
Journal Identification = PNV Article Identification = 0521 Date: February 28, 2015 Time: 10:50 am
Interprétation et pratiques autour du terme «contention chimique »
aides-soignants majoritairement en SSR de jour. Trois psy-
chologues, une psychomotricienne, une ergothérapeute,
une kinésithérapeute et une pharmacienne ont complété
cet échantillon de professionnels de santé. Il n’y a pas eu
de refus d’entretien.
Ce qui ressort des entretiens est la grande hétérogé-
néité de perception du terme «contention chimique ».La
première difficulté est celle de sa définition. Ce terme est
compris, peu employé au quotidien, inexact pour certains :
«les médicaments n’attachent pas ».
Le terme de contention physique est plus admis
par l’ensemble des professionnels de santé puisqu’il a
une réalité visible. Pour certains, la contention chimique
est une contention physique sans lien mais avec des
médicaments. D’autres évoquent le contrôle psychique
exercé par les psychotropes. Certains enfin voient un lien
avec d’autres termes utilisés dans leurs pratiques : pré-
médication, sédation-analgésie, sédation de symptômes
psycho-comportementaux, traitement des comportements
perturbateurs.
C’est un terme non accepté par quelques-uns, majoritai-
rement des médecins : «je n’ai pas l’impression de faire de
la contention chimique »,«je ne l’emploie pas, je n’ai jamais
employé et je n’ai pas envie d’employer ». La contention
chimique est culpabilisante pour le soignant qui la pratique
et dramatique pour le patient qui la subit. C’est parler du
«malade emmerdant », c’est répondre «avant d’avoir posé
le problème ». Les professionnels de santé expriment la
violence du terme : «image terrible »,«sadique »,«pas
une bonne intention ». Cette connotation négative pourrait
expliquer la non-appropriation de ce terme par près d’un
tiers des répondeurs. D’autres évoquent une pratique insi-
dieuse : «on va plutôt se cacher sous des mots [...] des
noms de molécules »,«on le fait plus souvent qu’on ne le
pense ».
Tout comme la contention physique, cette pratique inter-
roge le pouvoir médical. Il semble exister tout un gradient
de contention chimique allant de la «faible »,«légère »,
«douce »à«l’intermédiaire »et jusqu’à la contention
«lourde ». Les circonstances sont différentes allant de la
contention «ponctuelle pour le confort »du patient, celle
d’«urgence », la contention «chronique »jusqu’à celle de
«complaisance »pour l’entourage.
En pratique, la contention chimique se définit volontiers
pour certains comme l’utilisation de benzodiazépines ou
neuroleptiques surtout, par voie injectable, à forte poso-
logie, avec un effet sédatif franc, sans le consentement
du patient (forcé ou caché), dans un objectif de contrôle
physique et psychique. D’autres l’assimilent à une sur-
prescription ou abus de psychotrope à opposer à une
prescription adaptée.
Les circonstances de prescription sont souvent dans
l’urgence, bien que 32 % pensent qu’elle peut se jus-
tifier en chronique, pour des symptômes d’agitation ou
d’agressivité, avec un risque d’acte auto- ou hétéroagressif,
dans le cadre de pathologies psychiatriques, démentielles
ou de syndromes confusionnels. Parfois la contention se
justifie pour réaliser un examen clinique ou paraclinique ou
mettre en route un traitement. Elle questionne lorsque sa
justification est l’environnement inadapté ou le sentiment
d’incapacité ou de lassitude de l’entourage.
L’ensemble des professionnels de santé centre
l’objectif de la contention sur le patient. Celle-ci permet
de calmer un comportement, une agitation, une anxiété...
mais peut aussi protéger, sécuriser, maîtriser, permettre
une meilleure organisation du service. La frontière entre
soin et privation de liberté est ténue. Un environnement
tolérant et ayant les moyens d’accepter certains troubles
du comportement est important.
Les molécules citées sont dans 60 % des entretiens
l’utilisation de neuroleptiques avec la loxapine (32 %),
l’halopéridol (28 %) et la risperidone (22 %) et dans 58 %
les benzodiazépines avec l’alprazolam (38 %), le midazo-
lam (18 %), l’oxazépam (10 %). Vingt-huit pour cent des
répondeurs, majoritairement les paramédicaux, mais aussi
quelques médecins, ne connaissent pas le nom des médi-
caments utilisables. La voie privilégiée est la voie orale :
«il ne faut pas rajouter de la violence à la violence ».
Le choix de prescription est fonction de la formation, des
recommandations et des habitudes. Les psychiatres, par
exemple, utilisent de fortes doses d’emblée pour éviter des
situations embarrassantes où il faut réinjecter un patient
agressif avec 5 personnes pour le maintenir, alors que
les gériatres préconisent de petites doses pour évaluer la
tolérance.
D’autres classes médicamenteuses ont été citées
comme les anesthésiants, les antihistaminiques, les antal-
giques, les antidépresseurs, les antiépileptiques et les
inhibiteurs de l’acétylcholinestérase.
Discussion
Cette étude qualitative, complémentaire d’une étude
préliminaire que nous avions conduite en 2012, confirme
l’hétérogénéité de la perception de la contention chi-
mique par les professionnels de santé, notamment
en ce qui concerne la prescription des psychotropes
[2].
Les limites à la portée des résultats sont liées à la durée
parfois très réduite des entretiens, notamment avec les
aides-soignants, le côté monodisciplinaire de la rédaction
Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 13, n ◦1, mars 2015 33
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