciplinaire par deux médecins. La population cible était pluridisciplinaire, comprenant des médecins et du personnel paramédical, avec un nombre de personnes interrogées suffisant pour arriver à saturation théorique. L’étude a été réalisée essentiellement à l’hôpital gériatrique Sainte Périne, à Paris. Des formations sur la contention physique ont été réalisées ces dernières années. Comme pour tout hôpital gériatrique, les équipes sont sensibilisées à l’usage des psychotropes, sans pour autant qu’il existe de recommandations spécifiques. Les entretiens étaient enregistrés par un même médecin exerçant dans l’hôpital, connaissant parfois les personnes interrogées, à l’aide d’un magnétophone et retranscrits manuellement en verbatim. Une analyse catégorielle thématique des données a été réalisée selon la méthodologie de Deschamps [4]. Ceci consiste à tirer un sens général de l’ensemble de la description puis de reconnaître des unités de signification afin de réaliser une synthèse dans le respect du phénomène considéré, et décrire la structure typique du phénomène. Une deuxième lecture a été réalisée par un deuxième médecin gériatre du groupe hospitalier. Résultats Au total 50 entretiens ont été réalisés entre le 31 mai et le 21 juin 2013 majoritairement à l’hôpital Sainte Périne (Paris), chacun durant de 12 à 90 minutes, soit un total de 22h30 d’enregistrement. Les personnes interrogées, âgées de 23 à 64 ans, étaient majoritairement des femmes (70 % contre 30 % d’hommes). Vingt-huit sont médecins, à différentes étapes de leurs formations, dont un externe, trois internes et deux PUPH de gériatrie. Douze sont gériatres exerçant pour quatre en unité de gériatrie aiguë (UGA), quatre en soin de suite et réadaptation (SSR), deux en unité de soin de longue durée (USLD), un en équipe mobile et un en psychogériatrie. Les autres médecins interrogés sont trois psychiatres, deux médecins en soins palliatifs, deux généralistes, un urgentiste, un chirurgien orthopédiste, un réanimateur pédiatre, un neurologue et un radiologue. Sept personnes sont infirmiers et huit Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 13, n ◦ 1, mars 2015 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Interprétation et pratiques autour du terme « contention chimique » aides-soignants majoritairement en SSR de jour. Trois psychologues, une psychomotricienne, une ergothérapeute, une kinésithérapeute et une pharmacienne ont complété cet échantillon de professionnels de santé. Il n’y a pas eu de refus d’entretien. Ce qui ressort des entretiens est la grande hétérogénéité de perception du terme « contention chimique ». La première difficulté est celle de sa définition. Ce terme est compris, peu employé au quotidien, inexact pour certains : « les médicaments n’attachent pas ». Le terme de contention physique est plus admis par l’ensemble des professionnels de santé puisqu’il a une réalité visible. Pour certains, la contention chimique est une contention physique sans lien mais avec des médicaments. D’autres évoquent le contrôle psychique exercé par les psychotropes. Certains enfin voient un lien avec d’autres termes utilisés dans leurs pratiques : prémédication, sédation-analgésie, sédation de symptômes psycho-comportementaux, traitement des comportements perturbateurs. C’est un terme non accepté par quelques-uns, majoritairement des médecins : « je n’ai pas l’impression de faire de la contention chimique », « je ne l’emploie pas, je n’ai jamais employé et je n’ai pas envie d’employer ». La contention chimique est culpabilisante pour le soignant qui la pratique et dramatique pour le patient qui la subit. C’est parler du « malade emmerdant », c’est répondre « avant d’avoir posé le problème ». Les professionnels de santé expriment la violence du terme : « image terrible », « sadique », « pas une bonne intention ». Cette connotation négative pourrait expliquer la non-appropriation de ce terme par près d’un tiers des répondeurs. D’autres évoquent une pratique insidieuse : « on va plutôt se cacher sous des mots [. . .] des noms de molécules », « on le fait plus souvent qu’on ne le pense ». Tout comme la contention physique, cette pratique interroge le pouvoir médical. Il semble exister tout un gradient de contention chimique allant de la « faible », « légère », « douce » à « l’intermédiaire » et jusqu’à la contention « lourde ». Les circonstances sont différentes allant de la contention « ponctuelle pour le confort » du patient, celle d’« urgence », la contention « chronique » jusqu’à celle de « complaisance » pour l’entourage. En pratique, la contention chimique se définit volontiers pour certains comme l’utilisation de benzodiazépines ou neuroleptiques surtout, par voie injectable, à forte posologie, avec un effet sédatif franc, sans le consentement du patient (forcé ou caché), dans un objectif de contrôle physique et psychique. D’autres l’assimilent à une surprescription ou abus de psychotrope à opposer à une prescription adaptée. Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 13, n ◦ 1, mars 2015 Les circonstances de prescription sont souvent dans l’urgence, bien que 32 % pensent qu’elle peut se justifier en chronique, pour des symptômes d’agitation ou d’agressivité, avec un risque d’acte auto- ou hétéroagressif, dans le cadre de pathologies psychiatriques, démentielles ou de syndromes confusionnels. Parfois la contention se justifie pour réaliser un examen clinique ou paraclinique ou mettre en route un traitement. Elle questionne lorsque sa justification est l’environnement inadapté ou le sentiment d’incapacité ou de lassitude de l’entourage. L’ensemble des professionnels de santé centre l’objectif de la contention sur le patient. Celle-ci permet de calmer un comportement, une agitation, une anxiété. . . mais peut aussi protéger, sécuriser, maîtriser, permettre une meilleure organisation du service. La frontière entre soin et privation de liberté est ténue. Un environnement tolérant et ayant les moyens d’accepter certains troubles du comportement est important. Les molécules citées sont dans 60 % des entretiens l’utilisation de neuroleptiques avec la loxapine (32 %), l’halopéridol (28 %) et la risperidone (22 %) et dans 58 % les benzodiazépines avec l’alprazolam (38 %), le midazolam (18 %), l’oxazépam (10 %). Vingt-huit pour cent des répondeurs, majoritairement les paramédicaux, mais aussi quelques médecins, ne connaissent pas le nom des médicaments utilisables. La voie privilégiée est la voie orale : « il ne faut pas rajouter de la violence à la violence ». Le choix de prescription est fonction de la formation, des recommandations et des habitudes. Les psychiatres, par exemple, utilisent de fortes doses d’emblée pour éviter des situations embarrassantes où il faut réinjecter un patient agressif avec 5 personnes pour le maintenir, alors que les gériatres préconisent de petites doses pour évaluer la tolérance. D’autres classes médicamenteuses ont été citées comme les anesthésiants, les antihistaminiques, les antalgiques, les antidépresseurs, les antiépileptiques et les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase. Discussion Cette étude qualitative, complémentaire d’une étude préliminaire que nous avions conduite en 2012, confirme l’hétérogénéité de la perception de la contention chimique par les professionnels de santé, notamment en ce qui concerne la prescription des psychotropes [2]. Les limites à la portée des résultats sont liées à la durée parfois très réduite des entretiens, notamment avec les aides-soignants, le côté monodisciplinaire de la rédaction 33 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. B. Colombier, et al. du guide d’entretien, de la réalisation des entretiens et de l’analyse, ainsi que le rapport hiérarchique avec certains des interviewers. On distingue deux niveaux de lecture : d’une part concernant la définition de « contention chimique » et, d’autre part, concernant la pratique se rapportant à ce terme. À travers l’analyse des entretiens, il semble que la contention chimique soit un terme qui est utilisé mais dont l’interprétation varie en fonction de la personne interrogée. La terminologie chemical restraints, que les auteurs américains utilisent sans remise en question, a un sens différent selon l’interlocuteur. Pour certains, elle est une réalité pratique sous des termes plus usités comme sédation ou traitements des troubles psycho-comportementaux. Pour d’autres, elle renvoie à une pratique insidieuse se révélant lorsqu’on la recherche ou un usage hors recommandation et parfois inadapté de psychotropes. L’ensemble des professionnels de santé ne s’accordent pas sur une définition unanime de ce terme à la connotation plutôt négative, même au sein d’une profession. Certains n’y ont même pas recours ou ne désirent pas l’utiliser, notamment les médecins, le vocabulaire médical étant assez riche pour s’en passer. En pratique, la contention chimique correspond le plus souvent à la prescription de benzodiazépines et de neuroleptiques. Il semble néanmoins que le choix de l’halopéridol retrouvé dans 28 % des entretiens ne soit pas le plus pertinent, contrairement aux antipsychotiques atypiques sur de courtes durées [5, 6]. Certains espèrent une molécule idéale : d’administration simple, d’action rapide, de courte durée de vie, sans effet secondaire, permettant un contrôle du patient sans risque pour lui ou autrui. Il semble alors que le danger soit de négliger toute la démarche étiologique et de passer à côté d’un diagnostic vital pour le patient. Vingt-huit pour cent des professionnels de santé interrogés sont incapables de citer le nom des molécules utilisées. Ceci interroge sur la réalité de la discussion pluridisciplinaire autour de la contention chimique et la capacité d’alerte de ces professionnels sur les prescriptions leur semblant inappropriées. La prescription possible en chronique évoquée dans 32 % des entretiens et l’extension à d’autres classes médicamenteuses comme les antidépresseurs, les antiépileptiques ou les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase, questionnent sur la compréhension de l’utilisation des psychotropes au sens large. Certains troubles du comportement sont causés par des maladies psychiatriques ou neurodégénératives, donc pouvant être chroniques, nécessitant un lieu et une prise en charge adaptés, souvent 34 psychocomportementale, afin de limiter des traitements aux effets secondaires non négligeables. Aucune recommandation ne permet de justifier la prescription de ces trois dernières classes médicamenteuses pour l’agitation dans la démence [7, 8]. Les indications dans ces recommandations reposent sur des accords professionnels et sont le plus souvent hors AMM. L’intérêt de protocole ou de prescriptions anticipées individuelles pour normaliser les pratiques reste à démontrer. Une réflexion collective autour de ce terme pourrait permettre une confrontation des différentes logiques et attitudes concernant la prescription des psychotropes, de discuter de manière multidisciplinaire d’éventuelles alternatives, de permettre de rester vigilant pour réévaluer ces prescriptions plus « cachées » que la contention physique, afin de toujours rester dans le soin approprié et de ne pas glisser vers la maltraitance. Des facteurs de risques d’utilisation de la contention sont connus [9]. Ceux-ci sont liés aux patients : grand âge, déficit cognitif, perte d’autonomie fonctionnelle, instabilité à la marche, agitation, comportement perturbateur, errance et fugue, manque de collaboration aux soins. Mais il existe aussi de nombreux facteurs de risques possiblement modifiables liés aux établissements, comme le manque de ressources humaines ou financières ou un environnement physique inadéquat, ou liés aux proches et aux professionnels de santé, comme la méconnaissance de la problématique dont les fausses croyances quant à l’efficacité de la contention, la préséance de la sécurité sur la liberté de l’individu, l’intolérance face à l’agitation et aux comportements perturbateurs. La formation de l’ensemble des professionnels de santé, de l’entourage et le maintien des compétences sur la prise en charge des troubles du comportement semblent un enjeu important pour diminuer la contention chimique et physique. Les alternatives non médicamenteuses ne sont pas toujours exploitées malgré leurs pertinences, bien que leurs évaluations ne soient pas toujours évidentes [10, 11]. Il semble même que l’incidence des états d’agitation diminue lorsque l’intensité de l’agitation est mesurée à l’aide d’outils cliniques standardisés [12]. Le problème de la contention chimique, ainsi que la contention physique, n’est pas seulement un problème de compétence pour faire le bon diagnostic, ou pour choisir le bon endroit de prise en charge et le bon traitement. Il est plutôt de confronter différentes logiques et valeurs entre celles centrales du patient, n’ayant souvent pas les moyens de consentir de manière éclairée ou étant dans une situation imposant l’action de son entourage, et celles des soignants, de la famille, voire de l’institution Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 13, n ◦ 1, mars 2015 Interprétation et pratiques autour du terme « contention chimique » Points clés Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. • Le terme de « contention chimique » est perçu de manière hétérogène par les différents acteurs de soin. • Il existe une polémique sémantique autour de la terminologie et un questionnement sur l’usage des psychotropes pour contrôler les symptômes psychocomportementaux. ou de la société. Du point de vue légal, nous sommes souvent partagés entre la protection des libertés individuelles, affirmée par les chartes des patients et la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner, et l’obligation d’intervention devant la mise en danger d’autrui. Le terme de contention chimique suscite de nombreuses questions. Jusqu’où doit-on assurer la sécurité de la personne ? Quel niveau de risque est acceptable ? Comment prendre à bon escient la décision d’entraver la liberté individuelle ? Quels troubles cognitifs ou psychiques justifient cette prescription ? Quand protège-t-on un patient et quand lui fait-on du tort ? Conclusion Il existe une polémique sémantique autour de la terminologie « contention chimique » qui ne semble pas exister chez les auteurs américains utilisant le terme « chemical restraints ». La « contention chimique » est utilisée dans la pratique des professionnels de santé mais semble difficile à définir et reste d’interprétation hétérogène, entre contrôle physique et psychique. Plusieurs médecins rejettent cette dénomination, préférant le terme plus médical de sédation des troubles psychocomportementaux. En pratique, elle correspond à l’utilisation de psychotropes dans les troubles du comportement perturbateurs, dans des situations souvent complexes qui imposent une action rapide, avec une balance bénéfice/risque parfois difficile à estimer. L’enjeu est de développer une réflexion collective autour de ces situations, pour rester dans le soin approprié, favoriser les prises en charge personnalisées non médicamenteuses et utiliser les psychotropes de manière pertinente. Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article. Références Alzheimer’s CD003476. 1. Québec G. Orientations ministérielles relatives à l’utilisation exceptionnelle des mesures de contrôle : contention, isolement et substances chimiques. Qué Ministère Santé Serv Sociaux 2002. 7. Seitz DP, Adunuri N, Gill SS, Gruneir A, Herrmann N, Rochon P. Antidepressants for agitation and psychosis in dementia. Cochrane Database Syst Rev 2011 ; 2 : CD008191. 2. Curatolo N, Colombier B, Chinet T, Goeau-Brissonniere O, Teillet L, Lemercier F, et al. GRP-190 Use of tranquillisers and restraint in a French teaching acute care hospital. Eur J Hosp Pharm Sci Pract 2013 ; 20 (Suppl. 1) : A68-168. 8. Lonergan E, Luxenberg J. 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